Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéUne évolution peu dynamique de la population et un faible potentiel de créateurs pénalisent la création d’entreprise en Bourgogne-Franche-Comté

Florence Mairey, Insee Bourgogne-Franche-Comté

Dans la plupart des zones d'emploi de Bourgogne-Franche-Comté, la création d'entreprise est moins dynamique qu'en moyenne nationale. En 2013, les taux de création d'entreprise hors auto-entreprise s’échelonnent ainsi entre 4 % dans les zones d’emploi de Chatillon ou Autun et 9 % dans celle de Belfort-Montbéliard-Héricourt. Le dynamisme de la création d’entreprise repose sur l'influence de trois facteurs principaux : les besoins « présentiels » de la population résidant dans la zone, la présence de créateurs potentiels et la proximité de grandes métropoles offrant les services et infrastructures propres à faciliter la création. Dans la région, c'est surtout l'interaction des deux premiers facteurs qui contribue à expliquer le dynamisme de la création d'entreprise, lequel dépend aussi d'autres caractéristiques propres à chaque zone d'emploi.

Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté
No 9
Paru le :Paru le20/09/2016
Florence Mairey, Insee Bourgogne-Franche-Comté
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 9- Septembre 2016

Une création moins dynamique dans la région qu’en moyenne nationale

Près de 7 400 entreprises hors auto-entreprises (cf. Champ et sources) ont été créées en Bourgogne-Franche-Comté en 2013. Depuis la mise en place du régime de l'auto-entrepreneur au premier janvier 2009, le nombre de créations hors auto-entreprises a ainsi diminué en moyenne de 1,1 % par an dans la région, tandis que l'évolution a été légèrement positive en France métropolitaine (+ 0,1 %). Au sein de la région, cette évolution, déclinée par zone d'emploi, laisse apparaître un clivage est/ouest. En effet, dans toutes les zones d'emploi situées à l'ouest de la région, hormis dans celle de Mâcon, le nombre de créations est en baisse entre 2009 et 2013 tandis qu'il augmente dans toutes celles situées à l'est.

En 2013, le taux de création (cf. ) hors auto-entreprise s'établit à 6,6 % en Bourgogne-Franche-Comté, taux le plus bas des régions métropolitaines. Industrie, construction, commerce ou services, quel que soit le secteur d'activité, les taux de création de la région sont parmi les plus faibles. L'écart est particulièrement marqué pour la construction (7,2 % contre 10,3 %).

Figure 1Des taux de création élevés autour des grandes agglomérations - Taux de création d'entreprise (hors auto-entreprise) en 2013 par zone d'emploi (en %)

  • Source : Insee, Répertoire des Entreprises et des Établissements (Sirene).

À l'échelle des zones d'emploi (Figure 1), la création d'entreprise au sein de la région apparaît peu dynamique. En effet, près de la moitié des zones d'emploi régionales font partie des 10 % des zones métropolitaines ayant les taux de création les plus bas. De plus, dans la quasi-totalité des zones d'emploi de Bourgogne-Franche-Comté, les taux de création sont inférieurs à la moyenne de France métropolitaine.

Pour autant, dans la région comme au niveau national, les taux de création sont très différents d'une zone d'emploi à une autre. Ils varient de 4 % (Chatillon, Autun) à 9 % (Belfort-Montbéliard-Héricourt) au sein de la région et atteignent jusqu'à 11 % en France métropolitaine, où les taux les plus forts sont enregistrés autour de quelques métropoles et sur le pourtour méditerranéen. À l'inverse, les taux les plus faibles apparaissent dans les zones peu densément peuplées et peu touristiques, autant de caractéristiques fréquentes sur le territoire de la région.

Pour analyser plus précisément les différences observées entre les zones d'emploi métropolitaines, un modèle basé sur les caractéristiques socio-économiques les plus significatives a été mis en œuvre (cf. Méthodologie). Ces dernières peuvent être regroupées en trois thèmes : la demande de la population résidant dans la zone (c'est-à-dire l'importance des besoins "présentiels"), la présence de créateurs potentiels (notamment ceux bénéficiant d'aides spécifiques à la création comme les chômeurs) et les effets d'agglomération des activités économiques. Ces effets sont produits par la concentration des compétences, les entreprises s'installant là où elles trouvent des clients, de la main-d'oeuvre, des services et des infrastructures. Le modèle estimé permet d'expliquer plus de la moitié des écarts observés entre les zones d'emploi et le niveau national et ainsi d'identifier les forces et les faiblesses de chaque zone d'emploi en matière de dynamique entrepreneuriale.

Six créations d'entreprises sur dix dépendent de l'économie présentielle

Parmi les caractéristiques socio-économiques influant sur le taux de création, l'évolution de la population a le pouvoir explicatif le plus important. L'accroissement de la population favorise en effet le dynamisme entrepreneurial par une conjugaison d'effets. En premier lieu, cette croissance de population induit le développement de l'économie résidentielle. Des entreprises se créent afin de répondre aux besoins locaux en augmentation. En moyenne, six créations sur dix dépendent de la sphère présentielle. Cet effet peut être amplifié si le niveau de vie de la population est plutôt élevé. L'accroissement de la population permet également de développer les activités productives et, grâce à un cercle vertueux, peut faciliter les effets d'agglomération. Parallèlement, l'accroissement de la population entraîne une augmentation du nombre de créateurs potentiels et par là-même, favorise la création de nouvelles entreprises.

Figure 2Une évolution de population peu favorable au dynamisme entrepreneurial à l'ouest de la région - Effet de l'évolution de la population sur le taux de création d'entreprise (hors auto-entreprise)

  • Source : Insee, Recensements de la population, 2007 et 2012.

En Bourgogne-Franche-Comté, la dynamique de la population et de l'économie présentielle joue positivement sur la création d'entreprise dans seulement quatre zones d'emploi sur vingt-cinq. C'est le cas en particulier dans celle de Morteau, qui possède le 11e taux de croissance démographique le plus élevé de France métropolitaine pour la période 2007-2012 (Figure 2). Dans les trois autres zones d'emploi de Pontarlier, Louhans et Mâcon, où la croissance de la population est plus modérée, son effet est également positif. Le niveau de vie élevé dans les zones frontalières de Morteau et de Pontarlier favorise aussi le développement de l'économie présentielle et, par conséquent, la création d'entreprise.

Inversement, ces facteurs jouent défavorablement dans la zone d'emploi de Chatillon mais également dans celles situées dans le massif du Morvan. Dans ces zones, les taux d'évolution de la population sont parmi les plus bas des zones d'emploi métropolitaines.

Les chômeurs, des créateurs d'entreprise potentiels

Les chômeurs, par leur disponibilité sur le marché du travail, constituent un vivier de créateurs potentiels. La mise en place de l'Aide aux Chômeurs Créateurs ou Repreneurs d'Entreprise (ACCRE) a ouvert la voie au développement de dispositifs nationaux ou territoriaux destinés à encourager et faciliter la création d'entreprise par les demandeurs d'emploi. Au fil de l'évolution et du renforcement de ces dispositifs, la part des chômeurs au sein des créateurs d'entreprise s'est élevée et ces derniers représentent actuellement au moins un tiers des créateurs. Ainsi, une part élevée de chômeurs dans la population active d'un territoire peut favoriser la création d'entreprise.

Figure 3Des taux de chômage favorisant moins la présence de créateurs potentiels qu'au niveau national - Effet du taux de chômage sur le taux de création d'entreprise (hors auto-entreprise)

  • Source : Insee, Recensement de la population, 2012.

En Bourgogne-Franche-Comté, l'effet positif d'un taux de chômage élevé ne s'observe cependant que dans trois zones d'emploi sur vingt-cinq : celles de Belfort-Montbéliard-Héricourt, de Creusot-Montceau et de Nevers (Figure 3). De surcroît, comparé à la moyenne nationale, cet effet reste peu marqué. Dans les autres zones d'emploi de la région l'effet est soit non significatif, soit négatif, en particulier dans les zones frontalières de Morteau et de Pontarlier où le taux de chômage est relativement faible.

Dans les zones de Belfort-Montbéliard-Héricourt et de Nevers, l'effet du taux de chômage élevé est amplifié, par l'importance de la population vivant en zones urbaines sensibles. Cela peut s'expliquer par les aides spécifiques accordées aux créateurs implantant leur entreprise dans ces quartiers sensibles. De même, la part élevée d'étudiants dans les zones pourvues d'un pôle universitaire (Dijon, Besançon et Belfort-Montbéliard-Héricourt) peut jouer favorablement sur la création d'entreprise dans ces zones.

Peu d'effets d'agglomération en Bourgogne-Franche-Comté

Dans les zones d'emploi à forte densité économique, les effets d'agglomération peuvent favoriser la création d'entreprise. Ces territoires offrent en effet un environnement favorable au développement et au rayonnement des entreprises et par là-même, à l'implantation de nouvelles unités. De plus, ces effets d'agglomération tendent à se diffuser au-delà de la zone d'emploi et ainsi dynamiser la création d'entreprise dans les zones voisines. Au niveau national, ces effets sont remarquables autour de la région parisienne et des métropoles les plus importantes (Aix-Marseille-Provence, Lyon Métropole, Lille Métropole, Bordeaux Métropole…). En Bourgogne-Franche-Comté, cela joue peu ou de façon légèrement défavorable, compte tenu de l'absence de très grande métropole. Seule la zone d'emploi de Belfort-Montbéliard-Héricourt offre un environnement plutôt favorable à la création d'entreprise. Elle se caractérise en effet par un tissu productif plus concentré et très industrialisé, porté par les filières de l'automobile et de l'énergie ainsi que par la présence d'établissements à dimension internationale. Les autres grandes zones d'emploi de la région, autour de Dijon et Besançon, regroupent à la fois une grande aire urbaine et une multitude de communes rurales, ce qui a pour effet de « lisser » la densité économique et d'atténuer les effets observables d'agglomération.

Le dynamisme entrepreneurial dépend aussi de caractéristiques propres à chaque territoire

Les caractéristiques socio-économiques retenues dans le modèle permettent d'expliquer plus ou moins bien les écarts entre le taux de création dans chaque zone d'emploi et le taux national. En Bourgogne-Franche-Comté, ces caractéristiques n'expliquent bien l'écart que dans quatre zones d'emploi, celles de Besançon, Creusot-Montceau, Dole et Montbard. Dans les autres, la part non expliquée par le modèle (dite résiduelle) est relativement importante. Cela peut traduire l'influence de facteurs autres que ceux intégrés dans le modèle, comme la conjoncture ou la composition du tissu économique local. Durant les périodes de crise de 2001-2002 et 2008-2010, le nombre de créations a fortement ralenti et la pérennité des entreprises s'est réduite, notamment celle des plus fragiles (jeunes entreprises, secteurs sensibles à la conjoncture tels que la construction…). La composition du tissu économique d'un territoire joue, quant à elle, mathématiquement sur le taux de création. Par définition, le taux de création étant le rapport entre le nombre d’entreprises créées et le stock d’entreprises, dans un territoire composé d'une multitude de petites structures, le taux de création sera faible même si un grand nombre d'entreprises se créent tandis que dans un territoire structuré par quelques grosses entreprises, il sera élevé même avec un nombre plus faible de créations.

La variabilité des taux de création peut aussi être liée à des caractéristiques spécifiques des zones d'emploi. C'est le cas par exemple des zones de Morteau et de Pontarlier. Dans la première le taux de création est inférieur à la moyenne nationale alors que dans la seconde, il est supérieur. Les deux zones présentent pourtant, dans le modèle, des caractéristiques socio-économiques explicatives assez proches : un revenu disponible médian et une croissance de la population supérieurs à la moyenne nationale et inversement un moindre potentiel de créateurs « aidés », qu'ils soient chômeurs, habitants des zones urbaines sensibles ou étudiants. Mais la zone de Pontarlier possède des atouts que celle de Morteau n'a pas dans les mêmes proportions : elle dispose d'un nombre élevé de commerces pour répondre à la demande de la population résidente mais également à celle de la population suisse voisine. De plus le secteur de la construction, porté par l'accroissement de la population, y est plus dynamique que dans la zone de Morteau.

Encadré

Favoriser la création d'entreprise, tout comme accompagner le développement des entreprises existantes, est un enjeu important des politiques publiques pour favoriser la croissance économique et en garantir sa durabilité. Dans ce dessein, de nombreuses actions ont été mises en place au cours du temps : création de l'ACCRE en 1979, mise en place de l'Encouragement au développement d’entreprises nouvelles (EDEN) en 1999, loi Dutreil en 2003, allègement des formalités de l'obtention de l'ACCRE en 2007, mise en place du régime de l'auto-entreprise en 2009, mise en œuvre du Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi en 2013…

Pour comprendre

La méthode mise en œuvre pour expliquer les différences observées entre zones d'emploi à travers leurs caractéristiques socio-économiques est une analyse de la variance de leurs taux de création. Les éléments influents de l'environnement socio-économique mis en évidence par la littérature ont été testés. Au final, ont été retenus les sept indicateurs ayant l'impact le plus significatif statistiquement : le taux d'évolution de la population entre 2007 et 2012, le taux de chômage, la part d'étudiants, la part de la population vivant en ZUS, la taille des zones voisines, le revenu disponible médian et la part de l'emploi touristique (indicateurs issus du recensement de la population de 2012).

Les résultats du modèle permettent de mettre en évidence les effets moyens – c'est à dire observés en moyenne nationale – des facteurs explicatifs sur les taux de création d'entreprise. Cela ne signifie pas que l'effet est de même ampleur dans toutes les zones d'emploi. Plus l'ajustement du modèle aux données de la zone d'emploi sera bon et plus la partie non expliquée par le modèle (appelé « résidu » de la régression) de l'écart entre le taux de création de la zone d'emploi et le taux national sera faible.

Pour interpréter le modèle au niveau de chaque zone d'emploi, on peut le décomposer en appliquant le paramètre estimé au niveau national pour chaque facteur explicatif (effet moyen) à la valeur prise dans la zone d'emploi par ce même facteur. On calcule ainsi les contributions de chaque facteur à l'écart à la moyenne nationale du taux de création dans chaque zone d'emploi.

Sources

Les données sont issues de Sirene (Système informatisé du répertoire des entreprises et des établissements) de l'Insee, des fichiers des non-salariés et du recensement de la population de l'Insee.

Définitions

Le taux de création : rapport du nombre de créations d'entreprise au cours de l'année sur le stock d'entreprises au premier janvier de la même année.

Création d'entreprise : mise en œuvre de nouveaux moyens de production. Ce concept harmonisé au niveau européen inclut, outre les créations pures, la réactivation après une interruption d'au moins un an et la reprise d'une entreprise existante à condition que deux des trois critères (Siren, activité économique et localisation) soient modifiés. Dans la présente publication, la création est prise en compte à la date de l'événement.

Chômeurs : dans la présente publication, les chômeurs sont entendus au sens du recensement de la population. Il s'agit des personnes âgées de 15 ans ou plus qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle Emploi) sauf si elles ont, en outre, déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; et d’autre part les personnes âgées de 15 ans ou plus qui ne se sont déclarées spontanément ni en emploi, ni en chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi. Ce concept est ainsi différent de celui utilisé par le Bureau International du Travail.

Champ

La présente étude porte sur les entreprises du secteur marchand non agricole hors régime de l'auto-entreprise (micro-entrepreneur depuis la loi Pinel). Les entreprises sont entendues ici au sens des unités légales (entités juridiques).

Pour en savoir plus

Richet D., Thomas S., Les créateurs d’entreprises en 2014 : moins de chômeurs et des projets plusmodestes qu’en 2010, Insee Premiere n° 1600, juin 2016

Pariente J., Démographie des entreprises - « Un impact important de la loi Pinel sur les créations d’entreprises » in Bilan économique 2015 Bourgogne-Franche-Comté, mai 2016

Bonnette F., Rousseau S., Les creations d’entreprise en 2015 : net repli des immatriculations de microentrepreneurs, Insee Premiere n° 1583, janvier 2016