Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéLes territoires ruraux isolés et les bassins de vie de certains pôles urbains davantage exposés à la pauvreté

Mélanie Chassard, Yohann René (Insee)

En Bourgogne-Franche-Comté, 352 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en 2012, soit 12,8 % de la population. Dans la région, la pauvreté est ainsi moins présente qu’en moyenne métropolitaine. Les disparités territoriales, cependant, sont marquées. Deux groupes de territoires apparaissent plus fortement exposés.

Le premier se compose de bassins de vie animés par de grands et moyens pôles urbains, le plus souvent industriels. Dans ces territoires très peuplés, où vit une grande partie des habitants pauvres de la région, les jeunes et les familles monoparentales sont les ménages les plus vulnérables.

Le second ensemble est constitué de territoires ruraux, isolés de l’influence des villes. Toutes les catégories de ménages sont exposées au risque de pauvreté, dans ces bassins de vie qui perdent des habitants.

D’autres espaces sont davantage épargnés. Situés en périphérie des grands pôles urbains et le long de la frontière suisse, ils bénéficient notamment d’un marché du travail dynamique.

Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté
No 02
Paru le :Paru le09/02/2016
Mélanie Chassard, Yohann René (Insee)
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 02- Février 2016

En Bourgogne-Franche-Comté, 352 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté en 2012. Avec 12,8 % de la population considérée comme pauvre, contre 14,3 % en moyenne métropolitaine, la région présente le 5e plus faible taux de pauvreté, derrière la Bretagne, les Pays de la Loire, le Centre-Val de Loire et l’Auvergne-Rhône-Alpes. Pour autant, les taux de pauvreté dépassent cette moyenne métropolitaine dans deux départements de la région, la Nièvre (15,8 %) et le Territoire de Belfort (14,8 %). Les disparités sont encore plus flagrantes au sein des territoires, opposant des espaces fortement exposés à la pauvreté à des zones au contraire plus préservées.

Identifier les territoires et les publics les plus exposés à la pauvreté, permet d’adapter les politiques sociales déclinées dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (PPPIS) porté par la Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) de Bourgogne-Franche-Comté. L’analyse des multiples profils de la pauvreté selon le zonage en bassin de vie conduit à distinguer cinq types de territoires : deux sont fortement exposés à la pauvreté (profils A et B), deux autres le sont moins (profils C et D). Un dernier (profil E) réunit enfin les bassins de vie les plus préservés de la région (figure 2).

Figure 2Typologie de la pauvreté par bassin de vie en 2012

Un poids de la pauvreté plus élevé en milieu rural

Le taux de pauvreté s’échelonne en 2012, de 5,2 % dans le bassin de vie animé par la ville de Morteau dans le Doubs à 19,7 % dans celui de Luzy dans la Nièvre (figure 1). C’est dans les territoires très ruraux du Morvan, du Tonnerrois, du Nord de la Haute-Saône et du Châtillonais que les taux de pauvreté sont les plus élevés. Peu denses, ils n’accueillent toutefois qu’une faible part de la population pauvre de la région. Les personnes vulnérables résident massivement dans les grands pôles urbains, à forte densité de population ; toutefois, le taux de pauvreté y est proche de la moyenne régionale.

Figure 1Moins de pauvreté le long de la frontière suisse

Des jeunes ménages plus exposés, des personnes âgées plus préservées en zone urbaine (profil B)

Une vingtaine de bassins de vie, parmi lesquels Belfort, Gray, Le Creusot, Lure, Montbéliard, Montceau-les-Mines, Nevers et Saint-Claude se caractérisent par une pauvreté élevée. Dans ces bassins, animés le plus souvent par un grand ou moyen pôle industriel, la pauvreté est portée par les jeunes ménages et les familles monoparentales. Le taux de pauvreté de 15,2 % en moyenne dans ces territoires, s’élève à 32,9 % pour les familles monoparentales et 25,1 % pour les jeunes ménages, des taux supérieurs aux moyennes régionales (figure 3).

Figure 3Deux types de territoires exposés à une pauvretée élevée

Deux types de territoires exposés à une pauvretée élevée
Classes de la typologie Taux de pauvreté moyen Taux de pauvreté des ménages selon l'âge du référent fiscal Taux de pauvreté des ménages selon la composition du ménage
Moins de 30 ans 75 ans et plus Famille monoparentale Couple avec enfant(s)
Profil A : pauvreté élevée pour toutes les catégories de ménage 15,7 24,0 12,2 34,5 16,0
Profil B : pauvreté élevée, portée par les jeunes ménages et les familles monoparentales 15,2 25,1 8,7 32,9 15,2
Profil C : pauvreté moyenne 12,1 21,4 7,8 27,7 10,9
Profil D : pauvreté moyenne en général, mais élevée chez les personnes âgées 11,7 15,8 11,4 28,0 10,5
Profil E : pauvreté faible 7,7 9,6 9,7 20,1 6,2
Bourgogne-Franche-Comté 12,8 20,8 9,5 29,4 11,9
France métropolitaine 14,3 21,9 10,2 29,9 12,7
  • Source : Insee, FiLoSoFi 2012
Dans ces territoires urbains, les difficultés d’accès à l’emploi se traduisent par un taux de chômage élevé. Les jeunes y sont d’autant plus confrontés qu’une part importante d’entre eux sont non diplômés. S’ajoutent à cela des fragilités sociales avec une forte présence de familles monoparentales. Ces familles qui, par définition, comptent au mieux un seul actif, se trouvent davantage exposées à des situations de pauvreté. C’est aussi dans ces territoires urbains que les familles formées d’un couple avec un ou plusieurs enfants sont plus qu'ailleurs confrontées à la précarité monétaire. Seuls, les plus âgés, en proportion moins nombreux, sont davantage préservés : le taux de pauvreté des personnes dont le référent fiscal du ménage a 75 ans ou plus, de 8,7 %, est inférieur à la moyenne régionale (9,5 %).

Des territoires ruraux où toutes les catégories de ménages sont vulnérables (profil A)

Des bassins de vie à dominante rurale sont aussi confrontés à une pauvreté élevée. Celle-ci touche toutes les catégories de ménage, les jeunes, les familles monoparentales, les couples avec enfant(s) comme les personnes âgées, surreprésentées dans ces espaces ruraux. Le taux de pauvreté y atteint 15,7 % en moyenne. Ces territoires, parmi lesquels figurent le Morvan, le Nord de la Haute-Saône et de la Côte-d’Or perdent des habitants. Les difficultés financières sont en lien avec le vieillissement de la population, mais pas seulement. Avec un taux de pauvreté dépassant 34 %, les familles monoparentales, certes moins présentes que dans les grands pôles urbains, sont davantage exposées à la pauvreté, comme les familles formées d’un couple avec un ou plusieurs enfants.

Des zones périurbaines et frontalières moins exposées à la pauvreté (profil E)

Les bassins de vie situés principalement en périphérie des grands pôles urbains et le long de la frontière suisse (figure 2) sont davantage épargnés. Le taux de pauvreté de 7,7 % en moyenne, est en effet deux fois plus faible que dans les territoires les plus vulnérables. Les jeunes et les couples avec un ou plusieurs enfants sont surreprésentés, les retraités moins présents qu’ailleurs. Ici, la pauvreté ne cible aucune catégorie de ménage en particulier : parmi les personnes vivant au sein d’un couple avec enfant(s), 6,2 % sont considérées comme pauvres ; parmi les jeunes, 9,7 % sont dans ce cas.

En périphérie des grands pôles urbains, des bassins comme ceux de Givry, Is-sur-Tille, Valdahon ou encore Dannemarie accueillent des ménages au niveau de vie médian élevé. La périurbanisation tend en effet à regrouper en périphérie des villes une population aisée qui accède ainsi à l’habitat pavillonnaire tout en profitant de la proximité des grands pôles d’emploi.

D’autres bassins de vie, ceux de Maîche, Morteau, Pontarlier et Les Rousses bénéficient de leur proximité avec la Suisse. Les trois quarts des actifs ont un emploi et le travail frontalier tire les revenus vers le haut. De ce fait, les inégalités entre riches et pauvres sont aussi davantage marquées. Ainsi, pour la plupart de ces bassins de vie, les 10 % des ménages les plus aisés ont un niveau de vie trois fois supérieur à celui des 10 % des ménages les plus modestes (figure 4).

Figure 4Des écarts de niveau de vie plus élevés dans le bassin de vie de Pontarlier

Des territoires urbains et ruraux en situation intermédiaire (profils C et D)

Vingt bassins de vie concentrent une part importante de la population pauvre de la région. Parmi eux, ceux d'Auxerre, Besançon, Chalon-sur-Saône, Dijon, Lons-le-Saunier, Mâcon et Vesoul regroupent près de 100 000 personnes en situation de précarité. Ces vingt bassins de vie se caractérisent toutefois par un taux de pauvreté de 12,1 %, inférieur à la moyenne régionale. Dans ces territoires, aucune catégorie de population n’est identifiée comme étant plus particulièrement en difficulté.

À la différence des autres bassins de vie urbains où la pauvreté est importante, le chômage est plus contenu dans ces grands pôles urbains qui offrent de l’emploi à un grand nombre d’actifs. De ce fait, le niveau de vie médian est aussi plus élevé. Il n’en demeure pas moins que ces bassins de vie abritent davantage de ménages aux revenus modestes.

Certains bassins de vie ruraux (profil D) tirent profit de leur orientation agricole ou de leur localisation à proximité de zones plus épargnées par la pauvreté. Le niveau d’emploi de la population active est plus favorable que dans les autres territoires ruraux, le taux de pauvreté des habitants, à l’exception de la population âgée, plus faible que dans les autres territoires ruraux. C’est le cas des bassins viticoles de Chablis, Sancerre, Arbois et de ceux situés sur l’axe Dijon-Mâcon. C’est aussi le cas des zones d’élevage, pour le lait et la fabrication de fromage AOC dans le Massif du Jura, pour la viande dans le Charolais.

La pauvreté en lien direct avec le profil social des ménages

Parmi les 352 000 personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les deux tiers vivent en famille avec un ou plusieurs enfants : 150 700 vivent en couple avec un ou plusieurs enfants et 80 700 dans une famille monoparentale. Parmi les autres, 35 800 sont en couple sans enfant et 64 800 vivent seules.

Avec un taux de pauvreté proche de 30 %, les familles monoparentales sont les plus fortement exposées au risque de pauvreté. La présence, au mieux d'un seul actif rend la pauvreté plus probable. Choisi ou subi, ce mode vie ne concerne toutefois qu’une minorité de ménage. Les personnes seules sont elles aussi exposées à une pauvreté élevée (15,7 %). La présence d’un seul revenu accentue ici encore la vulnérabilité du foyer.

La pauvreté est moins présente dans les ménages constitués d’un couple avec ou sans enfants. Les couples sans enfant, soit un quart de la population régionale, sont les plus préservés ; le taux de pauvreté de 5,5 % est inférieur de sept points à la moyenne régionale. Il augmente et s’élève à 11,9 % lorsque les revenus du couple sont partagés avec des enfants : cette structure familiale est la plus fréquente dans la population. Au final, les couples avec enfants représentent 42,8 % des personnes pauvres.

Figure 5Les familles avec enfant(s) : deux tiers des personnes pauvres

Les familles avec enfant(s) : deux tiers des personnes pauvres
Type de ménage Nombre de ménages Nombre de personnes Part dans le total régional (%) Taux de pauvreté à 60 % Nombre de personnes sous le seuil de pauvreté Part de pauvres dans le total régional (%)
Famille monoparentale 112 400 274 400 10,0 29,4 80 700 22,9
Personne vivant seule 413 000 413 000 15,1 15,7 64 800 18,4
Couple avec enfant(s) 327 100 1 262 400 46,1 11,9 150 700 42,8
Couple sans enfant 326 700 653 300 23,8 5,5 35 800 10,2
Autre 34 000 136 500 5,0 14,7 20 000 5,7
Bourgogne-Franche-Comté 1 213 200 2 739 600 100,0 12,8 352 000 100,0
  • Source : Insee, FiLoSoFi 2012

Définitions

Cette classification a été effectuée sur 125 bassins de vie de la région Bourgogne-Franche-Comté ; sont inclus les bassins de vie dont le pôle est extérieur à la région mais dont une partie significative de lapopulation réside dans la région.

La typologie a été réalisée à partir d’une analyse en composantes principales (ACP), suivie d’une classification ascendante hiérarchique (CAH) sur les principaux axes ressortant de l’ACP. Les variables utilisées portent sur la structure de la population, l’emploi, le niveau de vie, le niveau de formation des jeunes, le taux de pauvreté.

Pour en savoir plus

Bourgeois J., Lecrenais C., Mirault A., Silactchom C., En Bourgogne Franche-Comté, des inégalités et une pauvreté plus faibles que la moyenne, Insee Analyses Bourgogne n° 12 - Insee Analyses Franche-Comté n°10 juin 2015

Détroit A., Léger M., Pauvreté en Bourgogne : des jeunes, des femmes, des familles monoparentales, Bourgogne Dimensions n°198 - avril 2014

Vivas E., Franche-Comté : une moindre intensité de la pauvreté mais des disparités territoriales marquées, L’Essentiel, n°147, septembre 2013