Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Novembre 2025 · n° 204

Familles et précarité au cœur des quartiers prioritaires Quartiers de la politique de la ville en Auvergne-Rhône-Alpes

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) désignent des territoires infra‑urbains qui concentrent les ménages aux plus bas revenus (pour comprendre). La politique de la ville à l’égard de ces quartiers vise à améliorer le cadre de vie et les conditions d’existence de leurs habitants et à réduire les écarts de développement entre ceux‑ci et les territoires dans lesquels ils s’inscrivent. L’action publique est formalisée par des contrats de ville. Ces derniers étant établis à l’échelle intercommunale, cette étude se propose de comparer les QPV avec le ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui les englobent (territoire du QPV inclus).

En 2020, en Auvergne‑Rhône‑Alpes, 463 000 habitants résident dans l’un des 145 QPV de la région, soit 5,7 % de sa population. En France métropolitaine, 8,1 % des personnes habitent dans un QPV. Au regard des autres régions, Auvergne‑Rhône‑Alpes affiche la cinquième part la plus faible, la première étant la Bretagne (2,8 %) et la dernière l’Île‑de‑France (13,9 %).

Les 145 QPV de la région se répartissent dans 40 EPCI distincts. Les habitants en QPV représentent 9,1 % de la population de ces intercommunalités. La présence d’un grand nombre de logements sociaux, ainsi que celle d’un réseau de transport en commun développé, conduisent à la concentration de la pauvreté monétaire en milieu urbain. En conséquence, un grand nombre de QPV sont localisés dans les métropoles.

Les quatre métropoles régionales regroupent la moitié des QPV et concentrent les deux tiers de leurs habitants. Celle de Lyon, la plus peuplée, arrive en tête avec près d’un tiers des quartiers (43) et 39 % des habitants soit 182 000 personnes (figure 1). Les quatre QPV les plus peuplés de la région se trouvent au cœur de cette métropole : Grande Île à Vaulx‑en‑Velin et Minguettes‑Clochettes à Vénissieux‑Saint‑Fons acueillent chacun 22 000 habitants et États‑Unis‑Langlet‑Santy à Lyon 8‑Vénissieux ainsi que Ville Nouvelle à Rillieux‑la‑Pape (16 000 habitants chacun). Ces quatre quartiers réunissent à eux seuls 16 % de la population régionale vivant en QPV. Saint‑Étienne, Grenoble et Clermont‑Ferrand en abritent moins (respectivement 13 %, 10 % et 5 %). Saint‑Étienne et Grenoble hébergent les deux autres quartiers de plus de 10 000 habitants de la région.

Construits sur des critères de pauvreté, les QPV hébergent davantage de familles monoparentales, de familles nombreuses et de jeunes, plus souvent en situation de pauvreté que les autres types de ménages. Dans ces quartiers, 17 % des ménages sont des familles monoparentales, contre 9 % dans les EPCI englobants (figure 2). Les familles, notamment nombreuses, y sont plus fréquentes (33 % de familles avec enfants contre 18 %), à l’image des familles de six personnes ou plus (5 % des familles contre 2 %). Les ménages sont d’ailleurs de plus grande taille dans les QPV puisqu’ils comptent en moyenne 2,4 personnes contre 2,2 dans les EPCI englobants.

Les ménages de plus grande taille dans les QPV sont à mettre en regard d’une population plus jeune. Les moins de 15 ans représentent en effet 25 % des habitants, contre 18 % dans les EPCI englobants, soit sept points d’écart. Ce contraste est plus marqué dans la métropole de Clermont‑Ferrand (dix points d’écart) mais moindre dans celle de Saint‑Étienne (cinq points d’écart). La part des 15‑24 ans est, quant à elle, similaire dans les QPV et les EPCI englobants. Logiquement, les plus de 25 ans sont relativement moins représentés dans les QPV.

Près d’un tiers de la population des QPV de la région est immigré (31 %). C’est 2,6 fois plus que dans les territoires environnants, à l’instar des quartiers de la métropole de Clermont‑Ferrand. Dans les trois autres, l’écart est moindre. À l’inverse, dans les quartiers prioritaires hors métropoles, la part des immigrés est trois fois plus importante que dans les EPCI auxquels ils appartiennent.

En QPV, en 2021, 85 % des ménages sont locataires, contre 45 % dans les EPCI englobants, et majoritairement dans le parc social. En effet, la part des ménages en logements sociaux est quatre fois plus importante dans ces quartiers (71 % contre 18 % dans les EPCI englobants). Ces logements sociaux ont désormais tendance à accueillir des ménages plus pauvres, généralement contraints à être locataires, et qui ne dépassent pas un certain seuil de revenu pour accéder à ce type de logements. Cela a contribué à créer des poches de pauvreté autour desquelles sont construits les QPV, la concentration de la pauvreté se calquant en partie sur celle des logements sociaux.

Dans les QPV de Saint‑Étienne Métropole, la part des ménages propriétaires est nettement plus élevée (23 %) que dans les QPV des trois autres métropoles, et parmi les ménages locataires, la part de ceux en parc social est bien plus faible (67 %). La métropole de Saint‑Étienne dans son ensemble est autant dotée en logements sociaux que celle de Grenoble (respectivement 21 % et 19 % des logements), mais ces logements sont plus dispersés sur le territoire que dans les autres métropoles. Ils ne représentent que 51 % du parc de logements en QPV, contre au moins 72 % dans les QPV des trois autres métropoles. Au centre‑ville de Saint‑Étienne, les logements vétustes du parc privé concentrent également de la pauvreté. La ségrégation résidentielle y est moins prégnante et la pauvreté bien présente mais plus diffuse.

Dans les QPV, le niveau de vie médian mensuel est, en 2021, nettement plus faible que dans les EPCI englobants, respectivement 1 220 euros contre 1 940 euros (figure 3). Parmi les quartiers de la région, il s’étend de 1 070 euros à 1 470 euros. Dans les QPV, il est donc, en moyenne, inférieur de 720 euros à celui des EPCI englobants. Cet écart varie selon les territoires : de 530 euros dans la métropole de Saint‑Étienne jusqu’à 790 euros dans celle de Grenoble. Il dépasse même 1 000 euros à Thonon Agglomération et Annemasse‑Les Voirons Agglomération, deux EPCI de la périphérie genevoise où les niveaux de vie sont parmi les plus élevés de la région. Des Suisses et des Français travaillant en Suisse résident dans cette zone et disposent de rémunérations élevées. En outre, les prix des logements s’alignent pour une large part sur ce niveau de vie élevé et pèsent d’autant plus sur les personnes aux faibles revenus.

Les habitants du Genevois français peuvent ressentir avec plus d’acuité le fait d’être pauvre que dans d’autres territoires plus homogènes en termes de niveau de vie.

Le niveau de vie des habitants est, par construction, plus homogène au sein des QPV. Les 10 % les plus riches des habitants des QPV ont un niveau de vie 2,8 fois plus élevé que ceux des 10 % des habitants au plus faible niveau de vie. Ce rapport est de 3,5 dans les EPCI englobants. Cet écart est encore plus net dans la Métropole de Lyon, avec toujours 2,8 dans les QPV, mais 4,0 pour l’ensemble de la Métropole. À l’inverse, la métropole de Saint‑Étienne se distingue par une plus grande homogénéité. Cette différence entre les deux métropoles s’explique en partie par davantage d’actifs en emploi à Lyon qu’à Saint‑Étienne (64 % contre 60 %) et par davantage de fonctions métropolitaines, dans l’ensemble mieux rémunérées.

Dans les QPV d’Auvergne‑Rhône‑Alpes, trois fois plus de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (45 % contre 15 % dans les EPCI englobants et 13 % pour l’ensemble de la région). L’une des principales raisons est une précarité accrue vis‑à‑vis de l’emploi pour les habitants des QPV. La population de 15 à 64 ans est moins souvent en situation d’emploi que celle des EPCI englobants (46 % contre 65 %). Cependant, toutes les personnes touchées par la pauvreté ne vivent pas en QPV. Ainsi, au sein des 40 EPCI englobants de la région, la pauvreté est plus diffuse et ne se concentre pas exclusivement dans les QPV.

De même, l’extrême pauvreté n’est pas l’apanage des quartiers. Parmi les personnes en situation de pauvreté, la moitié a un niveau de vie mensuel inférieur à 910 euros dans les QPV (920 euros dans les EPCI englobants). Mais les 10 % les plus pauvres en QPV disposent d’un niveau de vie mensuel inférieur à 580 euros par mois, tandis que celui‑ci s’abaisse à moins de 520 euros par mois pour les 10 % les plus pauvres dans les EPCI englobants, et à moins de 500 euros dans les EPCI englobants hors QPV.

Les QPV concentrent des ménages pauvres dont les revenus d’activité suffisent difficilement pour vivre dignement. Les prestations sociales apportent à ces ménages un soutien financier. Dans les QPV de la région, la part des prestations sociales dans le revenu disponible est quatre fois plus importante que dans les EPCI englobants (22 % contre 5 %) (figure 4). Saint‑Étienne est la métropole présentant le plus faible écart (21 % contre 8 %). Toutefois, la pauvreté de la population des QPV ne touche pas l’ensemble des habitants avec la même intensité, certains détenant un patrimoine ou disposant d’un niveau de revenu un peu plus élevé (ménages imposables).

Dans les QPV de la région, en 2023, 141 700 foyers perçoivent au moins une allocation de la part des caisses d’allocations familiales (CAF). 333 900 personnes sont couvertes, soit 72 % des habitants en QPV (49 % dans les EPCI englobants). La Métropole de Lyon présente la part la plus élevée de personnes couvertes dans ses QPV (75 %, soit 135 500 personnes). La plus faible part correspond à celle de Saint‑Étienne (69 %, soit 40 500 personnes).

Les prestations sociales se composent des prestations familiales, des prestations liées au logement et des prestations liées à l’activité. Ces différents types de prestations peuvent se cumuler. Les habitants des QPV sont plus souvent allocataires à la fois de prestations familiales et de prestations destinées au logement (14 % contre 7 % dans les EPCI englobants) et perçoivent plus souvent les trois types de prestations (35 % dans les QPV contre 15 % dans les EPCI englobants) (figure 5).

Les prestations familiales sont les plus répandues : sept allocataires en QPV sur dix en perçoivent (avec un cumul possible avec les deux autres types de prestations logement et activité). Cette part est proche de celle observée dans les EPCI englobants car les prestations familiales dépendent avant tout de la structure des ménages et la plupart sont allouées sans conditions de revenus.

Les allocataires d’une prestation logement sont proportionnellement plus nombreux en QPV (69 % contre 38 % dans les EPCI englobants). Dans les quartiers, une grande majorité des locataires du parc social n’ont pas un revenu suffisant pour se loger et perçoivent une allocation d’aide au logement. De même, en raison de leurs difficultés liées à l’emploi, les habitants des QPV bénéficient beaucoup plus souvent de prestations de soutien à l’activité que dans les EPCI englobants (61 % contre 39 %).

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont été instaurés par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy. Redéfinis au 1^er janvier 2024 afin de prendre en compte l’évolution socio‑économique des territoires, les principes de constitution restent les mêmes. Les quartiers doivent respecter des critères de revenu et de population :