Insee Analyses NormandieEn 25 ans, les disparités territoriales de revenu se sont accentuées en Normandie

Jonathan Brendler, Camille Hurard (Insee)

Entre 1990 et 2015, la répartition spatiale des revenus est devenue plus inégale entre les communes de Normandie. Le renforcement de ces disparités situe la Normandie dans une position médiane par rapport aux autres régions. Les différences entre les communes urbaines restent la principale source des disparités de revenu entre communes. Mais la tendance au creusement de ces disparités procède avant tout du phénomène de périurbanisation. En corollaire de ces évolutions, la ségrégation spatiale se renforce, se traduisant par des ensembles de communes semblables et contiguës, favorisées comme défavorisées, qui ont tendance à s’étendre sur le territoire régional au cours des 25 dernières années.

Insee Analyses Normandie
No 73
Paru le :Paru le17/12/2019
Jonathan Brendler, Camille Hurard (Insee)
Insee Analyses Normandie No 73- Décembre 2019

En un quart de siècle, le paysage socio-démographique de la Normandie a connu des transformations notables. La périurbanisation a produit ses effets et s’est accélérée en certains endroits du territoire. Ce mouvement, qui se traduit concrètement par l’accession à la propriété d’une partie de la population urbaine en périphérie des villes, peut être vecteur d’une forme de ségrégation spatiale. Au même moment, la désindustrialisation affecte plus spécifiquement certaines parties de la région, notamment le long de la vallée de la Seine, en lien avec son fort ancrage industriel. Elle s’accompagne d’un taux de chômage structurellement plus élevé au sein de ces territoires. Le phénomène de métropolisation, entendu comme la capacité des grandes métropoles à attirer les facteurs de production, tend quant à lui à concentrer les emplois les plus rémunérateurs et les représentants des catégories sociales les plus favorisées au sein des grandes agglomérations.

Ces transformations se reflètent dans la répartition spatiale des revenus qui devient plus inégale. Entre 1990 et 2015, les disparités de revenu (sources et méthodes) progressent ainsi de 16 % en Normandie. Cette hausse des disparités territoriales de revenu, qui concerne la moitié des régions de France métropolitaine (figure 1), situe la Normandie parmi celles où elle apparaît relativement contenue.

Figure 1La Normandie au 6e rang des régions pour la progression des disparités de revenu sur son territoireÉvolution de l’indicateur de disparité des revenus fiscaux moyens au niveau communal entre 1990 et 2015 (en %)

La Normandie au 6e rang des régions pour la progression des disparités de revenu sur son territoire
Code région Région Évolution du CV² entre 1990 et 2015
11 Île-de-France +57,6
24 Centre-Val de Loire +0,2
27 Bourgogne-Franche-Comté +34,1
28 Normandie +15,8
32 Hauts-de-France +39,5
44 Grand Est +11,1
52 Pays de la Loire -20,9
53 Bretagne -22,2
75 Nouvelle-Aquitaine -18,9
76 Occitanie +2,1
84 Auvergne-Rhône-Alpes +34,1
93 Provence-Alpes-Côte d'Azur +25,6
94 Corse -33,6
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Figure 1La Normandie au 6e rang des régions pour la progression des disparités de revenu sur son territoireÉvolution de l’indicateur de disparité des revenus fiscaux moyens au niveau communal entre 1990 et 2015 (en %)

  • Source : DGFIP, base communale IRPP

La périurbanisation contribue fortement à la hausse des disparités spatiales

La hausse des disparités territoriales de revenu est d’abord due à une tendance à la différenciation entre les différentes catégories de communes normandes. La région offre en effet une grande diversité des cadres de vie qui s’exprime à travers l’habitat et la composition socio-démographique des territoires, et peut être appréhendée à travers une typologie des communes (pour en savoir plus). La période 1990-2015 consacre notamment l’essor des communes qualifiées dans cette typologie de « périurbaines », dont la croissance démographique s’accélère nettement au cours de ces 25 années. Cette croissance se nourrit essentiellement de l’arrivée de ménages venant des centres urbains de la région et dont les caractéristiques sociales sont souvent favorables. Ainsi, au cours de cette période, la part des cadres croît de moitié dans les communes périurbaines contre un tiers dans l’ensemble, et dépasse celle observée dans les communes urbaines (16 % contre 14 % en 2015). En conséquence, les revenus progressent de 6 % dans ces communes, qui figuraient déjà parmi les plus aisées en 1990, tandis qu’ils diminuent de 7 % dans les communes urbaines. Dans les communes rurales, avec le recul du nombre d’agriculteurs, la structure socio-démographique tend à se rapprocher de celle observée sur l’ensemble du territoire. Ce mouvement s’accompagne d’une hausse du revenu moyen de leurs résidents de 6 % entre 1990 et 2015.

Finalement, ces transformations contribuent à la hausse des disparités spatiales de revenu dans la région (figure 2), essentiellement portées par l’écart qui s’est creusé entre les « cœurs urbains » et les communes périurbaines, en particulier avec les communes dites « résidentielles » (celles qui ont connu le développement le plus ancien et qui sont situées les plus à proximité des grands pôles de la région).

Figure 2Les communes périurbaines « résidentielles » portent une grande part de la hausse des disparités de revenuContributions des écarts de revenu entre types de communes à l’indicateur de disparité en 1990 et en 2015 (en % du total en 1990)

Les communes périurbaines « résidentielles » portent une grande part de la hausse des disparités de revenu
1990 2015
Urbaines
cœurs urbains 0,3 7,0
villes relais 0,0 1,8
Périurbaines
communes périurbaines résidentielles 12,9 28,4
communes périurbaines dynamiques 0,0 1,9
communes périurbaines à distance 0,9 0,9
Rurales
bourgs de proximité 0,9 0,8
communes rurales en bordure du périurbain 2,7 0,2
communes rurales au caractère préservé 2,8 0,4
communes de villégiature 0,4 2,2
  • Note de lecture : L’écart de revenu moyen entre les communes périurbaines « résidentielles » et la moyenne de l’ensemble contribue à 13 % des disparités totales entre les communes normandes en 1990 et à 28 % en 2015. Les écarts entre communes périurbaines « résidentielles » contribuent à 15 % des disparités totales entre les communes normandes en 1990 et à 16 % en 2015.
  • Les catégories de communes utilisées se réfèrent à une typologie des communes normandes sous l’angle de l’habitat et du cadre de vie (pour en savoir plus). Dans cette analyse, les « cœurs métropolitains » et les « cœurs urbains secondaires » sont fusionnés pour former les « cœurs urbains ».
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Figure 2Les communes périurbaines « résidentielles » portent une grande part de la hausse des disparités de revenuContributions des écarts de revenu entre types de communes à l’indicateur de disparité en 1990 et en 2015 (en % du total en 1990)

  • Note de lecture : L’écart de revenu moyen entre les communes périurbaines « résidentielles » et la moyenne de l’ensemble contribue à 13 % des disparités totales entre les communes normandes en 1990 et à 28 % en 2015. Les écarts entre communes périurbaines « résidentielles » contribuent à 15 % des disparités totales entre les communes normandes en 1990 et à 16 % en 2015.
  • Les catégories de communes utilisées se réfèrent à une typologie des communes normandes sous l’angle de l’habitat et du cadre de vie (pour en savoir plus). Dans cette analyse, les « cœurs métropolitains » et les « cœurs urbains secondaires » sont fusionnés pour former les « cœurs urbains ».
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Les écarts entre communes urbaines restent élevés

Les écarts de revenu observés entre les dix catégories de la typologie restituent une large part des disparités entre les communes de la région (38 % en 2015). Cependant, une portion équivalente découle des seules différences observées entre les communes urbaines (figure 2). Celles-ci constituent en effet un ensemble très hétérogène. Les grands centres urbains de la région, entraînés par un mouvement de « métropolisation », voient se concentrer en leur sein les emplois et la main-d’œuvre qualifiée (Rouen et certaines communes voisines comme Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan, etc. ; Caen et certaines communes voisines comme Epron, Bretteville-sur-Odon, etc.). D’autres communes urbaines ont une histoire liée au développement industriel et subissent plus durement les effets de la désindustrialisation à l’œuvre depuis le milieu des années 1970, notamment un taux de chômage élevé (Gonfreville-l’Orcher, Elbeuf, Cléon, etc.). D’autres, situées dans l’influence de l’agglomération parisienne (Vernon, Gisors, etc.), bénéficient de sa dynamique notamment à travers les revenus des nombreux « navetteurs » qui y travaillent. De même, les communes périurbaines les plus anciennes (les périurbaines « résidentielles ») présentent une diversité des trajectoires que l’on peut supposer liée à celles de leurs voisines urbaines dont elles sont dépendantes sur le plan de l’emploi. À l’inverse, les communes périurbaines de développement plus récent ainsi que les communes rurales affichent, en termes de revenu de leurs résidents, une certaine homogénéité qui s’est même renforcée entre 1990 et 2015.

Encadré 1 - Un effet départemental très limité

Les écarts territoriaux de revenu sont souvent analysés à l’échelle des départements. En fait, les écarts constatés entre ces territoires découlent presque exclusivement des parts relatives des types de communes qui les composent. Les effets départementaux « spécifiques » ne jouent en effet que pour 7 % en 1990 et 2 % en 2015 dans l’explication des disparités de revenus entre les communes de la région (figure 3). La diminution de cette composante traduit même un mouvement de convergence du revenu des ménages entre les départements. Seul le département de l’Orne affiche encore un effet spécifique un peu significatif.

Comme résultat de la plus ou moins grande hétérogénéité des communes qui les composent, les départements contribuent de façon très variable aux disparités de revenus. À ce titre, la Seine-Maritime porte à elle seule la moitié des disparités observées dans la région. Comme pour l’Eure et le Calvados, cette contribution augmente entre 1990 et 2015, tandis qu’elle diminue légèrement pour l’Orne et la Manche.

Figure 3Les disparités entre départements proviennent presque exclusivement de leurs profils de communes respectifsContributions des écarts de revenu entre départements à l’indicateur de disparité en 1990 et en 2015 (en % du total en 1990)

Les disparités entre départements proviennent presque exclusivement de leurs profils de communes respectifs
1990 2015
Calvados 0,0 0,3
Eure 2,3 0,3
Manche 2,7 0,3
Orne 1,8 1,7
Seine-Maritime 0,4 0,1
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Figure 3Les disparités entre départements proviennent presque exclusivement de leurs profils de communes respectifsContributions des écarts de revenu entre départements à l’indicateur de disparité en 1990 et en 2015 (en % du total en 1990)

  • Source : DGFIP, base communale IRPP

En 25 ans, une géographie des disparités peu modifiée

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) normands constituent des regroupements de communes plus ou moins homogènes. Rassemblant le plus souvent des communes urbaines et périurbaines, les grandes agglomérations de la région contribuent en tout premier lieu aux disparités territoriales de revenu (figure 4). En 25 ans, la hiérarchie des contributions aux disparités varie peu. Les trois principaux EPCI -la Métropole de Rouen, la Communauté urbaine Caen la Mer et celle du Havre- représentent ainsi la moitié des disparités observées entre les communes de Normandie, en 1990 comme en 2015 (dont plus d’un quart pour la seule métropole rouennaise). Ces contributions sont essentiellement dues aux disparités internes à ces territoires.

Certains EPCI présentant une plus grande homogénéité contribuent aux disparités par des effets « propres » de revenus, globalement plus élevés dans certains cas (communautés de communes Inter-Caux-Vexin, de Roumois Seine, communauté d’agglomération Seine Normandie Agglomération, etc.) ou plus faibles dans d’autres (communautés d’agglomération de Lisieux, du Mont-Saint-Michel-Normandie, communauté de communes des Vallées de l’Orne et de l’Odon, etc.). Ces contributions restent cependant minimes, les effets spécifiques des EPCI ne représentant en 2015 qu’un huitième des disparités entre communes.

Figure 4En 1990 comme en 2015, les grandes agglomérations contribuent fortement aux disparitésContributions des écarts de revenu entre EPCI et au sein des EPCI à l’indicateur de disparité en 1990 (en %)

En 1990 comme en 2015, les grandes agglomérations contribuent fortement aux disparités
Code EPCI EPCI En 1990
200010700 CA Caux Seine Agglo 0,7
200023414 Métropole Rouen Normandie 28,5
200035103 CC de La Vallée de la Haute-Sarthe 0,2
200035111 CC des Sources de l'Orne 0,3
200035665 CA Seine Eure 1,7
200035814 CA Flers Agglo 0,7
200036069 CC du Pays de Mortagne-au-Perche 0,3
200042604 CC de Granville, Terre et Mer 0,5
200042729 CC de La Baie du Cotentin 0,7
200043354 CC de Villedieu Intercom 0,7
200065563 CC Normandie-Cabourg-Pays d'Auge 0,8
200065589 CC Val ès Dunes 0,1
200065597 CU Caen la Mer 8,6
200065787 CC de Pont-Audemer / Val de Risle 0,3
200066017 CC Lieuvin Pays d'Auge 0,2
200066389 CA Saint-Lô Agglo 1,3
200066405 CC Roumois Seine 0,9
200066413 CC Intercom Bernay Terres de Normandie 0,7
200066462 CC Interco Normandie Sud Eure 1,1
200066710 CC Cingal-Suisse Normande 0,3
200066728 CC Vallées de l'Orne et de l'Odon 0,6
200066801 CC Isigny-Omaha Intercom 0,6
200066827 CC du Pays de Honfleur-Beuzeville 0,7
200067023 CC Coutances Mer et Bocage 1,0
200067031 CC Côte Ouest Centre Manche 1,0
200067205 CA du Cotentin 1,8
200068435 CC Cœur du Perche 0,1
200068443 CC Andaine - Passais 0,8
200068450 CC Argentan Intercom 0,5
200068468 CC des Pays de L'Aigle 0,3
200068534 CC Terroir de Caux 0,4
200068799 CC Intercom de la Vire au Noireau 1,1
200068856 CC des Hauts du Perche 0,2
200069425 CA Mont-Saint-Michel-Normandie 3,7
200069458 CC des Vallées d'Auge et du Merlerault 3,4
200069516 CC Seulles Terre et Mer 0,2
200069524 CC Pré-Bocage Intercom 0,5
200069532 CA Lisieux Normandie 1,6
200069722 CC Interrégionale Aumale - Blangy-sur-Bresle 0,3
200069730 CC des Quatre Rivières 0,4
200069821 CA Fécamp Caux Littoral Agglomération 0,4
200069839 CC de La Côte d'Albâtre 0,3
200069847 CC Plateau de Caux-Doudeville-Yerville 0,3
200070068 CC Communauté Bray-Eawy 0,4
200070142 CC Lyons Andelle 0,1
200070449 CC Inter-Caux-Vexin 2,4
200071454 CA Evreux Portes de Normandie 3,9
200071504 CC des Collines du Perche Normand 0,3
200071520 CC Domfront Tinchebray Interco 0,5
200071652 CC du Pays Fertois et du Bocage Carrougien 0,1
200071843 CC du Vexin Normand 0,5
200072312 CA Seine Normandie Agglomération 3,0
200084952 CU du Havre Seine Métropole 11,1
241400415 CC Cœur Côte Fleurie 1,8
241400514 CC du Pays de Falaise 0,9
241400555 CC de Bayeux Intercom 0,6
241400860 CC Cœur de Nacre 0,5
241400878 CC Terre d'Auge 0,7
242700276 CC du Pays de Conches 0,3
242700607 CC du Pays du Neubourg 0,5
242700623 CC Eure-Madrie-Seine 0,7
246100390 CC du Val d'Orne 0,3
246100663 CU d'Alençon 0,9
247600505 CC Campagne-de-Caux 0,1
247600588 CC des Villes Sœurs 0,5
247600604 CC de Londinières 0,2
247600620 CC Yvetot Normandie 0,3
247600646 CC Caux - Austreberthe 0,2
247600729 CC Falaises du Talou 0,1
247600786 CA de La Région Dieppoise 0,7
  • Champ : géographie des EPCI au 01/01/2019
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Figure 4En 1990 comme en 2015, les grandes agglomérations contribuent fortement aux disparitésContributions des écarts de revenu entre EPCI et au sein des EPCI à l’indicateur de disparité en 1990 (en %)

  • Champ : géographie des EPCI au 01/01/2019
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Un renforcement de la ségrégation spatiale

Les disparités territoriales de revenu peuvent être analysées dans une approche spatiale un peu différente. La constitution au fil du temps de groupes de communes contiguës présentant les mêmes caractéristiques sociales (favorisées ou défavorisées) peut être l’expression d’une cristallisation des disparités spatiales, parfois présentée comme une forme de « ségrégation ». Dans cette approche, les communes normandes sont plus souvent en 2015 qu’en 1990 entourées de voisines qui leur sont semblables au regard du revenu des foyers qui y résident. Ces zones de « similitude » gagnent plus d’une centaine de communes supplémentaires au cours de la période, dont un tiers dans des ensembles favorisés et deux tiers dans les défavorisés (figure 5).

Ce renforcement de la « ségrégation » spatiale résulte en partie du mouvement de périurbanisation : des essaims de communes aisées s’agglutinent autour des grandes agglomérations de la région et s’étendent, notamment au sein de la communauté urbaine havraise, dans et autour de la communauté urbaine caennaise, dans certaines communautés de communes voisines de la métropole rouennaise. À l’inverse, les communes périurbaines sous influence francilienne, dans l’est de l’Eure, qui formaient une vaste zone favorisée en 1990, ne se distinguent plus en 2015 par des revenus élevés.

Dans les parties les plus rurales de la région, de nouvelles communes contribuent à l’extension d’ensembles relativement défavorisés (notamment au nord de la Seine-Maritime, au sud et à l’ouest du Calvados, etc.). Les bourgs « de proximité » possédant des fonctions de centralité (Isigny-sur-Mer, Pontorson, le Merlerault, etc.) sont particulièrement concernés par ce mouvement. Cependant, les zones défavorisées sont en recul dans la partie nord du Cotentin.

Figure 5Entre 1990 et 2015, les zones de « similitude » s’étendentCommunes entourées de communes similaires en termes de revenus déclarés moyens des foyers fiscaux

  • Champ : géographie des communes au 01/01/2019
  • Source : DGFIP, base communale IRPP

Pour comprendre

Cette étude mobilise les données sur les revenus fiscaux déclarés annuellement pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Malgré leurs limites et leurs imperfections, l’intérêt de ces données réside dans le recul historique qu’elles permettent. Les données étant seulement disponibles au niveau communal, seules les disparités de revenus moyens entre communes sont ici prises en compte. Les disparités au sein des communes, potentiellement importantes, ne sont donc pas couvertes par cette étude. En outre, seuls les revenus déclarés des foyers fiscaux (imposés et non imposés) sont ici observés, et non leurs revenus disponibles (après redistribution). Ces données communales sont finalement complétées par les données des recensements de la population 1990 et 2015 permettant de caractériser la composition socio-démographique des communes normandes et l’évolution de cette composition.

L’indicateur utilisé pour mesurer les disparités est le coefficient de variation. Il est défini comme le rapport de l’écart-type de la variable étudiée, par exemple le revenu déclaré moyen par foyer fiscal, à la moyenne. Cet indicateur admet des valeurs d’autant plus élevées que la dispersion autour de la moyenne est grande. Sans unité, il permet la comparaison de distributions de valeurs dont les échelles de mesure ne sont pas comparables. Dans cette étude, le coefficient de variation est élevé au carré afin de le rendre décomposable par sous-groupes (typologie communale, départements, EPCI). Cette décomposition permet de rendre compte de la contribution de chacun des sous-groupes aux disparités observées sur l’ensemble de la région. Elle peut également souligner la capacité d’un découpage à rendre compte des disparités en mettant en évidence la contribution inter-groupe (la partie des disparités « expliquées » par les écarts entre groupes) par opposition à la contribution intra-groupe (la partie des disparités « expliquées » par les écarts au sein des groupes). Les indicateurs de Gini et de Theil ont également été utilisés pour conforter les résultats mais ne sont pas reportés dans cette étude.

Le phénomène d’autocorrélation spatiale des revenus est appréhendé à l’aide des mesures locales d’association spatiale (LISA : Local Indicators of Spatial Association) indiquant pour chaque observation l’intensité du regroupement de valeurs similaires ou de tendance opposée autour de cette observation. Des LISA significatifs correspondent à des regroupements de valeurs similaires (« high-high », « low-low », utilisés pour repérer les zones de « ségrégation ») ou dissimilaires (« high-low », « low-high ») plus marqués que ce que l’on aurait pu observer à partir d’une répartition spatiale aléatoire.

Pour en savoir plus

Brendler J., Brunet L., Mounchit N. (Insee), Comte S., Dadone M., Pouliquen E. (Dreal), « Les communes normandes sous l’angle de l’habitat et du cadre de vie », Insee Analyses Normandie n° 52, octobre 2018

Behaghel L., « La dynamique des écarts de revenu sur le territoire métropolitain (1984-2002) », Économie et statistique n° 415, 2008

Brendler J., « Moins d’inégalités de revenu et une pauvreté contenue en Normandie », Insee Analyses Normandie n° 37, novembre 2017

Floch J.-M., « Des revenus élevés et en plus forte hausse dans les couronnes des grandes aires urbaines », France portrait social, 2014