Insee Analyses MartiniqueSeniors en Martinique : Un enjeu économique

Marcelle Jeanne-Rose, Insee

En 2014, près d’un quart des Martiniquais a plus de 60 ans. La population vieillit de façon plus prononcée qu’ailleurs en France. A l’horizon 2030, près de 40 % de la population en Martinique sera âgée de 60 ans et plus, contre 30 % en France hexagonale, positionnant la Martinique au 1er rang des régions françaises les plus âgées. Le vieillissement entraîne une évolution des conditions de vie. La manière de consommer et les besoins diffèrent selon les tranches d’âge. Aux âges avancés, les revenus diminuent et un choix de consommation s’impose. Les dépenses des plus âgés sont moindres que celles des plus jeunes. L’effet de l’âge mais aussi l’effet générationnel y participent. Les ménages de 60 à 74 ans ont vu leur niveau de vie moyen augmenter ainsi que leur pouvoir d’achat. A l’inverse, le pouvoir d’achat des 75 ans et plus diminue : il s’agit généralement de personnes seules avec des retraites plus faibles.

Insee Analyses Martinique
No 10
Paru le :Paru le22/09/2016
Marcelle Jeanne-Rose, Insee
Insee Analyses Martinique No 10- Septembre 2016

En Martinique, 145 400 personnes seraient âgées de 60 ans et plus en 2030 (20,7 millions de personnes en France hexagonale). Le phénomène socio-économique majeur qu’est le vieillissement de la population est une conséquence de l’allongement tendanciel de l’espérance de vie et du passage aux âges avancés des générations nombreuses du baby-boom, nées entre 1946 et le début des années 70.

La silver économie constitue un enjeu économique d’avenir puisqu’au-delà des aspects démographiques (solde naturel, solde migratoire, retour des diplômés au pays), le poids de la consommation des 60-74 ans pourrait représenter un tiers de la consommation totale des ménages à l’horizon 2030. La silver économie peut constituer une opportunité, une source d’innovation et une promesse de croissance et d’emplois pour les années à venir.

La Martinique, une région vieillissante

Le vieillissement s’intensifie et les Antilles se classent parmi les régions les plus âgées de France. En 2014, 92 180 personnes âgées de 60 ans et plus, résident en Martinique. Elles représentent 24,2 % de la population, proportion équivalente à celle observée en métropole (24,4 %) mais plus élevée qu’en Guadeloupe (21,9 %).

Le vieillissement de la population martiniquaise provient d’abord d’un déficit migratoire des jeunes, structurellement élevé en raison de la poursuite de leurs études. Une autre raison est le départ important de la population en âge de procréer, à la recherche d’un emploi. Ce déficit migratoire n’est pas comblé par un retour au pays.

Dans les années 2030, le vieillissement de la population sur l’ensemble du territoire national affecterait toutes les régions françaises. Néanmoins, l’impact selon les territoires devrait varier en fonction de la natalité et des migrations passées et futures. Depuis deux décennies, la recherche d’emploi a poussé les Martiniquais à quitter le territoire. Cette migration en continu, jumelée à la baisse de la natalité entraîne une baisse de la population (– 0,6 % en moyenne annuelle entre 2008 et 2013) et une intensification du vieillissement. En 2032, la part des seniors devrait atteindre 39,6 %, contre 30,0 % au niveau national, positionnant la Martinique comme une des régions hébergeant proportionnellement le plus de personnes âgées.

Une mutation démographique qui devrait se poursuivre

La pyramide des âges permet ainsi d’observer la mutation démographique amorcée depuis quelques années.

Trois phénomènes sont notamment identifiables : le premier est lié au vieillissement de la tranche d’âge des 45-59 ans qui auront plus de 60 ans en 2032 (marqué 1 sur la figure 1). Le second phénomène concerne la natalité des classes de population en âge de procréer qui ne permet pas un renouvellement des générations. Le taux de natalité n’a cessé de décroître au fil des ans (marqué 2 sur la figure 1). En 2014, il atteint 10,8 pour mille en Martinique et 12,3 pour mille en Guadeloupe. Le troisième dépend du départ des 20-25 ans, qui sans évolution de la situation de l’emploi, risque de se poursuivre, si les hypothèses actuelles de migrations se maintiennent (marqué 3 sur la figure 1).

Figure 1Une pyramide des âges marquée

Une pyramide des âges marquée - Lecture : En 2032, les individus de 60 ans et plus seront plus nombreux que ceux de moins de 60 ans.
Omphale 2032 - Hommes Omphale 2032 - Femmes RP 2011 - Hommes RP 2011 - Femmes
0 1594 1519 2186 2079
1 1676 1598 2354 2177
2 1652 1574 2386 2273
3 1744 1663 2387 2366
4 1812 1727 2429 2363
5 1757 1718 2360 2516
6 1851 1772 2387 2393
7 1798 1766 2619 2503
8 1925 1869 2634 2641
9 1965 1939 2668 2772
10 1952 1878 2777 2872
11 2021 1958 2826 2551
12 1923 1897 2698 2584
13 2091 2001 2883 2620
14 2128 2082 2750 2685
15 2091 2009 2683 2656
16 2109 2095 2642 2671
17 2035 1993 2655 2602
18 2107 2015 2861 2644
19 2052 1921 2595 2565
20 1518 1532 2563 2387
21 1394 1466 2352 2334
22 1319 1392 2268 2284
23 1311 1538 1889 2218
24 1354 1629 1866 2258
25 1081 1441 1822 2120
26 1161 1520 1658 2245
27 1116 1535 1731 2003
28 1157 1695 1586 1987
29 1190 1862 1702 2139
30 1209 1749 1554 2246
31 1380 1809 1536 2125
32 1330 1778 1421 2029
33 1404 1845 1674 2357
34 1323 1959 1755 2451
35 1339 1770 2095 2640
36 1508 1850 1932 2765
37 1453 1950 2129 2889
38 1473 2019 2328 3272
39 1476 2130 2435 3295
40 1536 2062 2776 3433
41 1688 2076 2529 3208
42 1634 2200 2730 3651
43 1711 2223 2673 3386
44 1619 2365 2751 3497
45 1724 2312 3030 3893
46 1907 2314 2858 3597
47 1817 2296 2945 3664
48 1806 2175 3134 3731
49 1724 2263 2939 3476
50 1903 2263 2997 3457
51 1943 2248 2704 3266
52 1895 2343 2726 3172
53 1867 2235 2785 3082
54 1844 2343 2616 2974
55 1840 2549 2365 2853
56 2209 2714 2527 2751
57 2179 2881 2261 2918
58 2257 2963 2273 2722
59 2388 3098 2223 2725
60 2410 3215 2283 2622
61 2585 3222 2039 2415
62 2685 3335 2119 2459
63 2591 3470 1838 2203
64 2751 3591 1883 2120
65 2690 3472 1920 2281
66 2769 3549 1641 1918
67 2741 3566 1570 1753
68 2743 3552 1596 1813
69 2636 3405 1414 1690
70 2616 3312 1392 1713
71 2603 3291 1333 1607
72 2526 3029 1380 1706
73 2335 3066 1260 1711
74 2200 2817 1410 1579
75 2056 2830 1342 1627
76 2041 2620 1151 1417
77 1839 2403 1038 1479
78 1762 2343 898 1280
79 1562 2250 853 1210
80 1528 2227 862 1193
81 1390 2076 788 1147
82 1367 1982 702 1072
83 1316 1834 662 934
84 1140 1659 541 797
85 916 1526 508 872
86 840 1415 475 764
87 799 1218 329 642
88 695 1161 351 601
89 571 959 267 542
90 476 866 243 492
91 399 895 149 304
92 358 701 101 309
93 302 628 96 282
94 231 542 91 198
95 213 502 61 211
96 163 394 50 151
97 114 331 37 111
98 91 238 17 119
99 210 645 68 238
  • Lecture : En 2032, les individus de 60 ans et plus seront plus nombreux que ceux de moins de 60 ans.
  • Source : Insee, projection de population 2007-2040.

Figure 1Une pyramide des âges marquéePyramide des âges 2011 et 2032 en Martinique, scénario central

  • Lecture : En 2032, les individus de 60 ans et plus seront plus nombreux que ceux de moins de 60 ans.
  • Source : Insee, projection de population 2007-2040.

Des territoires inégaux face au vieillissement

La répartition des seniors sur le territoire est hétérogène. Le nord-altantique concentre le plus fort taux d’individus de plus de 60 ans. D’une façon générale, le nord de l’île, plus que les autres zones, doit faire face au problème de vieillissement de la population et au dépeuplement. En 2012, seulement 11 % des Martiniquais y résidaient.

Figure 2Une population vieillissante sur tout le territoire

Composition des ménages de 45 ans et plus par tranche d’âge (en %)
Une population vieillissante sur tout le territoire (Composition des ménages de 45 ans et plus par tranche d’âge (en %)) - Lecture : En 2015, 15,6 % de la population sont âgés de 60 à 74 ans dans la zone d’emploi « sud ».
Centre agglomération Sud-Caraibe Sud Centre-Atlantique Nord-Caraibe Nord-Atlantique
1999 2012 1999 2012 1999 2012 1999 2012 1999 2012 1999 2012
0 à 44 ans 68,2 56,0 70,5 56,3 68,6 52,2 70,2 54,3 70,4 51,7 64,8 47,5
45 à 59 ans 16,3 22,1 15,6 23,6 14,8 23,8 14,4 23,6 14,2 23,3 14,8 24,6
60 à 74 ans 10,6 13,9 9,7 14,0 11,4 15,6 10,4 14,0 10,4 16,0 13,8 16,8
75 ans et plus 4,9 8,0 4,2 6,1 5,2 8,4 5,0 8,2 5,0 9,0 6,6 11,1
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
  • Lecture : En 2015, 15,6 % de la population sont âgés de 60 à 74 ans dans la zone d’emploi « sud ».
  • Source : recensements de la population 1999 et 2012.

La Martinique abrite 30 maisons de retraites, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et logements-foyer. En 2014, le taux d’équipement en nombre de places pour 1 000 habitants de 75 ans et plus en structures d’hébergement permanent, non Ehpad, était de 9,6 ‰ en Martinique. Il atteignait 27,6 ‰ en France hexagonale. En Ehpad, il n’atteint que 39,6 ‰ en Martinique alors qu’il est de 95 ‰ en France hexagonale.

Figure 3Une répartition des places en institutions très hétérogène - Population de 75 ans et plus (au 01.10.2015) et nombre de place installées par commune (en %)

  • Source : ARS et recensements population 2012.

En 10 ans, les revenus des seniors ont progressé de 34 %

En Martinique, le revenu disponible équivalent médian ou niveau de vie des seniors de 45 ans et plus s’élève à 11 690 €, soit 34 % de plus qu’en 2001. Le niveau de vie des 20 % des personnes les plus aisées est près de 6 fois plus élevé que celui des 20 % des personnes les moins aisées.

Le revenu disponible est un indicateur de richesse monétaire à disposition des ménages pour consommer et épargner. Il correspond au revenu total, comprenant les revenus d’activité, du patrimoine et les revenus sociaux, net des impôts et autres charges régulières (environ 6 %). Le poids économique des ménages martiniquais de plus de 60 ans est important. Ils détiennent 28 % de l’ensemble des revenus disponibles des ménages (26 % en Guadeloupe).

Le niveau de vie devrait évoluer, notamment pour la classe des 60-74 ans. Les seniors issus du baby-boom (45-69 ans), plus qualifiés, bénéficient de salaires plus importants. Aux âges plus avancés, ils devraient jouir de retraites plus élevées que la génération précédente.

Les revenus sociaux, source importante de revenus pour les seniors

Les revenus d’activité diminuent avec l’âge. Les revenus sociaux, en particulier les retraites, constituent la principale source de revenus pour les 60 ans et plus. Les revenus d’activité composent 26 % de leur revenu total net. L’allongement de la date du départ à la retraite, une rentrée tardive sur le marché du travail ou la recherche d’un complément de revenu lorsque les retraites sont faibles expliquent ce taux. Pour les 75 ans et plus, en 10 ans, la part des revenus sociaux a diminué de 14 points. À l’inverse, leurs revenus d’activité ont progressé de 9 points, illustrant ainsi le maintien en activité à ces âges avancés. Les allocataires de plus de 60 ans bénéficiaires du minimum vieillesse sont nombreux (20 % en 2012). L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) vient compléter le revenu des seniors dépendants ou en perte d’autonomie. En Martinique, le taux de bénéficiaires de l’APA est de 25 %.

Figure 4Le rôle essentiel des revenus sociaux pour les Martiniquais de plus de 75 ans

Décomposition du revenu disponible équivalent des ménages en 2011 (en millions et en %)
Le rôle essentiel des revenus sociaux pour les Martiniquais de plus de 75 ans (Décomposition du revenu disponible équivalent des ménages en 2011 (en millions et en %)) - Lecture : 70,4 % des revenus des 60-74 ans proviennenet des revenus sociaux.
Revenu disponible équivalent annuel Revenu d'activité par UC Revenu du patrimoine par UC Revenu sociaux par UC Tranferts monétaires interménages reçus par uc Impôts par uc Tranferts monétaires interménages versés par uc
45 à 59 ans 813 80,3 1,4 18,0 0,2 -6,1 -0,9
60 à 74 ans 572 25,8 3,6 70,4 0,3 -7,8 -0,5
75 ans et plus 190 5,6 2,6 91,6 0,2 -6,7 -2,0
Total 1 575 51,3 2,3 46,1 0,2 -6,8 -0,9
  • Lecture : 70,4 % des revenus des 60-74 ans proviennenet des revenus sociaux.
  • Source : BDF 2011.

Un revenu disponible peu élevé aux âges avancés

Avec 8 800 € par an et par Unité de Consommation (UC) (), le revenu disponible des seniors de 75 ans et plus est inférieur de 28,5 % à celui des 60-74 ans et de 34,5 % à celui des 45-59 ans. Cette génération qui est née pendant la guerre, est peu qualifiée ou a souvent occupé un emploi non déclaré et a perçu de faibles salaires. Les 60-74 ans ont bénéficié de carrières professionnelles plus avantageuses que leurs aînés. Leur revenu a évolué en moyenne annuelle de 4,8 % depuis 10 ans. C’est 2,1 points de plus que les 45-59 ans et 4 points de plus que les 75 ans et plus. Même si le revenu des 45-59 ans est plus élevé en 2011, son évolution reste modeste.

Par ailleurs, plus de 44 000 seniors, de 45 ans et plus, vivent sous le seuil de pauvreté en 2011. Le taux de risque de pauvreté pour ces individus est proche des 19 %. Ce taux élevé s’explique par des carrières professionnelles incomplètes (emplois précaires, formes d’emploi particulières), un coût de la vie qui reste élevé, des bas revenus.

Tant que les inégalités salariales persisteront, à niveaux de postes égaux, le montant des retraites des femmes sera inférieur à celui des hommes. En 2012, le salaire annuel moyen versé aux hommes était plus élevé de 3 000 euros par rapport à celui des femmes. Ce sont le plus souvent des femmes vivant seules qui disposent de retraites généralement moins élevées que les hommes.

L’alimentation pèse dans le budget des seniors

En 2011, parmi les actifs de 45 ans et plus, 14 % sont âgés de 60 à 74 ans. L’âge de cessation d’activité recule en raison des réformes successives des retraites et de la libéralisation en 2009 des conditions d’accès au cumul emploi-retraite. Ce prolongement d’activité contribue à l’amélioration des conditions de vie de la population. Les gains de pouvoir d’achat sur 10 ans atteint + 9 % et l’inflation estimée en moyenne à 2,2 % par an.

Entre 2001 et 2011, ce sont les ménages de 60-74 ans qui en ont le plus bénéficié avec 29 points de gains de pouvoir d’achat. Les 45 ans et plus gagnent 7 points. A contrario, les 75 ans et plus souffrent d’une perte importante de pouvoir d’achat avec – 14 points sur la période.

Compte tenu de la part importante de services indispensables ou de biens de première nécessité dans leur consommation, les ménages âgés subissent particulièrement la hausse des prix. Les produits alimentaires en sont l’exemple : leur prix augmentent très vite et ils ont une place prépondérante dans les dépenses des seniors les plus âgés. La consommation totale moyenne des plus pauvres a évolué de plus de 100 % alors que celle des plus aisés affiche une progression de 60 %.

Figure 5L’alimentation devient le poste de consommation le plus important en vieillissant

en %
L’alimentation devient le poste de consommation le plus important en vieillissant (en %)
45-59 ans 60-74 ans 75 ans et plus
Alimentation 17,5 23,9 31,3
Biens et |services divers 14,7 14,2 16,1
Logement |et charges 15 14,4 12,9
Transports 19,4 17,6 11,2
Ameublement,| entretien 4,4 5,8 9,3
Communications 5,5 5 5
Loisirs |et culture 7 6,6 3,7
Santé 1,6 1,9 3,3
Habillement 5,1 3,5 2,7
Restaurants| et hôtels 6,7 3,4 1,5
  • Lecture : en Martinique, les plus de 75 ans consacrent 31,3 % de leur revenu disponible aux produits alimentaires contre 23,9 % pour les 60-74 ans.
  • Source : BDF 2011.

Figure 5L’alimentation devient le poste de consommation le plus important en vieillissantPostes de consommation des ménages par tranche d’âge (en %)

  • Lecture : en Martinique, les plus de 75 ans consacrent 31,3 % de leur revenu disponible aux produits alimentaires contre 23,9 % pour les 60-74 ans.
  • Source : BDF 2011.

Les modes de consommation des seniors évoluent peu

Entre 2001 et 2011, la part du budget consacrée à l’alimentation reste stable. Cependant, la part des dépenses pré-engagées () dans le budget des seniors a progressé de 4,5 % en 10 ans.

Cette hausse est principalement sensible dans le budget des ménages de moins de 75 ans et des propriétaires ou accédants à la propriété.

Les ménages les plus pauvres ont vu la part des dépenses pré-engagées et alimentaires diminuer, à l’inverse de celle des ménages les plus aisés.

Les ménages seniors martiniquais consacrent 21 % de leurs dépenses à l’alimentation, 18 % au transport et 15 % au logement. Certains biens et services tels que l’alimentation, le logement ou les transports pèsent davantage dans le budget des plus pauvres. Mais quel que soit leur niveau social, l’alimentation reste le poste le plus important.

A partir de 60 ans, l’alimentation a une forte influence sur l’évolution des prix, ce qui impacte les dépenses des seniors. Pour les 75 ans et plus, le poste alimentation occupe le tiers du budget, alors que pour les 45-59 ans cette part n’est que de 18 %. Le transport n’est plus prioritaire après 75 ans alors qu’entre 60 et 74 ans ce poste représente 18 % de la consommation totale. À cet âge, les individus sont encore actifs et plus ou moins autonomes. Cependant, ce poste a progressé de 3,6 points en dix ans pour les plus âgés. Cette hausse se justifie en partie par une espérance de vie en augmentation.

La part des « biens et services » dans la consommation a progressé en 10 ans (+ 3,2 %), les 75 ans et plus sont les plus concernés. Ce poste, qui inclut les dépenses de santé, les équipements spécifiques, les frais de garde, est amené à s’amplifier avec le vieillissement de la population. La part du « logement » reste aussi à un niveau élevé, en raison de la hausse du coût de l’énergie (électricité, gaz), de l’eau, et de l’entretien de son logement.

Les personnes de 60 ans et plus sont plus souvent propriétaires qu’aux âges inférieurs. Mais, pour les 60-74 ans, le taux de propriétaires chute entre 2001 et 2011 de près de 17 points. Les opérations de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI) mises en place entre 2007 et 2011 ont très probablement contribué à cette baisse. Quelle que soit la tranche d’âge, le loyer représente une part importante des dépenses de consommation du ménage.

Les dépenses de santé, une priorité pour les seniors

Les priorités de dépenses évoluent selon l’âge et l’étape du cycle de vie dans laquelle on se situe. En cas de ressources supplémentaires, les seniors les plus âgés privilégieraient les dépenses de santé, alors que les 45-59 ans préféreraient épargner (figure 6).

Figure 6La santé, un facteur important pour les seniors les plus âgés

en %
La santé, un facteur important pour les seniors les plus âgés (en %) - Lecture : 39 % des 75 ans et plus consacreraient une ressource supplémentaire à leur santé.
45-59 ans 60-74 ans 75 ans et +
Santé 6,7 23,4 39
Proches 2,2 3,5 18,7
Epargner 29,9 20,5 16,4
Loisirs,| vacances 10,8 24,1 6,4
Logement 7,4 6,8 5,9
Equipement| du logement 6,7 4,5 3,9
  • Lecture : 39 % des 75 ans et plus consacreraient une ressource supplémentaire à leur santé.
  • Source : BDF 2011.

Figure 6La santé, un facteur important pour les seniors les plus âgésUtilisation des ressources supplémentaires en première priorité (en %)

  • Lecture : 39 % des 75 ans et plus consacreraient une ressource supplémentaire à leur santé.
  • Source : BDF 2011.

Quel que soit le niveau de revenu, les besoins prioritaires à satisfaire restent les mêmes. Le vieillissement de la population aura des incidences sur le montant total de ces dépenses même s’il laissera probablement inchangé l’ordre de ces priorités. La dépendance liée au vieillissement sera en outre un déterminant des besoins des séniors. L’autonomie diminuant avec l’âge, cette population se segmente en autant de marchés spécifiques répondant à des besoins différents : ceux des seniors autonomes, ceux associés à la perte d’autonomie et ceux à destination des personnes dépendantes.

La diversité des niveaux de vie et des situations caractérisent chaque tranche d’âge, mais les seniors restent des consommateurs ; la disponibilité des jeunes seniors devrait orienter l’offre vers les loisirs et le bien-être par exemple. La perte d’autonomie suppose l’anticipation d’une meilleure accessibilité ou l’aménagement des logements. Le maintien à domicile engendre des besoins multiples : la dépendance nécessite une offre diversifiée en biens mais surtout en services à la personne. Ce vieillissement peut être analysé comme une opportunité pour des territoires comme la Martinique, notamment pour la création d’entreprises. Elle peut engendrer une dynamique dans tous les domaines d’activité, et suppose des innovations techniques (comme le recours à la domotique), organisationnelles, et une adaptation de la société.

Cerner le vieillissement

Afin de mieux appréhender le vieillissement de la population, faire reculer et mieux accompagner la perte d’autonomie quand elle apparaît, le gouvernement a défini le 24 avril 2013, comme axe de développement, la silver économie ou l’économie au service des personnes âgées. L’objectif est de traiter cette filière dans sa globalité, aucune piste ne doit être négligée. Celle-ci devra regrouper et fédérer l’ensemble des acteurs (entreprises, associations, administrations...) relevant de la sphère publique de l’économie sociale et du secteur privé à but lucratif agissant pour ou avec les personnes âgées.

La Martinique s’est portée candidate pour être préfiguratrice de la filière silver économie en France. C’est dans ce cadre que la chambre de commerce et d’industrie de la Martinique s’est engagée dans une analyse portant à la fois sur le potentiel de la demande disponible au niveau des ménages mais aussi de l’offre proposée par les entreprises actuellement.

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA)

Mise en place en 2001, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) est versée par les conseils généraux aux personnes âgées de 60 ans ou plus qui sont évaluées comme dépendantes d’après la grille AGGIR (sert à évaluer le degré de perte de dépendance ou d’autonomie), qu’elles vivent à leur domicile ou qu’elles résident en établissement. Cette prestation permet de financer en partie les différentes aides (humaines et techniques) auxquelles ces personnes ont recours pour compenser leurs difficultés dans la réalisation des actes de la vie quotidienne.

Définitions

Unité de consommation (UC)

Système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de compositions différentes. Avec cette pondération, le nombre de personnes est ramené à un nombre d’unités de consommation (UC).

L’échelle actuellement la plus utilisée (dite de l’OCDE) retient la pondération suivante :

- 1 UC pour le premier adulte du ménage ;

- 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ;

- 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.

Dépenses pre-engagées

Ensemble des dépenses des ménages réalisées dans le cadre d’un contrat difficilement renégociable à court terme.

Le revenu disponible équivalent

Le revenu disponible équivalent correspond au revenu total d’un ménage, après impôt et autres déductions, disponible en vue d’être dépensé ou épargné, divisé par le nombre de membres du ménage converti en équivalents adultes. L’équivalence entre les membres du ménage est obtenue par pondération en fonction de l’âge, à partir de l’échelle d’équivalence « modifiée » de l’OCDE.

Pour en savoir plus

« La baisse de la population martiniquaise se confirme en 2013 », Insee Analyses Martinique N°8 - janvier 2016

« Enquête Budget de famille en Martinique 2011 », Insee Analyses n°7 août 2015.

« Les revenus et patrimoine des ménages », Insee référence, Edition 2014

« Endettement des ménages guadeloupéens : Faible recours aux crédits à l’habitat », Antianéchos n°36 mai 2013.

« Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole », Insee Première, n°1279 février 2010.