Difficultés d’accès aux services : l’arrière-pays méditerranéen cumule les contraintes

L’accessibilité aux services est habituellement mesurée à partir du temps d’accès par la route à un panier d’équipements de la vie courante. D’autres facteurs interviennent cependant dans les difficultés d’accès. Cette étude en mesure douze, répartis en deux types : d’une part ceux liés aux caractéristiques du territoire (altitude, attractivité, utilisation effective de transports en commun, etc.), d’autre part ceux liés aux caractéristiques de la population résidant sur ce territoire (pauvreté, non-insertion des jeunes, absence de voiture au sein des ménages, etc.) (méthodologie).

Deux approches sont mises en œuvre dans cette étude pour caractériser les territoires de la région en matière d’accessibilité aux services. La première approche consiste à calculer le rang moyen (ou « score d’accessibilité ») de chaque bassin pour les indicateurs pris en compte. La seconde consiste à bâtir une typologie des bassins, réalisée à partir des mêmes indicateurs et faisant ressortir des profils-types. Les résultats portent sur l’ensemble de la région Occitanie, découpée en 278 bassins d’étude, définis sur la base des bassins de vie.

Selon la première approche, les bassins cumulant le plus de difficultés d’accès aux services se situent dans l’arrière-pays méditerranéen, de Bessèges au nord à Prades au sud, et jusqu’à Saint-Girons dans le Couserans (figure 1).

Ce chapelet de bassins les plus en difficultés regroupe des territoires faiblement ou moyennement peuplés. Ceux de Saint-Jean-du-Gard, Estagel et Espéraza comptent moins de 8 000 habitants. Ceux de Lodève ou Langogne sont un peu plus peuplés (environ 15 000 habitants). Seule exception, le bassin de Lézignan-Corbières abrite plus de 45 000 habitants.

L’accès aux services est généralement perçu comme plus aisé en milieux urbains, plus denses et mieux équipés. Effectivement, à l’autre extrémité du classement, les banlieues et couronnes périurbaines de Toulouse, Montpellier et Nîmes regroupent les bassins les plus favorisés en matière d’accès aux services. Les bassins les mieux positionnés sont ceux de Clarensac vers Nîmes, Saint-Orens-de-Gameville, Balma et Castelginest à proximité de Toulouse. Autour de Montpellier, ceux de Jacou, Le Crès et Lattes bénéficient également d’un accès aisé aux services. Mais les bassins qui englobent les communes de Toulouse et Montpellier, tout en étant relativement bien classés et figurant dans le premier tiers des bassins favorisés, arrivent après. Celui de Nîmes affiche un score global médian. Plusieurs bassins constitués de grandes communes connaissent des difficultés d’accès aux services. Cette situation concerne par exemple Alès, Narbonne, Carcassonne, Perpignan ou Béziers. En effet, au-delà de l’offre de services, des paramètres d’environnement et des caractéristiques de la population expliquent en partie ces résultats.

Les contraintes liées aux caractéristiques du territoire sont les plus fortes dans les bassins du Massif central, notamment en Lozère et en Aveyron (Florac, Langogne, Sévérac-le-Château...) (figure 2). Les bassins de Rodez et des alentours, bénéficiant de meilleures conditions en matière de temps d’accès, d’attractivité, de transport..., font figure d’exception. Certains bassins des Pyrénées sont également confrontés à des difficultés importantes (notamment Saint-Girons, Quillan et Font-Romeu).

Au regard des caractéristiques propres à la population, les difficultés socio-économiques sont plus élevées le long du littoral méditerranéen et dans son arrière-pays (par exemple à La Grand-Combe, Saint-Jean-du-Gard, Bessèges) et viennent réduire l’accessibilité aux services (figure 3). C’est également le cas pour de grandes communes, dans lesquelles résident des populations fragiles (comme à Béziers, Perpignan ou Alès).

Des bassins comme ceux de Limoux, Lodève ou Bédarieux, en zone de piémont et à la périphérie des aires urbaines, cumulent difficultés propres au territoire et à la population.

La typologie des bassins au regard de l’accessibilité dessine dix profils-types à partir des caractéristiques d’environnement et de population. Quatre d’entre eux regroupent des bassins pour lesquels l’accessibilité est fortement limitée, trois autres présentent des difficultés intermédiaires tandis que les dernières catégories de bassins bénéficient de conditions favorables (figure 4 et figure 5).

Des bassins comme ceux de Nîmes, Narbonne, Carcassonne et Perpignan font ainsi face à des contraintes d’accès similaires : il s’agit de grandes communes, marquées par un environnement plutôt favorable mais dont la population est très fragilisée sur le plan économique et social (profil 4). Ainsi, dans ces bassins, le taux de pauvreté est supérieur à 24 % (17 % en moyenne sur la région) et surtout, la part de jeunes non insérés y est maximale (plus de 7 %, contre 4,2 % en Occitanie). Ce sont les seules zones urbaines à ressortir comme véritablement défavorisées quant à l’accès aux services, les trois autres grands groupes de bassins en difficulté relevant tous d’espaces ruraux.

Une grande partie de la Lozère et plusieurs bassins du massif des Pyrénées ont en commun des problèmes d’isolement géographique et des tensions dues à l’activité touristique saisonnière (profil 2). Dans ces territoires, le relief est très accidenté et cinq actifs sur six travaillent dans leur bassin de résidence, ce qui implique un isolement physique des populations. À cela s’ajoute l’éloignement des principaux services de base : 10 % de la population met en moyenne plus de 14 minutes en voiture pour y accéder.

De grands territoires ruraux (403 100 habitants), surtout localisés dans le Gers, l’Aveyron et le Lot constituent un troisième type de bassins présentant des difficultés d’accès aux services (profil 3). Ils abritent notamment de nombreuses personnes âgées pauvres, les services de base sont parfois éloignés et l’offre de transports en commun peu développée.

La catégorie de bassins la plus défavorisée se situe sur une bande territoriale allant des Vans en Ardèche à Saint-Pons-de-Thomières dans l’Hérault, à laquelle s’ajoute le bassin de Saint-Girons et ceux joignant Espéraza à Amélie-les-Bains-Palalda (profil 1). Globalement peu peuplés (191 200 habitants au total), ces bassins cumulent plusieurs contraintes : un taux de pauvreté très élevé (25,9 %), de nombreux jeunes non insérés (6,4 %), une population âgée (15,4 % de personnes d’au moins 75 ans), dont une part non négligeable vit sous le seuil de pauvreté. Dans ces zones de moyenne montagne, les services du quotidien sont à plus de 16 minutes en voiture pour 10 % de la population. De plus, dans ces territoires, 10,9 % des habitants vivent dans un ménage sans voiture.

Trois autres profils de bassins présentent des difficultés d’accès aux services, moindres mais non négligeables. Il s’agit d’abord des stations balnéaires (profil 7). Ces bassins se distinguent par un afflux touristique estival (avec une capacité de plus de six lits touristiques par habitant) engendrant de forts besoins saisonniers en matière de services. En outre, la population de ces bassins connaît une pauvreté élevée et de nombreux jeunes ne sont pas insérés.

Deux profils de bassins ruraux (Gaillac, Sigean, Pézenas…) ou voisins de villes moyennes (Cahors, Albi, Auch…) regroupent une population importante (2 012 200 habitants). Le premier connaît une pauvreté élevée et une population en forte croissance, mais peu de contraintes liées au territoire (profil 6). Le second rencontre quelques difficultés sociales ou liées à un territoire accidenté, mais relativement peu marquées par rapport à l’ensemble de la région (profil 5).

Enfin, deux profils rassemblent 1 604 400 habitants et présentent peu de difficultés d’accès aux services. Ils regroupent par exemple les couronnes périurbaines de Toulouse, Montpellier et Nîmes (profil 9) ou les territoires proches de Tarbes et Rodez (profil 8). Le dixième profil réunit les deux métropoles de Montpellier et Toulouse.

La confrontation des deux méthodes de caractérisation des bassins en termes d’accessibilité (scores et profils) met en exergue les profils extrêmes qui se démarquent nettement dans les deux approches (figure 5). Le croisement des résultats permet également de mieux comprendre les différences de situations des territoires, en particulier pour les profils de bassins les plus défavorisés.

Avec un accès très difficile aux services, les bassins de Saint-Pons-de-Thomières, Bédarieux ou Lodève (profil 1) dans l’Hérault cumulent difficultés d’environnement (montagnes du Haut-Languedoc) et difficultés sociales (suites des fermetures des industries textiles au cours du XX^e siècle). Ceux de La Grand-Combe et de Saint-Jean-du-Gard connaissent de leur côté d’importantes difficultés sociales, héritées de la disparition de l’industrie minière à la fin du XX^e siècle.

Parmi les bassins marqués par un important isolement et des tensions saisonnières (profil 2), certains bassins tels ceux de Langogne ou Florac, présentent un taux de pauvreté élevé (20 % environ), leur conférant un score lié aux caractéristiques de la population défavorable. Ces bassins, entre Causses, Cévennes et Monts du Vivarais regroupent ainsi les territoires les plus contraignants pour l’accès aux services. À l’opposé, d’autres bassins comme celui de Mende sont plus favorisés en matière socio-économique (peu de personnes âgées, peu de jeunes non-insérés).

Parmi les grandes communes partageant d’importantes difficultés sociales (profil 4), le bassin de Tarbes présente un bon score de contexte alors que celui de Carcassonne est proche de la valeur médiane de la région.

La situation est plus contrastée pour les profils 3, 5 et 6. Alors qu’ils sont proches dans l’analyse par scores, la classification fait émerger des contraintes différenciées.