Insee Analyses Normandie · Février 2025 · n° 138

Plus de 7 000 bacheliers normands sur 26 000 souhaitent poursuivre leurs études en dehors de la région

En 2022, 30 500 lycéens normands ont obtenu leur baccalauréat, soit un taux de réussite de 91,5 %. Parmi ces lauréats, 26 370 néo-bacheliers (pour comprendre), soit 4,6 % des néo-bacheliers de France, ont formulé des vœux sur Parcoursup (source), la plateforme nationale dédiée à l’inscription aux formations post-baccalauréat.

Avec 32 500 places dans l’enseignement supérieur (4,5 % de la capacité nationale), la Normandie propose une offre singularisée par une forte présence de Brevets de Technicien Supérieur (BTS) agricoles, maritimes, ou de production, mais aussi de Bachelors universitaires de technologie (BUT) et de diplômes du secteur sanitaire. En revanche, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les licences y sont moins nombreuses qu’ailleurs.

En Normandie, l’offre se concentre dans les pôles universitaires de Rouen (38 %), de Caen (31 %) et du Havre (13 %) qui regroupent plus de 80 % des places disponibles dans la région (figure 1). Si les zones d’emploi de Rouen et de Caen proposent aux néo-bacheliers une offre universitaire diversifiée, le Havre et Alençon en proposent une plus restreinte et spécialisée. Dans les secteurs de Cherbourg et Saint-Lô, l’offre est encore plus limitée et moyennement diversifiée. Les zones d’Évreux, de Lisieux, de l’Aigle et de Vire disposent essentiellement de formations en BTS. Dans les autres zones d’emploi, l’offre d’enseignement supérieur est très faible avec peu d’établissements et principalement des BTS. Dans ces territoires faiblement dotés en matière d’enseignement supérieur habitent pourtant près de 29 % des néo-bacheliers normands, soit deux fois plus qu’au niveau national (15 %). Ainsi, les néo-bacheliers normands sont proportionnellement moins nombreux dans les zones d’emploi présentant la plus grande diversité d’enseignement supérieur (40 % contre 47 % au national).

Les Normands récemment admis au baccalauréat se distinguent de l’ensemble des néo-bacheliers de France métropolitaine par une part plus faible de jeunes provenant des milieux familiaux les plus favorisés (36,5 % contre 41,1 %). Ils obtiennent aussi moins souvent des mentions « bien » ou « très bien (y compris avec félicitations du jury) » (32,0 % contre 33,9 % au niveau national). Les élèves des terminales générales de Normandie sont aussi moins enclins à choisir les spécialités scientifiques, et notamment les mathématiques [Dauphin, 2021 ; pour en savoir plus (4)]. Ces caractéristiques sont parfois liées entre elles et peuvent, avec l’offre existante, expliquer en partie les vœux et choix des candidats aux formations.

En Normandie, les néo-bacheliers formulent 26,5 % de leurs vœux pour des BTS et 14,6 % pour des BUT (figure 2 ; pour comprendre), soit un peu plus qu’au niveau national (respectivement 24,9 % et 12,7 %)[corrigé le 28/02/2025]. Les BTS de la production et les BUT des services sont particulièrement prisés par les Normands. À l’inverse, les CPGE (6,7 % des vœux contre 7,7 % au niveau national) et les écoles d’ingénieur ou de commerce suscitent un peu moins l’intérêt des jeunes Normands. Les licences PASS (Parcours d’Accès Spécifique Santé) sont aussi un peu moins demandées (2,7 % contre 4,3 % au niveau national).

Ce moindre attrait pour les filières plus sélectives concerne tous les jeunes Normands, y compris ceux issus de milieux favorisés ou très favorisés. Ils se tournent en effet davantage vers les formations courtes (BTS, BUT), au détriment des filières sélectives telles que les écoles de commerce (-1,0 point) et les CPGE (-1,2 point) ou bien de la licence PASS (-1,8 point).

À l’issue de la procédure de sélection par les établissements, les jeunes néo-bacheliers doivent ensuite accepter ou non leur vœu. Au terme de cette étape, les jeunes néo-bacheliers normands sont 20 % à confirmer leur inscription en BTS et 12 % en BUT. Ces parts sont inférieures à celles observées lors de la phase des vœux du fait d’un nombre de places limité, mais restent importantes, signe de l’attractivité de ces filières pour les Normands. A contrario, dans les filières les plus sélectives (CPGE, écoles de commerce et d’ingénieur, etc.), davantage prisées par les élèves ayant les meilleures notes, la part des inscriptions validées par les néo-bacheliers est plus élevée que la part des vœux. Les licences, souvent non sélectives, sont moins demandées avec 29 % des vœux formulés. Constituant une formation de report pour les néo-bacheliers n’ayant pas vu leurs autres vœux acceptés, elles atteignent 39 % des inscriptions confirmées par les jeunes.

Par rapport au niveau national, les jeunes Normands optent un peu moins pour les CPGE (8,7 % contre 10,0 %) et plus fréquemment pour une licence (33,3 % contre 31,5 %). Les jeunes Normandes favorisent plutôt les LAS (Licence Accès Santé, 5,5 % contre 4,2 %) et les BUT des services (8,9 % contre 7,3 %). Les néo-bacheliers normands issus de milieux défavorisés s’orientent autant, voire très légèrement plus qu’au niveau national, dans des filières telles que les BUT (+0,5 point) ou les CPGE (+0,3 point) mais un peu moins en licence PASS (-1,4 point), au profit des licences « classiques » (+0,7 point). Plus du quart des néo-bacheliers normands issus des milieux très favorisés accepte une proposition en CPGE, écoles de commerce ou d’ingénieur ou encore en licence PASS (contre 16 % de l’ensemble des Normands).

Près de 4 000 néo-bacheliers d’autres régions ont formulé un vœu pour une formation en Normandie (figure 3), soit 17,2 % de l’ensemble des demandes exprimées pour la région. La Normandie se situe pour ce taux à l’avant-dernier rang des régions métropolitaines, derrière les autres régions frontalières de l’Île-de-France et devant la Corse (15,2 %). Près des trois quarts des demandes proviennent des régions limitrophes telles que l’Île-de-France (21 %), la Bretagne, les Hauts-de-France et les Pays de la Loire (environ 15 % pour chacune de ces trois dernières régions). Près de 80 % des vœux visent une formation localisée dans les zones d’emploi de Rouen, de Caen et du Havre où l’offre est la plus diversifiée.

En parallèle, plus d’un quart des bacheliers normands a exprimé la volonté d’étudier hors de la région (7 100). La Normandie apparaît de ce point de vue au sixième rang des régions métropolitaines. À l’instar des demandes entrantes, les vœux visant à étudier en dehors de la Normandie se portent majoritairement vers les régions limitrophes, à l’exception de la région Centre-Val de Loire.

Le solde des vœux entrants et sortants est ainsi déficitaire de 3 100 néo-bacheliers, proche de celui observé en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Bourgogne-Franche-Comté (-3 000). Seule la région Centre-Val de Loire présente un solde déficitaire plus important (-4 600).

À l’issue des phases de propositions par les établissements puis d’acceptation par les candidats, la région Normandie apparaît finalement déficitaire de 1 400 néo-bacheliers (4 300 « sortants » pour 2 900 « entrants »). Si la plateforme Parcoursup privilégie les formations les plus proches, les bacheliers normands concrétisent moins souvent leurs vœux d’aller étudier dans une autre région : 39 % d’entre eux n’ont pas obtenu satisfaction contre 27 % des bacheliers originaires d’une autre région souhaitant étudier en Normandie. Les vœux acceptés par les bacheliers normands sortants de la région le sont principalement vers les régions limitrophes, comme lors de la phase des vœux. Les Hauts-de-France enregistrent 20 % des inscriptions de sortants alors que seules 16 % des demandes s’étaient portées vers ce territoire. A contrario, l’Île-de-France ne représente que 25 % des inscriptions alors que 29 % des vœux étaient formulés vers cette région, ce qui témoigne du caractère concurrentiel des formations franciliennes.

La structure des vœux exprimés par les candidats est différente selon qu’ils viennent étudier dans la région, ou en sortent pour aller chercher d’autres filières, ou encore choisissent de rester en Normandie pour leurs études supérieures.

En lien avec l’offre plus conséquente proposée dans la région, les bacheliers souhaitant venir étudier en Normandie demandent très souvent les BUT et les BTS. Cumulées avec les licences, ces formations représentent plus de la moitié des vœux formulés (figure 4). Les élèves entrants dans la région choisissent aussi plus souvent les diplômes d’État sanitaires que les Normands « stables », qui restent étudier dans leur région (8,0 % contre moins de 4,4 %). Les écoles d’ingénieur de la région attirent 8,2 % des bacheliers originaires d’autres régions. En proportion, ils sont cinq fois plus nombreux à formuler un vœu vers ces établissements que les élèves qui restent étudier en Normandie. D’autres formations très spécifiques bénéficient de cet attrait, comme Sciences Po, les écoles d’architecture, les diplômes d’art et de design ou ceux de comptabilité et gestion. Le nombre de demandes vers les écoles d’ingénieur, de commerce ou les établissements dispensant des formations spécifiques est ainsi réparti presque à parts égales entre les candidats normands et ceux venus d’une autre région.

Les néo-bacheliers qui expriment le vœu d’étudier en dehors de la région demandent principalement des licences (26,5 %), des BTS (19,6 %) ou des formations spécifiques (14,6 %). Les élèves sortants sont également attirés par les CPGE, avec près de 11 % d’entre eux qui souhaitent s’y orienter, contre seulement 5 % des bacheliers normands stables ou des entrants. Comptant pour 6,2 % des demandes, les écoles d’ingénieur sont aussi bien plus prisées par les élèves souhaitant quitter la Normandie que par ceux qui y restent (1,7 %).

Les bacheliers qui souhaitent rester étudier en Normandie demandent dans leur très grande majorité des filières « classiques » (licence, BTS et BUT). En cela, ils se distinguent nettement des étudiants entrants ou sortants. Pour ces jeunes Normands, les filières sanitaires et les CPGE représentent respectivement 6,0 % et 5,2 % de la demande. Les écoles d’ingénieur et de commerce de Normandie sont assez peu demandées par les Normands qui souhaitent rester dans la région. L’attrait bien plus marqué des bacheliers entrants et sortants pour ces filières sélectives est valable en Normandie comme dans toute la France métropolitaine. Le caractère sélectif, de même que la relative « rareté » de ces filières, conduit assez naturellement à des souhaits de mobilité plus importants des étudiants pour y accéder.

Les constats sont les mêmes lors de l’acceptation des vœux, même si les bacheliers mobiles, entrants ou sortants, sont moins nombreux dans les BTS et les autres formations que ne le suggérait l’expression de leurs vœux. Ils sont en revanche encore plus nombreux dans les écoles d’ingénieur et de commerce.

La moitié des néo-bacheliers qui acceptent une inscription pour entrer ou sortir de la région est issue de familles très favorisées (respectivement 50,2 % et 49,7 %) pour seulement un peu plus d’un bachelier stable sur trois (figure 5). Les élèves mobiles sont aussi plus souvent issus de la filière générale, soit 70 % des entrants et 77 % des sortants, contre 66 % pour les bacheliers stables. La mobilité géographique concerne également davantage les bons, voire les très bons élèves, puisque quatre entrants et près de cinq sortants sur dix ont obtenu une mention « bien » ou « très bien » à leur examen (respectivement 39 % et 49 %) contre un bachelier stable sur trois (32 %). Enfin, parmi les bacheliers mobiles, les jeunes femmes et les bacheliers « en avance » (avant 18 ans) sont très légèrement surreprésentés.

Parmi les néo-bacheliers normands qui valident une inscription en dehors de la Normandie, 47 % habitent dans une zone d'emploi avec une faible diversité de formations, alors que cette part n’est que de 40 % parmi l’ensemble des néo-bacheliers normands. La faiblesse de l’offre à proximité du lieu de résidence est probablement un critère dans le choix de la mobilité. Les deux tiers de ces Normands qui quittent la région se dirigent vers une zone d’emploi disposant d’une offre de formation plus large ailleurs en France.

Parmi les néo-bacheliers normands qui changent de zone d’emploi tout en restant dans la région, un sur deux provient de zones d’emploi disposant d’une très faible offre de formation, essentiellement des BTS. Pour pallier la faiblesse de l’offre locale, ces néo-bacheliers s’inscrivent dans les zones d’emploi de Rouen et Caen où l’offre de formation est plus abondante et diversifiée.