Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Septembre 2025 · n° 201

La saison estivale se développe dans 70 % des stations ayant un pic d’activité en hiver L’emploi dans les stations de ski

En France, 375 communes hébergent tout ou une partie d’une station de ski, alpin ou nordique, accessible à tout public, c’est-à-dire n’appartenant pas à un domaine privé. Auvergne-Rhône-Alpes regroupe la moitié de ces communes (183) (figure 1), appelées ici stations de ski. Si l’altitude moyenne de ces communes dépasse les 2 000 mètres pour 14 % d’entre elles, près de 40 % sont situées à moins de 1 200 mètres. Les communes en station de ski sont ici comparées à l’ensemble des communes de montagne.

Dans les stations de ski d’Auvergne-Rhône-Alpes, la population permanente s’élève à un peu plus de 227 000 habitants en 2022. La population présente connaît une très forte croissance durant la saison hivernale avec l’accueil des touristes. Ces stations ont en effet une forte capacité d’accueil, avec en moyenne 650 lits touristiques pour 100 habitants. À titre de comparaison, les communes de montagne de la région en comptent 95 pour 100 habitants. Ces lits touristiques se trouvent dans les hôtels et les campings, dans les résidences de tourisme et villages vacances, mais également dans les résidences secondaires qui représentent 65 % des logements dans les stations de ski, contre 23 % dans les communes de montagne.

La population permanente est stable depuis le début des années 2010 (figure 2), alors que sa croissance a été dynamique entre 1975 et 2011 (+30 %). Le début de cette période faisait suite au lancement du plan d’aménagement des stations (le plan neige), porté par le développement des sports d’hiver, notamment grâce aux JO de Grenoble de 1968. Dans les communes de montagne, la population augmente moins rapidement avant 2011, mais poursuit sur une tendance positive identique au-delà.

Cette stagnation de la population permanente des stations contraste avec une capacité d’accueil qui ne cesse d’augmenter. En 2022, les stations de ski comptent en moyenne 100 lits touristiques de plus qu’en 2016 pour 100 habitants, alors que dans les communes de montagne la hausse n’est que de huit lits. Le nombre de résidences secondaires y a augmenté de 3 % contre moins de 1 % dans les communes de montagne.

Des soldes naturel et migratoire qui se compensent expliquent cette stagnation de la population. Si le premier est positif, avec un nombre de naissances supérieur à celui des décès, le second est négatif, les habitants étant plus nombreux à quitter le territoire qu’à s’y installer. Ces deux soldes sont, en revanche, positifs dans les communes de montagne. Le solde naturel tend cependant à diminuer dans les deux territoires, et il pourrait lui aussi passer en négatif dans les stations de ski où la population en âge de procréer diminue. Si le déficit migratoire est particulièrement marqué chez les 18-24 ans dans les deux territoires, correspondant aux départs des étudiants vers des zones où l’offre de formation est plus importante, il touche toutes les catégories d’âge dans les stations de ski. Contrairement aux communes de montagne, les jeunes ne reviennent généralement pas dans les stations après leurs études.

Les 183 stations de ski emploient un peu plus de 110 000 personnes début 2022, au cœur de la saison hivernale. Ce volume comprend tous les emplois relatifs à cette période, notamment les saisonniers. Il est en très légère hausse depuis 2011 (+0,1 % par an), alors que cette croissance était bien plus marquée entre 1975 et 2011 (+0,9 % par an). Cette tendance, même si elle suit celle de la population permanente, reste un peu plus dynamique, les emplois augmentant également du fait de la hausse de la population touristique. En effet, huit emplois sur dix appartiennent à la sphère présentielle, c’est-à-dire à des activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services pour répondre aux besoins de personnes présentes dans la zone, que ce soient des habitants permanents ou de passage.

Les volumes d’emplois varient fortement au cours d’une année. Pour analyser ces variations, la notion de poste salarié sera utilisée dans la suite de la publication. Un poste salarié correspond à un salarié dans un établissement et ne tient pas compte de la multi-activité, ni de la quotité de travail. Ainsi, au cours de l’année 2022, les stations de ski (figure 3) connaissent deux pics d’activité, l’un très marqué en hiver, qui atteint son maximum le 19 février 2022 avec 125 200 postes et l’autre en été, avec 95 600 postes, le 26 juillet 2022.

Entre ces deux pics, les creux d’activités correspondent aux intersaisons du printemps et de l’automne. La baisse d’activité printanière est plus marquée : elle correspond aux congés des saisonniers d’hiver.

Ces variations d’activité peuvent être très différentes d’une station à l’autre, que ce soit en termes de saisonnalité ou d’intensité. Par la suite, l’étude portera uniquement sur 101 stations dans lesquelles le volume d’emplois est suffisant pour une analyse pertinente. Parmi les 82 stations non retenues, plus de la moitié se situe à moins de 1 200 mètres d’altitude.

Pour 80 des stations de ski analysées, l’activité augmente ponctuellement pendant la saison hivernale. Par contre, dans sept, cette hausse n’a lieu que l’été (figure 4). Ces dernières sont situées à moins de 1 200 m d’altitude, sauf la commune de Cordon juste en deçà des 1 500 m et Allemond, 300 m plus haut. Pour 14 autres, principalement en Haute-Savoie et dans le Bugey, l’activité est plutôt stable toute l’année. Elles sont également positionnées à moins de 1 200 m d’altitude, à l’exception de la commune de Magland, juste au-dessus de ce seuil et Passy dépassant de peu les 1 500 m. Ces 21 communes, sans variation significative en hiver, hébergent seulement une partie d’un domaine skiable, dont les emplois se localisent dans une autre commune du domaine, ou encore elles présentent un attrait estival particulier, comme, par exemple, le château de Murol ou le parc d’activités de Saint-Anthème.

Le réchauffement climatique peut directement toucher les stations de ski ayant une saison hivernale (encadré). Ses effets se traduisent par une moindre fiabilité de l’enneigement, qui compromet la viabilité financière de nombreuses stations et appelle à une nécessaire transformation de leur modèle économique. La dépendance des stations au ski à leur saison hivernale, les capacités de diversification territoriale et les ressources naturelles disponibles (altitude, eau, patrimoine paysager, appartenance à un réseau de domaines interconnectés de haute altitude) constituent autant de facteurs influant sur leur capacité de résilience.

Parmi les 80 stations ayant une saison hivernale, 56 (soit sept sur dix) ont une activité estivale qui se développe entre 2018 et 2022 (figure 5). En comparant le 10 août 2018 au 12 août 2022, jours correspondant au pic de l’été, le nombre de postes a augmenté de 13,7 %, soit 6 700 postes supplémentaires. Dans ces stations, l’objectif est souvent de déployer des activités et des équipements touristiques déconnectés des activités de ski avec, par exemple, des projets de renouvellement et de densification des hébergements, d’extension et de diversification d’activités de pleine nature.

Dans ces 56 stations, 40 % de la hausse estivale du nombre de postes est portée par le secteur de l’hébergement-restauration. L’hébergement compte ainsi près de 2 300 postes supplémentaires entre les pics de 2018 et de 2022, ce qui correspond à une croissance de 25 % pour ce secteur. Cependant, cette augmentation d’ensemble est très disparate selon les stations. Ces postes, très dépendants de l’offre d’hébergement déjà présente dans les stations pour la saison hivernale, se développent par l’ouverture de plus en plus fréquente de ces hébergements également l’été. Ainsi, ils ont fortement progressé en volume dans les communes savoyardes de Montvalezan, en partie sur le domaine de la Rosière-Montvalezan, et de Bourg-Saint-Maurice, reliée à la station des Arcs. Cette hausse est moindre en volume mais forte en évolution dans les communes des Adrets, au cœur de la station de Prapoutel en Isère ou encore à Villarembert, village qui abrite la station 100 % piétonne du Corbier en Savoie, rattachée au domaine des Sybelles.

Dans la restauration, le nombre de postes supplémentaires (+1 800), inférieur à celui de l’hébergement, présente une évolution plus marquée (+29 %). Contrairement à l’hébergement, cette hausse est plutôt homogène entre les stations, supérieure à 6 % dans 93 % d’entre elles. Les postes de ce secteur ont particulièrement augmenté en volume dans les communes de Haute-Savoie de Morzine, au cœur du domaine des Portes du Soleil, et de Megève. Cette croissance est moindre en volume mais forte en évolution dans les communes d’Oz, située sur le domaine de l’Alpe d’Huez, en Isère, et d’Aillon-le-Jeune, appartenant à la station Les Aillons-Margériaz, en Savoie.

Les téléphériques et remontées mécaniques sont aujourd’hui plus utilisés en été, permettant, entre autres, de développer les activités de randonnée à pied et à vélo. Ainsi, ce secteur compte près de 850 postes supplémentaires, entre les pics d’été de 2018 et de 2022, soit une hausse de 23 %. Le développement de postes dans cette activité concerne les trois quarts des stations. Cette activité ne peut en effet s’exercer en été qu’à condition que les infrastructures existent et soient opérationnelles.

Le nombre de postes a particulièrement augmenté dans les stations dans lesquelles les intersaisons se sont développées, ces remontées pouvant également être mises en service pendant ces périodes. C’est le cas dans les communes de Chamrousse, en Isère, des Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, ou encore de Notre-Dame-de-Bellecombe et de Praz-sur-Arly qui s’intègrent à l’Espace Diamant.

En revanche, dans quelques stations, le nombre de postes diminue, comme dans deux communes du domaine du Grand Massif, Arâches-la-Frasse et Samoëns (Haute-Savoie). Cette décroissance peut s’expliquer par un moindre besoin en personnel, après automatisation des équipements ou par une utilisation moins intensive de ces infrastructures.

Les activités de location d’articles de loisirs et de sport sont également plus présentes, avec près de 300 postes supplémentaires, soit une hausse de plus de 200 % par rapport à l’été 2018. Les postes de ce secteur ont particulièrement augmenté en volume dans la commune de Bourg-Saint-Maurice. Cet accroissement est moindre en volume mais fort en évolution dans les communes de Besse-et-Saint-Anastasie, appartenant à la station de Super-Besse dans le Puy-de-Dôme ou encore des Allues, située sur le domaine savoyard des Trois Vallées.

De même, les activités sportives, récréatives et de loisirs se développent, se traduisant par des postes supplémentaires de gardiens de refuge, d’encadrants rafting et VTT, d’agents de luge d’été, de vélorail… Ainsi, ce secteur compte plus de 250 postes supplémentaires entre les pics de 2018 et de 2022, soit une hausse de 14,5 %. Cette hausse est particulièrement marquée dans les communes savoyardes de Bourg-Saint-Maurice, de Valloire ou encore de Pralognan-la-Vanoise.

Enfin, le secteur comprenant entre autres les services d’assistance aux touristes, c’est-à-dire la fourniture d’informations ou les activités de guides touristiques, et les activités de promotion de tourisme, s’étend aussi, mais dans une moindre mesure. Il gagne 150 postes entre les pics de 2018 et 2022, soit une hausse de 15 %. Cette hausse est particulièrement marquée dans les communes de Savoie de Montricher-Albanne, qui dépend de la station des Karellis, des Avanchers-Valmorel appartenant au Grand Domaine ou encore de Villarodin-Bourget, située sur le domaine de La Norma.

Parmi les 80 stations de la région ayant une saison hivernale, la saison estivale ne se développe pas ou se rétracte dans 24 d’entre elles. Le schéma économique de ces communes est très différent. Dans certaines stations, le pic d’activité de l’été est quasiment équivalent voire supérieur à celui de l’hiver, comme au Mont-Dore dans le Puy-de-Dôme ou à Séez, située sur l’Espace International San Bernardo, un domaine skiable franco-italien. Dans ces stations, le développement de la saison estivale est sans doute antérieur à 2018 ou repose sur un site naturellement attractif l’été de par son positionnement : randonnée, patrimoine, gastronomie, potentiel thermal et bien-être…

Dans d’autres stations, au contraire, le pic d’activité estival est beaucoup moins élevé que celui de l’hiver, comme aux Deux Alpes, ou est quasiment inexistant, comme à Courchevel. Ces stations bénéficient certainement d’une saison hivernale très performante, liée à leur altitude moyenne élevée (supérieure à 1 900 m) ne nécessitant donc pas pour l’instant une transformation de leur modèle économique. Enfin, dans quelques stations, l’activité décroît tout au long de l’année comme dans la commune de Modane, dont dépend la station de Valfréjus, ou seulement l’été comme à La Léchère, au cœur du domaine nordique de Nâves dans la Tarentaise.