Insee Analyses Ile-de-France · Septembre 2025 · n° 207

Près d'un million d'emplois salariés dans les quartiers de gare du Grand Paris Express

Les 68 quartiers de gare du Grand Paris Express (GPE) accueillent l’équivalent de 17 % de la population de la métropole du Grand Paris (MGP) et 21 % des emplois salariés sur 16 % de sa superficie.

Un des objectifs du Grand Paris Express est de relier les principaux pôles économiques du Grand Paris. Il s’agit aussi d’améliorer l’accès aux lieux d’emploi et la qualité de vie des habitants et des salariés en réduisant notamment les temps de déplacement. Aujourd’hui, plusieurs quartiers de gare du GPE sont encore concernés par de nombreux projets d’aménagement en cours ou à venir qui entraîneront à terme la livraison de nouveaux logements, ce qui impactera l’économie présentielle mais aussi la création de nouvelles surfaces d’activités. Le tissu économique dans les quartiers de gare du Grand Paris Express décrit dans cette étude présente un état des lieux intermédiaire à moins de deux ans de la livraison de la ligne 15 Sud et d’un tronçon de la ligne 18.

Fin 2022, 933 900 emplois salariés sont localisés dans ces 68 quartiers de gare et 34,1 milliards d’euros de rémunérations nettes y ont été distribués au cours de l’année, ce qui représente 23 % des rémunérations versées par les établissements localisés dans la MGP. Dans cette étude, les activités économiques des établissements ont été regroupées en cinq fonctions majeures (pour comprendre). Plus de la moitié des emplois relèvent des fonctions tertiaires supérieures (28 % – services à forte valeur ajoutée comme le conseil, la finance ou l’ingénierie) et des fonctions industrielles ou de support (28 % – production, maintenance, transport, entreposage…) (figure 1).

Le tissu économique dans l’ensemble des quartiers de gare du Grand Paris Express se distingue de celui de la métropole par une surreprésentation des emplois dans les fonctions industrielles ou de support (28 % des emplois contre 20 % dans la MGP). A contrario, les fonctions commerciales ou de services de proximité (commerce, restauration, services à la personne, culture, loisirs, immobilier, tourisme) sont moins présentes : elles emploient 12 % des salariés, contre 19 % dans la MGP. Bien qu’elles représentent une part importante de l’emploi comme dans l’ensemble de la MGP, les fonctions tertiaires supérieures ne sont pas spécifiquement surreprésentées dans les quartiers de gare. Au-delà de ce constat global, le tissu économique des quartiers de gare se différencie aussi selon les équilibres entre emploi et population mesurés dans une précédente étude [Acs et al., 2024 ; pour en savoir plus (2)]. Les quartiers du GPE peuvent être répartis en trois catégories : 18 quartiers sont à dominante économique, 26 à dominante résidentielle et 24 rassemblent autant d’emplois que d’habitants et sont dits équilibrés.

Les 18 quartiers à dominante économique se situent majoritairement sur la ligne 15 qui relie trois grands pôles économiques : La Défense, la Plaine Saint-Denis et Val de Fontenay. Ils sont aussi présents dans des zones économiques importantes situées en limite de la métropole du Grand Paris, comme l’aéroport d’Orly et le marché d’intérêt national (MIN) de Rungis (quartiers Aéroport d’Orly, Thiais – Orly et Chevilly-Larue au sud de la ligne 14), Roissy (gares desservant l’aéroport Charles de Gaulle et le Parc des Expositions sur la ligne 17), le plateau de Saclay, Guyancourt et Satory (ligne 18).

Fin 2022, ces 18 quartiers concentrent 421 300 emplois salariés, soit 45 % de l’ensemble des emplois situés dans les 68 quartiers de gare du GPE pour seulement 19 % des établissements. Les établissements y sont par conséquent globalement beaucoup plus grands, avec 52 emplois par établissement en moyenne contre 22 pour l’ensemble des 68 quartiers de gare. Près de huit emplois sur dix sont exercés dans des établissements de 100 salariés ou plus et la part de l’emploi public y est près de deux fois plus faible (10 %) que celle dans l’ensemble des quartiers de gare (18 %). Dans la métropole, les établissements de 100 salariés ou plus accueillent 52 % des emplois salariés et l’emploi public représente 18 %.

Ces quartiers, qui comptent en moyenne 23 400 emplois, sont très orientés vers les fonctions industrielles ou de support et les fonctions tertiaires supérieures (figure 2). Ainsi, plus de 65 % des emplois salariés relèvent des fonctions industrielles ou de support dans les quartiers aéroportuaires (Aéroport Charles de Gaulle, Aéroport d’Orly) ainsi qu’au Mesnil-Amelot, Thiais – Orly et Satory. Inversement, les fonctions tertiaires supérieures sont surreprésentées dans des quartiers tels que La Défense, Nanterre La Folie ou Val de Fontenay. Plusieurs quartiers à dominante économique se caractérisent par la présence d’autres types d’activités. C’est le cas des quartiers Université Paris-Saclay et Polytechnique où plus de la moitié des emplois appartiennent aux services publics avec la présence d’universités et de grandes écoles qui forment le pôle d’excellence scientifique et technique de Saclay. Dans le quartier de Chevilly-Larue, près de 40 % des emplois relèvent des fonctions commerciales ou de services de proximité (marché international de Rungis et hypermarché Carrefour).

Les quartiers dits équilibrés, qui accueillent en moyenne 16 600 emplois, sont principalement localisés le long des lignes 14 et 15 Ouest. Les trois quarts d’entre eux sont déjà connectés à un mode de transport lourd (métro, RER, train, tramway) autre que le GPE. Ce sont aussi des quartiers qui sont en moyenne plus denses, en termes d’emplois ou d’habitants, que les autres quartiers de gare du GPE.

Dans ces quartiers équilibrés entre emploi et population, l’emploi présentiel représente un peu plus de la moitié de l’ensemble des emplois salariés dénombrés. Les secteurs d’activité des établissements implantés sont proches de ceux de l’ensemble des quartiers de gare, avec cependant quelques spécificités locales. Dans les quartiers Mairie d’Aubervilliers, Antonypole – Wissous Centre, Villiers – Champigny – Bry et Les Ardoines, plus de 40 % des emplois salariés relèvent des fonctions industrielles ou de support. Du fait de la présence des centres commerciaux Rosny 2 et Domus, Rosny – Bois-Perrier se distingue quant à lui par une part importante d’emplois dans les fonctions commerciales ou de services de proximité (40 %). À Bobigny – Pablo Picasso et Créteil L’Échat, plus de sept emplois sur dix dépendent des services publics. Près de la moitié des emplois sont rattachés aux fonctions tertiaires supérieures dans les quartiers de Pont de Sèvres, Châtillon – Montrouge et Issy. Enfin, à Mairie de Saint-Ouen, ce sont les services d’appui au tertiaire qui représentent un quart des emplois salariés.

Avec 18 salariés en moyenne, la taille des établissements localisés dans ces quartiers est inférieure à celle mesurée sur l’ensemble des quartiers de gare, qui s’élève à 22 salariés. Toutefois, elle est supérieure à celle des établissements situés dans la MGP (13 salariés en moyenne).

Les 26 quartiers caractérisés dans cette étude comme résidentiels, à ce jour, sont principalement situés le long de la ligne 16 en Seine-Saint-Denis et le long des lignes 15 Sud et Est dans le Val-de-Marne et comptent en moyenne chacun 5 100 emplois. Dans ces 26 quartiers, 8 gares sont entièrement nouvelles.

L’emploi présentiel visant la satisfaction des besoins des personnes présentes représente 75 % de l’emploi total, soit 19 points de plus que sur l’ensemble des 68 quartiers de gare. Les établissements de moins de 50 salariés emploient 42 % des salariés, soit une proportion nettement supérieure à celle constatée dans l’ensemble des quartiers de gare (24 %) et dans la MGP (38 %). Ainsi, les établissements sont plus petits que dans les autres quartiers de gare (11 salariés en moyenne).

Ces quartiers se caractérisent par une prédominance des activités relevant des services publics, qui représentent 41 % de l’emploi total contre 24 % dans l’ensemble des 68 quartiers de gare. Cette part atteint plus de 50 % dans neuf quartiers (Parc du Blanc-Mesnil, Sevran – Beaudottes, Sevran – Livry, La Courneuve Six Routes, Villejuif – Louis Aragon, Noisy – Champs, Massy Opéra, Champigny Centre, Mairie de Vitry-sur-Seine).

Dans ces quartiers à dominante résidentielle, les emplois relevant des fonctions commerciales ou de services de proximité sont également bien représentés (17,5 % contre 12,2 % sur les 68 quartiers). Dans cinq quartiers (Nogent – Le Perreux, Clichy – Montfermeil, Bois-Colombes, Chelles – Gournay et Massy Opéra), ces emplois représentent plus du quart de l’ensemble des emplois salariés.

Ces caractéristiques d’ensemble des quartiers résidentiels ne se retrouvent cependant pas dans quelques-uns de ces quartiers. À Fort d’Aubervilliers, Le Bourget Aéroport et Pont de Bondy, plus de 50 % des emplois dépendent des fonctions industrielles ou de support. Cela tient à la présence d’établissements de la RATP et de la SNCF (Réseau ou Voyageurs) et de l’aéroport du Bourget. De même, plus d’un emploi sur cinq est rattaché aux services d’appui au tertiaire dans les quartiers d’Aulnay Val Francilia, Le Vert de Maisons et Bagneux – Lucie Aubrac, où de grands établissements d’entretien et de nettoyage sont localisés.

En 2022, la moitié des salariés du secteur privé (hors intérimaires) perçoivent en salaire en équivalent temps plein (EQTP) plus de 2 890 euros nets par mois. Ce salaire net médian est supérieur de 9,5 % à celui calculé pour l’ensemble de la MGP.

Les salaires nets médians versés les plus élevés correspondent à des emplois situés dans les quartiers de gare à dominante économique (3 220 euros par mois), où la concentration des salaires est plus forte dans le haut de la distribution (figure 3). En effet, dans ces quartiers, caractérisés par une surreprésentation de cadres, un salarié sur dix perçoit plus de 7 260 euros nets par mois (neuvième décile) contre 6 520 euros dans l’ensemble des quartiers. Le ratio interdécile, qui est une mesure de la dispersion des salaires, est de 4,6 dans ces quartiers de gare contre 4,3 dans la MGP.

Dans les quartiers résidentiels où les emplois relèvent davantage de la sphère présentielle, la part d’employés et d’ouvriers est plus importante et le salaire net médian des salariés du privé est inférieur de 24,2 % à celui calculé pour l’ensemble de la MGP. Néanmoins, les disparités sont moins prononcées, le rapport interdécile étant de 3,1.

Dans les quartiers équilibrés, la distribution des salaires du secteur privé est proche de celle observée dans la MGP (avec un rapport interdécile de 4,3) tout comme l’est aussi la répartition des emplois par secteur d’activité et catégorie socioprofessionnelle.

Les quartiers de gare où les salaires médians sont les plus élevés sont aussi ceux où la part des emplois de cadres est la plus importante. Toutefois, trois quartiers font figure d’exception : les quartiers de l’aéroport Charles de Gaulle et Les Ardoines. Dans ces quartiers, le salaire médian est supérieur à 2 900 euros nets par mois en EQTP, alors que la part des emplois de cadres est inférieure à 31 %. Les salariés y exercent principalement dans le secteur du transport et de l’entreposage ou dans l’industrie pharmaceutique et les activités scientifiques et techniques, services administratifs.

Parmi l’ensemble des salariés du secteur marchand qui travaillent dans un quartier de gare du Grand Paris Express en 2022, un sur cinq exerce dans des établissements qui n’existaient pas en 2010 (établissements nouveaux). Un peu moins de la moitié des salariés (43 %) sont dans des établissements issus d’un transfert (déménagement/changement d’adresse possiblement interne au quartier) et plus d’un tiers sont employés par des structures qui étaient déjà présentes (37 %, dans des établissements qualifiés de stables) (figure 4). Ces proportions sont différentes lorsqu’elles sont établies sur l’ensemble de la métropole du Grand Paris : la part des salariés qui travaillent dans un nouvel établissement y est un peu plus élevée tandis que celle dans des établissements ayant fait l’objet d’un transfert y est plus faible. Toutefois, des différences significatives s’observent selon la typologie des quartiers de gare. En effet, dans les quartiers à dominante économique, près de 85 % des emplois salariés sont exercés dans des établissements stables ou transférés. Les salariés des établissements transférés travaillent principalement dans les fonctions industrielles et support ou dans les fonctions tertiaires supérieures. Les transferts d’établissements sont souvent favorisés par l’offre de nouvelles surfaces proposées dans le cadre d’opérations d’aménagement et/ou de réhabilitation. Dans le quartier de gare de La Défense, plusieurs grands établissements ont fait l’objet d’un transfert tels que le siège de CGI France, KPMG ou encore Dalkia. C’est aussi le cas dans le quartier d’Issy avec Capgemini Consulting, Coca Cola Europacific Partners et Seqens (figure 5).

À l’inverse, dans l’ensemble des quartiers de gare à dominante résidentielle, trois emplois sur dix s’exercent dans des établissements nouveaux. Ces créations concernent majoritairement des établissements ayant des fonctions industrielles ou de support (38 %), ou des fonctions commerciales ou de services de proximité (33 %). La part des emplois relevant d’établissements ayant été transférés au cours de la période 2010-2022 est quant à elle plus faible (28 %) que dans l’ensemble des quartiers (43 %). Enfin, un peu moins de la moitié des emplois (42 %) sont localisés dans des établissements qui étaient déjà implantés dans les quartiers en 2010, soit une part supérieure à celle observée dans l’ensemble des quartiers de gare du GPE (37 %). Dans sept quartiers à dominante résidentielle, cette part excède les 55 %, signe d’une stabilité du tissu productif.

La mise en service progressive des gares du Grand Paris Express ainsi que la finalisation des projets d’aménagement en cours entraîneront à terme la livraison de nombreux logements et de nouvelles surfaces d’activités. Ces évolutions favoriseront le développement économique dans les quartiers de gare du GPE avec la création de nouveaux établissements et/ou le transfert d’autres.