Contrôle et dépendance des entreprises : une économie régionale à la fois influente et dépendante Atouts et défis des Hauts-de-France
Hormis l'Île-de-France, la région des Hauts-de-France est celle qui exerce l'influence la plus forte sur les autres régions. La présence de nombreux sièges sociaux d'entreprises installés sur son territoire, principalement du secteur du commerce, explique cette situation. Près d'un salarié sur quatre dépendant d'un centre de décision régional travaille ainsi hors de la région. Parallèlement, la région est aussi davantage dépendante de l'extérieur que la plupart des autres régions de province, avec près d'un salarié régional sur deux dépendant de centres de décision extérieurs à la région. Cette dépendance importante s'explique notamment par la présence plus fréquente d'établissements de taille intermédiaire dans le tissu régional, sous le contrôle de centres de décision localisés principalement en Île-de-France. La dépendance de l'économie régionale à des centres de décision étrangers est également particulièrement marquée, traduisant l'attractivité du territoire régional pour les investisseurs étrangers.
Cette étude fait partie d'une série de publications sur les Atouts et défis des Hauts-de-France.
- Le taux de contrôle le plus élevé de France de province
- Un rayonnement porté par les entreprises du commerce
- Une forte influence des centres de décision extérieurs au territoire
- Une dépendance marquée vis-à-vis de l'Île-de-France
- Une dépendance liée à la présence d'établissements de taille intermédiaire
- Une géographie favorable à la connexion avec les partenaires économiques européens
- L'Allemagne est le premier pays étranger pour le contrôle des salariés régionaux
- L'effet structurel et l'effet géographique jouent l'un et l'autre sur la dépendance régionale
Le taux de contrôle le plus élevé de France de province
La région Hauts-de-France accueille sur son territoire de nombreux centres de décision qui exercent fréquemment leur influence en dehors des limites régionales. Ainsi, 180 000 emplois représentant 23 % des salariés contrôlés par des centres de décision implantés en Hauts-de-France sont situés dans les autres régions françaises en 2013 (figure 1). Ce taux de contrôle est le plus élevé des régions de France de province devant la Bretagne (21 %) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (19,5 %). Il est également supérieur de plus de huit points à la moyenne des régions de province.
tableauFigure 1 – La première région de province pour l'influence de ses centres de décisionTaux de contrôle des centres de décision régionaux
Taux de contrôle 2013 (%) | |
---|---|
11 | 47,0 |
24 | 11,5 |
27 | 8,8 |
28 | 11,0 |
32 | 23,0 |
44 | 10,4 |
52 | 14,3 |
53 | 21,0 |
75 | 10,9 |
76 | 9,7 |
84 | 14,6 |
93 | 19,5 |
94 | 2,2 |
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
graphiqueFigure 1 – La première région de province pour l'influence de ses centres de décisionTaux de contrôle des centres de décision régionaux
Un rayonnement porté par les entreprises du commerce
Ce rayonnement important de la région s'observe principalement dans le secteur du commerce. Dans ce secteur, 44 % des salariés dépendant d'un centre de décision régional travaillent en dehors des Hauts-de-France, soit vingt points de plus qu'en moyenne pour la France de province. Le poids du commerce dans l'ensemble des emplois contrôlés à l'extérieur de la région est prépondérant. Sept emplois salariés sur dix contrôlés sur le territoire national par un centre de décision régional proviennent du secteur commercial contre quatre sur dix en France de province. Auchan, Leroy Merlin et Décathlon sont les figures de proue de ce rayonnement régional.
Près de 48 000 emplois contrôlés à l'extérieur de la région par un centre de décision interne se situent en Île-de-France (figure 2). Ils représentent ainsi un peu plus d'un quart des 180 000 emplois contrôlés par les centres de décision régionaux. Ensuite, avec environ 20 000 emplois chacun, viennent Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. Hormis la Corse, c'est en Bretagne que le rayonnement de la région Hauts-de-France est le plus limité avec moins de 5 000 emplois contrôlés.
tableauFigure 2 – Près de 48 000 emplois situés en Île-de-France sont contrôlés par un centre de décision régional
Industrie | Commerce | Services | Construction | |
---|---|---|---|---|
Île-de-France | 1762 | 32974 | 12697 | 924 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 1413 | 15179 | 5058 | 81 |
Grand Est | 2595 | 13246 | 4437 | 270 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 467 | 13258 | 3460 | 166 |
Nouvelle-Aquitaine | 1201 | 12433 | 2183 | 202 |
Occitanie | 488 | 9875 | 2214 | 60 |
Normandie | 2314 | 7053 | 2597 | 455 |
Pays de la Loire | 1160 | 6800 | 1548 | 86 |
Centre-Val de Loire | 1066 | 6347 | 1594 | 70 |
Bourgogne-Franche-Comté | 531 | 4261 | 778 | 42 |
Bretagne | 424 | 3400 | 827 | 193 |
Corse | 220 | 20 |
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
graphiqueFigure 2 – Près de 48 000 emplois situés en Île-de-France sont contrôlés par un centre de décision régionalNombre d’emplois salariés contrôlés par un centre de décision situé en Hauts-de-France par région et secteur d'activité
Une forte influence des centres de décision extérieurs au territoire
Si la région accueille de nombreux centres de décision, elle est aussi très dépendante de sièges situés hors du territoire régional, que ce soit en France ou à l'étranger. Ainsi, 47 % des salariés régionaux, soit 538 000 emplois, dépendent d'un centre de décision extérieur à la région (figure 3). Cela représente 2,6 points de plus qu'en moyenne pour les régions de France de province.
La situation de la région est atypique : elle conjugue un taux de contrôle élevé et une dépendance marquée à des centres de décision extérieurs. Les régions ayant également un taux de contrôle élevé, comme la Bretagne ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, présentent une dépendance plus faible. À l'inverse, les régions les plus dépendantes de l'extérieur comme Centre-Val de Loire, Normandie et Grand Est ont un taux de contrôle inférieur d'au moins trois points à la moyenne de la France de province.
tableauFigure 3 – Une forte dépendance à des centres de décision situés hors de la région
Taux de dépendance 2013 (%) | |
---|---|
11 | 24,1 |
24 | 52,6 |
27 | 47,2 |
28 | 48,5 |
32 | 47,2 |
44 | 48,5 |
52 | 43,7 |
53 | 38,8 |
75 | 40,8 |
76 | 42,6 |
84 | 43,8 |
93 | 43,1 |
94 | 18,0 |
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
graphiqueFigure 3 – Une forte dépendance à des centres de décision situés hors de la régionPart des emplois régionaux contrôlés par un centre de décision extérieur
Une dépendance marquée vis-à-vis de l'Île-de-France
Dans les Hauts-de-France, trois salariés sur dix, soit 340 000 emplois, dépendent d'un centre de décision implanté dans une autre région française. Parmi eux, comme pour l'ensemble des régions de province, environ huit sur dix dépendent du territoire francilien, ce qui montre l'intensité de son influence. La majeure partie de ces emplois relève du secteur de la construction (Eiffage, Colas…). Sur les quelque 62 000 emplois restants ne dépendant pas de l'Île-de-France, la moitié provient des services (Onet, Adrexo, Macif…). Parmi les régions de province, les Hauts-de-France sont plus dépendants de l'Auvergne-Rhône-Alpes avec 13 000 emplois concernés.
Une dépendance liée à la présence d'établissements de taille intermédiaire
La plus forte dépendance de la région à des centres de décision extérieurs s'explique principalement par la structure du tissu productif régional, et, en particulier, par la plus forte présence d'établissements de taille intermédiaire dans l'économie régionale (encadré).
En effet, la dépendance à un centre de décision extérieur augmente généralement avec la taille de l'établissement. Or la moitié des salariés régionaux sont rattachés à un établissement d'au moins 50 salariés, soit la part la plus importante de l'ensemble des régions, six points au-dessus de la moyenne de France de province (figure 4).
tableauFigure 4 – Des établissements de 50 à 499 salariés plus présents et plus dépendantsRépartition des salariés par tranche d’effectif
Part des salariés Hauts-de-France | Part des salariés régions de France de province | |
---|---|---|
Moins de 10 salariés | 22,6 | 27,0 |
10 à 19 salariés | 11,4 | 13,0 |
20 à 49 salariés | 16,9 | 17,2 |
50 à 499 salariés | 37,9 | 34,1 |
500 salariés et plus | 11,2 | 8,7 |
- Lecture : 38 % des salariés des Hauts-de-France travaillent dans des établissements de 50 à 499 salariés. En moyenne pour les régions de province, 34% des salariés travaillent dans des établissements de 50 à 499 salariés.
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
graphiqueFigure 4 – Des établissements de 50 à 499 salariés plus présents et plus dépendantsRépartition des salariés par tranche d’effectif
tableau – Des établissements de 50 à 499 salariés plus présents et plus dépendantsTaux de dépendance par tranche d’effectif
Taux de dépendance Hauts-de-France | Taux de dépendance régions de France de province | |
---|---|---|
Moins de 10 salariés | 18,0 | 16,8 |
10 à 19 salariés | 28,1 | 28,7 |
20 à 49 salariés | 38,1 | 40,3 |
50 à 499 salariés | 67,4 | 65,1 |
500 salariés et plus | 70,8 | 82,9 |
- Lecture : 67 % d'entre eux sont dépendants à un centre de décision situé en dehors de la région. En moyenne pour les régions de province, 65 % des salariés sont dépendants à un centre de décision situé en dehors de leur région de travail.
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
Toutefois, le taux de dépendance des salariés régionaux exerçant au sein des établissements d'au moins 500 salariés est inférieure de douze points à celui de la France de province. En effet, de nombreux établissements de cette taille relèvent de centres de décision installés dans la région, que ce soit dans le commerce (Auchan, Leroy Merlin, Décathlon) ou l'industrie (Arc International, Roquette Frères, Française de Mécanique).
Une géographie favorable à la connexion avec les partenaires économiques européens
Les salariés régionaux sont également fortement dépendants d'entreprises dont le siège social est implanté à l'étranger. En effet, 17 % d'entre eux dépendent d'un centre de décision situé dans un pays étranger, soit environ quatre points de plus qu'en moyenne pour les régions de province. Cela représente la deuxième plus forte dépendance à l'étranger en France de province derrière le Grand Est (20 %).
Cette plus forte dépendance à des centres de décision étrangers s'explique davantage par des effets géographiques que par la structure particulière du tissu productif régional (encadré). La région est en effet située à un carrefour stratégique entre l'Île-de-France et l'Europe du Nord, à proximité de partenaires économiques majeurs comme l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
L'Allemagne est le premier pays étranger pour le contrôle des salariés régionaux
Quelque 198 000 emplois régionaux sont contrôlés par un centre de décision étranger. Le premier pays partenaire est l'Allemagne (Arvato Services France et Lidl comme principaux centres de décision implantés dans ce pays contrôlant des salariés dans la région) avec environ 33 000 emplois, juste devant la Belgique (Cora, Supermarchés Match) (figure 5). Viennent ensuite les États-Unis (Goodyear, AGCO Corporation) et le Luxembourg (ArcelorMittal, TFN Propretés) avec environ 25 000 emplois contrôlés pour chacun. À un degré moindre, avec moins de 15 000 emplois contrôlés, se placent les Pays-Bas (Aérolia, Chanel) et le Royaume-Uni (Brico Dépôt, Castorama).
La moitié des emplois régionaux contrôlés par l'étranger sont situés dans l'industrie. Plusieurs secteurs industriels sont plus particulièrement concernés : l'industrie chimique (Procter & Gamble, Chanel, Akzo Nobel), la métallurgie (ArcelorMittal, Dillinger, Thyssen Krupp) et la fabrication de matériel de transport (Toyota, Bombardier, Aerolia).
tableauFigure 5 – L’Allemagne et la Belgique sont les premiers pays investisseurs dans les Hauts-de-FranceNombre d’emplois en région selon la localisation de leur centre de décision étranger par secteur
Industrie | Commerce | Services | Construction | |
---|---|---|---|---|
Allemagne | 12200 | 10531 | 9921 | 601 |
Belgique | 11586 | 12060 | 7842 | 755 |
Etats-Unis | 17137 | 4607 | 4155 | 663 |
Luxembourg | 10391 | 5225 | 7576 | 1012 |
Pays-Bas | 8476 | 3365 | 2348 | 75 |
Royaume-Uni | 4316 | 4486 | 4209 | 4 |
Suisse | 6375 | 1552 | 3011 | 97 |
Japon | 7631 | 826 | 498 | 0 |
Italie | 5128 | 972 | 563 | 4 |
Suède | 2179 | 1542 | 1834 | 28 |
Espagne | 1972 | 1788 | 1745 | 19 |
- Source : Insee, Clap, Lifi 2013.
graphiqueFigure 5 – L’Allemagne et la Belgique sont les premiers pays investisseurs dans les Hauts-de-FranceNombre d’emplois en région selon la localisation de leur centre de décision étranger par secteur
L'effet structurel et l'effet géographique jouent l'un et l'autre sur la dépendance régionale
Lors de la comparaison des taux de dépendance observés sur plusieurs zones, il est utile de prendre en compte les différences de structures entre ces territoires. En effet les activités, ou les populations présentes dans ces zones, peuvent expliquer en partie les écarts constatés. La question est jusqu'à quel point les écarts observés entre les territoires sont dus aux différences structurelles. L'analyse structurelle-géographique cherche à répondre à cette question. L'objectif est de décomposer l'écart du taux de dépendance régional à la moyenne observée en France de province en deux composantes : l'effet structurel et l'effet propre de la zone, appelé effet géographique.
L'écart de 2,6 points entre le taux de dépendance observé en Hauts-de-France et celui de l'ensemble des régions de France de province se décompose en un effet structurel de + 3,1 points et un effet géographique de – 0,5 point. En conséquence, l'effet structurel tire la dépendance des Hauts-de-France vers le haut, et plus particulièrement l'effet taille des établissements (+ 2,9 points), la région comportant davantage de grands établissements qu'en France de province.
La dépendance régionale à l'étranger est de son côté de + 3,8 points supérieur à la moyenne des régions de province. Dans ce cas, c'est davantage l'effet géographique qui joue à la hausse sur cette dépendance (+ 2,7 points) que l'effet structurel (+ 1,1 point). La proximité géographique de partenaires économiques importants comme l'Allemagne, le Benelux et le Royaume-Uni explique cette tendance.
Définitions
Centre de décision : si l'entreprise ne possède qu'un seul établissement, alors cet établissement constitue le centre de décision de l'entreprise. Si l'entreprise a plusieurs établissements, le siège social de l'entreprise est son centre de décision. Enfin si l'entreprise appartient à un groupe, le centre de décision est le siège social de l'entreprise qui contrôle les autres, en l'occurrence la tête de groupe.
Le taux de contrôle est le rapport entre les emplois salariés hors de la zone (en pratique limités à la France) contrôlés par des centres de décision internes à la zone et le total des emplois salariés contrôlés par les centres internes. Un ratio égal à 0 % signifie que l'ensemble des emplois contrôlés par un centre de décision régional sont situés uniquement dans cette région. À l'inverse, ce taux est de 100 % lorsque la totalité des emplois sont situés à l'extérieur de la région.
Le taux de dépendance est le rapport entre les emplois salariés des établissements implantés dans la zone dépendant de centres de décision extérieurs à cette zone et le total des emplois salariés de la zone.
Le champ de l'étude porte sur les effectifs salariés (hors administration et intérim) du secteur marchand en 2013.
Pour en savoir plus
Emorine M. et Ramaye C., « Près d’un emploi salarié champardennais sur deux dépend de centres de décision extérieurs à la région », Insee Analyses Champagne-Ardenne, n° 14, octobre 2015.
Garçon N. et Prévot P., « Centres de décision extérieurs : un équilibre entre autonomie et ouverture », Insee Analyses Limousin, n° 14, juin 2015.
Raffin C., « Deux emplois picto-charentais sur cinq dépendent de centres de décision extérieurs à la région », Insee Analyses Poitou-Charentes, n° 13, avril 2015.
Cuchère E., Terra S., « Une région jeune qui dispose d’un potentiel pour faire face à ses défis », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 46, mars 2017.