Insee PremièreLes capacités des adultes à maîtriser des informations écrites ou chiffrées Résultats de l’enquête PIAAC 2012

Nicolas Jonas, division Emploi, Insee

En 2012, 24 pays de l’OCDE ont participé à une enquête internationale sur les compétences des adultes. À l’aide d’exercices réalisés sur ordinateur, celle-ci cherche à mesurer les capacités des adultes à exploiter de l’information écrite ou chiffrée. Selon cette enquête, en France métropolitaine, 22 % des personnes âgées de 16 à 65 ans ont un faible niveau de compétence dans le domaine de l’écrit et 28 % dans le domaine des chiffres. Pour l’ensemble des pays participants, les proportions moyennes sont respectivement de 16 % et 19 %.

En France métropolitaine, les personnes âgées de 25 à 34 ans et les diplômés du supérieur obtiennent les meilleurs résultats, en moyenne, dans les domaines de l’écrit et des chiffres. Il n’est pas rare, toutefois, qu’une personne d’un niveau de diplôme donné parvienne à de meilleures performances qu’une autre plus diplômée. Les femmes sont en moyenne moins à l’aise que les hommes face à l’information chiffrée, mais autant face à l’information écrite.

Nicolas Jonas, division Emploi, Insee
Insee Première No 1467- Octobre 2013

Les compétences des adultes mesurées sur une échelle internationale

L’enquête internationale sur la mesure des compétences des adultes (Programme for the international assessment of adult competencies - PIAAC) a pour but d’évaluer les . Conduite entre 2011 et 2012 dans 24 pays de l’OCDE, elle permet de mesurer les capacités des adultes à comprendre et utiliser des informations contenues dans des textes () ou des informations chiffrées et des idées mathématiques (). Le questionnaire est construit autour d’exercices interactifs à résoudre sur ordinateur, sauf exception. Ces exercices portent sur des situations quotidiennes nécessitant l’utilisation des technologies usuelles de l’information et de la communication. En France métropolitaine, environ 7 000 personnes âgées de 16 à 65 ans ont répondu à l’enquête (sources).

Dans les deux domaines appréhendés, écrit et chiffres, les résultats individuels sont synthé tisés à l’aide d’un score, sur une échelle de 0 à 500. Le score est d’autant plus élevé que la personne a réussi une proportion importante d’exercices nécessitant des processus de traitement d’information de plus en plus complexes. Dans chaque domaine, par ailleurs, les échelles sont divisées en six intervalles, correspondant chacun à un niveau de compétence (niveau inférieur à 1 et niveaux 1 à 5). Pour chacun de ces niveaux, on peut décrire le type et le degré de difficulté des tâches que peuvent réaliser en moyenne les individus concernés. Par exemple, les individus classés au niveau 2 dans le domaine des chiffres (score compris entre 226 et 275) peuvent généralement accomplir des tâches nécessitant des calculs de fractions ou de pourcentages, mais plus rarement celles impliquant des traitements mathématiques plus complexes.

Dans les domaines de l’écrit ou des chiffres, on considère que les personnes ont une faible maîtrise des compétences lorsqu’elles appartiennent aux deux groupes de compétence les plus bas (score inférieur à 226). Elles peuvent en général identifier une information élémentaire dans un contexte simple, mais elles éprouvent des difficultés à comprendre un texte, même bref, ou à réaliser un calcul.

Plus d’adultes dont le niveau de compétence est faible en France, en Italie et en Espagne

En France, 21,6 % des « adultes » (16-65 ans) ont un faible niveau de compétence dans le domaine de l’écrit : 5,3 % sont classés dans le groupe de niveau inférieur à 1 et 16,2 % dans le groupe de niveau 1 (graphique 1). Ces résultats sont inférieurs à la moyenne des 24 pays participants de l’OCDE (15,5 % au total). Seules l’Italie (27,7 %) et l’Espagne (27,5 %) comptent des proportions plus importantes d’adultes ayant un faible niveau dans le domaine de l’écrit. À l’opposé, au Japon, seuls 4,9 % des adultes sont classés dans un groupe inférieur au niveau 2. Le score moyen de l’ensemble de la population situe la France à la 22e place sur l’échelle relative à l’écrit. Avec 262 points, les adultes résidant en France obtiennent des performances moyennes inférieures de 11 points à celles de l’ensemble des 24 pays participants (273 points). Avec plus de 10 points au-dessus de la moyenne, le Japon, la Finlande et les Pays-Bas obtiennent les scores les plus élevés : respectivement 296 points, 288 points et 284 points (tableau 1).

Dans le domaine des chiffres, 28 % des adultes en France ont un faible niveau de compétence : 9,1 % sont classés dans le niveau inférieur à 1 et 18,9 % dans le niveau 1. Ces résultats sont moins bons que pour l’écrit, une situation que l’on retrouve dans la majorité des pays participants. Ainsi, sur l’ensemble des 24 pays, le pourcentage moyen d’adultes ayant une faible maîtrise des chiffres s’établit à 19 %. Dans ce domaine aussi les résidents japonais de 16 à 65 ans sont ceux qui obtiennent les meilleurs résultats. Avec un score moyen de 254 points, la France se classe en 21e position, 15 points au-dessous de la moyenne OCDE (269 points). Les adultes résidant en Espagne, en Italie et aux États-Unis ont des performances moyennes légèrement inférieures à celles des résidents en France (respectivement 246 points, 247 points et 253 points).

Graphique 1Répartition de la population par groupe de compétence dans les domaines de l’écrit et des chiffres

  • Champ : personnes de 16 à 65 ans.
  • Source : OCDE, enquête PIAAC, 2012.

Tableau 1Répartition de la population par groupe de compétence et score moyen dans les domaines de l’écrit et des chiffres dans les pays de l’OCDE

Répartition de la population par groupe de compétence et score moyen dans les domaines de l’écrit et des chiffres dans les pays de l’OCDE
Pays Domaine de l'écrit Domaine des chiffres
Niveaux <1 ou 1 Niveaux 4 ou 5 Score moyen Niveaux <1 ou 1 Niveaux 4 ou 5 Score moyen
Allemagne 17,5 10,6 270 18,4 14,3 272
Angleterre 16,4 13,1 272 24,1 11,3 262
Australie 12,6 17,0 280 20,1 13,3 268
Autriche 15,3 8,4 269 14,3 13,6 275
Belgique (Flandres) 14,0 12,4 275 13,4 17,0 280
Canada 16,4 13,7 273 22,4 12,5 265
Chypre 11,8 5,4 269 15,5 6,6 265
Corée du Sud 12,9 8,1 273 18,9 6,8 263
Danemark 15,7 10,0 271 14,2 16,6 278
Espagne 27,5 4,8 252 30,6 4,1 246
Estonie 13,0 11,7 276 14,3 11,2 273
États-Unis 17,5 11,5 270 28,7 8,5 253
Finlande 10,6 22,2 288 12,8 19,4 282
France 21,6 7,7 262 28,0 8,3 254
Irlande 17,4 8,5 267 25,2 7,5 256
Irlande du Nord 17,4 9,8 269 24,4 8,5 259
Italie 27,7 3,3 250 31,7 4,5 247
Japon 4,9 22,6 296 8,1 18,8 288
Norvège 12,3 13,7 278 14,6 17,4 278
Pays-Bas 11,7 18,1 284 13,2 17,0 280
Pologne 18,8 9,7 267 23,5 8,4 260
République Tchèque 11,8 8,7 274 12,9 11,4 276
Slovaquie 11,6 7,4 274 13,8 12,6 276
Suède 13,3 16,1 279 14,7 18,6 279
Moyenne OCDE 15,5 11,8 273 19,0 12,4 269
  • Champ : personnes de 16 à 65 ans.
  • Source : OCDE, enquête PIAAC, 2012.

Les hommes plus à l’aise avec les chiffres que les femmes

En France, dans le domaine des chiffres, le score moyen des hommes est très supérieur à celui des femmes : 260 points contre 249 points. Ils sont à la fois bien moins nombreux dans les niveaux de compétence les plus faibles et bien plus nombreux dans les niveaux les plus élevés (graphique 2). En effet, 25,8 % des hommes contre 30,1 % des femmes appartiennent aux niveaux 1 ou inférieur à 1. Selon le descriptif de l’OCDE, ces personnes ont un niveau de maîtrise leur permettant généralement de poser une opération arithmétique simple avec des nombres entiers, mais plus rarement d’interpréter des tableaux ou des informations numériques conte nues dans un texte. Parallèlement, 10,5 % des hommes contre 6,2 % des femmes appartiennent aux groupes 4 ou 5 (score supérieur à 326) ; dans ces groupes, les personnes ont la capacité de traiter des informations mathématiques complexes, nécessitant la mise en œuvre de raisonnements techniques et conceptuels divers. Ces résultats sont analogues à ceux de l’enquête Information et vie quotidienne réalisée en France en 2011 : les femmes y étaient également davantage représentées parmi les personnes les plus en difficulté en calcul et moins parmi les personnes les plus à l’aise.

Dans le domaine de l’écrit, les scores moyens des hommes et des femmes sont semblables, mais leur répartition sur l’échelle des compétences est différente. Les femmes sont un peu moins présentes dans les deux groupes les plus faibles : 20,9 % d’entre elles sont dans un groupe inférieur au niveau 2 contre 22,3 % des hommes. Les hommes sont par contre plus nombreux dans les deux groupes les plus élevés (8,1 % contre 7,2 % pour les femmes). Au total, 7,7 % des adultes sont classés dans les niveaux 4 ou 5 sur l’échelle de l’écrit : selon le descriptif de l’OCDE, ils ont la capacité d’interpréter et de synthétiser des informations contradictoires contenues dans des textes complexes de formes variées.

Graphique 2Répartition de la population par groupe de compétence selon le sexe

  • Champ : personnes de 16 à 65 ans en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête PIAAC, 2012, coordonnée par l’OCDE.

Des scores plus élevés pour les plus jeunes

Les personnes âgées de 25 à 34 ans ont davantage de facilité, en moyenne, pour tirer parti des informations écrites ou chiffrées. Cette situation prévaut dans la majorité des pays, mais l’écart avec les personnes plus âgées est particulièrement marqué en France métropolitaine (tableau 2). Ainsi, dans le domaine de l’écrit, le score moyen des 25-34 ans dépasse de 36 points celui des personnes âgées de 55 à 65 ans (278 points contre 242 points) ; dans le domaine des chiffres, l’écart est de 35 points (269 points contre 234 points). Les 25-34 ans sont moins souvent présents dans les groupes de compétence les plus faibles. Pour l’écrit, par exemple, 13 % d’entre eux sont classés dans les groupes 1 ou inférieur à 1, contre 34 % des 55-65 ans.

Les 16-24 ans, quant à eux, obtiennent des performances un peu plus faibles que celles des 25-34 ans pour les chiffres (263 points, soit 6 points de moins) et des performances très proches pour l’écrit (275 points, soit 3 points de moins). Ces écarts pourraient s’expliquer à la fois par le fait que les plus jeunes sont plus nombreux à n’avoir pas encore achevé leur formation initiale et, également, parce que leurs compétences ne seraient pas totalement stabilisées : ils ont en effet été moins souvent confrontés aux situations concrètes de la vie quotidienne et du monde du travail.

Par rapport aux autres pays, la France se classe un peu mieux pour ses jeunes adultes : les 16-24 occupent en effet la 19e place dans le domaine de l’écrit et la 16e dans le domaine des chiffres (contre respectivement la 22e et la 21e places pour l’ensemble des 16-65 ans). À titre de comparaison, sur un champ plus restreint et s’agissant de compétences évaluées dans un cadre scolaire, les résultats de l’enquête PISA 2009 (Programme for international student assessment) classaient les élèves de 15 ans étudiant en France en 13e position en mathématiques, 18e en sciences et 15e en lecture parmi les 24 pays ayant participé également à l’enquête PIAAC.

Tableau 2Score moyen et faibles niveaux de compétence dans les domaines de l’écrit et des chiffres

Score moyen et faibles niveaux de compétence dans les domaines de l’écrit et des chiffres
Domaine de l'écrit Domaine des chiffres
Niveaux <1 ou 1 Score moyen Niveaux <1 ou 1 Score moyen
Âge
de 16 à 24 ans 13,0 275 20,6 263
de 25 à 34 ans 13,0 278 18,8 269
de 35 à 44 ans 18,4 267 23,5 263
de 45 à 54 ans 25,7 254 33,4 246
de 55 à 65 ans 34,5 242 40,7 234
Pays - Langue de naissance
Nés en France 18,5 267 24,6 260
Nés hors de France :
− français langue maternelle 33,8 255 43,8 246
− autre langue maternelle 50,5 220 59,7 204
Ensemble 21,6 262 28,0 254
  • Champ: personnes de 16 à 65 ans en France métropolitaine.
  • Lecture: dans le domaine de l'écrit 13 % des personnes de 16 à 24 ans ont un niveau inférieur à 2, leur score moyen est de 275 points.
  • Source: Insee, enquête PIAAC, 2012, coordonnée par l’OCDE.

Les plus diplômés souvent plus à l’aise, mais pas toujours

Le niveau de compétence des adultes est aussi fortement lié au pays de naissance et à la langue maternelle. Dans le domaine de l’écrit, ceux qui sont nés en France obtiennent un score moyen supérieur de 46 points à ceux nés à l’étranger dans une famille non francophone. Surtout à cause d’une connaissance du français assez fragile, 23,4 % de ces derniers se situent dans le niveau inférieur à 1 et 27,1 % dans le niveau 1. Dans le domaine des chiffres, les différences sont encore plus marquées, particulièrement parmi les femmes : celles qui sont nées hors de France et ont été élevées dans une autre langue que le français obtiennent un score moyen de 195 points, contre 255 points pour celles nées en France.

Mais le niveau de diplôme est sans surprise le facteur sociodémographique le plus discriminant. Pour l’écrit, le score d’une personne n’ayant pas atteint le niveau CAP ou BEP est inférieur de 63 points en moyenne à celui d’une personne diplômée de l’enseignement supérieur ; pour les chiffres, l’écart atteint 78 points. Ainsi, 43 % des personnes les moins diplômées ne peuvent traiter que les informations les plus basiques dans le domaine de l’écrit (niveau inférieur ou égal à 1) ; elles sont 56 % dans le domaine des chiffres.

Pour autant, même si le score moyen augmente significativement avec le niveau de diplôme, les distributions ont tendance à se chevaucher (graphique 3). Ainsi, pour l’écrit comme pour les chiffres, plus d’un titulaire du baccalauréat sur quatre a obtenu de meilleurs résultats que la moyenne des diplômés de l’enseignement supérieur. Plus généralement, il est assez fréquent qu’une personne d’un niveau de diplôme donné parvienne à de meilleures performances selon les critères mesurés par l’enquête qu’une autre personne d’un niveau de diplôme plus élevé.

Graphique 3Les scores de compétence par niveau de diplôme

  • Lecture : dans le domaine de l’écrit, le score moyen de compétence des personnes de 16 à 65 ans s’élève à 262 points. Parmi elles, un titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur sur dix obtient moins de 246 points (D1) et la moitié moins de 298 points (médiane) ; un quart obtient plus de 320 points (Q3) et un sur dix obtient plus de 338 points (D9).
  • Champ : personnes de 16 à 65 ans en France métropolitaine.
  • Source : Insee, enquête PIAAC, 2012, coordonnée par l’OCDE.

Sources

L’enquête PIAAC est coordonnée au niveau international par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), assistée par un consortium d’entreprises ou d’institutions internationales (ETS, StatCan, Westat, IEA, Institut Tudor...). Les épreuves d’évaluation ont été conçues par des experts de diverses nationalités. La liste et les modalités d’intervention de ces différents acteurs sont précisées dans le rapport technique de l’OCDE.

Le volet français de l’enquête a été piloté par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation Nationale et l’Insee. La collecte a été réalisée par le réseau d’enquêteurs de l’Insee du mois de septembre au mois de novembre 2012 auprès d’un échantillon de personnes âgées de 16 à 65 ans résidant en France métropolitaine.

Le protocole de l’enquête est semblable pour chaque pays participant. Chaque personne débute l’interrogation par un questionnaire biographique permettant de renseigner son parcours scolaire et professionnel, les compétences mobilisées dans son travail actuel (ou dans son ancien travail) et dans la vie hors travail, ainsi que certains éléments de son contexte familial. Elle passe ensuite, de façon autonome, une série d’exercices dont le niveau de difficulté est en partie adaptatif. Ces exercices ont été développés sur support informatique et la réponse aux questions nécessite de savoir utiliser les principales fonctionnalités d’un ordinateur (cliquer, surligner...). Ils ont donc été soumis aux personnes qui utilisent au moins occasionnellement un ordinateur (90 % de l’échantillon en France). Une série d’exercices sous format papier est réservée aux personnes peu à l’aise dans ce type d’environnement. Par ailleurs, en France, le questionnaire a été administré exclusivement en langue française, certains pays ayant par contre déployé des versions de questionnaires en plusieurs langues. Pour des informations plus détaillées sur le protocole ainsi que pour une comparaison avec l’enquête Information et vie quotidienne 2011, le lecteur peut se reporter au n° 13 d’Insee Analyses et au rapport technique de l’OCDE.

Définitions

Les compétences fondamentales en traitement de l’information regroupent l’ensemble des capacités nécessaires à la compréhension d’informations présentées sur des supports numérisés de différentes natures et à la restitution/transmission de ces informations. Elles comprennent deux domaines principaux :

− Le domaine dit « de l’écrit » ou « littératie » (correspondant à la notion anglo-saxonne de literacy) : il se définit comme la capacité à comprendre et utiliser l’information contenue dans des textes écrits dans divers contextes quotidiens, pour atteindre des objectifs personnels et pour développer des connaissances et des aptitudes ;

− Le domaine dit « des chiffres » ou « numératie » (correspondant à la notion anglo-saxonne de numeracy) : il se définit comme la capacité à utiliser, appliquer, interpréter et communiquer des informations et des idées mathématiques.

Ces compétences ne prennent pas directement en compte d’autres domaines fondamentaux de la communication comme la compréhension orale, la maîtrise de la langue ou encore celle de l’écrit.