Les moments agréables de la vie quotidienne Une question d’activités mais aussi de contexte
Les activités quotidiennes les plus appréciées sont celles qui relèvent du temps libre. Il est particulièrement agréable de se promener ou de pratiquer des activités culturelles artistiques, ludiques et sportives, un peu moins de surfer sur Internet ou de regarder la télévision. Dormir et partager un repas sont également très appréciés. En revanche, une activité contraignante comme étudier, travailler ou se soigner, est jugée moins agréable. Le contexte reste un élément déterminant du jugement : faire un trajet seul est désagréable, faire un trajet accompagné l’est beaucoup moins ; un temps ensoleillé éclaire notre journée.
- La journée : une pièce en cinq actes
- La télévision, un loisir parmi les moins agréables
- Le repas, un moment qui se déguste
- Plus on est pressé par le temps, plus les tâches ménagères pèsent
- Les trajets à vélo sont les plus agréables
- Les indépendants jugent leur travail plus agréable que les salariés
- Les week-ends sont les jours de la semaine les plus agréables
- 1. Appréciation d’un moment
- 2. Moyenne de la journée et bien-être subjectif général
La journée : une pièce en cinq actes
Une journée peut se décomposer en cinq grandes périodes : le temps des besoins physiologiques (dormir, se laver, manger), celui du travail professionnel, celui du travail domestique, les déplacements et enfin, le temps qui n’est pas utilisé par les quatre premiers types d’activités : le temps libre. Les activités les plus appréciées sont celles associées au temps libre (graphique 1). Les activités physiologiques sont jugées également très agréables. Le temps passé dans les transports et le temps passé à effectuer des tâches domestiques arrivent ensuite dans l’échelle des appréciations, mais l’écart avec le jugement associé aux loisirs et activités physiologiques est grand. Enfin, les moments reliés au travail ou aux études sont les moins appréciés en moyenne (encadré 1).
graphiqueGraphique 1 – Les moments de temps libre sont les plus agréables
La télévision, un loisir parmi les moins agréables
Les périodes de temps libre sont globalement les moments les plus agréables, avec une note moyenne de + 2,2 (sur une échelle de − 3 à + 3), mais l’appréciation diffère selon les activités. Les activités de temps libre sont de deux ordres : le premier relève de la sociabilité (conversations, pratiques religieuses ou associatives...), le second du loisir (regarder la télévision, faire du sport, jouer...). Bricolage et jardinage, activités de semi-loisir, sont, ici, classées dans le travail domestique. Il est évident que seules les personnes pratiquant un loisir donné notent le caractère agréable ou non de cette activité.
Le caractère agréable d’un moment du temps libre n’est pas modifié selon qu’on le passe seul ou non. Les activités de plein air comme se promener ou aller à la plage sont parmi les moments jugés les plus agréables par les personnes qui passent du temps à ces activités (graphique 2) et plus encore par les femmes (+ 2,6 contre + 2,4 pour les hommes).
Les personnes qui pratiquent des activités artistiques comme participer à une chorale ou suivre un cours de danse les apprécient hautement. Alors que la télévision occupe, en moyenne, 42 % du temps libre, les moments qui lui sont dédiés ne sont pas considérés comme les moments de loisirs les plus agréables et ce, quels que soient l’âge, la situation professionnelle ou le sexe. Il n’y a que les plus téléphages (personnes qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour) pour apprécier particulièrement cette occupation (+ 2,2 en moyenne contre + 2,0 chez les personnes qui la regardent moins longtemps).
La note donnée aux moments passés à surfer sur Internet ou devant son ordinateur est à peine supérieure à celle attribuée à la télévision alors que ces activités, qui consomment un quart d’heure par jour en moyenne, continuent de se développer.
Les activités sociales à responsabilité, comme tenir un bureau de vote ou faire du secrétariat bénévole pour une association, sont les moments du temps libre les moins appréciés.
graphiqueGraphique 2 – Appréciation des différentes activités du temps libre
Le repas, un moment qui se déguste
Bien que le temps de sommeil diminue depuis 20 ans, ce moment est jugé agréable (graphique 3). Il y a peu d’écarts de notation selon le genre ou l’âge. Ce sont les personnes contraintes d’empiéter sur leurs heures de sommeil qui valorisent le plus le temps passé au lit.
Le repas est un moment considéré comme agréable, en particulier lorsqu’il réunit des personnes extérieures au ménage. Cette distinction est plus marquée chez les femmes que chez les hommes. Les personnes qui aiment le plus les moments associés aux repas sont celles qui y consacrent le plus de temps.
Alors que le temps accordé à la toilette et aux soins a augmenté d’un quart d’heure en 10 ans, les femmes n’en tirent pas une grande satisfaction même si elles l’apprécient plus que les hommes. Se soigner est jugé par tous comme un moment très déplaisant car liés à des problèmes de santé, et la note avoisine le zéro.
graphiqueGraphique 3 – Les soins médicaux sont les moments les plus désagréables des besoins physiologiques
Plus on est pressé par le temps, plus les tâches ménagères pèsent
Les tâches domestiques les plus appréciées sont les soins aux enfants ou les soins aux animaux (graphique 4). Les activités de semi-loisirs comme le jardinage ou le bricolage sont parmi les activités domestiques les mieux notées, mais leur appréciation moyenne reste plus faible que les activités classées dans le temps libre. Viennent ensuite les courses et la cuisine. Enfin, les tâches ménagères, en particulier celles qui concernent l’entretien du linge, le ménage et les démarches administratives, sont les moins appréciées. Le manque de temps semble fortement influencer la manière de ressentir les tâches domestiques : les personnes souvent pressées par le temps notent leur moment de ménage à 1,1 en moyenne contre 1,4 pour les personnes moins pressées. Ainsi, les femmes au foyer et les retraités trouvent les moments de ménage moins désagréables et y consacrent plus de temps que les personnes actives ou les étudiants : 35 % des personnes qui travaillent se déclarent pressées par le temps quotidiennement contre seulement 9 % des retraités et 17 % des femmes au foyer. Il est possible que les femmes qui ont fait le choix de ne pas travailler aient moins de déplaisir à réaliser des activités ménagères que les femmes ayant un emploi. Néanmoins, alors que les femmes y consacrent, en moyenne et par jour, 1h40 de plus que les hommes, elles ne trouvent pas ces moments plus agréables que les hommes.
graphiqueGraphique 4 – Les semi-loisirs et les soins (aux enfants, aux animaux) sont les moments les plus appréciés des tâches domestiques
Les trajets à vélo sont les plus agréables
Le temps passé dans les trajets est jugé peu agréable. Il est vécu comme contraignant par les personnes qui se disent souvent pressées (+ 1,2 contre + 1,5 pour les personnes peu pressées par le temps).
Le caractère agréable d’un trajet, quelle que soit sa durée, dépend fortement de son but. En effet, un déplacement n’est pas une fin en soi mais est nécessaire à la réalisation de nombreuses activités. Ainsi, les déplacements domicile-travail sont jugés les plus désagréables, même si la personne peut, en même temps, lire ou écouter de la musique. Malgré tout il y a des nuances. Ainsi, les trajets pour aller au travail sont encore moins appréciés (+ 0,7) que les trajets pour en revenir (+ 1,5). Les trajets ayant pour but de se rendre à une association ou bien d’aider d’autres ménages sont les mieux vécus.
Quel que soit le but du trajet, la marche ou le vélo sont des modes de transport nettement plus appréciés que la voiture ou les transports en commun. Enfin, voyager à deux rend le déplacement plus agréable (+ 1,5 contre + 1,2 pour un trajet solitaire).
Les indépendants jugent leur travail plus agréable que les salariés
Les activités jugées les plus désagréables sont celles reliées au travail ou aux études, avec une notation en moyenne nulle ce qui ne préjuge cependant pas du bien-être général (encadré 2). Les élèves les plus jeunes sont les plus mécontents des moments consacrés à l’étude, l’appréciation augmentant avec l’âge (ces résultats sont cependant à prendre avec précaution en raison du faible nombre d’observations). Cela peut s’expliquer par le fait que les jeunes qui aiment le moins l’école sont moins enclins à poursuivre des études.
Les non-salariés apprécient plus les moments liés à leur activité professionnelle que les salariés (graphique 5). Parmi ces derniers, il y a peu de différences d’appréciation en fonction de leur position hiérarchique ou du statut de leur employeur (public/privé). Travailler à l’extérieur ou à la maison ne change pas l’appréciation des travailleurs à l’égard de leur tâche professionnelle.
Plus les personnes se déclarent fatiguées à la fin d’une journée, moins elles apprécient les moments liés au travail, en particulier lorsque la fatigue est due à l’ambiance au travail. Contrairement aux tâches domestiques, le fait d’être pressé par le temps n’a pas d’influence sur leur jugement. Enfin, les extrêmes se rejoignent : lorsque les journées de travail sont très courtes ou extrêmement longues, le jugement est encore plus négatif.
graphiqueGraphique 5 – Niveau d’appréciation du travail selon la catégorie socioprofessionnelle
Les week-ends sont les jours de la semaine les plus agréables
L’appréciation moyenne d’une journée est le résultat de tous les effets mis en évidence précédemment (encadré 2). Les jours ouvrés sont les jours les moins appréciés. Les personnes en retraite n’ont pas de différence de satisfaction entre ces jours-là et les week-ends. On observe également que les notes sont meilleures pendant les mois de juillet et août, habituellement les moins travaillés, que pendant les autres mois de l’année.
Enfin, en moyenne, une journée est jugée plus agréable lorsque la météo est clémente. Ceci n’est pas uniquement lié à la période estivale : l’effet du beau temps perdure indépendamment du jour de la semaine, du mois et du caractère chômé ou non du jour considéré.
1. Appréciation d’un moment
Dans l’enquête Emploi du temps, les personnes doivent remplir un carnet journalier, en décrivant selon un pas de 10 minutes leurs activités : ce qu’elles font, avec qui, dans quel endroit, dans quel but et si elles font autre chose en même temps. Suite au rapport de la Commission « Stiglitz » qui recommande en particulier de développer des instruments de mesure statistique du bien-être subjectif de la population, les enquêtés devaient aussi donner, pour la première fois en 2010, une note entre − 3 et + 3 jugeant si le moment passé était agréable ou désagréable, en tenant compte de l’activité réalisée mais aussi du contexte. La prise en compte du contexte dans lequel s’exécute l’activité est déterminante pour l’appréciation : une même personne peut noter de façon différente la même activité. Par exemple, un trajet en bus selon que la personne est debout ou assise peut être vécu de façon plus ou moins agréable. De même, on peut regarder un match à la télévision, et l’appréciation peut varier en fonction du score.
Enfin, le temps n’est pas une ressource stockable, c’est ce qui fait la particularité de son utilisation. Alors que rien ne nous oblige à acheter un bien dont nous ne voulons pas, il est certaines activités qui sont nécessaires au fonctionnement de la machine humaine et qu’il est difficile de reporter ou décaler. Le fait de devoir dormir peut être jugé déplaisant si la personne a encore de multiples tâches à accomplir, mais une longue nuit peut être très appréciée si la personne peut prendre son temps. Afin d’appréhender si les personnes sont plutôt pressées par le temps, si elles doivent prendre du temps sur leurs heures de sommeil ou au contraire si elles ont des moments avec du temps libre sans savoir quoi faire, des questions sont posées sur l’usage du temps. Ainsi, le fait d’avoir régulièrement des moments libres pendant lesquels on ne sait pas quoi faire a peu d’influence sur l’appréciation des activités.
2. Moyenne de la journée et bien-être subjectif général
Il est possible de comparer le côté agréable de la journée décrite avec la réponse sur la satisfaction de la vie en général :
- chaque période de 10 minutes a été notée de − 3 à + 3 par les personnes interrogées, et la moyenne journalière a été calculée en attribuant la même importance à chaque période, quels que soient l’activité et le contexte ;
- l’appréciation de la vie en général est la réponse à la question : « Sur une échelle de 0 (pas du tout satisfait) à 10 (très satisfait), à quel point êtes-vous satisfait de la vie que vous menez actuellement ? ».
On observe que plus les individus sont satisfaits de leur vie en général, plus la moyenne de la journée décrite est élevée.
Toutefois, ce lien positif ne se vérifie pas pour tous les groupes. Ainsi, les jeunes de moins de 20 ans jugent négativement les moments liés aux études, ce qui entraîne mécaniquement une faible moyenne journalière. Mais lorsqu’on les interroge sur leur satisfaction dans la vie en général, ils sont très heureux (8,4 de satisfaction contre 7,4 en moyenne). Ainsi, ils n’aiment pas les moments d’études, mais ne leur accordent qu’un faible poids dans leur bien-être en général. De même, le travail étant considéré comme une activité peu agréable, les personnes qui ont une activité professionnelle passent des journées légèrement moins bonnes que les chômeurs (+ 1,8 contre + 1,9) ; en revanche, leur satisfaction dans la vie est nettement plus élevée que celle des chômeurs (7,4 contre 6,0).
graphiqueGraphique 6 – Moyenne de la journée selon le bien-être subjectif général
Sources
L’enquête Emploi du temps 2010 réalisée par l’Insee a été menée de septembre 2009 à septembre 2010. Entre mars 2010 et septembre 2010, un sous échantillon des répondants (personnes de 11 ans et plus) ont rempli deux carnets décrivant leurs activités et leur appréciation du moment passé selon un pas de 10 minutes pendant une journée entière (jour de semaine et jour de week-end). 1 661 individus ont répondu et 2 665 carnets ont été remplis.
Définitions
Activité principale : sauf mention contraire lors de l’étude des trajets, les durées présentées concernent les activités principales des personnes, c’est-à-dire l’activité qu’elles ont choisi de mettre en avant lorsqu’elles faisaient plusieurs activités simultanées (manger en regardant la télévision).
Note moyenne : une activité peut avoir lieu plusieurs fois dans une journée (par exemple, on prend plusieurs repas). Les notes présentées ici sont les moyennes des notes associées aux divers moments d’une activité pendant la journée.