Deux emplois picto-charentais sur cinq dépendent de centre de décisions extérieurs à la région
Le Poitou-Charentes a une économie régionale parmi les moins dépendantes d’un centre de décision extérieur avec un taux de dépendance de 39 % sur le champ des entreprises marchandes. Le tissu productif composé plus qu’ailleurs de petites entreprises indépendantes et la présence historique des mutuelles niortaises dans la région contribuent à ce constat. En 2011, un emploi salarié picto-charentais sur cinq dépend d’une entreprise dirigée depuis l’Île-de-France. La région capitale est suivie par les Pays de la Loire, le Nord-Pas-de-Calais et l’Aquitaine. Les groupes étrangers implantés dans la région restent concentrés dans l’industrie, en particulier la fabrication de matériels de transport et celle d’équipements électriques, électroniques, informatiques. Les États-Unis et l’Allemagne sont les deux premiers pays investisseurs dans l’économie régionale.
- La dépendance : une histoire stratégique, économique et financière
- Une typologie en quatre profils
- De nombreux petits établissements indépendants
- Plus de dépendance en Vienne et en Charente
- Une dépendance plus faible qu’ailleurs
- Des centres de décisions majoritairement franciliens
- Une dépendance étrangère en premier lieu nord-américaine
- Encadré : méthodologique
- Encadré : une richesse entrepreneuriale à préserver
- Encadré : dépendance
En 2011, 135 000 salariés travaillent dans un établissement dépendant d’un centre de décision extérieur au Poitou-Charentes. Ils représentent près de 39 % des emplois salariés de la région, sur le champ des entreprises marchandes, soit un faible taux de dépendance en comparaison des autres régions de province (figure 1). La dépendance à un centre de décision extérieur est source à la fois de risques et d’opportunités (encadré : dépendance) pour l’économie picto-charentaise. Le niveau de dépendance dépend aussi de facteurs structurels.
graphiquefigure_1 – Part des emplois régionaux contrôlés par un centre de décision extérieur

- Sources : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011
La dépendance : une histoire stratégique, économique et financière
La dépendance à des centres de décision extérieurs est très variable suivant les secteurs. Chacun d’eux n’est pas soumis aux mêmes contraintes stratégiques (volonté de contrôle national), économiques (nécessités d’économies d’échelle et de structure) et financières (besoins en capitaux). Quatre grands types de secteurs se distinguent selon l’intensité de leur dépendance à l’extérieur, en particulier avec l’étranger (figure 2).
graphiquefigure_2 – Répartition des secteurs selon leur taux de dépendance globale et spécifique à l’étranger

- Sources : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011
Une typologie en quatre profils
Un premier groupe de secteurs, souvent liés à l’économie présentielle, se caractérise par une dépendance particulièrement faible (taux de dépendance de 17 %). Il est composé des secteurs de l’agriculture, de la construction, des activités immobilières et des services à la personne, souvent organisés en structures indépendantes et répondant à des besoins de proximité. Ces secteurs emploient 20 % des salariés de la région, les deux tiers étant des ouvriers portés par le secteur de la construction.
Un deuxième groupe est constitué de secteurs fortement dépendants de l’extérieur (taux de dépendance de 55 %), surtout dirigés depuis la région parisienne (46 %). Pour ces secteurs de l’énergie, eau, gestion des déchets, transports, entreposage, information, communication et enfin assurance, finance, l’emploi est en particulier concentré dans de grandes entreprises françaises parmi lesquelles figurent EDF, GDF, La Poste, France Télécom. Ces secteurs sont peu contrôlés de l’étranger pour des raisons stratégiques (dans le cas des secteurs de l’énergie ou de la finance) mais fortement centralisés pour des raisons d’économies d’échelle. Ils emploient 20 % des salariés de la région et concentrent les cadres (20 % des salariés), surtout dans l’information-communication et l’assurance-finance où ils représentent 33 % des salariés.
Un troisième groupe de secteurs se démarque par sa forte dépendance (56 %), surtout vis-à-vis de l’étranger (26 %). Il est constitué de l’industrie (hors industrie agro-alimentaire), en particulier la fabrication de matériels de transports et celle d’équipements électriques, électroniques, informatiques. Le fort taux de dépendance dans ces secteurs s’explique par des besoins importants en capitaux, et donc une ouverture à un marché international. Ils emploient 20 % des salariés de la région, avec un taux d’encadrement moyen (10 %) et une part importante d’ouvriers (60 %).
Le dernier groupe de secteurs, constitué du commerce, de l’industrie agro-alimentaire, de l’hébergement-restauration et des services aux entreprises possède des taux de dépendance dans la moyenne. En effet, il regroupe à la fois de petites structures indépendantes (commerces de proximité, activités liées au tourisme) et de grands groupes parfois étrangers (grande distribution, chaines de restauration). Ces secteurs emploient 40 % des salariés de la région, dont la moitié sont des employés.
De nombreux petits établissements indépendants
Parmi les 41 000 établissements implantés en Poitou-Charentes, plus de 28 000 sont des entreprises mono-établissement qui forment donc par définition des établissements non dépendants de centres de décision extérieurs (figure 3).
Parmi les 13 000 autres établissements implantés sur le territoire régional, la moitié appartiennent à des entreprises dont le centre de décision est aussi dans la région. Enfin, 6 500 établissements sont dépendants d’un centre de décision extra-régional, dont 1 100 sont contrôlés par une tête de groupe située à l’étranger. L’absence de dépendance économique n’exclut toutefois pas un autre type de dépendance, lié à une éventuelle activité de sous-traitance pour un nombre restreint de donneurs d’ordres.
Les établissements indépendants sont plus petits que les établissements dépendants de l’extérieur (6 salariés en moyenne contre 21). Ainsi, les 6 500 établissements dépendants, qui ne représentent que 16 % des établissements de la région, emploient 39 % des salariés.
tableaufigure_3 – Nombre d'établissements et de salariés selon le type de dépendance
Type d'établissement | Établissements | Salariés | Effectif salarié moyen de l'établissement | ||
---|---|---|---|---|---|
Nombre | % | Nombre | % | ||
Entreprises mono-établissement | 28 242 | 69 | 144 000 | 42 | 5 |
Autres sous contrôle picto-charentais | 6 223 | 15 | 67 246 | 19 | 11 |
Établissements indépendants | 34 465 | 84 | 211 246 | 61 | 6 |
Sous contrôle d'une entreprise d'une autre région | 5 488 | 13 | 102 066 | 29 | 19 |
Sous contrôle d'une entreprise étrangère | 1 069 | 3 | 33 510 | 10 | 31 |
Établissement dépendants | 6 557 | 16 | 135 576 | 39 | 21 |
TOTAL | 41 022 | 100 | 346 822 | 100 | 8 |
- Source : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011.
Plus de dépendance en Vienne et en Charente
La dépendance est assez faible en Poitou-Charentes : 39 % des salariés relèvent d’un centre de décision extérieur, contre 45 % en moyenne en province. Cet écart de 6 points est notamment dû à la structure de l’économie picto-charentaise. En effet, la plus forte présence de petits établissements indépendants (construction, artisanat étant surreprésentés dans la région) explique pour 1,5 point cet écart à la moyenne de province (méthodologie).
D’autres raisons historiques contribuent à ce faible taux de dépendance régional. Ainsi, la présence des sièges des mutuelles dans la région de Niort explique pour 3 points (méthodologie) l’écart de taux avec la moyenne de province, puisqu’elle engendre un nombre important d’emplois autonomes, dans un secteur traditionnellement très dépendant de l’Île-de-France.
Ces raisons structurelles ou historiques expliquent de même les taux de dépendance de chaque département. La Charente-Maritime et les Deux-Sèvres ont un faible taux de dépendance (33 % chacun) en raison de l’importance des secteurs présentiels en Charente-Maritime et de la présence des sièges des mutuelles en Deux-Sèvres. Le département de la Charente possède un taux de dépendance de 44 %, du fait de l’importance de l’industrie, soutenue par des investisseurs étrangers. Enfin en Vienne, où 49 % des emplois dépendent d’un centre de décision extérieur à la région, c’est la surreprésentation des grands établissements (plus souvent dépendants) et une économie moins tournée vers les activités présentielles qui sont les premiers facteurs explicatifs. Lors des crises précédentes, les à-coups de l’économie mondiale ont eu dans ce département un plus fort impact sur l’emploi.
Une dépendance plus faible qu’ailleurs
À structure identique en tailles d’entreprises et secteurs d’activités et en tenant compte de la spécificité liée aux mutuelles niortaises, l’économie picto-charentaise a donc un taux de dépendance plus faible qu’attendu, à hauteur de 1,5 points (méthodologie) sur l’écart total de 6 points. Pour l’ensemble des régions de province, la dépendance à l’Île-de-France ou à l’étranger va de pair avec un plus fort taux d’encadrement, même si l’appartenance à un secteur reste le premier facteur explicatif du niveau du taux d’encadrement. Ainsi, le faible taux d’encadrement régional et la moindre dépendance économique des établissements seraient en partie liés.
Des centres de décisions majoritairement franciliens
Comme pour les autres régions de province, la dépendance picto-charentaise est très liée à l’Île-de-France. Parmi les 39 % d’emplois dépendants de l’extérieur, la moitié concerne une entreprise dirigée depuis la région parisienne, soit près de 20 % des emplois de la région (68 700 emplois). Ces emplois sont concentrés dans des grandes entreprises nationales présentes sur tout le territoire national.
Près de 10 % des emplois de la région sont contrôlés par une entreprise siégeant dans une autre région de province, soit 33 400 emplois (figure 4). Les Pays de la Loire constituent la première région de province implantée en Poitou-Charentes, avec 9 200 emplois picto-charentais contrôlés. Ces emplois se concentrent dans le commerce et l’agro-alimentaire (Terrena en particulier). Le Nord-Pas-de-Calais, l’Aquitaine et la Bretagne constituent les autres principales régions de province contrôlant des emplois picto-charentais, avec environ 4 000 emplois chacune. Le Nord-Pas-de-Calais exerce un contrôle essentiellement dans le secteur du commerce, avec l’implantation historique d’entreprises de la grande distribution (Auchan, Leroy-Merlin).
tableaufigure_4 – Nombre d'emplois picto-charentais par région de dépendance
Industrie | Commerce | Services | |
---|---|---|---|
Pays de la Loire | 4392 | 3273 | 1573 |
Nord Pas de Calais | 494 | 3164 | 464 |
Aquitaine | 1740 | 708 | 1291 |
Bretagne | 879 | 523 | 2248 |
Rhône-Alpes | 938 | 755 | 853 |
PACA | 160 | 114 | 1666 |
Centre | 344 | 723 | 668 |
Limousin | 496 | 652 | 262 |
Midi-Pyrénées | 514 | 374 | 314 |
Autres régions | 1909 | 961 | 936 |
- Source : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011.
graphiquefigure_4 – Nombre d'emplois picto-charentais par région de dépendance

- Source : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011.
Une dépendance étrangère en premier lieu nord-américaine
Enfin, 10 % des emplois des secteurs marchands de la région dépendent d’une entreprise dont la tête de groupe est située à l’étranger (figure 5). Ces emplois sont plus présents dans les secteurs de l’industrie. Les États-Unis constituent le premier pays étranger contrôlant des emplois dans la région (5 600 emplois), en particulier dans la fabrication industrielle de matériels électriques, électroniques, optiques avec des entreprises implantées dans la région d’Angoulême notamment (Leroy-Somer). Les autres principaux pays implantés sont nos voisins européens, en particulier l’Allemagne (4 700 emplois notamment dans le commerce automobile ou la grande distribution), le Royaume-Uni (3 500 emplois), les Pays-Bas et l’Italie (2 800 emplois chacun). Près de 4 000 emplois dépendent de têtes de groupes luxembourgeoises, révélant ici probablement plus une logique d’optimisation fiscale qu’un investissement réel de capitaux étrangers. En 2011, le nombre d’emplois picto-charentais contrôlés par des entreprises de pays émergents reste faible (environ 300 emplois contrôlés par la Russie et par la Chine).
tableaufigure_5 – Nombre d'emplois picto-charentais par pays de dépendance
Industrie | Commerce | Services | |
---|---|---|---|
États-Unis | 4603 | 449 | 627 |
Allemagne | 1014 | 2331 | 1341 |
Luxembourg | 1448 | 1240 | 1184 |
Royaume-Uni | 1750 | 1193 | 572 |
Pays-Bas | 1953 | 602 | 269 |
Italie | 2339 | 109 | 321 |
Belgique | 1072 | 260 | 717 |
Suède | 946 | 113 | 317 |
Suisse | 796 | 87 | 355 |
Espagne | 745 | 137 | 127 |
Canada | 26 | 0 | 975 |
Autres Europe | 922 | 428 | 83 |
Reste du monde | 893 | 530 | 636 |
- Source : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011.
graphiquefigure_5 – Nombre d'emplois picto-charentais par pays de dépendance

- Source : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011.
Encadré : méthodologique
Analyse structurelle-résiduelle : les taux de dépendance à l’extérieur -et à l’étranger en particulier- ont été observés en tenant compte des structures régionales en secteurs et tailles d’établissements dans les régions de province.
Le modèle appelé analyse structurelle-résiduelle permet ainsi d’évaluer le rôle de la structure régionale en secteurs et tailles d’établissements dans l’écart du taux de dépendance régional avec la moyenne de province (figure 6).
graphiquefigure_6 – Décomposition de la moindre dépendance qu’en province

- Sources : Insee, Esane, Clap, Lifi 2011
Encadré : une richesse entrepreneuriale à préserver
Doté d’un tissu productif peu dépendant de centres de décisions extérieurs, le Poitou-Charentes est de fait, moins sensible aux à-coups de l’économie mondiale.
Mais une attention particulière doit être portée par le réseau consulaire pour renouveler ce vivier d’entrepreneuriat ancré dans nos territoires.
Daniel Braud, Président du Comité Interconsulaire Poitou-Charentes
Encadré : dépendance
La dépendance à un centre de décision extérieur peut générer une fragilité plus forte des emplois dans des entreprises organisées en groupe, pour lesquelles le lieu de la prise de décisions stratégiques est éloigné de la région. Mais à l’inverse, la présence d’investisseurs extérieurs, étrangers en particulier, traduit une certaine attractivité du territoire et constitue un facteur de développement de l’économie et de l’emploi.
Définitions
Entreprise (nouvelle définition) : l’entreprise est la plus petite combinaison d’unités légales jouissant d’une autonomie de décision. Lorsqu’une unité légale est détenue à plus de 50 % par une autre entreprise, alors ces entités sont regroupées et ne forment qu’une seule entreprise, ou groupe.
Centre de décision : si l’entreprise ne possède qu’un seul établissement, alors cet établissement constitue le centre de décision de l’entreprise
Sinon, l’entreprise définit parmi ses établissements un établissement principal, ou siège social. Si l’entreprise n’appartient pas à un groupe, ce siège social est le centre de décision de l’entreprise.
Si l’entreprise appartient à un groupe, le centre de décision est le siège social de l’entreprise qui contrôle les autres. Ce centre de décision peut éventuellement être situé à l’étranger pour les groupes.
Taux de dépendance : le taux de dépendance d’un territoire est la part des emplois contrôlés depuis l’extérieur de ce territoire parmi l’ensemble des emplois du territoire.
Pour en savoir plus
Schoen N., Bigot J-F., «En 2013, 88 sociétés sous contrôle de l’État emploient directement ou indirectement plus de 800 000 salariés», Insee Premières n°1541, avril 2015.
Decorme H., «Poitou-Charentes : surtout des micro entreprises mais 181 grandes», Insee Flash Poitou-Charentes n°4, décembre 2014.
Rouxel M., «L’économie costarmoricaine est peu dépendante des centres de décision externes», Insee Analyses Bretagne n°7, octobre 2014.
Rouxel M., Le Hir N. «Le Finistère : une économie qui préserve ses centres de décision en s’appuyant sur ses groupes», Octant Analyse n°37, Insee Bretagne, décembre 2012.