Insee Analyses Réunion · Septembre 2025 · n° 101

Des salaires moindres qu’en province mais une hausse plus dynamique des bas salaires Les salaires dans les entreprises à La Réunion en 2023

À La Réunion, en 2023, le salaire médian net s’élève à 1 780 euros par mois en équivalent temps plein : la moitié des salariés travaillant dans le secteur privé perçoivent un salaire net inférieur ou égal à ce montant.

En particulier, 30 % des salariés du privé gagnent moins de 1 610 euros et 10 % moins de 1 400 euros nets par mois (figure 1). À l’autre extrémité de l’échelle, les 30 % des salariés les mieux rétribués perçoivent au moins 2 150 euros par mois.

En France de province (Hexagone, hors Île-de-France), les salaires sont plus élevés que sur l’île. Ainsi, le salaire médian y est supérieur de 6,6 % (1 900 euros en France de province). Les écarts sont plus marqués pour les revenus les plus élevés. Ainsi, les 30 % de salariés aux revenus les plus élevés perçoivent au moins 2 330 euros, soit 7,7 % de plus qu’à La Réunion. Quant aux 30 % aux revenus les plus faibles, ils touchent moins de 1 670 euros soit 3,8 % de plus que sur l’île.

À La Réunion, le salaire mensuel net moyen en EQTP s’élève à 2 260 euros en 2023. Avec ce revenu moyen, La Réunion se positionne au 76^e rang des départements français (hors Mayotte). Elle se situe notamment derrière la Guyane (31^e), la Martinique (41^e) et la Guadeloupe (43^e). À La Réunion, le salaire moyen est supérieur de 27 % au salaire médian, ce qui traduit une concentration des salaires dans les bas revenus.

Entre 2015 et 2023, à La Réunion, les inégalités entre les salariés les mieux rémunérés et les moins biens rémunérés se réduisent. Ainsi, en 2023, le salaire moyen des 10 % des salariés les plus rémunérés est 3,8 fois plus élevé que celui des 10 % les moins rémunérés ; ce ratio était de 4,7 en 2015. Cet écart est désormais un peu moindre qu’en province (4,0 en 2023), où les hauts salaires ont progressé quasiment deux fois plus vite qu’à La Réunion.

Cette réduction des inégalités sur l’île est liée à une augmentation des salaires les plus faibles, bien plus rapide que celle des hauts salaires. Les revalorisations automatiques du Smic à hauteur de l’inflation expliquent pour partie ce constat. Pour les 30 % des salaires les moins élevés, la hausse est de 2,3 % en moyenne par an sur la période (figure 2). Elle atteint 2,7 % par an pour le premier décile (seuil au-dessous duquel se situent les 10 % des salariés les moins bien rémunérés). A contrario, les salaires les plus élevés augmentent peu sur la période : +1 % en moyenne par an pour les 30 % des salaires les plus élevés (supérieurs au 7^e décile). Pour les 10 % des salaires les plus élevés du privé (9^e décile), la progression n’est que de 0,6 % par an.

Les cadres sont le seul groupe socioprofessionnel dont le salaire moyen est plus élevé à La Réunion qu’en France de province. Ils perçoivent un salaire moyen de 4 230 euros nets par mois, supérieur de 210 euros au salaire moyen des cadres de province (+5 %). Cet écart est tiré par les salaires dans les grandes entreprises où les besoins d’encadrement sont les plus importants : dans les entreprises d’au moins 250 salariés, les cadres réunionnais gagnent jusqu’à 17,7 % de plus en moyenne que leurs homologues de province. Cela tient certainement aussi à la persistance de pratiques de sur-rémunération dans des entreprises publiques ou issues d’entreprises publiques.

En revanche, pour toutes les autres catégories professionnelles, les salaires moyens sont sensiblement plus faibles sur l’île. Ainsi, les rémunérations sont moindres qu’en province pour les professions intermédiaires (-1,6 %) et les employés (-1,2 %). Pour les ouvriers, l’écart est encore plus marqué : les ouvriers qualifiés perçoivent en moyenne 1 990 euros nets par mois, soit 150 euros de moins qu’en province (-7 %). Les ouvriers non qualifiés perçoivent en moyenne 1 670 euros, soit 90 euros de moins qu’en province (-5,5 %).

Entre 2015 et 2023, l’écart entre le salaire moyen dans le secteur privé à La Réunion et en province augmente. Alors qu’en 2015, le salaire moyen sur l’île est inférieur de 4,5 % à celui en province, cet écart atteint 8,6 % en 2023. Sur la période, l’évolution sur l’île est défavorable pour toutes les catégories socioprofessionnelles (figure 3). L’avantage comparatif des cadres de l’île se réduit également, traduisant la plus faible augmentation des hauts salaires à La Réunion : en 2015, leur salaire moyen était en moyenne plus élevé de 7,3 % par rapport à celui de leurs homologues de province.

Pour les salariés exerçant une profession intermédiaire, le sens de l’écart s’inverse même : alors qu’en 2015, ils étaient mieux rémunérés en moyenne qu’en province (+2,5 %), ils le sont moins en 2023 (-1,6 %). C’est aussi le cas pour les employés, mais dans une moindre mesure. Pour les ouvriers, dont la rémunération moyenne était déjà inférieure à ceux de province en 2015, l’écart se creuse encore en 2023. Pour les ouvriers qualifiés, il passe de -4,3 % à -7 %, et de -3,5 % à -5,5 % pour les ouvriers non qualifiés.

Le plus faible niveau des salaires sur l’île est lié notamment à des spécificités de l’économie réunionnaise. En premier lieu, le manque d’emplois qualifiés tire le salaire moyen vers le bas. En 2023, les entreprises réunionnaises emploient 157 700 salariés en EQTP. Parmi eux, seulement 16 100 occupent des emplois de cadres, soit à peine 10 % des emplois salariés du privé contre 18 % en province. A contrario, la part des employés est plus importante sur l’île (38 %, soit 10 points de plus qu’en province).

Cette composition de l’emploi selon la catégorie socioprofessionnelle explique en partie l’écart de salaire moyen. De plus, celle-ci évolue relativement peu depuis 2015 : la part des cadres n’augmente que d’1 point en huit ans, alors qu’elle progresse de 4 points en province. Si la composition de l’emploi par catégorie socioprofessionnelle à La Réunion était identique à celle de la province en 2023, le salaire moyen sur l’île ne serait inférieur que de 0,9 % à celui en province (contre un écart observé de -8,6 % en 2023).

Par ailleurs, la taille d’entreprise est également un déterminant important du salaire : le salaire moyen augmente avec la taille d’entreprise, les grandes entreprises proposant en moyenne des salaires plus élevés que les petites entreprises. Ce constat se vérifie pour toutes les catégories socioprofessionnelles. Or sur l’île, le tissu productif est davantage constitué qu’en province d’entreprises de petite taille. Ainsi, à La Réunion, 28 % des salariés du privé travaillent dans des entreprises de moins de 10 salariés, contre seulement 20 % en province. À l’opposé, seuls 19 % des salariés réunionnais travaillent dans des entreprises de 250 salariés ou plus, soit une part deux fois plus faible qu’en province. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, le salaire mensuel net moyen est le plus faible, à 1 940 euros. Dans celles de 250 salariés ou plus, il s’élève à 2 810 euros, un niveau plus élevé qu’en province (2 700 euros). En effet, dans cette catégorie d’entreprises, les salaires moyens de toutes les catégories socioprofessionnelles sont plus élevés à La Réunion qu’en province, hormis pour les ouvriers non qualifiés (figure 4).

Au total, si à La Réunion, la structure de l’emploi par catégorie socioprofessionnelle et taille d‘entreprise était la même que celle en province, le salaire moyen réunionnais dans le secteur privé serait supérieur de 3,1 % à celui en province.

Les rémunérations des salariés varient également en fonction des secteurs d’activité, mais ces écarts s’expliquent en grande partie par des compositions différentes de l’emploi d’un secteur à l’autre.

À La Réunion, en 2023, les salaires sont en moyenne moins élevés dans les secteurs du commerce de détail, des activités de services administratifs, de l’hébergement et de la restauration, des arts et spectacles et des autres activités de service (figure 5). Dans l’ensemble de ces secteurs, la rémunération moyenne s’élève à 1 930 euros, soit 15 % de moins que sur l’ensemble des secteurs (2 260 euros). Ces activités emploient 34 % de l’ensemble des salariés des entreprises réunionnaises.

Dans ces secteurs, la main-d’oeuvre est principalement constituée d’employés : jusqu’à 72 % des salariés du commerce de détail et 68 % des salariés de l’hébergement et de la restauration. C’est deux fois plus qu’en moyenne sur l’île. Les entreprises de ces secteurs sont également de plus petite taille : dans l’hébergement et la restauration, seuls 4 % des salariés travaillent dans une entreprise de 250 salariés ou plus, contre 19 % tous secteurs confondus.

En outre, le recours aux contrats aidés y est plus fréquent. Par exemple, 18 % des salariés des autres activités de service et 14 % des salariés des arts et spectacles bénéficient de contrats aidés, contre 1 % pour l’ensemble des salariés du privé. Or les salariés en contrat aidé sont moins bien rémunérés : sur l’ensemble des secteurs, ils perçoivent un salaire moyen de 1 490 euros, soit 34 % de moins que le salaire moyen à La Réunion.

À l’inverse, les salaires sont les plus élevés dans les secteurs des activités juridiques, scientifiques et techniques, des activités financières et d’assurance, de l’énergie, eau et gestion des déchets, de l’information et communication et dans les activités immobilières. Dans ces secteurs, la rémunération moyenne s’élève à 2 980 euros, soit 32 % de plus qu’en moyenne sur l’ensemble des secteurs. Ces activités regroupent 15 % de l’emploi salarié privé à La Réunion.

Dans ces secteurs, les salariés sont plus souvent cadres : c’est le cas par exemple de 47 % des salariés du secteur de l’information et la communication contre 10 % tous secteurs confondus. Les entreprises y sont aussi de plus grande taille : dans les activités financières et d’assurance, 42 % des salariés travaillent dans une entreprise de 250 salariés ou plus. Les salariés y sont également en moyenne plus expérimentés et donc mieux rémunérés : 23 % des salariés des activités immobilières et 21 % des salariés de l’énergie, eau et gestion des déchets ont 55 ans ou plus, contre 15 % dans l’ensemble des secteurs. Le salaire moyen de ces seniors s’élève à 2 640 euros, soit 17 % de plus que la moyenne des salariés.