Petites villes de Bourgogne-Franche-Comté : un passé démographique et industriel qui contribue au déficit de croissance
L’emploi a augmenté de 1,7 % dans les 46 petites villes de Bourgogne-Franche-Comté entre 1990 et 2014 alors qu’il progressait au cours de la même période de 20,5 % dans l’ensemble des petites villes de province. Cet écart de croissance s’explique beaucoup par la localisation, l’environnement démographique dans lequel se trouvent les petites villes de la région et la structure de l’emploi dans ces unités urbaines. Moins souvent situées dans l’aire d’influence d’une grande aire urbaine, elles bénéficient moins de l’effet d’entraînement de celle-ci. Elles sont localisées, pour 27 d’entre elles, dans une zone d’emploi à la démographie peu dynamique. Cependant, si la structure de l’emploi au début des années 90 contribue fortement à l’évolution de l’emploi, elle n’explique que faiblement l’écart de croissance constaté entre les petites villes de la région et la moyenne de province : la répartition sectorielle des emplois variant peu d’une région à l’autre.
Dans la région comme ailleurs, quelques petites villes présentent une trajectoire atypique. Certaines perdent des emplois malgré leur proximité avec une grande aire urbaine, d’autres en perdent davantage que ne le laissait présager leur environnement.
- Un déficit de croissance de l’emploi plus marqué
- Dans la région, peu de petites villes au sein d’une grande aire urbaine
- Le facteur démographique influe très défavorablement sur la croissance régionale
- La structure de l’emploi influe peu sur le différentiel de croissance
- La spécialisation industrielle pèse sur la croissance de l’emploi
- Des petites villes à la trajectoire atypique
- Des petites villes en forte croissance près des grandes métropoles
Les petites villes de Bourgogne-Franche-Comté, c’est-à-dire les unités urbaines comptant entre 5 000 et 20 000 habitants, ont suivi des trajectoires très contrastées entre 1990 et 2014. Certaines ont gagné des habitants et des emplois, d’autres en ont perdu (Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 31).
Il existe aussi un net décalage entre le développement de l’emploi dans les petites villes de la région et celui des petites villes de province prises dans leur ensemble.
Un déficit de croissance de l’emploi plus marqué
Un écart de 18,8 points sépare la croissance des petites villes de province de celles de Bourgogne-Franche-Comté : l’emploi a augmenté de 20,5 % dans les premières quand il progressait seulement de 1,7 % dans celles de la région (figure 1). Seules les petites villes de Centre-Val de Loire affichent une croissance plus faible, de l’ordre de 1 %. Dans celles de Bretagne, Pays de la Loire, de Provence-Alpes-Côte d’Azur ou encore de Corse, la croissance dépasse les 30 %.
Cet écart de croissance entre les petites villes de la région et celles de province est aussi le plus élevé, loin devant les autres catégories d’unités urbaines (figure 1). En Bourgogne-Franche-Comté, les petites villes sont les unités urbaines pour lesquelles la croissance de l’emploi est la plus faible, plus faible même que celle des communes rurales. C’est loin d’être le cas en France de province où seules les grandes unités urbaines de plus de 100 000 habitants affichent une croissance supérieure à celle des petites villes.
Le positionnement des petites villes selon l’aire d’influence des grandes aires urbaines, le contexte démographique des années 80 et la répartition sectorielle des emplois en 1990 permettent d’expliquer près des deux tiers de ce différentiel de croissance, c’est-à-dire 12 des 18,8 points d’écart (figure 2).
Pour chacun de ces facteurs explicatifs, la région Bourgogne-Franche-Comté occupe la place la plus défavorable. Elle est donc la région de province pour laquelle, structurellement, le taux de croissance attendu est le plus faible.
tableaufigure 1 – Un déficit de croissance marqué pour les petites villes de Bourgogne-Franche-ComtéÉvolution de l’emploi au lieu de travail selon la nomenclature en unités urbaines
France de province | Bourgogne-Franche-Comté | |
---|---|---|
Commune Rurale | 8,1 | 6,9 |
UU de moins De 5 000 habitants | 19,1 | 8,7 |
UU de 5 000 à 20 000 habitants | 20,5 | 1,7 |
UU de 20 000 à 100 000 habitants | 13,8 | 6,1 |
UU de plus de 100 000 habitants | 22,3 | 8,6 |
Ensemble | 17,4 | 6,4 |
- Source : Insee, recensements de la population 1990 et 2014, zonage en unités urbaines
graphiquefigure 1 – Un déficit de croissance marqué pour les petites villes de Bourgogne-Franche-ComtéÉvolution de l’emploi au lieu de travail selon la nomenclature en unités urbaines
tableaufigure 2 – L’armature urbaine, le contexte démographique et la structure du tissu productif expliquent près des deux tiers du déficit de croissanceÉcart entre le taux de croissance de l’emploi dans les petites villes de Bourgogne-Franche-Comté et la moyenne des petites villes de province
Effet du contexte démographique | Effet armature urbaine | Effet sectoriel | Inexpliqué | |
---|---|---|---|---|
Ecart | 6,9 | 3,8 | 1,3 | 6,8 |
- Source : Insee, recensements de la population 1990 et 2014
graphiquefigure 2 – L’armature urbaine, le contexte démographique et la structure du tissu productif expliquent près des deux tiers du déficit de croissanceÉcart entre le taux de croissance de l’emploi dans les petites villes de Bourgogne-Franche-Comté et la moyenne des petites villes de province
Dans la région, peu de petites villes au sein d’une grande aire urbaine
La densité urbaine d’un territoire favorise le développement de l’emploi. C’est ainsi que dans les petites villes situées dans une grande aire urbaine, l’emploi a progressé de 34 %, une croissance trois fois supérieure à celle des autres unités urbaines de cette taille. Ce dynamisme provient du large mouvement de périurbanisation amorcé dans les années 90 qui s’est traduit par l’installation d’habitants dans les couronnes de plus en plus éloignées des grands pôles urbains. S’est alors mis en place un cercle vertueux, cette population plus nombreuse appelant l’installation de commerces, de services et la construction d’équipements, notamment des réseaux routiers, dont la présence a attiré de nouvelles populations mais aussi de nouvelles entreprises.
En Bourgogne-Franche-Comté, région dont l’armature urbaine est moins dense qu’ailleurs, les petites villes ayant bénéficié de cette localisation favorable sont en proportion bien moins nombreuses. Ce positionnement moins fréquent près des foyers urbains de développement explique un cinquième du déficit de croissance de l’emploi. En effet, seules 16 petites villes sont implantées dans l’orbite d’une grande aire urbaine. Moins nombreuses, elles ne regroupent que 22 % des emplois des petites villes de la région. C’est la part la plus basse des régions de province, que la Bourgogne Franche-Comté partage avec la Nouvelle-Aquitaine. En moyenne, 42 %, soit près du double des emplois des petites villes sont situés dans l’influence des grandes aires, et dans les régions plus densément peuplées, comme Grand Est, Hauts de France, Bretagne et Pays de la Loire, plus de la moitié des emplois y sont localisés.
Le facteur démographique influe très défavorablement sur la croissance régionale
Le facteur démographique, c’est-à-dire l’environnement démographique dans lequel se trouvent les petites villes dans les années 80 explique plus du tiers de l’écart de croissance de l’emploi entre les petites villes de Bourgogne-Franche-Comté et celles de province (6,9 points sur 18,8 points).
Les petites villes implantées dans un environnement démographique dynamique au cours des années 80 sont en effet celles pour lesquelles l’emploi s’est le plus développé au cours de la période suivante. La dynamique de la zone d’emploi englobante permet d’apprécier l’impact sur l’emploi. Il a ainsi progressé de 33 % entre 1990 et 2014 pour un ensemble de 377 petites villes. Ces dernières sont toutes localisées dans une zone d’emploi dont le nombre d’habitants a augmenté de plus 5 % (figure 3). C’est le cas notamment pour les villes situées dans les zones d’emploi qui relient Tours à la région parisienne et pour celles de la plupart des zones d’emploi de l’ouest et du sud-est. Cette progression de l’emploi est sept fois supérieure à celle des unités urbaines de cette taille implantées dans des zones d’emploi qui ont conservé une population stable ou ont perdu des habitants.
Certaines villes échappent toutefois à cette logique. C’est le cas de celles situées aux franges de la région parisienne (groupe vert). Devenues principalement résidentielles, elles ont gagné des habitants comme les zones d’emploi dont elles relèvent. Ici toutefois le moteur démographique n’agit pas : loin d’avoir gagné des emplois, elles en ont perdu.
En Bourgogne-Franche-Comté, 17 % seulement des emplois des petites villes de la région bénéficient d’un contexte démographique dynamique. Elles sont situées dans les quatre zones d’emploi dont la population a augmenté de plus de 5 % entre 1982 et 1990, celles de Dijon, Besançon, Pontarlier et Saint-Claude. En revanche, 27 petites villes sont localisées dans l’une des quinze zones d’emploi qui perd des habitants. Elles rassemblent 60 % des emplois des petites villes, la part la plus élevée des régions françaises, loin devant la Corse (49 %) et Grand Est (42 %), et bien au-dessus de la moyenne de province de 28 %.
graphiqueFigure 3 – Le contexte démographique des années 80, étroitement lié à la croissance de l’emploi des petites villes à partir de 1990Évolution de la population des zones d’emploi entre 1982 et 1990
La structure de l’emploi influe peu sur le différentiel de croissance
Contrairement aux autres facteurs structurels, comme l’armature urbaine ou la démographie, pour lesquels il existe de grandes différences entre la région et les autres, la structure de l’emploi est moins variable d’une région à l’autre et n’explique que pour 1,3 point l’écart de croissance. En effet, partout en France, le repli des activités industrielles mais aussi agricoles a fait place au large développement du tertiaire, en particulier de la branche « administration, enseignement, santé, action sociale ». Cette poussée du tertiaire a contribué favorablement au destin des petites villes en gommant en partie les suppressions de postes dans les autres secteurs. Les petites villes de la région ne se démarquent pas en la matière : avec 25 % d’emplois en 1990, la branche « administration, enseignement, santé et action sociale » se situe à un niveau proche de la moyenne des petites villes de province. Cette compensation entre secteurs d’activités, présente dans toutes les régions, limite ainsi l’impact de la structure des emplois sur l’écart de croissance entre les petites villes de la région et la moyenne de province.
tableaufigure 4 – Un déficit de croissance expliqué le plus élevé des régionsDécomposition structurelle-résiduelle des écarts de croissance de l’emploi des petites villes avec la moyenne régionale
Petites villes | Nombre de petites villes | Emploi 2014 | Évolution 1990/2014 | Écart avec la moyenne de province | Écart expliqué | Écart inexpliqué par les variables structurelles |
---|---|---|---|---|---|---|
Centre-Val-de-Loire | 43 | 150 800 | + 1,0 | - 19,5 | - 3,7 | - 15,8 |
Bourgogne-Franche-Comté | 46 | 166 400 | + 1,7 | - 18,8 | - 12,0 | - 6,8 |
Grand-Est | 77 | 199 200 | + 8,3 | - 12,2 | - 3,4 | - 8,8 |
Normandie | 49 | 196 000 | + 8,5 | - 12,0 | - 2,1 | - 9,9 |
Hauts-de-France | 62 | 296 800 | + 9,4 | - 11,1 | + 0,6 | - 11,7 |
Nouvelle Aquitaine | 81 | 316 500 | + 21,2 | + 0,7 | - 3,8 | + 4,5 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 89 | 285 900 | + 25,3 | + 4,8 | + 4,7 | + 0,1 |
Occitanie | 107 | 283 600 | + 28,8 | + 8,4 | + 4,1 | + 4,3 |
Bretagne | 81 | 345 300 | + 34,2 | + 13,7 | + 3,7 | + 10,0 |
Pays de la Loire | 77 | 323 200 | + 37,8 | + 17,3 | - 2,8 | + 20,2 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur | 51 | 167 400 | + 38,3 | + 17,9 | + 17,3 | + 0,5 |
Corse | 6 | 24 800 | + 76,0 | + 55,5 | + 4,2 | + 51,3 |
France de province | 769 | 2 755 900 | + 20,5 | 0,0 | 0,0 | 0,0 |
- Source : Insee, recensements de la population 1990 et 2014
La spécialisation industrielle pèse sur la croissance de l’emploi
Si la structure de l’emploi au début des années 90 n’explique que faiblement l’écart de croissance constaté entre les petites villes de la région et la moyenne de province, elle pèse fortement sur la croissance de l’emploi.
La part d’emplois industriels a l’impact le plus négatif. En effet, dans les petites villes très industrielles, celles qui comptent en 1990 au moins 40 % d’emplois relevant de ce secteur, l’emploi n’a progressé que faiblement, de moins de 5 % entre 1990 et 2009. En revanche, la croissance de l’emploi a été sept fois plus dynamique, avoisinant les 35 %, dans les petites villes peu industrielles, c’est-à-dire celles regroupant moins de 20 % d’emplois industriels.
En 1990, les petites villes dénombrent en moyenne 29 % d’emplois industriels. Avec 37 %, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est détiennent la part la plus élevée. En Bourgogne-Franche-Comté, dans 16 petites villes, la part de l’emploi industriel représente tout de même plus de 40 % de l’emploi total et pour 7 d’entre elles, cette part dépasse les 50 %. Ainsi, la spécialisation industrielle de la région a pesé défavorablement sur la croissance de l’emploi.
Des petites villes à la trajectoire atypique
L’armature urbaine, le contexte démographique et la structure de l’emploi influent sur le taux de croissance de l’emploi dans les petites villes et permettent d’expliquer un écart de 12 points entre la Bourgogne-Franche-Comté et la moyenne de province. C’est l’écart structurel le plus élevé des régions de province.
Demeure pour la région, un déficit de croissance de 6,8 points non expliqué par les facteurs structurels retenus. Ce déficit tient en partie à la trajectoire atypique de deux types de petites villes. D’une part, celles qui ont gagné beaucoup d’habitants mais pas d’emplois (groupe vert) alors qu’elles bénéficient d’un contexte démographique favorable et sont localisées à proximité d’une grande aire urbaine. C’est le cas des petites villes du nord de l’Yonne dont l’attractivité résidentielle tient à leur proximité avec l’Île-de-France.
D’autre part, celles dont les pertes d’emploi et de population sont plus importantes qu’attendues (groupe bleu foncé) : l’ampleur des destructions d’emplois, qui repose sur des effets d’entraînement marqués, n’a pu être anticipée malgré leur localisation, le contexte démographique dans lequel elles se trouvent et la structure de leur emploi.
Des petites villes en forte croissance près des grandes métropoles
La méthode utilisée pour définir les sept catégories de petites villes de Bourgogne-Franche-Comté a été appliquée à l’ensemble des 769 petites villes de province (Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 31). Des territoires où la croissance démographique et économique des petites villes a été plus soutenue sont ainsi mis en évidence. En effet, nombre d’unités urbaines qui gagnent beaucoup d’habitants et d’emplois (groupe rouge) constituent un maillage dense sur l’arc atlantique. Elles sont aussi très présentes dans le bassin lyonnais, la vallée du Rhin, ou encore le littoral méditerranéen, autant de territoires qui disposent d’une armature urbaine solide. Pour une grande majorité d’entre elles, ces petites villes sont situées à proximité des grandes métropoles, notamment autour de Rennes, Nantes, Montpellier et Toulouse.
Dans ce contexte, la métropole dijonnaise fait figure d’exception ; elle polarise moins de petites villes que les autres métropoles et davantage de communes rurales. La croissance de l’emploi plus dynamique dans les communes rurales de la région (+ 6,9 % entre 1990 et 2014) que dans les petites villes tient en partie à ce positionnement.
À l’inverse, les petites villes qui ont cumulé des pertes importantes d’emplois et de population entre 1990 et 2014 (groupe bleu foncé), sont surtout présentes dans les territoires ruraux de Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire et Grand Est.
graphiqueDe nombreuses petites villes de l’ouest et du pourtour méditerranéen en plein essorTrajectoire des petites villes de province selon l’évolution de l’emploi et de la population entre 1990 et 2014
Pour comprendre
Analyse structurelle résiduelle de la croissance économique des petites villes
La méthode mise en œuvre pour expliquer les différences observées entre les régions est une analyse de la variance du taux de croissance de l’emploi dans les petites villes entre 1990 et 2014. Les éléments influents de l’environnement socio-économique retenus sont le positionnement dans une grande aire urbaine, l’évolution de la population de la zone d’emploi englobante entre 1982 et 1990, la répartition sectorielle de l’emploi en 1990.
Les résultats du modèle permettent de mettre en évidence les effets moyens – c’est-à-dire observés en moyenne en province – de ces facteurs explicatifs sur le taux de croissance de l’emploi. Pour interpréter le modèle au niveau de chaque région, on peut le décomposer en appliquant le paramètre estimé au niveau national pour chaque facteur explicatif (effet moyen) à la valeur prise dans la région par ce même facteur. On calcule ainsi les contributions de chaque facteur à l’écart à la moyenne de province du taux de croissance de l’emploi des petites villes de la région.
Trajectoire des petites villes de province entre 1990 et 2014
La trajectoire est déterminée à partir de l’évolution de la population au lieu de résidence et de l’évolution de l’emploi au lieu de travail. Les seuils retenus pour former les groupes sont ceux identifiés dans la publication Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 31 et sont propres à la Bourgogne-Franche-Comté. Ils permettent d’analyser la situation des petites villes de province au regard de la situation régionale.
Pour en savoir plus
Chassard M., René Y., Ville H., « Déclin marqué ou affirmation de leur rôle central, les destins contrastés des petites villes de Bourgogne-Franche-Comté », Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 31, avril 2018.
Bouriez M., Brion D., « Les liens entre les aires urbaines, leviers de développement dans une région en quête de métropole », Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 3, mars 2016.
Brion D., « Petites villes de Bourgogne : localisation, emploi, offres de service, à chacune sa dynamique et son rôle », Insee Bourgogne Dimensions n° 178, juillet 2012.
Floch J-M., Morel B., « Panorama des villes moyennes », document de travail, janvier 2011.