Val de Fensch : ouvert sur ses voisins, le territoire bénéficie depuis 2006 d’un net rebond

Steve Piralla

La Communauté d’agglomération du Val de Fensch se situe à un carrefour entre les pôles de Metz, de Luxembourg et de Longwy. Sa population est à la hausse après trois décennies de déclin ininterrompu. Cette embellie a été permise principalement par sa situation frontalière privilégiée. Ainsi, un actif sur quatre traverse chaque jour la frontière pour aller travailler au Luxembourg. La Communauté d’agglomération du Val de Fensch a également pour spécificité de voir les emplois de son territoire occupés pour moitié par des actifs de l’extérieur, notamment des villes voisines de Thionville et de Yutz. L’économie de la vallée garde son caractère industriel en dépit d’une crise économique ayant particulièrement affecté le secteur métallurgique. Le secteur tertiaire peine encore à se développer. Par conséquent, les pertes d’emplois industriels ne sont pas compensées et le nombre de demandeurs d’emploi ne cesse d’augmenter. Si le revenu médian est encore faible au regard de territoires comparables, il augmente toutefois régulièrement et les inégalités tendent à s’estomper.

Insee Analyses Lorraine
No 6
Paru le :Paru le08/09/2014
Steve Piralla
Insee Analyses Lorraine No 6- Septembre 2014

La Communauté d’agglomération du Val de Fensch (CAVF) est située au cœur du sillon mosellan, à mi-chemin entre Metz et Luxembourg. Son territoire est très bien desservi par les infrastructures routières. L’autoroute A31 la place à proximité directe (environ 25 km) du Luxembourg au nord et de Metz au sud. L’A30 la relie à Longwy au nord-ouest. Cette bonne accessibilité routière la place en outre à une quarantaine de minutes des aéroports de Metz-Nancy-Lorraine et de Luxembourg.

Les habitants du Val de Fensch disposent par ailleurs de deux gares ferroviaires desservies par les trains TER Lorraine entre Longwy et Metz pour la gare d’Hayange, et sur la ligne Nancy-Metz-Luxembourg pour celle d’Uckange. Enfin, le territoire est bordé par la Moselle à hauteur d’Uckange, ce qui ouvre la voie au transport fluvial à gros gabarit, amené à se développer notamment avec le projet Europort.

Figure_1La Communauté d’agglomération du Val de Fensch

Rebond de la démographie depuis 2006

La Communauté d’agglomération du Val de Fensch compte 69 100 habitants en 2011. Entre 2006 et 2011, sa population a augmenté de 2 %. Sur la même période, la population du "référentiel" constitué d’un groupe de communautés d’agglomération et urbaines présentant des similitudes importantes avec la CAVF (voir encadré) a légèrement baissé, et celle de la Moselle n’a augmenté que de 0,8 %. Le rebond dans la CAVF intervient après trois décennies de déclin démographique au cours desquelles le territoire a perdu près du quart de sa population. Si cette tendance s’était poursuivie, la CAVF compterait un millier d’habitants en moins. Cette situation est spécifique à la CAVF, ni le référentiel, ni la Moselle n’ont connu une telle diminution de leur population entre 1975 et 2006.

Toutefois, les communes du territoire n’ont pas toutes bénéficié de cette progression (figure 2). Les populations des trois principales communes de la CA (Hayange, Fameck et Florange) ont augmenté de plus de 5 % entre 2006 et 2011. À l’inverse, les communes de Knutange et d’Uckange continuent de perdre des habitants (respectivement - 6 % et - 9 %). Dans ces deux communes, la baisse de population s’est même amplifiée par rapport à la période intercensitaire précédente (1999-2006).

La situation démographique contrastée de la CAVF peut être mise en relation avec les constructions de logements neufs. Près de 2 100 logements neufs ont été commencés entre 2007 et 2011, soit 60 % de plus qu’entre 2002 et 2006. Ces constructions ont été particulièrement importantes dans les communes ayant gagné des habitants. Fameck, Florange et Hayange concentrent plus des trois quarts des constructions neuves dans la CAVF.

La construction de logements attire de nouveaux habitants, et permet également de s'adapter aux évolutions sociologiques (monoparentalité, célibat, familles recomposées…). La CAVF, comme les territoires de référence, connaît un phénomène de desserrement des ménages. En 2011, un ménage comprend en moyenne 2,37 personnes, contre 2,62 en 1999. Ainsi, dans le Val de Fensch, tandis que la population augmentait de 2 %, le nombre de ménages augmentait de plus de 5 %. Autre facteur de besoin en nouveaux logements, le vieillissement de la population. En 2011, un habitant du territoire sur dix a 75 ans ou plus, et cette proportion pourrait atteindre 15 % d’ici trente ans. Dès lors, des logements répondant aux besoins spécifiques de cette tranche d’âge devront être construits ou adaptés.

Figure_2La population de Fameck, Florange et Hayange en augmentation de 5%

  • Source : Insee, Recensements de la population 2006 et 2011

Le Luxembourg attire plus d’un actif sur quatre

La situation frontalière privilégiée du Val de Fensch a également permis de drainer de nombreux actifs, attirés par la proximité du bassin d’emploi luxembourgeois. En 2011, près de 7 000 actifs résidant dans la CA du Val de Fensch travaillent à l’étranger (figure 3), quasiment exclusivement au Luxembourg. Le nombre de travailleurs frontaliers est en hausse de près de 20 % depuis 2006. L’augmentation est sensiblement plus importante qu’en Moselle (+ 11 %) ou que dans les Communautés d’agglomération proches, comme celle de Portes de France-Thionville (+ 12 %). Dans la CA de Forbach-Porte de France, le nombre de travailleurs frontaliers est en baisse (- 7,5 %). Toutefois, l’augmentation dans la CAVF s’est faite plus tard que dans le reste de la Moselle. Les frontaliers se sont d’abord installés dans les pôles plus importants, autour de Thionville ou de Metz.

Environ trois quarts des frontaliers du Val de Fensch sont des ouvriers ou des employés, ce qui distingue nettement le territoire de l’ensemble de la Moselle et de la CA voisine de Portes de France-Thionville. Le profil des frontaliers résidant dans la CAVF est en effet plutôt atypique pour des emplois frontaliers au Luxembourg. Il se rapproche plus du profil des frontaliers de la CA de Forbach-Porte de France, qui travaillent essentiellement en Allemagne. Les frontaliers exerçant un emploi de cadre s’installent peu dans la CA du Val de Fensch. Ils sont 464 en 2011 contre 350 en 2006, soit une augmentation de 33 %. La progression reste nettement inférieure à celle constatée en Moselle (+40 %) ou dans la CA de Portes de France-Thionville (+47 %).

Le travail frontalier représente une source potentielle de revenu pour l’économie locale, même si les frontaliers qui résident dans la CAVF ne sont pas les plus qualifiés. Toutefois, l’atout frontalier peut faire peser sur le territoire un risque de dépendance à la croissance du Grand-Duché.

Figure 3Plus d'un quart des actifs du Val de Fensch travaillent à l'étranger

Lieu de travail des actifs de la CA du Val de Fensch
Plus d'un quart des actifs du Val de Fensch travaillent à l'étranger (Lieu de travail des actifs de la CA du Val de Fensch)
Même commune Autre commune de la zone Hors zone Étranger
Val de Fensch 2006 20,0 19,8 37,3 22,9
Val de Fensch 2011 19,2 17,5 36,4 26,9
Référentiel 2006 31,5 43,6 23,3 1,6
Référentiel 2011 30,3 42,0 25,4 2,4
  • Insee, recensements de la population 2006 et 2011 - exploitations complémentaires

Figure 3Plus d'un quart des actifs du Val de Fensch travaillent à l'étranger

  • Insee, recensements de la population 2006 et 2011 - exploitations complémentaires

L’industrie et la construction en berne

En 2011, la CA du Val de Fensch compte 20 200 emplois sur son territoire. Ce chiffre est en baisse de plus de 6 % par rapport à 2006 (soit environ 1 300 emplois perdus). L’impact de la crise économique sur l’emploi a été plus important dans le Val de Fensch que dans le référentiel (- 3,2 %) ou que dans l’ensemble de la Moselle (- 1,0 %).

Les pertes d’emplois dans le Val de Fensch se concentrent sur les secteurs de l’industrie et de la construction. L’industrie a perdu 1 350 emplois en cinq ans (- 18 %). L’emploi industriel a également été affecté dans le référentiel et en Moselle, mais moins fortement (respectivement - 16 % et - 14 %). Dans la construction, 270 emplois ont été perdus dans la CAVF (- 17 %). Au contraire, le secteur de la construction a progressé de 6,5 % dans le référentiel et de 4 % sur l’ensemble du territoire mosellan.

L’industrie reste toutefois importante et représente encore plus de 30 % des emplois du territoire. Cette spécificité est en particulier le fait d’une prédominance de la métallurgie. En 2011, ce secteur employait près de 3 500 personnes, ce qui représente 56 % de l’ensemble des emplois industriels de la zone. Depuis 2006, il a perdu plus du quart de ses effectifs. Il a ainsi été le plus impacté par la crise économique de 2008-2009 avec la fermeture des derniers hauts-fourneaux par ArcelorMittal. Le groupe reste néanmoins le premier employeur du territoire avec près de 2 900 salariés fin 2012.

Avec ses 1 200 emplois, l’industrie automobile est également un secteur de poids sur le territoire. Le nombre d’emplois y a augmenté de 27 % entre 2006 et 2011 malgré la crise économique. Le principal pourvoyeur d’emplois de ce secteur est l’entreprise ThyssenKrupp Presta qui emploie 900 salariés fin 2012.

Un secteur tertiaire sous-représenté

Depuis 1975, l’emploi total dans le Val de Fensch a chuté de près de moitié, alors qu’il n’a baissé que de 9 % dans le référentiel et qu’il a augmenté de 6 % en Moselle. Cette différence s’explique par un développement inégal du secteur tertiaire. Dans le référentiel ou en Moselle, les pertes d’emplois industriels depuis 1975 ont été compensées en partie par l’augmentation importante du nombre d’emplois dans le secteur tertiaire (+ 90 % dans le référentiel et + 68 % en Moselle). Dans la CA du Val de Fensch, l’emploi tertiaire n’a progressé que de 22 % et cette augmentation est plus récente que dans le référentiel ou en Moselle. Entre 1975 et 1999, le nombre d’emplois dans le tertiaire est resté quasiment stable alors que l’emploi industriel chutait. Ce tournant tertiaire manqué pèse aujourd’hui sur l’économie du territoire. Les activités présentielles y sont peu développées et 68 % des emplois dépendent de centres de décisions extérieurs (contre 63 % dans le référentiel).

Au 1er janvier 2012, on recense 2 272 établissements sur le territoire de la CAVF contre 1 843 en moyenne entre 2003 et 2005. Cette augmentation est due en grande partie à la création en 2009 du statut d’auto-entrepreneur. Les trois quarts des établissements ont une activité dans le secteur tertiaire, 15 % dans la construction et 10 % dans l’industrie. Au 1er janvier 2013, dans la CAVF, 23 établissements emploient plus de 100 salariés. La moitié d’entre eux appartiennent au secteur industriel, notamment les trois plus importants : ArcelorMittal (2 800 salariés) et Thyssenkrupp Presta (900 salariés) à Florange, Tata Steel France Rail (390 salariés) à Hayange.

Entre 2010 et 2012, en moyenne, 435 nouveaux établissements se sont créés chaque année dans la CAVF. Si l’on excepte les auto-entreprises, qui représentent plus de 6 créations sur 10, les créations sont en baisse de 10 % par rapport à la période 2003-2005.

Le taux de création d’entreprises est plus important dans la CAVF que dans le référentiel ou en Moselle. Ainsi, il se crée en moyenne 19,5 établissements pour 100 établissements présents dans le Val de Fensch, mais il ne s’en crée que 15,6 dans le référentiel et 16,5 en Moselle. Le taux de création d’entreprises dans la CAVF est particulièrement important dans les secteurs de la construction, du commerce, des transports et des services. Ces secteurs concentrent beaucoup de créations d’auto- entreprises. À titre d’exemple, plus de 64 % des entreprises créées dans la construction sont le fait d’auto-entrepreneurs.

Un chômage important chez les hommes et les séniors

En dépit d’un taux important de création d’entreprises, le taux de chômage (au sens du recensement) s’établissait à 16,4 % dans la CAVF en 2011. Il est inférieur d’un point à celui constaté dans le référentiel (17,2 %), mais nettement plus élevé que dans l’ensemble de la Moselle (12,8 %).

Entre 2007 et 2013, le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) de catégorie A a augmenté de 73 %. C’est beaucoup plus que dans le référentiel (+ 59%) mais dans la moyenne mosellane (+ 71 %). L’évolution du nombre de DEFM est très contrastée selon le profil du demandeur d’emploi. Les premiers touchés par la crise dès 2008 ont été les hommes, du fait notamment de leur prédominance dans les métiers industriels. Le nombre d’hommes à la recherche d’un emploi a ainsi augmenté de 86 % en six ans. L’augmentation est plus forte que dans le référentiel mais moins que sur l’ensemble de la Moselle. Les femmes ont subi l’impact de la crise économique plus tard, à partir de 2009, et le nombre de demandeuses d’emploi a augmenté moins vite que pour les hommes. Cependant, sur les deux dernières années, le nombre de demandeuses d’emploi augmente un peu plus fortement que celui des demandeurs.

La catégorie la plus touchée par l’augmentation du chômage reste cependant celle des séniors de 50 ans et plus. Pour eux, l’augmentation est continue depuis 2007. Elle atteint 160 % entre 2007 et 2013 dans la CA du Val de Fensch ainsi qu’en Moselle. Dans le référentiel, la hausse est un peu moins forte mais reste très élevée (+ 130 %). Les moins de 25 ans ont été moins affectés (+ 47 %) notamment parce qu’ils sont plus souvent bénéficiaires de dispositifs publics d’aide à l’emploi (emplois d’avenir notamment).

Un territoire encore pauvre mais des revenus en augmentation

Le revenu médian par unité de consommation (UC) des habitants de la CA du Val de Fensch s’établit en 2011 à 16 500 euros. Il est inférieur de 2,6 % au référentiel et de 12 % à celui de la Moselle.

Les communes de Neufchef (20 700 euros) et de Ranguevaux (19 000 euros) ont les revenus médians les plus élevés. À l’opposé, les revenus les moins élevés concernent notamment les communes en difficulté démographique comme Knutange (15 660 euros) et Uckange (14 300 euros), qui comprend un quartier sensible. Fameck figure aussi parmi les plus bas revenus, (15 200 euros), avec sur son territoire un quartier en géographie prioritaire (figure 4).

Toutefois, le revenu des habitants du territoire augmente régulièrement depuis 2001. Ainsi, le revenu médian a progressé de 34 % en dix ans. La hausse s’est même accrue entre 2006 et 2011. Pour ce qui concerne le premier décile, le revenu a augmenté de 67 % entre 2006 et 2011 après une baisse de 4 % sur les cinq années précédentes. Les inégalités de revenus se sont ainsi atténuées depuis 2006, les revenus des plus pauvres (+ 67 %) ayant augmenté plus rapidement que ceux des plus riches (+ 17 %). Cette situation est assez spécifique à la Communauté d’agglomération du Val de Fensch. En effet, dans le référentiel, le revenu du premier décile n’a augmenté que de 3 %, celui du 9e décile de 13 %.

Figure_4Les revenus les plus faibles à Fameck, Knutange et Uckange

  • Source : Insee - Revenus fiscaux localisés 2011

Figure_5Un territoire non dénué d’atouts

Le référentiel

Le référentiel a pour objectif de faire apparaître les caractéristiques vraiment spécifiques du territoire étudié. Il est ainsi constitué d’un groupe de communautés d’agglomération et urbaines présentant des similitudes importantes avec la Communauté d’agglomération du Val de Fensch (de 50 000 à 130 000 habitants, part de l’emploi industriel supérieure ou égale à 25 % et en déclin important depuis 1975). Le référentiel contient les Communautés d’agglomération de Saint-Omer et de Maubeuge Val de Sambre dans le Nord-Pas-de-Calais, celles de Seine-Eure et de Portes de l’Eure en Haute-Normandie, celle du Pays de Montbéliard en Franche-Comté et enfin la Communauté urbaine du Creusot-Montceau-les-Mines en Bourgogne.

Définitions

Activités présentielles : activités mises en œuvre localement pour la production de biens et services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes.

Chômeurs au sens du recensement de la population : personnes (de 15 ans ou plus) qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle Emploi), sauf si elles ont, en outre, déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; personnes (de 15 ans ou plus) qui ne se sont déclarées spontanément ni en emploi, ni en chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi.

Demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) : personnes inscrites à Pôle Emploi et ayant une demande en cours au dernier jour du mois. La catégorie A correspond aux demandeurs d'emploi n’ayant aucune activité et étant tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi.

Revenu médian : revenu au-dessous duquel se situent 50 % des revenus. C'est de manière équivalente le revenu au-dessus duquel se situent 50 % des revenus. Selon le même principe, les déciles et quartiles partagent respectivement les revenus en tranches de 10 % et 25 %.

La période intercensitaire correspond à la période entre deux recensements de la population.

Pour en savoir plus

112 EPCI en Lorraine au 1er janvier 2014, Insee Flash Lorraine n° 2, juillet 2014

Val de Fensch : tirer davantage parti d'une situation géographique favorable, Économie Lorraine n° 82, mars 2007