30 années d’évolution d’emploi en région Nord-Pas-de-Calais : une analyse au travers des fonctions

Vincent Bonjour (Insee)

Les mutations à l'œuvre durant les trois dernières décennies ont profondément bouleversé l'équilibre des fonctions économiques présentes au niveau régional comme au niveau national. Le recul des activités liées aux fonctions productives s'est accompagné d'une croissance des fonctions présentielles comme les services de proximité, la santé et l'action sociale. La crise a toutefois freiné ces évolutions avec une moindre dynamique des emplois présentiels, en lien avec la faible consommation des ménages et les tensions budgétaires des finances publiques. Les fonctions transversales comme la logistique, au point de rencontre entre la production et la consommation, ont été les plus impactées par la crise économique. Les fonctions métropolitaines, quant à elles, représentent une part croissante de l'emploi régional tout en étant moins impactées par le choc économique de 2007. La métropole lilloise bénéficie pleinement de cette dynamique, tirée principalement par les fonctions de gestion et de prestations intellectuelles.

Insee Flash Nord-Pas-de-Calais
No 8
Paru le :Paru le18/02/2015
Vincent Bonjour (Insee)
Insee Flash Nord-Pas-de-Calais No 8- Février 2015

De profondes mutations, mais plus lentes en région Nord-Pas-de-Calais

L'analyse de l'emploi selon les fonctions exercées dans le processus de production apporte un nouvel éclairage sur l'évolution des activités économiques en Nord-Pas-de-Calais. Cette approche s'appuie sur les professions exercées et les regroupe en quinze fonctions, transversales à la fois aux secteurs d'activités économiques et aux niveaux de qualification (), comme la fabrication, la logistique, la gestion, les services de proximité...

Depuis 1982, les fonctions exercées par les actifs, que ce soit en région ou au niveau national, ont connu des évolutions majeures. En 2011, les fonctions dites "productives" représentent près de 19 % de l'emploi régional, contre 37 % en 1982. De par le recul de l'activité industrielle, l'emploi dans ces fonctions a reculé de près de 1,9 % par an (figure 1), une baisse plus soutenue qu'en moyenne nationale (- 1,5 % par an).

Figure 1Un rythme de croissance amoindri par le recul de la sphère productive

Un rythme de croissance amoindri par le recul de la sphère productive
France de Province Nord-Pas-de-Calais Nord-Pas-de-Calais
1982-2011 (en %) 2006-2011 (en %) 1982-2011 (en %) 2006-2011 (en %) Effectifs en 2011 (en nombre) Part dans l’emploi régional (en %)
Fonctions métropolitaines 1,8 1,39 1,43 1,35 321 000 21,8
Fonctions productives -1,5 -1,4 -1,9 -1,7 277 300 18,8
Fonctions présentielles 1,78 0,92 1,7 0,7 621 500 42,2
Fonctions transversales 0,61 -0,16 -0,05 -0,92 253 000 17,2
Emploi total 0,65 0,35 0,33 0,08 1 472 800 100
  • Source : Insee, Recensements de la population (exploitations complémentaires au lieu de travail)

Parallèlement, l'emploi dans les fonctions dites "présentielles" (santé, éducation, administration publique, services de proximité, distribution) a augmenté de près de 1,7 % par an, représentant plus de deux emplois régionaux sur cinq en 2011. Toutefois, son évolution reste légèrement en retrait par rapport au niveau national, principalement du fait d'une moindre croissance démographique régionale. En dépit d'un mouvement de tertiarisation, la croissance de l'emploi dans les fonctions dites "métropolitaines" (gestion, prestations intellectuelles, conception-recherche, culture-loisirs) est de moindre ampleur qu'en moyenne nationale. Cette dynamique plus faible traduit les difficultés rencontrées pour développer des activités de service à forte valeur ajoutée, dans une région dont l'attractivité à l'encontre des plus qualifiés est un enjeu de politique publique. À l'interface des fonctions productives et présentielles, les fonctions dites "transversales" (transport-logistique, entretien-réparation) n'ont pas connu d'essor significatif en Nord-Pas-de-Calais au cours des trois dernières décennies, contrairement à l'évolution nationale et en dépit d'atouts logistiques valorisés dans des politiques de développement économique (Eurotunnel, infrastructures portuaires, plateformes multimodales, réseaux autoroutiers, ferroviaires et fluviaux).

La crise a impacté les fonctions présentielles et transversales

Les fonctions productives ont poursuivi leur recul pendant la période de crise économique. Toutefois, dans cette approche liée aux professions exercées plutôt qu'aux secteurs d'activité, la période de crise n'a pas conduit à une accentuation des pertes d'emplois : ces dernières restent dans une tendance de long terme, certes négative (de - 1,92 % à - 1,68 % par an), liée à la profonde transformation des procédés de production et des modes d’organisation (figure 2). Par contre, les fonctions transversales ont connu un repli marqué (de - 0,05 % à - 0,92 % par an), témoignant d'un ajustement rapide du fait de la réduction de l'activité économique, avec une chute du commerce international réduisant les fonctions logistiques et une chute de la consommation contraire aux activités d'entretien et de réparation.

La crise économique correspond également à un net ralentissement de la croissance de l'emploi dans les fonctions présentielles (de + 1,70 % à + 0,70 % par an). Plus généralement, la crise économique s'est traduite par une crise de confiance des ménages amenés à réduire leur consommation, conduisant à un repli des emplois dans la distribution (de + 0,8 % à -0,8 %), ainsi qu'une contrainte budgétaire croissante pour les finances publiques et les services qui s'y trouvent adossés, correspondant à une réduction des emplois dans les fonctions de l'éducation-formation (de + 1,25 % à - 1,40 %). Dans cet environnement, les fonctions métropolitaines ont globalement résisté à la crise, avec une poursuite de la croissance de l'emploi (de + 1,43 % à + 1,35 % l'an).

Figure 2La fonction des prestations intellectuelles : de faibles volumes d'emploi mais une dynamique confirmée

  • Note : La taille des bulles correspond au poids de la fonction dans la région en 2011
  • Sources : Insee, Recensements de la population 1982 et 2011 (exploitations complémentaires au lieu de travail).

La zone d'emploi de Lille concentre plus du tiers des emplois des fonctions métropolitaines

En 2011, en région Nord-Pas-de-Calais, près de 321 000 personnes occupent un emploi relevant de fonctions métropolitaines. Tout en représentant une part croissante de l'emploi régional, les fonctions métropolitaines restent sous-représentées en région Nord-Pas-de-Calais, représentant 21,8 % de l'emploi régional contre 22,3 % en France de Province. En volume d'emplois des fonctions métropolitaines, la région se situe à la 5ème place derrière l'Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Pays de la Loire.

Comme pour la majorité des capitales régionales, la zone d'emploi de Lille concentre la majeure partie de ces emplois stratégiques (37 % des emplois du Nord-Pas-de-Calais), et enregistre un dynamisme prononcé entre 2006 et 2011 (+ 11,4 % sur l'ensemble de la période) (figure 3). Le développement de ces emplois dans la capitale régionale, tiré par les fonctions de gestion et de prestations intellectuelles, semble influer positivement sur les territoires voisins comme les zones d'emploi de Lens-Hénin et de Douai. Ce rayonnement est le fruit de la mutation de l'appareil productif vers l'économie de l'information, de la connaissance et de la production immatérielle.

Figure 3Croissance affirmée des fonctions métropolitaines autour de l'espace lillois

  • Sources : Insee, Recensements de la population 2006 et 2011 (exploitations complémentaires au lieu de travail)

Définitions

La répartition de l'emploi est le plus souvent analysée selon d'un découpage sectoriel, qui correspond à l'activité principale exercée par les établissements. L'approche par les fonctions est établie à partir de la profession occupée par les actifs. Les professions sont réparties en quinze fonctions, certaines d'entre elles interviennent dans les différentes étapes de la production, d'autres sont plutôt tournées vers les services à la population. Les fonctions exercées sont transversales par rapport aux secteurs d'activité. Elles sont également transversales par rapport au statut (salarié / non salarié, public / privé) et au niveau de qualification.

Plus d’infos

Pour en savoir plus

« Répartition géographique des emplois - Les grandes villes concentrent les fonctions intellectuelles, de gestion et de décision », Cyrille Van Puymbroeck et Robert Reynard, Insee Première n° 1278, février 2010.

« Trente ans de mutations fonctionnelles de l'emploi dans les territoires », Robert Reynard et Pascal Vialette, Insee Première n° 1538, février 2015