Insee Analyses Centre-Val de LoireEn région Centre, difficultés économiques des territoires et situations de pauvreté des habitants vont de pair

Anne-Céline Charel

Le Centre bénéficie, en matière de développement économique ou face à la précarité de sa population, d’une situation plus favorable que la moyenne des régions de province. Certains territoires n’en demeurent pas moins fragiles. Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a ainsi augmenté de façon sensible depuis 2008. Le phénomène est étroitement lié à la crise économique. Il touche prioritairement les jeunes, exposés aux difficultés d’insertion et de maintien dans l’emploi ainsi que les familles nombreuses. L’évolution de l’emploi et celle de la pauvreté diffèrent d’une zone d’emploi à l’autre, révélant des inégalités territoriales et sociales. Certains périmètres sont encore préservés alors que d’autres subissent une pauvreté prégnante. La partie nord de la région s’avère ainsi relativement épargnée.

Insee Analyses Centre-Val de Loire
No 06
Paru le :Paru le04/11/2014
Anne-Céline Charel
Insee Analyses Centre-Val de Loire No 06- Novembre 2014

Du point de vue économique et social, le Centre fait partie des régions historiquement préservées. La crise de ces dernières années l’a cependant davantage affecté, détériorant sa situation plus rapidement que celle de la moyenne des régions de province.

Le 21 janvier 2013, le gouvernement a adopté un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (PPLPIS).

Dans ce cadre, la direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRJSCS) souhaite disposer d’un diagnostic à l’échelle des territoires, analysant les écarts de pauvreté et de développement économique et ciblant les zones les plus fragiles.

Une situation favorable mais fragile

Avec 320 000 habitants vivant sous le seuil de pauvreté (), le Centre est la cinquième région française ayant le plus faible taux de pauvreté. Son niveau de chômage de 9,3 % la positionne à un rang intermédiaire. Cependant, cette situation plutôt favorable est fragile. Sous les effets de la crise, l’avantage comparatif détenu en matière d’emploi et de pauvreté tend à se réduire.

Ainsi, la précarité s’intensifie : le nombre de foyers allocataires à bas revenus a plus fortement augmenté en région Centre qu’en France de province (+ 9,4 contre + 7,1 %). La hausse du nombre d’allocataires du revenu de solidarité active socle (RSA socle, ) est plus marquée (+ 16,3 contre + 13,8 %).

Figure_1La pauvreté en région Centre

La pauvreté en région Centre
Ménage Taux de pauvreté en 2011 (%) Évolution 2008-2011 du taux de pauvreté (point)
Âge du référent
Moins de 30 ans 20,7 2,9
30 à 39 ans 14,7 2,8
40 à 49 ans 14,8 2,4
50 à 59 ans 11,2 0,8
60 à 74 ans 7,8 0,0
75 ans et plus 8,9 - 0,9
Composition
1 personne 15,9 - 0,8
2 personnes 7,6 0,0
3 personnes 11,2 1,6
4 personnes et plus 15,9 3,0
Type
Familles monoparentales 30,8 1,8
Couples sans enfants 5,2 0,4
Couples avec enfants 11,8 2,3
Femmes seules 15,3 - 1,4
Hommes seuls 16,7 - 0,1
Centre 12,5 1,3
France de province 14,4 1,2
France métropolitaine 14,3 1,3
  • Sources : Insee ; DGFIP, Revenus disponibles localisés 2008 et 2011

Les jeunes et les familles nombreuses en situation plus précaire

Entre 2008 et 2011, le taux de pauvreté a progressé légèrement plus vite dans la région qu’en moyenne France de province (figure 1). La précarisation de l’emploi, notamment des jeunes, s’est traduite par une augmentation importante du nombre de jeunes ménages en situation difficile. La pauvreté progresse chez les moins de 60 ans, les actifs étant exposés à la perte de leur emploi ou à la diminution de leur temps de travail. Les retraités ont moins subi les conséquences de la conjoncture défavorable. En effet, ils ont bénéficié d’une revalorisation supplémentaire de leur pension et la nouvelle génération de retraités a cotisé sur des carrières souvent plus complètes.

En 2011, si le taux de pauvreté est plus élevé pour les personnes seules et les familles nombreuses, il a évolué différemment. Ainsi, il a fortement augmenté pour les familles de plus de quatre personnes et baissé pour les personnes seules. Les familles monoparentales et les couples avec enfants n’ont pas été épargnés.

Les effets de la crise ont été d’ampleur variable selon les départements. Le Loiret a été davantage impacté. Entre 2008 et 2011, le chômage y a augmenté plus fortement qu’en moyenne régionale. De même, pendant cette période, dans les départements du Loiret et d’Eure-et-Loir, la hausse du taux de personnes appartenant à un foyer à bas revenus () a été plus forte qu’en moyenne régionale.

Des disparités territoriales

Au niveau infra départemental, il y a également des disparités entre les territoires. Les vingt et une zones d’emploi de la région présentent une situation économique, une attractivité et des capacités de développement diverses. La situation face aux phénomènes de précarité n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Une typologie a été réalisée, permettant d’appréhender les relations existant entre développement économique et pauvreté (figure 2). Les zones d’emploi sont ainsi regroupées en quatre classes présentant des similarités de leur situation économique et du niveau de précarité de leur population.

Figure_2Des situations variées selon les zones d’emploi

  • Note de lecture : le croisement entre les deux axes correspond à la moyenne régionale. Les points sont situés en fonction de la
  • valeur de leur écart à cette moyenne.
  • Sources : Insee, RP 2009-2011 - Clap 2010 ; Caf 2011 ; DGFiP, Revenus fiscaux localisés 2011 - IRRP 2011

Pour trois de ces classes, un lien évident entre situation économique des territoires et niveau de pauvreté de la population se dégage. La quatrième, plus atypique, est composée de zones présentant un contexte économique peu favorable mais où les situations de pauvreté sont contenues. Par ailleurs, aucun zone ne conjugue économie soutenue et situation de forte précarité.

Les zones situées sur la Loire ou au nord de celle-ci sont dans une situation plutôt favorable, à l’exception notamment de Montargis (figure 3). Celles situées au sud apparaissent plus en difficulté.

Figure_3Quatre profils de zones d’emploi

  • Sources : Insee, RP 2009-2011 - Clap 2010 ; Caf 2011 ; DGFiP, Revenus fiscaux localisés 2011 - IRRP 2011

Une précarité limitée par la croissance économique au nord de la Loire

Dans presque toutes les zones d’emploi situées au nord ou sur l’axe ligérien, les habitants sont plus préservés. Ainsi, la part d’allocataires à bas revenus y est modérée et celle d’allocataires de minima sociaux () est plus faible que pour la moyenne régionale. De plus, ces zones ont la particularité d’héberger peu de familles nombreuses ou monoparentales, ménages généralement les plus touchés par la précarité.

Ce groupe est constitué des zones favorisées de Blois, Chartres, Orléans, Tours et Vendôme : l’accroissement de la précarité est limité par une situation économique assez favorable. Le taux de chômage y est contenu et son évolution reste comparable à celles du reste de la région et de la France de province. Les zones d’emploi d’Orléans et Tours, offrant des emplois diversifiés et qualifiés, accueillent de nombreux jeunes diplômés du supérieur. Celle de Chartres se caractérise par un taux d’allocataires du RSA relativement bas. Toutefois, la situation est fragile sur certains territoires, notamment à Vendôme où la population à bas revenus a fortement augmenté entre 2009 et 2011.

Le sud régional et le paradoxe de Bourges

Un second groupe, intermédiaire, tant du point de vue de la situation économique que du niveau de précarité des habitants, est constitué des zones d’emploi du sud de la région (Bourges, Châteauroux, Cosne-Clamecy, Le Blanc, Loches et Romorantin-Lanthenay). Pour partie rurales, elles se distinguent par une population vieillissante. L’attractivité de ces territoires vis-à-vis des retraités y favorise le développement de l’activité présentielle. Depuis 2000, l’évolution de l’emploi est contrastée selon les zones : en baisse à Romorantin-Lanthenay, mais quasi stable à Bourges et Châteauroux. Le potentiel de développement de ces territoires peut être limité par une faible présence d’établissements innovants et de jeunes diplômés.

Alors que la situation économique de la zone d’emploi de Bourges n’apparaît pas particulièrement défavorable, protégée par la présence de secteurs d’activité diversifiés et celle d’un secteur public pourvoyeur d’emplois, le niveau de précarité des habitants y est plutôt fort. La population vivant sous le seuil de pauvreté est assez nombreuse. La part de personnes touchant le revenu de solidarité active majoré (RSA majoré), concernant principalement les familles monoparentales, y est très élevée, de trois points supérieure à la moyenne régionale. Ce territoire, dont certains secteurs d’activité font face à des restructurations, ne parvient pas à offrir suffisamment d’opportunités à ses habitants pour les préserver des difficultés. Ceci est notamment le cas dans les zones urbaines sensibles de la commune de Bourges, où le niveau de revenu est très bas. Cependant, entre 2008 et 2011, la pauvreté a diminué sur une partie de la couronne périurbaine de ce territoire.

Des zones économiquement en difficulté et à forte précarité

Le troisième groupe, composé des zones d’emploi d’Issoudun, Montargis, Saint-Amand-Montrond et Vierzon, subit davantage les difficultés économiques et la précarité. La population, plus âgée qu’en moyenne régionale, est également plus pauvre, en particulier les plus de 75 ans.

L’emploi est concentré dans quelques secteurs d’activité, notamment industriels. Le chômage déjà élevé est en constante progression, d’où un nombre d’allocataires de minima sociaux important et croissant. La situation familiale des habitants peut également expliquer ce constat. En effet, la part des personnes seules et des familles monoparentales, types de ménages fortement touchés par la pauvreté, est conséquente, surtout sur la zone d'Issoudun. Il en va de même sur le territoire de Montargis, qui bien que situé aux franges franciliennes, ne bénéficie pas du dynamisme de la région parisienne.

Ce phénomène d’appauvrissement est encore plus marqué à Saint-Amand-Montrond et Vierzon. Ces deux zones plus défavorisées figurent aussi parmi celles de la région dont la situation s’est le plus dégradée sous l’effet de la crise.

La concertation de l’ensemble des acteurs régionaux intervenant dans le domaine de l’emploi, dans le cadre du service public dédié, pourrait faciliter la mise en place d’actions. Les démarches de prévention des exclusions au sein des entreprises et d’accompagnement vers l’insertion des personnes les plus en difficulté ont pour objectif de limiter les situations de précarité.

Des zones au dynamisme limité mais à la précarité contenue

Le dernier groupe réunit les zones de Châteaudun, Chinon, Dreux, Gien, Nogent-le-Rotrou et Pithiviers. Elles se caractérisent par un dynamisme économique peu soutenu et un niveau de pauvreté contenu. En termes d’emploi, la population est fragilisée par un taux de chômage élevé mais aussi par moins de postes d’encadrement. La concentration des emplois dans quelques secteurs industriels des zones de Gien, Nogent-le-Rotrou et Chinon peut être un facteur de fragilité en cas de restructuration sectorielle.

La zone d’emploi de Pithiviers apparaît encore préservée malgré le déclin du secteur industriel, très présent dans ce territoire. Entre 2008 et 2011 l’emploi décroît, laissant place à une forte évolution du chômage (+ 2,1 points contre + 1,7 pour la région Centre et + 1,5 point pour la France métropolitaine). De plus, la situation des habitants y est peu homogène. En effet, si la zone d’emploi de Pithiviers est plutôt épargnée par la précarité, certains habitants sont en difficulté. C’est le cas notamment dans les quartiers de la politique de la ville où le niveau de revenus des habitants est un des plus faibles parmi les périmètres prioritaires de la région. Par ailleurs, cette zone bénéficie de la périurbanisation, en provenance notamment de la région parisienne.

Une pauvreté urbaine et rurale

Développement économique et évolution des situations de précarité, bien que fortement corrélés, s’accompagnent de situations peu homogènes sur les territoires, à l’exemple de la zone d’emploi de Pithiviers.

Figure_4Taux d'allocataires à bas revenus en 2011

  • Sources : Insee ; Caf 2011

Si la pauvreté se concentre dans les grandes villes, principalement dans les quartiers de la politique de la ville, elle s’étend bien au-delà. Sur l’ensemble de la région, seules les périphéries des grands centres urbains semblent préservées (figure 4).

Les contrastes en termes de précarité sont accentués dans les zones favorisées et intermédiaires, plutôt situées sur la moitié nord de la région alors qu’ils s’atténuent dans celles en difficulté économique. Les franges franciliennes de l’Eure-et-Loir sont plutôt épargnées.

Les actions entreprises dans le cadre du PPLPIS, de mobilisation et de coordination des acteurs, devraient permettre une meilleure prise en charge des personnes en difficulté, notamment en favorisant la communication autour de l’accès aux droits, qui paraît en retrait dans certaines zones rurales méridionales de la région.

Figure_5Quelques indicateurs par zone d'emploi

%, euro
Quelques indicateurs par zone d'emploi (%, euro)
Zone d'emploi Taux Revenu annuel médian par unité de consommation
population à bas revenus* familles monoparentales bénéficiaire RSA socle* bénéficiaire RSA majoré* personnes de plus de 65 ans chômage
Bourges 18,6 7,9 4,3 14,1 19,5 9,6 18 501
Saint-Amand-Montrond 23,6 7,4 4,8 11,9 26,3 11,7 16 043
Vierzon 23,3 8,0 5,8 17,5 23,4 13,2 16 931
Chartres 13,2 7,7 2,3 9,4 16,2 8,5 19 980
Châteaudun 17,2 6,4 2,6 9,2 22,5 9,8 17 841
Dreux 19,1 8,8 3,7 11,3 13,9 12,4 18 648
Nogent-le-Rotrou 15,7 7,2 2,6 8,8 22,2 8,7 17 524
Le Blanc 17,6 6,9 2,6 10,3 27,2 7,6 16 173
Issoudun 17,6 9,2 3,0 10,1 21,6 11,2 17 572
Châteauroux 18,3 7,4 3,0 13,1 23,2 9,2 17 256
Chinon 15,7 7,2 2,7 11,1 21,4 7,9 18 076
Loches 18,7 7,6 3,3 7,9 24,0 8,9 17 012
Tours 15,2 7,2 3,0 10,9 17,6 9,0 19 124
Blois 15,9 7,4 3,2 10,7 19,6 8,7 19 027
Romorantin-Lanthenay 19,7 6,8 4,0 11,9 25,0 10,0 17 210
Vendôme 15,7 6,4 2,6 10,0 23,5 8,6 18 044
Gien 18,4 7,3 3,2 10,3 21,7 11,0 17 947
Montargis 20,1 7,2 3,9 15,8 20,7 12,9 17 905
Orléans 14,9 7,9 2,7 11,0 15,7 8,5 20 033
Pithiviers 14,7 6,8 2,3 12,5 17,8 9,1 18 671
Cosne-Clamecy 19,4 6,6 3,6 11,2 25,9 9,4 17 405
  • *population des 20-65 ans
  • Sources : Insee, RP 2009-2011 ; CAF 2011 ; DGFiP, Revenus fiscaux localisés 2011

Encadré partenaire - Pour un diagnostic de la précarité sur les territoires

Depuis sa création, la direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRJSCS) attache une grande importance à l'observation sociale comme outil de connaissance et d'orientation des politiques publiques.

Le 21 janvier 2013, le gouvernement a adopté le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (PPLPIS). Au niveau régional, la DRJSCS a en charge la coordination et le suivi de sa mise en œuvre.

En outre, au titre de son rôle d'ingénierie en matière de politique de la ville, la DRJSCS souhaite disposer d’éléments afin d’éclairer l'élaboration des contrats de ville issus de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, du 21 février 2014.

Dans ce cadre, la réalisation d’un diagnostic de la précarité, analysant l’impact des difficultés économiques auxquelles sont confrontés les territoires sur le niveau de précarité des habitants est un outil nécessaire, favorisant la connaissance des disparités locales.

Direction régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale

En partenariat avec :

Préfet de la région
Préfet de la région

Sources

Les territoires pris en compte dans cette étude sont les vingt et une zones d’emploi de la région Centre.

La typologie établie résulte de la combinaison de deux indicateurs synthétiques : l’un concernant la précarité et l’autre la situation économique de chacune des zones d’emploi.

L’indicateur de précarité est constitué de trois composantes : ménages, revenus et allocations. Il prend en compte des critères tels que le taux de personnes à bas revenus, la proportion de familles monoparentales ou le taux d’allocataires du RSA.

L’indicateur économique est également constitué de trois composantes : emploi, diplômes, entreprises. Il prend en compte des critères tels que le taux de chômage et son évolution, les proportions de cadres et de diplômés.

Chacune des composantes résulte de l’association pondérée d’indicateurs pour lesquels un rang de classement a été attribué à chaque zone d’emploi.

Définitions

Le taux de pauvreté rapporte le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté à une population donnée. Ce seuil, correspondant à 60 % du revenu médian, est estimé à 977 euros par mois et par unité de consommation, en 2011 en France métropolitaine.

Toute personne bénéficiant d'une prestation relevant de la catégorie des minima sociaux est qualifiée d'allocataire de minima sociaux.

Le revenu de solidarité active (RSA), entré en vigueur le 1er juin 2009 en France métropolitaine, se substitue au revenu minimum d'insertion et à l'allocation parent isolé (API).

On distingue :

- les foyers bénéficiaires du RSA socle n’ayant pas de revenus d’activité ;

- les foyers bénéficiaires du RSA activité disposant de faibles revenus d’activité, supérieurs au montant forfaitaire ;

- les foyers bénéficiaires du RSA majoré en situation d'isolement assurant seuls la charge d'enfants.

La population à bas revenus regroupe les personnes de moins de 65 ans appartenant à un foyer à bas revenus.