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Insee Flash Hauts-de-France · Mars 2025 · n° 166
Insee Flash Hauts-de-FranceLes femmes les plus diplômées davantage exposées au déclassement professionnel

Mickaël Bréfort, Morgan Dandois (Insee)

En 2021, dans les Hauts-de-France, 204 800 salariées âgées de 15 à 64 ans ont un diplôme de niveau supérieur à celui le plus fréquemment constaté dans leur catégorie socioprofessionnelle. Ainsi 21 % des salariées se trouvent en situation de déclassement professionnel. Les femmes sont moins concernées par ce phénomène que les hommes chez qui ce taux atteint 23 %. Néanmoins, plus leur niveau de diplôme augmente, plus elles sont exposées au déclassement professionnel. Elles le sont davantage que les hommes chez les titulaires d’un diplôme de niveau au moins égal à bac +5. Cet écart puise une partie de ses origines dans les choix d’orientation scolaire différenciés des garçons et des filles dès le plus jeune âge.

Insee Flash Hauts-de-France
No 166
Paru le :Paru le06/03/2025

Une salariée sur cinq en situation de déclassement professionnel

Dans un contexte où le diplôme est déterminant pour accéder à l’emploi, la concurrence sur le marché du travail amène une partie des salariés à accepter un poste pour lequel ils apparaissent surdiplômés, au regard du niveau de diplôme le plus courant. Cette situation qualifiée de concerne, dans les Hauts-de-France, 21 % des salariées âgées de 15 à 64 ans en 2021 contre 23 % des hommes (22 % pour les femmes comme pour les hommes en France hors Mayotte). Ce résultat masque cependant des disparités importantes selon le niveau de diplôme.

Les femmes sont moins souvent déclassées, surtout à faible niveau de diplôme

L’écart en matière de déclassement professionnel entre hommes et femmes s’observe surtout parmi les salariés peu diplômés. Dans les Hauts-de-France, les hommes titulaires d’un diplôme de niveau baccalauréat sont en effet deux fois plus souvent déclassés que les femmes (50 % contre 24 %) (figure 1). Cette forte différence s’explique par la surreprésentation des ouvriers chez les hommes, avec 4 ouvriers sur 10 hommes salariés, contre 1 sur 10 chez les femmes salariées. Or, ce niveau de poste recrute aujourd’hui davantage au niveau bac voire bac +2, ce qui provoque un déclassement important, notamment pour les jeunes générations. Parmi les ouvriers qualifiés, les hommes, qui représentent 88 % des salariés, sont ainsi déclassés dans près d’un cas sur trois (32 %) (figure 2).

Figure 1Répartition des salariés et part des déclassés selon le sexe et le niveau de diplôme dans les Hauts-de-France en 2021

(en %)
Répartition des salariés et part des déclassés selon le sexe et le niveau de diplôme dans les Hauts-de-France en 2021 ((en %) ) - Lecture : En 2021, dans les Hauts-de-France, 17 % des salariées ont un niveau de diplôme équivalent à Bac +2. Parmi celles-ci, 29 % sont déclassées.
Niveau de diplôme Part des salariés – Hommes Part des salariés – Femmes Part des déclassés – Hommes Part des déclassés – Femmes
Sans diplôme 15 12 /// ///
CAP, BEP 29 20 /// ///
Bac 22 23 50 24
Bac +2 14 17 35 29
Bac +3 +4 9 15 45 35
Bac +5 ou + 11 12 26 44
  • /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
  • Note : Les salariés sans diplôme ou titulaire d’un BEP / CAP ne peuvent être .
  • Lecture : En 2021, dans les Hauts-de-France, 17 % des salariées ont un niveau de diplôme équivalent à Bac +2. Parmi celles-ci, 29 % sont déclassées.
  • Champ : Salariés de 15 à 64 ans ne poursuivant pas d’études.
  • Source : Insee, recensement de la population 2021.

Figure 1Répartition des salariés et part des déclassés selon le sexe et le niveau de diplôme dans les Hauts-de-France en 2021

(en %)
  • /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
  • Note : Les salariés sans diplôme ou titulaire d’un BEP / CAP ne peuvent être .
  • Lecture : En 2021, dans les Hauts-de-France, 17 % des salariées ont un niveau de diplôme équivalent à Bac +2. Parmi celles-ci, 29 % sont déclassées.
  • Champ : Salariés de 15 à 64 ans ne poursuivant pas d’études.
  • Source : Insee, recensement de la population 2021.

Le déclassement est plus fréquent pour les femmes titulaires d’un diplôme au moins égal à baccalauréat +5

Dans la région comme au niveau national, les femmes sont plus souvent diplômées du supérieur que les hommes. En effet, 44 % des salariées âgées de 15 à 64 ans ont un diplôme de niveau au moins équivalent à bac +2, soit une part supérieure de 10 points à celle des hommes. Contrairement aux hommes, la part des femmes déclassées croît avec le niveau de diplôme. À partir du niveau bac +5, les situations de déclassement deviennent plus fréquentes chez les femmes : elles concernent 44 % des salariées titulaires a minima d’un diplôme de niveau baccalauréat +5, contre 26 % de leurs homologues masculins.

Cet écart s’explique en partie par la sous-représentation des femmes parmi les cadres, catégorie par définition exclue du déclassement. En 2021, seules 13 % d’entre elles occupent un poste de cadre contre 17 % des hommes (figure 2).

Par ailleurs, les femmes représentent la grande majorité des « professions intermédiaires de l’enseignement » (71 %) dont font partie les professeurs des écoles. Or, depuis 2010, un diplôme de niveau bac +5 (master) est nécessaire pour passer le concours externe de professeur du primaire et du secondaire. Une partie des femmes salariées titulaires d’un master dans l’enseignement sont ainsi considérées en déclassement professionnel alors qu’elles répondent aux exigences nouvelles pour exercer ce métier.

Figure 2Part des salariés et des déclassés selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle dans les Hauts-de-France en 2021

(en %)
Part des salariés et des déclassés selon le sexe et la catégorie socio-professionnelle dans les Hauts-de-France en 2021 ((en %)) - Lecture : Les femmes occupent 71 % des professions intermédiaires de l’enseignement. Cette catégorie socio-professionnelle représente 6 % des emplois totaux chez les salariées.
Catégorie socioprofessionnelle (CS) Diplôme le plus courant Part de la CS dans l’emploi salarié Part des femmes dans la CS Taux de déclassement
Hommes Femmes Hommes Femmes
Cadres Cadres administratifs et commerciaux d'entreprise Bac +5 et plus 5 4 45 /// ///
Ingénieurs et cadres techniques d'entreprise Bac +5 et plus 7 2 21 /// ///
Prof. intellectuelles, libérales et artistiques Bac +5 et plus 3 5 56 /// ///
Cadres de la fonction publique Bac +5 et plus 2 2 50 /// ///
Professions Intermédiaires Prof. intermédiaires de l'enseignement Bac +3 / 4 2 6 71 21 32
Prof. intermédiaires de la santé, de la fonction publique et assimilés Bac +3 / 4 4 13 75 10 7
Prof. inter. admin. et com. des entreprises Bac +2 7 10 57 24 30
Techniciens Bac +2 8 2 16 16 34
Contremaîtres, agents de maîtrise CAP / BEP 4 1 13 54 68
Employés Employés de la fonction publique CAP / BEP - BAC 9 18 66 19 20
Personnels des services directs aux particuliers CAP / BEP 2 12 87 44 36
Employés administratifs d'entreprise Bac – Bac +2 3 10 76 24 17
Employés de commerce Bac 3 7 73 27 22
Ouvriers Ouvriers qualifiés CAP / BEP 27 4 12 32 39
Ouvriers non qualifiés Aucun diplôme – CAP / BEP 13 6 31 28 27
Ouvriers agricoles Aucun diplôme – CAP / BEP 1 0 27 35 39
Ensemble 100 100 49 23 21
  • Lecture : Les femmes occupent 71 % des professions intermédiaires de l’enseignement. Cette catégorie socio-professionnelle représente 6 % des emplois totaux chez les salariées.
  • Champ : Salariés de 15 à 64 ans ne poursuivant pas d’études.
  • Source : Insee, recensement de la population 2021.

Les orientations scolaires expliquent en partie les écarts de déclassement

La moindre présence des femmes parmi les cadres puise une partie de ses origines dans les choix d’orientation scolaires opérés dès le cursus secondaire, puis en études supérieures. En effet, les filles suivent moins fréquemment les formations des filières scientifiques et techniques, qui sont celles dont sont généralement issus les cadres.

Au lycée, les filles s’orientent davantage vers les filières littéraires, sociales et humaines et les garçons vers les filières scientifiques. Ainsi, 55 % des filles choisissent les mathématiques comme enseignement de spécialité en première générale en 2022 contre 74 % des garçons, tandis que 30 % d’entre elles optent pour les humanités, la littérature et la philosophie contre 9,1 % des garçons. Les différences sont tout aussi marquées dans la voie professionnelle où les filles de la région ne représentent que 9,1 % des effectifs à la rentrée 2022 dans la filière du Baccalauréat Technologique Sciences et Technologies de l’Industrie et du Développement Durable (STI2D). En revanche, 80 % des élèves inscrits au Baccalauréat Technologique Sciences et Technologies de la Santé et du Social (ST2S) sont des filles. Le constat est similaire pour les études post baccalauréat. Par exemple, dans les universités, les filles constituent 70 % des inscrits en lettres et sciences humaines à la rentrée 2021-2022. À l’inverse, elles ne représentent qu’un tiers des inscrits dans les formations d’ingénieurs (figure 3). Cela a pour conséquence qu’elles sont peu présentes parmi les « ingénieurs et cadres techniques d’entreprises » dont les métiers nécessitent des connaissances scientifiques approfondies. Ils n’attirent en effet que 2 % des femmes salariées contre 7 % chez leurs homologues masculins.

Figure 3Part des filles et des garçons parmi les étudiants selon le domaine en 2021-2022 dans les Hauts-de-France

(en %)
Part des filles et des garçons parmi les étudiants selon le domaine en 2021-2022 dans les Hauts-de-France ((en %)) - Lecture : En 2021-2022, 70 % des inscrits en Lettres et Sciences humaines sont des filles.
Filière de l’étudiant Filles Garçons
Lettres, sciences humaines 69,8 30,2
Autres écoles et formation 69,5 30,5
Droit 67,8 32,2
Santé 64,6 35,4
Ensemble de l’université et IUT 57,1 42,9
Economie, AES 52,6 47,4
Ecoles de commerce, gestion, vente 51,9 48,1
DUT/BUT Services 47,4 52,6
STS 44,4 55,6
Sciences, STAPS 39,3 60,7
Classes préparatoires grandes écoles 39,1 60,9
Formations d’ingénieurs 33,1 66,9
DUT/BUT Production 24,2 75,8
  • Lecture : En 2021-2022, 70 % des inscrits en Lettres et Sciences humaines sont des filles.
  • Champ : Tous niveaux, Hauts-de-France.
  • Source : MESR, Système d’information sur le Suivi de l’Étudiant (SISE).

Figure 3Part des filles et des garçons parmi les étudiants selon le domaine en 2021-2022 dans les Hauts-de-France

  • Lecture : En 2021-2022, 70 % des inscrits en Lettres et Sciences humaines sont des filles.
  • Champ : Tous niveaux, Hauts-de-France.
  • Source : MESR, Système d’information sur le Suivi de l’Étudiant (SISE).
Publication rédigée par :Mickaël Bréfort, Morgan Dandois (Insee)

Définitions

Le déclassement professionnel est défini de manière statistique. Pour chaque catégorie socioprofessionnelle (CS), le niveau de diplôme des salariés le plus fréquemment observé à l’échelle nationale constitue la norme. Les salariés titulaires de diplômes supérieurs à cette norme sont considérés comme déclassés, les moins diplômés par rapport à cette norme sont surclassés.

Du fait de cette définition, les salariés sans diplôme ou titulaire d’un BEP/ CAP ne peuvent être déclassés car il n’existe aucune CS dans laquelle le niveau de diplôme le plus courant est inférieur. De la même manière, les cadres ne peuvent pas être déclassés, leur niveau de diplôme (« bac +5 au doctorat ») constituant la norme.

Pour en savoir plus

(1) « Un salarié sur cinq en situation de déclassement professionnel » Insee Analyses no 152, mars 2023.

(2) « Femmes et hommes, l’égalité en question » Insee référence, édition 2022.