Le Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin : un regain démographique et une industrie agroalimentaire très présente

Michel Moisan (Insee)

En 2010, 73 700 habitants vivent dans le Parc naturel des Marais du Cotentin et du Bessin. Cette population s’accroît à nouveau depuis 1990. Elle bénéficie de l’arrivée de retraités venus s’installer sur le littoral Ouest de la Manche mais aussi d’actifs dont certains travaillent dans les pôles urbains de Saint-Lô, Cherbourg-Octeville voire Caen. Sur place, les actifs trouvent des activités solidement implantées comme une agro-industrie reposant sur l’élevage traditionnel et la production locale, à la recherche de débouchés internationaux pour les produits transformés. Proche des lieux de mémoire de la deuxième guerre mondiale et pouvant compter sur l’attrait de son littoral et de ses marais, le Parc est aussi une destination importante pour le tourisme et la villégiature.

Insee Analyses Basse-Normandie
No 9
Paru le :Paru le19/02/2015
Michel Moisan (Insee)
Insee Analyses Basse-Normandie No 9- Février 2015

Créé en 1991, le Parc naturel des Marais du Cotentin et du Bessin s’étend sur 1 481 km² et comprend 150 communes(1), dont 129 situées dans la Manche et 21 dans le Calvados. Le Parc abrite 73 700 habitants en 2010, dont les trois quarts résident dans des communes rurales. Sa densité de population (50 hab/km²) est très inférieure à celle de la Basse-Normandie (84 hab/km²) et supérieure à celles des deux autres parcs naturels régionaux et de l’ensemble de l’espace rural bas-normand(2). Toutefois, 62 communes n’atteignent pas 30 hab/km², présenté comme le "seuil de désertification". Le territoire du Parc est structuré par deux petits pôles urbains : Carentan et Périers, mais se situe à proximité de pôles de plus grande taille  comme Caen, Saint-Lô ou Bayeux. La grande majorité des habitants (88 %) vivent en dehors de l’aire d’influence des grandes villes . C’est davantage que dans le Parc Normandie-Maine (76 %) mais beaucoup moins que dans le Parc du Perche (98 %).

Figure 1Le parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin

  • Note de lecture :
  • Source : Insee

L’Ouest du Parc et sa partie calvadosienne en croissance démographique

La baisse de la population, lente mais régulière depuis 1962, s’est interrompue à la fin des années quatre-vingt. La reprise de la croissance démographique a d’abord été timide (+ 0,1 % par an entre 1990 et 1999), puis s’est accélérée (+ 0,4 % par an entre 1999 et 2010). Ce rythme de croissance dépasse celui de la Basse-Normandie (+ 0,3 % par an), ainsi que celui des deux autres PNR (+ 0,2 % pour le Parc de Normandie-Maine et + 0,1 % pour le Parc du Perche).

A l’Ouest, sur la façade maritime et dans l’arrière-pays, la croissance démographique se poursuit, grâce à un afflux de retraités sur le littoral. Lessay et Créances sont d’ailleurs les seules communes de plus de 2 000 habitants du Parc qui gagnent des habitants. A l’Est, la population augmente aussi, sous l’effet de la périurbanisation autour de Bayeux. Dans ces communes, ce sont plutôt de jeunes ménages qui sont venus gonfler la population, à la recherche d’espace meilleur marché pour leur famille. On retrouve aussi ce phénomène au nord-ouest de Saint-Lô, mais il est de moindre ampleur. Quant aux plus grandes villes, Carentan, Isigny-sur-Mer et Périers, elles perdent des habitants, à l’instar de la grande majorité des villes sous l’effet du vieillissement et départ des enfants du domicile parental.

Figure 2Variation annuelle moyenne de la population du Parc entre 1999 et 2010

Un point fort : l’agro-industrie

En 2010, le Parc des Marais du Cotentin et du Bessin offre 24 100 emplois soit moins que le Parc du Perche (30 000 emplois) ou le Parc de Normandie-Maine (30 400 emplois). L’économie du Parc présente les caractéristiques d’une économie rurale très implantée avec une forte présence de l’agriculture mais aussi des industries agricoles et alimentaires. L’agriculture offrant moins d’emplois que par le passé, c’est la croissance conjointe de cette industrie et des services qui permet aujourd’hui au Parc de prétendre avoir globalement réussi sa conversion dans une économie de plus en plus ouverte au monde.

L’agro-industrie du Parc est très diversifiée pour un territoire de taille modeste. Au sein d’un bassin de production laitière importante, son socle reste l’industrie de transformation du lait. Cette industrie a très largement modernisé son outil de production. Même si les grands groupes du secteur sont présents sur le territoire, elle repose surtout sur le dynamisme de coopératives régionales, qui s’appuient sur des produits traditionnels tout en cherchant de nouveaux débouchés à l’exportation. Le Parc bénéficie aussi du développement de la filière légumière et de l’industrie du poisson, des branches dont le développement est un enjeu pour conforter la place de l’agro-industrie dans la région. C’est d’ailleurs au sein du Parc qu’ont été développés les produits de la 4e gamme, c’est à dire des légumes ou des fruits frais, crus, prêts à consommer qui ont été lavés, épluchés, coupés puis préemballés.

Figure 3Part des 45 ans et plus par commune

Un territoire de plus en plus résidentiel

En 2010, le Parc offre moins d’emplois qu’il n’abrite d’actifs occupés. L’écart s’est accru au cours de la dernière décennie, accentuant le caractère résidentiel du Parc. Un tiers des actifs résidant dans le Parc le quittent quotidiennement pour aller travailler, soit 10 200 actifs. Inversement 5 500 actifs habitant à l’extérieur viennent travailler dans le Parc. Saint-Lô, Coutances, Cherbourg-Octeville et Caen sont les principales destinations des actifs résidant dans le Parc et travaillant en dehors. Ils parcourent en moyenne 45 km pour se rendre à leur travail. C’est moins que pour ceux du Parc du Perche (59 km) car beaucoup d’actifs percherons vont travailler en région parisienne, mais plus que dans le parc Normandie Maine (32 km) car de nombreux actifs vont travailler à Alençon ou Flers qui sont en bordure de Parc.

Au sein du parc, les déplacements d’une commune à une autre sont également de plus en plus longs, la distance moyenne parcourue, atteignant 10 km en 2010. Seuls 31 % des actifs vivent et travaillent dans la même commune. Ils étaient encore 39 % dans ce cas en 1999 et 65 % en 1982.  

Figure 4Les emplois par secteur d'activité en 2010

en %
Les emplois par secteur d'activité en 2010 (en %)
Basse-Normandie Espace rural bas-normand Parc naturel régional des Marais
Agriculture 5,4 16,4 14,2
Industrie 16,5 20,4 19,5
Construction 8 12,3 11,2
Commerce 12,8 9,1 12,4
Services |marchands 25,7 19,2 18,1
Services |non |marchands 31,6 22,6 24,6
  • Source: Insee, recensement de la population 2010

Figure 4Les emplois par secteur d'activité en 2010

  • Source: Insee, recensement de la population 2010

Des revenus plus faibles qu’en Basse-Normandie

Le poids de l’industrie dans l’économie du Parc des Marais associé au caractère non urbain du Parc explique que 36 % des actifs en emploi sont des ouvriers, contre 27 % en Basse-Normandie et 30 % dans l’espace rural. Professions intermédiaires (16 %) et cadres (6 %) sont moins présents dans le Parc qu’en Basse-Normandie. Les migrations ne contribuent pas à résorber l’écart. Certes, le Parc attire ces catégories sociales : un tiers des actifs s’installant dans le Parc sont cadres ou exercent une profession intermédiaire alors qu’ils ne représentent que 21 % de la population active totale. Mais ces actifs les plus qualifiés sont tout aussi nombreux à quitter le territoire qu’à s’y installer.

En 2010, le revenu net imposable s’élève à 18 500 euros en moyenne par foyer fiscal dans le Parc,  soit moins qu’en Basse-Normandie (21 500 euros). Dans le Parc, 8 500 personnes de 15 à 65 ans relevant du régime général de la sécurité sociale vivent sous le seuil de bas revenu (60% du revenu médian par unité de consommation). Ils représentent 18 % de la population concernée, une proportion assez proche de celle de la Basse-Normandie et du Parc du Perche (17 %), mais largement supérieure à celle du Parc de Normandie-Maine (15 %).  

Figure 5Intensité des échanges domicile-travail avec les principales aires urbaines

Renouvellement du parc de logements

Le Parc naturel régional des Marais du Bessin et du Cotentin possède un parc de 41 400 logements dont 31 600 résidences principales. Ce parc de logements est moins ancien que celui des deux autres parcs naturels régionaux, moins touchés par les destructions liées au Débarquement de 1944. Avec le regain de la population permanente et l’augmentation de la population en villégiature, le rythme de construction, au ralenti dans les années quatre-vingt-dix, a repris de la vigueur à partir de 1995. Il s’est fortement accéléré pendant une dizaine d’années jusqu’à la crise de 2008

A la différence des deux autres parcs, le nombre de résidences secondaires augmente régulièrement. Au total, elles représentent 16 % du parc de logement. La proportion atteint même 50 % à Pirou et à Quinéville et 60 % à Ranenoville et à Saint-Germain-sur-Ay.

Figure 6Part des résidences secondaires

Un partenariat avec les trois parcs naturels régionaux bas-normands

Suite au décret n°2013-83 paru le 24 janvier 2012, les parcs naturels régionaux se doivent de produire un suivi continu de leur territoire. Dans ce contexte, le Parc naturel des Marais du Cotentin et du Bessin (PNRMCB) a souhaité se doter d’un Observatoire du territoire, dans le but de constituer une analyse simplifiée et communicante de l’évolution de son territoire. Cet outil devra s’inscrire dans le cycle de vie de la Charte à échéance 2022, afin de préparer les outils d’aide à la décision de sa future révision de Charte.

Comme les deux autres parcs naturels régionaux bas-normands, le PNRMCB a engagé un partenariat avec l’Insee afin de réaliser un diagnostic socio-économique de son territoire. Cette étude permet, dans une optique prospective, d’identifier ses atouts et ses faiblesses actuels et ainsi d’appréhender les menaces et opportunités à prendre en compte pour l’avenir. Le PNRMCB pourra alors identifier les enjeux de développement et fixer les objectifs prioritaires dans le cadre de la révision de sa Charte à horizon 2022.

Cette étude constitue le volet socio-économique d’un observatoire élargi à d’autres thèmes tels que l’"occupation du sol", "le bocage" et l’"agriculture".

Un terroir pour l’industrie agroalimentaire

En 2010, l’agriculture, la pêche et les industries agroalimentaires sont à l’origine d’un emploi sur quatre dans le Parc. C’est presque trois fois la proportion régionale. Parmi ces 5 700 emplois, 3 400 appartiennent au secteur agricole ou à celui de la pêche.

Le lait, la matière première

Dans un bassin de production laitière important, l’industrie de transformation du lait est la figure de proue de l’industrie agroalimentaire du Parc des Marais. Elle offre encore 880 emplois malgré les restructurations considérables qui ont entraîné de lourdes pertes d’emploi au cours des vingt dernières années. La plupart des laiteries indépendantes ont été reprises par de grands groupes concentrant la production sur un nombre restreint de sites. Le Parc des Marais en a fait les frais, avec, dans les années 2000, la fermeture de deux unités du groupe Lactalis. Pour sa part, l’établissement Mont Blanc de Chef-du-Pont a été repris par des investisseurs britanniques après le désengagement de Nestlé, avec à la clé une baisse de l’emploi.

A l’exception de Mont Blanc, ce sont des entreprises locales qui font la réputation de l’industrie laitière du Parc des Marais et portent des perspectives de croissance associant tradition et ouverture sur le monde. A commencer par l’emblématique Coopérative Isigny-Sainte Mère. Son établissement d’Isigny-sur-Mer a connu une croissance presque ininterrompue depuis la fin des années quatre-vingt. Alors que la croissance du marché intérieur reste faible, cette entreprise, à l’image d’autres groupes laitiers, s’attaque aux marchés extérieurs pour s’assurer de nouveaux débouchés. Elle vient d’annoncer l’engagement de 50 millions d’euros pour développer ses capacités de production de lait infantile, notamment à destination du marché chinois. Selon l’entreprise, ce projet devrait être mené à terme en 2015 et permettra la création d’une centaine d’emplois.

Par ailleurs, le Parc accueille un établissement d’une autre entreprise du secteur à forte notoriété et ancrée dans la Manche, à Sottevast : la coopérative Les Maîtres Laitiers du Cotentin. La coopérative projetait de construire une nouvelle usine à Méautis, près de Carentan, pour remplacer celle de Tribehou. Mais elle a décidé de suspendre les travaux sur ce nouveau site en raison des discussions entamées avec Agrial pour un "rapprochement industriel".

Enfin, la Laiterie Fromagerie du Val d’Ay complète la liste des entreprises du secteur laitier en croissance sur le Parc. Cette PME mise sur une production "haut de gamme" de tradition (camembert au lait cru...).

L’industrie légumière et l’industrie du poisson

En Basse-Normandie, la transformation industrielle des légumes a pris de l’essor à la fin des années quatre-vingt et dans les années quatre-vingt-dix seulement. Le groupe coopératif Agrial est le moteur principal de la constitution d’une puissante filière légumes permettant la valorisation de la production locale, du Val-de-Saire au Pays de Lessay et à la Baie du Mont Saint-Michel. Le Parc bénéficie à plein des succès de cette filière qui emploie localement 770 salariés, hors personnels temporaires. La première gamme, c’est-à-dire les produits frais, occupe près de 200 salariés à Créances, de la production à l’administration et au conditionnement. En aval dans la filière, on trouve Soleco, l’entreprise qui a rendu célèbre la salade prête à l’emploi en sachet (la quatrième gamme : les produis frais crus conditionnés en sachet plastique). Le groupe développe enfin la cinquième gamme (produits cuits prêts à l’emploi : purées, soupes...), avec Créaline, à l’origine une petite entreprise familiale à Quettreville-sur-Sienne, relocalisée à Lessay en 2010.

L’industrie du poisson est le troisième pôle de l’agro-industrie du Parc. Si cette industrie peut paraître encore peu développée en Basse-Normandie, région pourtant bordée de 470 km de côtes, elle est très présente à Carentan, où elle occupe 300 salariés. Cette activité repose d’une part sur Alliance Océane, une entreprise qui appartient à Soparind Bongrain, le géant de l’agro-alimentaire, et d’autre part sur Mer et Terroir, une PME spécialisée dans la transformation de divers produits marins, dont les coquillages et les crustacés.

Pour en savoir plus

Les trois parcs naturels bas-normands : un cadre de plus en plus prisé ", Insee Analyses Basse-Normandie n° 6, janvier 2015

Le Parc naturel régional Normandie-Maine : un territoire à deux visages ", Insee Analyses Basse-Normandie n° 8, février 2015

Le Parc naturel régional du Perche : attractivité francilienne et difficultés industrielles ", Insee Analyses Basse-Normandie n° 10, février 2015