Insee Analyses Nouvelle-AquitaineNouvelles entreprises : un créateur néo-aquitain sur cinq parvient à développer son projet

Michèle Charpentier, Virginie Fabre (Insee)

Fin 2017, en Nouvelle-Aquitaine, 73 % des entreprises créées début 2014 sont encore actives. Les « florissantes », celles qui se sont davantage développées que les autres, représentent une sur cinq de ces « jeunes pousses ». Le profil et les choix du créateur déterminent en grande partie leur expansion. Une jeune pousse a plus de chances de se développer si son créateur était cadre ou exerçait une profession intellectuelle supérieure ; de même s’il avait, dès la création, pour objectif le développement d’une activité plutôt que d’assurer son propre emploi. Le maintien parallèle d’une autre activité rémunérée ou l’expérience du créateur s’avèrent être aussi des facteurs favorables. Le secteur de l’hébergement-restauration est le plus propice à leur essor. La part de florissantes augmente avec les moyens financiers engagés à la création, mais aussi avec ceux investis par la suite. L’appartenance d’une jeune pousse à un groupe ou à un réseau d’enseigne facilite aussi sa croissance. Les efforts en termes de formation, d’innovation et de communication jouent souvent positivement.

Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine
No 83
Paru le :Paru le03/12/2019
Michèle Charpentier, Virginie Fabre (Insee)
Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine No 83- Décembre 2019

Fin 2017, 7 800 des 10 600 entreprises, hors auto-entreprises, créées au cours du premier semestre 2014 en Nouvelle-Aquitaine, existent encore, soit 73 %. Ce sont 8 points de plus que pour la génération 2010 : 65 % des entreprises créées début 2010 étaient toujours en activité fin 2013.

Parmi les « jeunes pousses », ces nouvelles entreprises de 2014 encore actives en 2017, les « florissantes » désignent dans cette étude celles qui, en matière de chiffre d’affaires ou d’emploi, se sont davantage développées que les autres au cours des premières années de leur existence : en Nouvelle-Aquitaine, comme au niveau national, une jeune pousse sur cinq peut être classée dans cette catégorie (pour comprendre). Leur croissance dépend de l’objectif et du profil du créateur, et surtout des moyens financiers investis. Certains de ces facteurs agissent dès le montage du projet, d’autres interviennent plus tard.

La motivation première du créateur, décisive pour le développement

Parmi les objectifs principaux poursuivis par les porteurs de projets, assurer son propre emploi (figure 1) constitue la motivation la plus répandue pour 7 créateurs sur 10. Les autres créateurs visent davantage le développement d’un projet au travers d’emplois ou d’investissements et dans ce cas, leur entreprise a deux fois plus de chances d’entrer dans la catégorie des « florissantes ».

Figure 1L’objectif du créateur, en lien avec son profil, est déterminant pour le développement de son entrepriseÉcart de la part de florissantes selon le profil du créateur par rapport à l'ensemble

L’objectif du créateur, en lien avec son profil, est déterminant pour le développement de son entreprise - Lecture : la part de florissantes est 1,5 fois plus élevée que dans l’ensemble des jeunes pousses lorsque le créateur est un ancien dirigeant salarié ; elle est 0,7 fois moins élevée lorsque le créateur avait pour objectif d’assurer son propre emploi.
Caractéristiques du créateur Ensemble (valeur moyenne de référence) Écart de la part de florissantes par rapport à l’ensemble
Activité avant la création : indépendant 1,0 1,17
Activité avant la création : dirigeant salarié 1,0 1,51
Activité avant la création : salarié hors dirigeant 1,0 1,14
Activité avant la création : chômeur 1,0 0,70
Activité avant la création : sans activité professionnelle 1,0 0,56
Ancien cadre, profession intellectuelle supérieure 1,0 1,68
Déjà créateur 1,0 1,23
Activité de l’entreprise=métier du créateur 1,0 1,10
Autre activité : de dirigeant 1,0 1,75
Autre activité : rémunérée 1,0 1,43
Objectif du créateur : développement de l’entreprise 1,0 1,57
Objectif du créateur : assurer son propre emploi 1,0 0,74
Situation familiale : en couple avec enfant(s) 1,0 1,21
Situation familiale : autre 1,0 0,79
  • Note : La part de florissantes est plus élevée que la moyenne lorsque la valeur est supérieure à 1 et inversement pour les valeurs inférieures à 1.
  • Lecture : la part de florissantes est 1,5 fois plus élevée que dans l’ensemble des jeunes pousses lorsque le créateur est un ancien dirigeant salarié ; elle est 0,7 fois moins élevée lorsque le créateur avait pour objectif d’assurer son propre emploi.
  • Champ : jeunes pousses
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Figure 1L’objectif du créateur, en lien avec son profil, est déterminant pour le développement de son entrepriseÉcart de la part de florissantes selon le profil du créateur par rapport à l'ensemble

  • Note : La part de florissantes est plus élevée que la moyenne lorsque la valeur est supérieure à 1 et inversement pour les valeurs inférieures à 1.
  • Lecture : la part de florissantes est 1,5 fois plus élevée que dans l’ensemble des jeunes pousses lorsque le créateur est un ancien dirigeant salarié ; elle est 0,7 fois moins élevée lorsque le créateur avait pour objectif d’assurer son propre emploi.
  • Champ : jeunes pousses
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Les créateurs qui occupaient un poste de cadre ou profession intellectuelle supérieure étaient les plus motivés par un développement rapide de leur nouvelle entreprise. Les jeunes pousses portées par ces créateurs sont ainsi plus souvent florissantes que celles à l’initiative des autres anciens salariés (hors dirigeants). Par ailleurs, les porteurs de projet sans activité professionnelle avant la création (étudiants, personnes au foyer, retraités, etc.) avaient, le plus souvent, pour principale préoccupation d'avoir un emploi stable. Cette caractéristique explique en grande partie que leurs entreprises soient, en proportion, trois fois moins nombreuses à être florissantes que celles créées par des cadres. Les chômeurs regroupent 28 % des créateurs, alors qu’ils représentent 9 % de la population active. Lors de la création, plus des trois quarts d’entre eux avaient comme principal objectif d’assurer leur propre emploi : ces jeunes pousses sont ainsi peu nombreuses à entrer dans la catégorie des florissantes. Le développement pourra cependant intervenir plus tardivement, une fois le projet stabilisé.

La part des florissantes (20 %) varie sensiblement selon d’autres critères. Elles sont ainsi plus nombreuses si le créateur a gardé une activité rémunérée dans une autre entreprise (27 %), s’il exerce cette autre activité à temps complet (29 %) et davantage encore s’il conserve un rôle de dirigeant dans une autre entreprise (33 %). Les revenus que cette autre activité procure permettent alors aux créateurs de concentrer leurs efforts financiers sur l’emploi et les investissements afin d’accroître leur activité.

L’expérience, un déterminant majeur

D’une part, côtoyer des chefs d’entreprise ou avoir déjà créé ou dirigé une entreprise facilitent l’essor. Ainsi, les compétences acquises en gérant une autre entreprise favorisent particulièrement le développement de la sienne : 3 jeunes pousses créées par d’anciens dirigeants salariés sur 10 sont florissantes, soit 10 points de plus que la moyenne.

D’autre part, au-delà de l’expérience entrepreneuriale, d’autres aptitudes personnelles, plus techniques, apparaissent comme déterminantes. Ainsi, lorsque le secteur d’activité de l’entreprise coïncide avec le métier de son créateur, la mobilisation de son savoir-faire est immédiate et se révèle favorable au développement. Mais le choix du secteur d’intervention semble lui-même primordial (figure 2). Les secteurs où la part de florissantes est la plus élevée sont ceux où la concurrence entre jeunes pousses semble moins forte : l’industrie manufacturière (24 %), le transport-entreposage (25 %) et l’hébergement-restauration (30 %).

Figure 2Le développement peut être freiné par la concurrence entre jeunes poussesPart de florissantes selon le secteur en Nouvelle-Aquitaine

en %
Le développement peut être freiné par la concurrence entre jeunes pousses (en %)
Secteur Part de florissantes Poids du secteur
Autres services 8 7
Banques et assurances 15 2
Immobilier 16 3
Administration, enseignement, santé et action sociale 17 12
Activités spécialisées, scientifiques et techniques, administratives et de soutien 17 16
Construction 19 19
Commerce, réparation auto-moto 20 21
Information et communication 21 2
Industrie 22 6
Arts, spectacles et activités récréatives 22 2
Transport et entreposage 25 2
Hébergement et restauration 30 8
Tous secteurs confondus 19
  • Note : le poids d’un secteur est le ratio entre le nombre de jeunes pousses de ce secteur et le nombre total de jeunes pousses.
  • Champ : jeunes pousses
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Figure 2Le développement peut être freiné par la concurrence entre jeunes poussesPart de florissantes selon le secteur en Nouvelle-Aquitaine

  • Note : le poids d’un secteur est le ratio entre le nombre de jeunes pousses de ce secteur et le nombre total de jeunes pousses.
  • Champ : jeunes pousses
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Des moyens financiers engagés différents selon les secteurs

Le montant des moyens financiers consacrés au démarrage des nouvelles entreprises varie selon les activités. La part de florissantes augmente avec le montant de ces moyens : elle représente 8 % des jeunes pousses créées avec moins de 1 000 € et jusqu’à 40 % de celles créées avec au moins 80 000 €.

Certaines caractéristiques du projet et du créateur sont favorables à un essor ultérieur de l’entreprise ; d’autres facteurs, notamment financiers, interviennent au cours de l’exploitation. Si les moyens engagés à la création impactent son évolution, les investissements réalisés au cours des premières années d’existence ont aussi un effet significatif. Leur montant et la croissance de la jeune pousse sont fortement liés (figure 3). Comme pour l’engagement financier initial, plus le montant est élevé, plus la part de florissantes augmente : de 5 % parmi les jeunes pousses qui ont investi moins de 1 500 € à 34 % pour celles dont l’investissement est d’au moins 75 000 €.

Figure 3Le développement nécessite souvent de lourds investissementsRépartition des jeunes pousses selon leur développement et le montant de leurs investissements

en %
Le développement nécessite souvent de lourds investissements (en %)
Montant des investissements (en €) Florissantes Autres
moins de 1 500 5 95
1 500 à < 3 000 15 85
3 000 à < 7 500 14 86
7 500 à < 15 000 16 84
15 000 à < 30 000 25 75
30 000 à < 75 000 30 70
75 000 et plus 34 66
  • Champ : jeunes pousses ayant réalisé des investissements
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Figure 3Le développement nécessite souvent de lourds investissementsRépartition des jeunes pousses selon leur développement et le montant de leurs investissements

  • Champ : jeunes pousses ayant réalisé des investissements
  • Source : Insee, Sine 2014-2

Le type d’investissement le plus répandu correspond à l’achat de matériel de production : moins de la moitié des jeunes pousses ont privilégié ce dernier, mais près des deux tiers des florissantes déclarent y avoir recouru. Cependant, le lien le plus fort entre investissement et développement concerne les rachats ou les créations d’une autre entreprise ou d’un autre établissement : 40 % des jeunes pousses qui ont effectué un rachat et 36 % de celles à l’origine d’une nouvelle création sont des florissantes. Néanmoins, ces entreprises sont peu nombreuses : elles ne représentent que 3 % des jeunes pousses.

L’appartenance à un réseau facilite la croissance

Le coût financier du développement peut être allégé grâce à des liens tissés avec d’autres entreprises : société « mère » ou réseau d’enseigne. Parmi les jeunes pousses, 8 % sont des filiales, la moitié de leur capital au moins étant détenue par une ou plusieurs autres sociétés. Leur création résulte donc de la volonté d’une entreprise déjà existante, motivée par une stratégie de développement (spécialisation, implantation locale, etc.), financière (mutualisation des moyens, allègement fiscal, etc.) ou patrimoniale. Les jeunes pousses ainsi créées et soutenues par une société mère deviennent plus souvent florissantes (32 %) que les autres.

Appartenir à un réseau d’enseigne relève de la stratégie de la jeune pousse et favorise son essor. Ce choix s’avère particulièrement positif dans les cas de franchises, coopératives ou chaînes volontaires : 40 % des jeunes pousses appartenant à ces types de réseau sont des florissantes. Le réseau d’enseigne pousse sans doute à une analyse préalable approfondie, puis facilite et accélère le développement par le partage de sa notoriété, d’un savoir-faire et d’une assistance, notamment en matière de gestion et de communication.

En effet, un créateur pouvant s’appuyer sur un dispositif de gestion déjà construit peut reporter ses efforts sur d’autres fonctions déterminantes pour le développement de son entreprise. Ainsi, chez les créateurs assurant eux-mêmes les fonctions liées à la recherche de marchés (commerciale et marketing/ communication), 30 % des jeunes pousses deviennent florissantes. En revanche, s’ils s’occupent aussi de la production, la part des florissantes chute de 30 à 6 %.

Formation, innovation et communication, des apports à ne pas négliger

D’autres domaines stratégiques pour le développement des entreprises peuvent nécessiter des délais plus longs pour porter leurs fruits. La formation, par exemple, aide assez vite au développement des jeunes pousses : 23 % de celles au sein desquelles au moins une formation a été suivie depuis la création se sont développées contre 16 % pour les autres. Les formations « métiers » sont les plus répandues, mais ce sont celles ayant trait à la gestion qui facilitent le plus le développement (31 % de florissantes), que ce soit le seul type de formation suivie ou non.

L’innovation, dès la création ou au cours des premières années d’activité, joue un rôle positif sur le développement des entreprises. Les jeunes pousses qui ont démarré avec un produit innovant (nouveau ou amélioré) se développent plus souvent (21 %) que les autres (17 %). Par la suite, engager des actions d’innovation stimule davantage encore : 23 % de florissantes contre 15 % pour celles qui n’ont rien changé. Les innovations les plus porteuses concernent les méthodes d’organisation et de gestion des ressources : 33 % de florissantes contre 16 % pour les jeunes pousses qui n’ont pas investi dans ce domaine. Les autres domaines d’innovation, les produits, les procédés de fabrication, production ou distribution, ainsi que les méthodes de commercialisation et communication ont également un impact positif mais moins prononcé.

Enfin, pour se développer, une entreprise doit aussi s’adapter aux évolutions de son environnement. L’utilisation du numérique joue ainsi positivement dans l’essor du projet. 23 % des jeunes pousses qui utilisent les réseaux sociaux sont ainsi des florissantes contre 16 % de celles qui ne les utilisent pas du tout. Près de la moitié des florissantes sont inscrites sur les réseaux sociaux ou ont un blog, un quart les utilise pour échanger et/ou rechercher des informations. Pourtant, si la moitié d’entre elles propose une vitrine numérique, cette dernière est, dans la quasi-totalité des cas, uniquement destinée à présenter l’entreprise sans possibilité de commander en ligne.

Si 2 jeunes pousses sur 10 ont trouvé les ressources nécessaires à leur développement, pour la grande majorité, les premières années d’activité ont surtout servi à installer l’activité pour assurer leur pérennité. Parmi les créateurs qui souhaitaient voir leur entreprise se développer, une large part n’a pas encore atteint cet objectif. Globalement, sur 10 créateurs de jeunes pousses, 6 font état de difficultés pour développer leur entreprise. Les obstacles les plus fréquemment cités renvoient à des questions commerciales (débouché, concurrence…) ou à des problèmes financiers.

Pour comprendre

Des créations aux « florissantes » en passant par les « jeunes pousses »

  • Source : Insee, Sine 2014-2

Des créations aux « florissantes » en passant par les « jeunes pousses »

Parmi les 10 600 entreprises (hors auto-entreprises) créées au cours du premier semestre 2014 en Nouvelle-Aquitaine, près de 7 800 sont encore actives fin 2017 et sont dénommées, dans cette étude, « les jeunes pousses ».

Pour repérer « les florissantes » c’est-à-dire les jeunes pousses qui se sont davantage développées que les autres, quatre critères sont retenus : l’évolution de leur chiffre d’affaires, l’évolution de leur effectif, la tranche de leur chiffre d’affaires et leur effectif.

Sont sélectionnées celles dont :

  • le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois ont augmenté ;
  • le chiffre d’affaires a augmenté et le nombre d’emplois est stable ;
  • le chiffre d’affaires est stable et le nombre d’emplois a augmenté ;

soit près de 4 700 entreprises.

Parmi ces dernières, ne sont retenues que les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 32 900 € et l’effectif supérieur à 2 : soit un peu moins de 1 500 « florissantes ».

Sources

Le dispositif d’enquêtes SINE (Système d’information sur les nouvelles entreprises) a pour objectif de suivre une génération d’entreprises (entreprises créées ou reprises une année donnée) pendant cinq ans et vise à analyser le profil du créateur, les conditions de démarrage des nouvelles entreprises, les conditions de développement et les problèmes rencontrés. Le champ de l’enquête SINE 2014 porte sur les créations d’entreprises (hors auto-entrepreneurs), des secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services, en France.

L’enquête Sine

Pour en savoir plus

M. Charpentier, V. Fabre , « L’entrepreneuriat au féminin rime avec jeunesse, qualification et services », Insee Flash Nouvelle-Aquitaine n° 46, mars 2019.

N. Garçon, C. Mallemanche, P. Prévôt , « Six entreprises sur dix encore actives cinq ans après leur création », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 48, novembre 2017.

I. Le Boëtté , « Les indépendants : le rebond amorcé dans les années 2000 se poursuit en 2016 », Insee Première n° 1768, août 2019.

A. Dorolle , « Entreprises créées en 2014 : trois sur quatre sont encore actives trois ans après leur création », Insee Première n° 1751, avril 2019.