Insee Analyses BretagneUne répartition plus homogène de l’emploi en Bretagne

Laurent Auzet, Insee - Tiphaine Vauléon, Stagiaire Insee

Comme au niveau national, les grands pôles urbains bretons abritent une part importante de l’emploi régional. Celui-ci est cependant moins concentré que dans d’autres régions. En effet, en Bretagne, les villes moyennes sont plus importantes et les couronnes périurbaines offrent relativement plus d’emplois qu’ailleurs.

La répartition de l’emploi entre les territoires se modifie cependant. D’une part, l’emploi se développe plus dans l’est de la région en raison d’une forte croissance de la métropole rennaise. D’autre part, l’emploi est de moins en moins concentré dans les grandes agglomérations mais se diffuse à leur périphérie.

Insee Analyses Bretagne
No 33
Paru le :Paru le23/02/2016
Laurent Auzet, Insee - Tiphaine Vauléon, Stagiaire Insee
Insee Analyses Bretagne No 33- Février 2016

Entre 1982 et 2012, la Bretagne a gagné près de 530 000 habitants et 270 000 emplois. Concomitamment à cette croissance de l’emploi, perceptible dans la plupart des territoires mais à des degrés divers, de profondes mutations sont intervenues au sein de l’équilibre régional. Ainsi, les territoires où l’emploi a augmenté moins vite qu’en moyenne régionale ont vu leur part dans l’emploi régional régresser. À l’inverse, dans ceux ayant connu une dynamique plus soutenue qu’en moyenne, l’emploi s’est concentré. L’évolution de la répartition spatiale de l’emploi permet donc, davantage que sa dynamique propre, de rendre compte des mouvements de concentration qui s’opèrent au sein des territoires.

À l’échelle nationale, la Bretagne représente aujourd’hui 5 % de l’emploi métropolitain contre 4,8 % en 1982. Les évolutions sont toutefois très hétérogènes selon les départements. Ainsi, l’Ille-et-Vilaine, portée par la métropole rennaise, pèse de plus en plus dans l’emploi national (1,72 % en 2012 contre 1,44 % en 1982) comme dans l’emploi régional. A contrario, les poids des Côtes-d’Armor et du Finistère ne cessent de diminuer tant aux niveaux national que régional. En 1982, les Côtes-d’Armor représentaient 0,94 % de l’emploi métropolitain (1,44 % pour le Finistère) contre seulement 0,86 % en 2012 (1,38 % pour le Finistère). Ces différences de dynamique ont modifié l’équilibre entre l’est et l’ouest de la région. Alors que le Finistère comme l’Ille-et-Vilaine regroupaient chacun 30 % de l’emploi régional en 1982, cette part n’est plus que de 27,4 % en 2012 pour le premier contre 34 % pour le second.

L’emploi est concentré dans les grands pôles urbains, mais moins qu’ailleurs

À l’échelle des territoires, l’emploi en Bretagne est, comme dans l’ensemble du pays, plus concentré que la population. L’existence de grands établissements employeurs contribue à cette situation. Ainsi, en 2012, la moitié de l’emploi régional se situe dans seulement 37 communes (sur 1 270) tandis que 127 communes abritent la moitié de la population. En 1982, la moitié de l’emploi était concentrée dans 43 communes.

Les communes au sein desquelles se concentre l’emploi sont situées dans les grandes aires urbaines et plus particulièrement dans leurs pôles (Figure 1). Cependant, cette concentration est moins forte que celle observée dans la plupart des régions. Les grands pôles urbains (constitués d’au moins 10 000 emplois) ne concentrent que la moitié de l’emploi breton contre les deux tiers en métropole hors Île-de-France. Ce moindre poids des grands pôles s’explique par une plus grande importance des couronnes périurbaines - elles abritent 17,8 % de l’emploi en Bretagne contre 12,8 % en moyenne hors Île-de-France - mais aussi par un poids plus élevé qu’ailleurs des pôles moyens de 5 000 à 10 000 emplois (8 % contre 4,3 %). Ces pôles urbains moyens bénéficient à la fois de la présence d’établissements industriels, en particulier du secteur agroalimentaire, mais aussi d’équipements et de services. Au total, parmi les treize nouvelles régions, la Bretagne est celle où l’emploi est réparti de manière plus homogène entre les communes.

Figure_1Une forte concentration de l'emploi dans les pôles urbains

  • Source : Insee, recensement de la population

Une bonne résistance des aires moyennes mais des signes d’effritement depuis 2007

En Bretagne, l’emploi s’est concentré à un rythme soutenu de 1968 jusqu’en 2007. Au cours de cette période, les grandes aires urbaines ont regroupé une part croissante de l’emploi, plus particulièrement dans les grands pôles urbains. Dans le même temps, les moyens et petits pôles maintenaient constante leur part dans l’emploi régional, bénéficiant d’une croissance de l'emploi proche de la moyenne bretonne. Les communes les plus rurales, au contraire, subissaient des pertes d’emplois diminuant d’autant leur poids relatif (Figure 2).

Figure 2Une part croissante des emplois dans les grands pôles urbains jusqu'en 2007

Part dans l'emploi par type de communes (en %)
Une part croissante des emplois dans les grands pôles urbains jusqu'en 2007 (Part dans l'emploi par type de communes (en %))
1968 1975 1982 1990 1999 2007 2012
Grandes aires 55,9 61,4 63,3 66,3 67,6 68,6 68,8
Grands pôles 38,2 45,8 47,5 50,5 51,1 51,5 51,0
Couronnes des grands pôles 17,7 15,6 15,8 15,8 16,5 17,1 17,8
Communes multipolarisées des grands pôles 7,5 6,4 6,1 5,5 5,4 5,3 5,4
Moyennes aires 8,0 8,3 8,3 8,5 8,5 8,4 8,2
Petites aires 5,0 5,0 5,3 5,3 5,5 5,6 5,6
Autres communes multipolarisées 14,6 11,4 10,2 8,5 7,6 7,2 7,2
Communes isolées 9,0 7,5 6,8 5,9 5,4 4,9 4,8
Ensemble des communes 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
  • Source : Insee, recensements de la population

La période la plus récente (2007-2012) marque cependant une rupture avec ce schéma. En effet, si les grandes aires concentrent toujours plus d’emplois, le rythme s’est considérablement ralenti. En outre, ce sont désormais les couronnes périurbaines et non plus les pôles urbains qui portent ce mouvement (Figure 3).

Figure_3Une croissance de l'emploi qui se diffuse maintenant aux couronnes périurbaines

  • Source : Insee, recensements de la population

Bien que l’emploi n’y décroisse plus, les espaces les plus ruraux connaissent toujours une légère baisse de leur poids relatif, bien moins prononcée cependant que dans le passé. Les communes aux limites des aires urbaines (multipolarisées) voient leur poids relatif se stabiliser. Elles tirent désormais profit de l'influence positive des pôles voisins.

Les pôles urbains moyens concentrent, depuis 1999, une part plus faible de l’emploi régional, alors même que l’emploi y progresse très légèrement. Cette quasi stabilisation de l’emploi masque deux tendances opposées : d’une part des pertes d’emplois dans les secteurs industriels (en particulier dans l’agroalimentaire) mais aussi dans la construction et dans l’agriculture. D’autre part, un développement des services et, dans une moindre mesure, de l’hébergement-restauration qui contrebalancent ces pertes.

Enfin, les petites aires urbaines ont vu leur importance dans l’emploi régional s’accroître au fil du temps, puis se stabiliser depuis 1999.

La croissance des couronnes périurbaines entraîne une moindre concentration de l’emploi

La répartition territoriale de l’emploi résulte aussi des évolutions différenciées des secteurs d’activités.

L’emploi agricole, géographiquement très peu concentré, diminue fortement et continûment. Ce mouvement a un fort impact sur la concentration de l’ensemble de l’emploi en l’amplifiant mécaniquement dans les grandes aires urbaines. Pour autant, la progression de la concentration de l’emploi total sur le territoire régional est en trompe-l’œil.

En effet, hors agriculture, l’emploi dans les communes bretonnes a, depuis longtemps, tendance à être moins concentré du fait des mouvements de périurbanisation et de l’attractivité du littoral. Ainsi, hors agriculture, le poids des grandes aires urbaines dans l’emploi régional est quasiment identique en 1982 et en 2012 (69,2 % et 70,4 %). En revanche, les pertes d’emplois agricoles ont fortement touché les couronnes périurbaines. Si on élimine l’impact de ces baisses, les couronnes ont connu une progression plus rapide de leur part dans l’emploi. Hors agriculture, les couronnes périurbaines gagnent exactement (de 15,8 % à 17,8 % de l’emploi régional), en part, ce que perdent les pôles.

Dans un contexte de décroissance de l’emploi industriel, les pertes ont plus affecté les grands pôles urbains. Ceux-ci représentaient 53,5 % de l’emploi régional de l’industrie en 1982 contre seulement 39,9 % en 2012. L’emploi tertiaire reste concentré dans les grands pôles urbains, mais subit cependant une érosion (de 60,5 % en 1982 à 57,2 % en 2012) et devient plus présent dans les couronnes périurbaines.

Il convient cependant de distinguer plus en détail les évolutions selon les différents types d’emploi et les fonctions exercées.

L’emploi présentiel (destiné à la population résidente et aux touristes), a priori le plus sensible aux mouvements de la population vers les couronnes périurbaines, est moins concentré en 2012 que par le passé (Figure 4). Il en est de même pour l’emploi productif hors agriculture (Figure 5). Cette baisse de concentration de l’emploi productif s’explique notamment par des pertes d’emplois à l’origine concentrés dans des grands établissements (en particulier dans l’industrie automobile et navale).

Figures_4 et 5Une diminution de la concentration des emplois présentiels et productifs

  • Source : Insee, recensements de la population

La moindre concentration des activités présentielles est la plus nette. Elle s’effectue au détriment des villes-centres des grandes aires urbaines vers leurs banlieues et les couronnes périurbaines. Ainsi en est-il des fonctions de distribution (ventes, par exemple), mais aussi de gestion. Les pôles urbains continuent cependant de concentrer plus de la moitié de l’emploi régional dans les fonctions de conception-recherche, de fourniture de prestations intellectuelles, mais aussi des services de proximité (assistantes maternelles, aides à domicile, hôtellerie-restauration, par exemple). Ils concentrent également les emplois de cadres des fonctions métropolitaines. Ainsi, entre 2007 et 2012, la région a gagné près de 12 000 cadres des fonctions métropolitaines, dont 70 % exercent leur activité dans des pôles urbains. Pour ce type d’emplois à haute valeur ajoutée, la concentration spatiale ne s’effectue pas par aspiration des emplois existants, mais bien plus par la localisation préférentielle des nouveaux emplois.

À Rennes, l’emploi augmente plus dans la couronne périurbaine

Globalement les aires urbaines concentrent l’emploi régional mais des disparités importantes existent cependant entre elles.

Au premier rang, l’aire urbaine de Rennes représente aujourd’hui, à elle seule, un quart de l’emploi breton contre un cinquième en 1982. Le dynamisme de l’aire urbaine rennaise résulte non pas de délocalisations d’emplois déjà présents dans la région mais d’une captation des créations d’emplois. Si la ville de Rennes abrite une part toujours élevée de l’emploi productif, les pertes d’emplois industriels du pôle urbain contribuent cependant à la moindre concentration de l'emploi au bénéfice de la couronne périurbaine. Au final, alors que le pôle urbain rennais représentait 66,7 % de l’emploi de l’aire urbaine en 2007, ce taux n’est plus que de 66,2 % en 2012.

Pour la période la plus récente (2007-2012), au regard de l’importance de la concentration de l’emploi dans l’aire urbaine de Rennes, les évolutions de la concentration dans les autres grandes villes de la région sont généralement faibles. La croissance plus rapide de l'emploi dans les couronnes périurbaines que dans les pôles s’observe dans toutes les grandes villes, Quimper exceptée.

Des dynamiques diverses dans les autres aires urbaines bretonnes

Bien que connaissant une croissance continue de l’emploi, l’aire urbaine de Brest a vu son poids régional décroître entre 1999 et 2007, passant de 10,4 % à 10 % pour réaugmenter depuis (10,1 % en 2012).

L’aire urbaine de Lorient est sur une trajectoire comparable. Après les difficultés enregistrées à partir de 1990, elle connaît maintenant une stabilisation. L’aire urbaine a progressivement absorbé le choc des pertes d’emplois.

Celle de Saint-Brieuc représente 5,6 % de l’emploi régional, en 1982 comme en 2012. On observe cependant une légère tendance à l’érosion de cette part depuis 2007.

L’aire urbaine de Vannes occupe toujours une place croissante dans l’emploi régional (4,1 % en 1982 et 5,1 % en 2007), mais le rythme tend à ralentir nettement depuis. Enfin, celle de Quimper regroupe 4,6 % de l’emploi régional depuis plusieurs années, sans évolution notable.

La part de l’emploi régional dans les autres grandes aires urbaines bretonnes diminue ou stagne. Fougères, notamment, connaît une diminution prononcée de son poids en termes d’emploi.

Si, globalement, les aires urbaines moyennes bretonnes connaissent une érosion de leur poids relatifs, la plupart conservent leur importance. Le retournement de tendance le plus net concerne Landivisiau, qui traverse des difficultés liées à l’industrie agroalimentaire. De même, depuis plusieurs années, Penmarc’h et Douarnenez voient leur poids diminuer. A contrario, Lamballe et Ploërmel, situés sur de grands axes de communication, tendent à concentrer une part plus importante de l’emploi régional.

Emploi et population : des rythmes de concentration différents

L’emploi est très regroupé dans les villes-centres des grands pôles urbains (Rennes, Brest, Lorient, Vannes, ...) et dans leur périphérie immédiate. Ce phénomène était moins marqué voici quelques décennies. En 1968, dans une Bretagne encore très rurale, 80 % de l’emploi se situait dans 482 communes (soit 38 % des villes bretonnes). En 1982, 331 communes (26 %) regroupaient la même proportion d’emploi et en 2012, seulement 238 (19 %).

En 1968, l’emploi était à peine plus concentré que la population. La grande majorité des Bretons travaillait alors à proximité de leur domicile, souvent dans la même commune. L’écart entre concentration de la population et de l’emploi s’est creusé par le double mouvement de polarisation de l’emploi et de périurbanisation de la population.

Selon la « Nouvelle économie géographique » (Krugman), la localisation de l’emploi résulte d’un arbitrage entre deux forces opposées. D’une part, une force centripète qui incite les entreprises à s’agglomérer pour bénéficier de rendements d’échelle croissants, d’un marché du travail suffisamment large pour y trouver des compétences, des débouchés, et un écosystème d’entreprises propice aux synergies et à l’innovation. D’autre part, des forces centrifuges liées à la congestion des centres urbains, au coût du foncier et aux temps de transport.

Enfin, les activités directement au service de la population (dites présentielles), qui sont par nature plus proches des lieux d’habitation, suivent en partie les mouvements de périurbanisation. Alors que d’autres (dites productives) à destination d’un marché plus large sont moins sensibles à la répartition de la population.

Définitions

La dynamique de concentration de l'emploi apporte un point de vue différent et complémentaire à celui de sa croissance. Elle permet d'analyser les modifications de l'équilibre régional en mettant en évidence le poids et le dynamisme des territoires les uns par rapport aux autres plus que la bonne santé économique de ceux-ci. L'emploi se concentrera par exemple dans les zones connaissant une croissance supérieure à la moyenne. Ainsi, la concentration de l'emploi dans une métropole ne signifie pas que les autres territoires sont en décroissance. De même, cette concentration peut augmenter par un simple phénomène de résistance : certains territoires perdant moins d'emplois que d'autres. Enfin, une moindre concentration peut résulter de pertes d'emplois importantes, dans un grand établissement par exemple, sans qu'aucun territoire ne soit gagnant.

Une aire urbaine ou grande aire urbaine est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Le zonage en aires urbaines 2010 distingue également :

- les moyennes aires, ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de 5 000 à 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

- les petites aires, ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle (unité urbaine) de 1 500 à 5 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Pour en savoir plus

Tertiarisation des emplois, essor des activités au service de la population : trente ans de mutations dans les territoires bretons / Isabelle Baudequin ; Insee. - Dans : Insee Analyses Bretagne n° 15 (2015, février). - 4 p.

Emploi et population active entre 2006 et 2011 : Des dynamiques plus fortes dans l’aire urbaine rennaise d’abord, et dans les espaces littoraux ensuite / Laurent Auzet, Robert Granger ; Insee. - Dans : Insee Analyses Bretagne n° 1 (2014, juin). - 4 p.

La France et ses territoires / Dans : Insee Références ; édition 2015 (2015, avril)