Migrations résidentielles : les territoires francs-comtois différemment attractifs

Stéphane Adrover et Émilie Vivas (Insee)

Entre 2003 et 2008, les migrations résidentielles entre la Franche-Comté et les autres régions sont proches de l’équilibre et affectent peu la structure de la population régionale. Les migrations à l’intérieur de la région,plus intenses, font apparaître une faible attractivité globale des grandes aires urbaines de Franche-Comté. Les aires de Besançon et de Belfort sont toutefois attractives pour les étudiants, tandis que celles de Lons-le-Saunier et de Pontarlier attirent des actifs. Certains bassins de vie ruraux, bénéficiant d’une position géographique privilégiée, sont attractifs pour les actifs et les familles des grandes aires urbaines régionales ou des régions voisines, nécessitant une adaptation en termes d’équipements et d’aménagement du territoire. D’autres bassins de vie ruraux enregistrent un déficit migratoire souvent lié à une dégradation du tissu économique local.

Insee Analyses Franche-Comté
No 4
Paru le :Paru le02/12/2014
Stéphane Adrover et Émilie Vivas (Insee)
Insee Analyses Franche-Comté No 4- Décembre 2014

Une étude centrée sur les flux métropolitains

En 2008, 76 750 personnes vivant en Franche-Comté n’y habitaient pas cinq ans auparavant. Parmi elles, 1 400 personnes provenaient des DOM, et 12 250 d’un pays étranger. Si le nombre de sortants à destination des DOM est connu (1 150), le recensement de la population ne permet pas de connaître celui des sortants vers l’étranger. Ainsi, l’essentiel de l’étude porte sur les échanges migratoires au sein de la région et avec la France métropolitaine, bien que certaines caractéristiques des entrants de l’étranger aient pu être mises en évidence (cf. encadré). Au niveau infra-régional, l’analyse des mobilités résidentielles vise à faire ressortir les spécificités des zones urbaines et rurales. Les grandes aires urbaines, de par leurs poids démographique et économique, jouent un rôle essentiel dans les mobilités résidentielles observées dans la région. Les bassins de vie ruraux présentent des caractéristiques géographiques et socio-économiques qui leur sont propres. L’analyse des migrations dans l’urbain et le rural permet d’objectiver le cadre de l’action publique tant dans les territoires attractifs, dont le dynamisme doit être anticipé et accompagné par des politiques d’aménagement du territoire notamment, que dans les territoires en difficulté pour lesquels les réponses doivent être particulièrement adaptées.

figure_1Échanges migratoires entre la Franche-Comté et les autres régions métropolitaines (2003-2008)

  • Source : Insee, RP 2008

figure_2Flux migratoires inter-régionaux 2003-2008

  • Source : Insee, RP 2008

Un solde migratoire proche de l’équilibre en Franche-Comté

63 100 personnes de cinq ans et plus résidant en Franche-Comté en 2008 vivaient dans une autre région métropolitaine cinq ans auparavant. Inversement, 67 850 personnes de cinq ans et plus ont quitté la Franche-Comté pour une autre région métropolitaine entre 2003 et 2008. Rapportées à la population franc-comtoise, ces migrations correspondent à un taux d’entrées de 58,4 ‰ et à un taux de sorties de 63,8 ‰, soit un faible déficit migratoire de 5,4 ‰ (cf. Fiche « Sources et définitions » de l’Insee Dossier Franche-Comté n° 3), une situation proche de de la région Haute Normandie. Ce déficit, globalement faible, a en outre peu d’impact sur la structure de la population comtoise. L’intensité annuelle de ces flux migratoires estimée au recensement de 2008 est comparable à celle estimée au recensement de 1999.

La Franche-Comté fait partie des régions où la proximité joue un rôle particulièrement important dans les migrations. Ainsi, plus de la moitié des échanges migratoires entre la Franche-Comté et le reste de la métropole se fait avec les régions limitrophes (Rhône-Alpes, Bourgogne, Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne), alors que cette part est inférieure à 40 % en moyenne métropolitaine.

Le solde migratoire est négatif avec Rhône-Alpes et avec la Bourgogne (de respectivement – 3 100 et – 750), mais il est positif avec les autres régions limitrophes. En dehors des échanges avec les régions limitrophes, les échanges les plus importants se font avec l’Île-de-France : 8 400 entrées pour 8 050 sorties. Avec l’ensemble des autres régions de province, les sorties dépassent de 4 300 les entrées. Ce déficit migratoire reflète la relative attractivité des régions du littoral atlantique et du sud.

Grandes aires urbaines : une majorité de flux infra-régionaux

figure_3Flux migratoires des aires urbaines

  • Source : Insee, RP 2008

À un niveau infra-régional, l’intensité des flux migratoires est plus élevée qu’au niveau régional. Pour l’ensemble des sept grandes aires urbaines de Franche-Comté, le taux d’entrées sur 5 ans est de 121 ‰, et le taux de sorties de 130 ‰. L’intensité annuelle des flux migratoires n’a pas significativement évolué au niveau des aires urbaines par rapport au recensement de 1999, à l’exception de Belfort, où le taux de sorties a augmenté.

Les aires urbaines de Lons-le-Saunier et de Besançon enregistrent un solde migratoire positif (respectivement + 10 ‰ et + 5 ‰). L’aire urbaine de Lons-le-Saunier attire des actifs provenant essentiellement de l’espace rural de la région, et des retraités. L’aire urbaine de Besançon, principal pôle universitaire de la région, est surtout attractive pour les étudiants. Besançon est ainsi la septième aire urbaine la plus étudiante de France avec 8,2 étudiants pour 100 habitants. Cette situation induit des enjeux en termes de réponse aux besoins des étudiants pour les transports. Concernant les actifs et les retraités, les départs sont plus importants que les arrivées dans l’aire urbaine de Besançon.

Les entrées et sorties sont presque équilibrées dans les aires urbaines de Dole et de Vesoul, tandis que le solde migratoire est négatif dans les aires urbaines de Montbéliard, Belfort et Pontarlier (respectivement – 33 ‰, – 26 ‰, et – 11 ‰). Outre son fort déficit migratoire avec le reste de la France métropolitaine, l’aire urbaine de Montbéliard se distingue par une intensité des flux migratoires beaucoup plus faible que la moyenne sur la période, et par des soldes migratoires négatifs quel que soit le profil des migrants. Elle pâtit notamment de la dégradation de l’activité industrielle depuis 2002. L’aire de Belfort est attractive uniquement pour les étudiants grâce à la présence de l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard, située à Sevenans, commune de la couronne de Belfort. L’attractivité de l’aire urbaine de Pontarlier auprès des actifs, en raison de sa proximité avec la Suisse, ne suffit pas à compenser les départs des étudiants et des retraités.

Un peu plus de la moitié des entrants et des sortants des grandes aires urbaines franc-comtoises proviennent de la région. Pontarlier est l’aire urbaine dont les mobilités sont les plus orientées vers des flux internes à la région : 69 % des entrants et 71 % des sortants sont francs-comtois. À l’inverse, en raison notamment de leur situation géographique limitrophe avec la Bourgogne et l’Alsace, les aires urbaines de Dole et de Belfort sont davantage tournées vers les autres régions, qui représentent plus de la moitié de leurs entrées et sorties. L’aire urbaine de Besançon a la particularité d’avoir une majorité d’entrants provenant de la région (55 %) et une majorité de sortants qui vont dans d’autres régions métropolitaines (61 %).

Les flux migratoires des grandes aires urbaines avec les autres régions de France métropolitaine sont globalement déficitaires. Entre 2003 et 2008, 45 950 francs-comtois ont quitté une grande aire urbaine régionale pour une autre région, alors que seuls 38 300 entrants dans ces aires urbaines proviennent d’une autre région. Les sorties dépassent les entrées, de 52 % pour l’aire urbaine de Montbéliard, de près de 30 % pour les aires urbaines de Besançon et de Belfort, et de 10 % pour l’aire de Vesoul.

À l’inverse, les échanges avec les autres régions sont équilibrés pour les aires urbaines de Dole et de Pontarlier, et excédentaires de 7 % pour l’aire urbaine de Lons-le-Saunier.

Certains bassins de vie ruraux sont favorisés par leur situation géographique

figure_4Sorties dans les bassins de vie ruraux et dans le bassin de vie de Morez

  • Source : Insee, RP 2008

figure_5Entrées dans les bassins de vie ruraux et dans le bassin de vie de Morez

  • Source : Insee, RP 2008

figure_6Flux migratoires des bassins de vie

  • Source : Insee, RP 2008

Pour l’ensemble des bassins de vie ruraux hors influence des grands pôles (cf. Fiche « Sources et définitions » de l’Insee Dossier Franche-Comté n° 3), le taux moyen de sorties sur 5 ans est de 156 ‰, dépassant légèrement le taux d’entrées (152 ‰). Cette moyenne masque des situations très contrastées. Le taux d’entrées varie de 99 ‰ (Saint-Claude) à 278 ‰ (Les Rousses). Le taux de sorties varie de 114 ‰ (Maîche) à 260 ‰ (Les Rousses). À l’exception des bassins de vie de Saint-Claude, Saint-Amour et des Rousses, la majorité des échanges se font avec le reste de la région : en moyenne 59 % des entrées et 65 % des sorties. Le bassin de vie de Morez est le seul bassin de vie comtois non rural et animé par un petit pôle. Les caractéristiques de ses flux migratoires sont néanmoins proches de la moyenne des bassins de vie ruraux (cf. Fiche « le choix du zonage » de l’Insee Dossier Franche-Comté n° 3).

Certains bassins de vie ruraux connaissent une attractivité renforcée par rapport à la période 1990-1999 : au sud du Jura, trois bassins de vie bénéficient d’un solde migratoire nettement positif (Saint-Amour, Clairvaux-les-Lacs, Les Rousses).

Bénéficiant de la proximité de l’aire urbaine de Bourg-en Bresse, le bassin de vie de Saint-Amour est le plus dynamique de la région : + 94 ‰ en cinq ans. Il attire essentiellement des actifs et leur famille. Dans les bassins de vie centraux du Doubs (Valdahon, Ornans), l’intensité des flux migratoires est d’un niveau intermédiaire, tandis que le solde migratoire est positif, reflétant notamment une certaine attractivité vis-à-vis des actifs travaillant dans l’aire urbaine de Besançon, Morteau ou Pontarlier. Ces flux migratoires reflètent ainsi une extension des phénomènes de périurbanisation et un allongement des déplacements domicile-travail : les nouveaux entrants sont plus nombreux que les stables à travailler en dehors du bassin de vie où ils habitent. La venue de ces familles peut nécessiter d’adapter l’offre de services dans ces territoires. En effet, les commerces, les écoles, les modes de gardes pour les jeunes enfants, les services de santé ou encore les modes de transports doivent répondre aux besoins de ces familles.

En Haute-Saône, les entrées dépassent les sorties dans les bassins de vie de Dampierre-sur-Salon, Lure et Villersexel. Ces trois bassins de vie attirent des flux modestes d’actifs.

Dans les bassins de vie du nord de la Haute-Saône et celui de Saint-Claude, les flux migratoires sont peu intenses et le solde migratoire est nettement négatif. Ces territoires pâtissent du ralentissement et du décrochage de l’industrie dans la région à partir de 2002.

Les jeunes adultes sont les plus mobiles

Le cycle de vie induit des migrations différentes à chaque âge. L’attractivité des différents territoires de la région varie ainsi selon les classes d’âge en raison des facteurs de mobilité : les plus jeunes suivent leurs parents, les étudiants se rapprochent des pôles universitaires, les jeunes actifs se rapprochent des pôles d’emploi, la mobilité des familles et des retraités concerne davantage une recherche de cadre de vie…

Quel que soit le niveau géographique étudié (région, aires urbaines et bassins de vie), les adultes de 24 à 45 ans, pour l’essentiel des actifs, représentent environ la moitié des migrants. L’intensité des flux migratoires la plus forte se situe entre 18 et 23 ans, en lien avec la poursuite d’études : toutes choses égales par ailleurs, un étudiant est près de deux fois plus mobile qu’un actif. L’intensité des flux migratoires des personnes âgées de 65 ans et plus est très faible.

Au niveau régional, les 18-30 ans affichent un déficit migratoire, reflétant notamment l’attractivité universitaire de Rhône-Alpes, de la Bourgogne, et de l’Ile de France.

Pour l’ensemble des grandes aires urbaines, le solde des 25-65 ans et des moins de 18 ans est négatif tandis que le solde des 18-25 ans est positif. Dans le cas des 18-25 ans, le solde positif est entièrement imputable aux aires urbaines de Besançon et de Belfort qui concentrent l’essentiel de l’offre en matière d’enseignement supérieur.

Dans les bassins de vie ruraux hors influence des grands pôles, le déficit est important entre 18 et 25 ans, à l’exception de ceux de Poligny et d’Arbois, qui disposent d’établissements préparant à des formations post-bac (ENIL et lycée du bois à Mouchard). Entre 25 et 65 ans, les bassins de vie ruraux sont globalement attractifs, malgré des situations très variées d’un bassin de vie à l’autre. Les sorties d’actifs dépassent les entrées dans les bassins de vie en difficulté économique, tels que Jussey, Luxeuil-les-Bains, Saint-Loup-sur-Semouse et Saint-Claude.

figure_7Solde des entrées et des sorties par âge et par zone

  • Source : Insee, RP 2008

figure_8Solde migratoire des aires urbaines selon l’âge

  • Source : Insee, RP 2008

La moitié des entrants qui vivaient à l’étranger viennent d’un pays européen

En 2008, 12 250 résidents francs-comtois vivaient à l’étranger cinq ans auparavant. Le taux d’entrées d’étrangers en Franche-Comté est de 12 ‰, soit moins qu’en moyenne métropolitaine (14 ‰).

La moitié des entrants de l’étranger en Franche-Comté proviennent d’un pays européen, 28 % d’Afrique, et 16 % d’Asie.

2 000 entrants (soit 16 % des entrants de l’étranger) proviennent de la Suisse, seul pays frontalier avec la région. Plus de 8 % des entrants proviennent des pays des Balkans, et 4,5 % d’Allemagne. Les trois quarts des entrants africains, soit 2 500 migrants, proviennent des pays du Maghreb. Parmi les entrants de l’Asie, ceux de Turquie sont les plus nombreux.

9 % de l’ensemble des entrants des grandes aires urbaines de la région viennent de l’étranger. La proportion d’étrangers parmi les entrants est plus élevée dans les trois plus grandes aires urbaines (Besançon, Montbéliard, et Belfort) que dans les autres aires urbaines. Les entrants d’Europe, sont les plus nombreux dans toutes les aires urbaines, sauf celles de Montbéliard et de Vesoul où l’immigration africaine domine. 43 % des entrants de l’aire urbaine de Montbéliard viennent du Maghreb. Une faible part des entrants des aires urbaines viennent de Suisse, sauf pour l’aire de Pontarlier où ceux-ci représentent 44 % des entrants. Faible dans l’aire urbaine de Dole (7 %), la part des entrants de l’Asie varie de 15 à 24 % dans les autres aires urbaines.

La part des entrants de l’étranger dans les bassins de vie ruraux est globalement inférieure à celle des grandes aires urbaines. Elle est inférieure ou égale à 2 % dans les bassins de vie de Baume-les-Dames, Valdahon, Saint-Amour, Villersexel et Dampierre-sur-Salon, mais atteint 9 % à Maîche, 12 % à Saint-Claude, et 15 % à Morteau. Deux tiers des entrants de l’étranger proviennent d’autres pays d’Europe, et parmi eux, la moitié proviennent de Suisse. La part des entrants de Suisse varie entre 52 % et 70 % dans les bassins de vie francs-comtois frontaliers.

Pour en savoir plus

Azouguagh M., Adrover S., « Migrations résidentielles en Franche-Comté », Insee Franche-Comté, Insee Dossier Franche-Comté n° 3, décembre 2014.

Debard P., « Migrations résidentielles en Lorraine : 7 profils-types du nouvel arrivant », Insee Lorraine, Économie Lorraine n° 274, janvier 2012.

Bourriez M., Lecrenais C., « Nouveaux arrivants : des enjeux différents selon des territoires de Bourgogne  », Insee Bourgogne, Bourgogne Dimensions n° 177, mars 2012.