Insee Analyses Réunion ·
Décembre 2024 · n° 95
Plus d’entrées en BTS qu’ailleurs, peu de départs vers l’Hexagone Orientations et mobilités post-bac à La Réunion
À La Réunion, en 2022, les néo-bachelières et néo-bacheliers sont plus souvent diplômés des baccalauréats professionnel et technologique qu’ailleurs. Ils s’orientent donc davantage vers un BTS, en particulier pour ceux qui ont une mention au baccalauréat professionnel. Ces choix d’orientation sont liés à l’origine sociale des jeunes. Ainsi, les élèves les plus favorisés passent majoritairement un baccalauréat général puis choisissent davantage d’aller en médecine, en classe prépa ou encore en école d’ingénieur ou de commerce. Toutefois, à La Réunion, ces filières « prestigieuses » regroupent davantage d’élèves d’origine modeste. En outre, le choix des filières diffère plus qu’ailleurs entre les filles et les garçons.
Les élèves de La Réunion souhaitent moins souvent quitter leur région que dans des territoires comparables, c’est-à-dire des régions qui ne disposent pas d’une offre de formation de très grande taille. Ce sont surtout les élèves avec un baccalauréat professionnel ou technologique qui partent moins souvent qu’ailleurs. Les élèves de la série générale et ceux issus d’un environnement familial favorisé « sautent la mer » bien plus souvent. Quatre élèves sur cinq acceptent une proposition d’inscription à La Réunion pour leur première année dans le supérieur.
- En juillet 2022, 8 280 élèves acceptent une proposition d’admission dans Parcoursup
- Plus d’élèves issus d’un baccalauréat professionnel, en lien avec une origine sociale moins favorisée…
- … et davantage d’orientation vers les BTS qu’ailleurs
- La mention au baccalauréat professionnel : une clé d’accès au BTS
- À La Réunion, davantage d’élèves d’origine modeste dans les filières « prestigieuses »
- Des choix d’orientation plus genrés à La Réunion qu’ailleurs
- Moins de mobilité après le baccalauréat que dans des régions « comparables »
- Les élèves avec un baccalauréat professionnel ou technologique partent moins souvent que dans des régions « comparables »
- Quatre souhaits d’inscription sur cinq pour rester à La Réunion
- Encadré 1 – En juillet 2022, 85 % des élèves acceptent une proposition d’admission dans Parcoursup pour la rentrée suivante
- Encadré 2 – « Impératif de camaraderie » et « capital d’autochtonie », d’autres rouages des trajectoires post-bac à La Réunion
- Encadré 3 - Partenariat
En juillet 2022, 8 280 élèves acceptent une proposition d’admission dans Parcoursup
À La Réunion, 10 700 élèves obtiennent leur baccalauréat à la session 2022. Parmi eux, 9 700 avaient fait, en mars et avril 2022, une liste de demandes de formations pour poursuivre leurs études sur la plateforme Parcoursup (pour comprendre). En juillet 2022, à l’issue de la phase principale, parmi les élèves qui reçoivent une proposition d’admission, 8 280 l’acceptent : ils émettent alors un souhait d’inscription (pour comprendre) (encadré 1).
Plus d’élèves issus d’un baccalauréat professionnel, en lien avec une origine sociale moins favorisée…
En 2022, parmi les 8 280 néo-bachelières et néo-bacheliers de l’île qui acceptent une proposition d’admission, 20 % sont issus de la série professionnelle contre 12 % dans l’Hexagone. Ces écarts de parcours scolaire sont en partie liés au type de territoire : dans les zones rurales de l’Hexagone, l’orientation vers la voie professionnelle est aussi bien plus fréquente que dans les zones urbaines denses [Depp, 2021 ; Pour en savoir plus (4)].
La situation professionnelle et le niveau de formation des parents ont également un effet sur la scolarisation des enfants : le type de baccalauréat choisi, la mention obtenue, leur connaissance des filières post-bac et leurs aspirations. Ainsi, les élèves dont les parents sont ouvriers ou ne travaillent pas ont tendance à s’orienter vers des formations plus courtes. À La Réunion, parmi ces étudiantes et étudiants d’origine sociale (pour comprendre) défavorisée qui acceptent une proposition d’admission dans Parcoursup, 36 % passent un baccalauréat professionnel sur l’île.C’est cinq fois plus que les élèves d’origine favorisée. Dans l’Hexagone, cet écart est moins marqué. Par ailleurs, les élèves d’origine défavorisée sont bien plus nombreux à La Réunion, en lien avec une pauvreté plus importante.
Les élèves de La Réunion sont aussi plus souvent issus des séries technologiques au lycée : 25 % contre 20 % des jeunes vivant dans l’Hexagone.
… et davantage d’orientation vers les BTS qu’ailleurs
À La Réunion comme ailleurs, la plupart des souhaits d’inscription en brevet de technicien supérieur (BTS) concernent des élèves ayant un baccalauréat professionnel ou technologique. En effet, ces élèves sont prioritaires sur les places en BTS. Du fait d’une part plus importante d’élèves issus de ces baccalauréats, la demande de poursuite d’études en BTS est plus élevée qu’ailleurs. Les BTS font ainsi l’objet de 2 040 souhaits d’inscription en juillet 2022, soit 25 % des souhaits, contre 19 % dans l’Hexagone (figure 1).
tableauFigure 1 – Souhaits d’inscription par filière, par baccalauréat et origine sociale en 2022
Filière | Baccalauréat général (en nombre) | Baccalauréat professionnel (en nombre) | Baccalauréat technologique (en nombre) | Origine favorisée ou très favorisée (en %) |
---|---|---|---|---|
BTS | 229 | 935 | 871 | 21,1 |
Autres formations | 260 | 299 | 154 | 32,8 |
DE sanitaire ou social | 140 | 36 | 101 | 33,6 |
Licences | 2 569 | 359 | 647 | 35,7 |
BUT | 210 | 12 | 210 | 35,9 |
Médecine (PASS) | 429 | 16 | 44 | 53,4 |
CPGE | 464 | 0 | 49 | 64,5 |
École d’ingénieur ou de commerce | 220 | 0 | 21 | 71,0 |
- Lecture : À La Réunion, 2 040 élèves acceptent une proposition d’admission en BTS. Parmi eux, 230 ont obtenu un baccalauréat général, 940 un baccalauréat professionnel et 870 un baccalauréat technologique (échelle de gauche). Parmi ces élèves de BTS, 21 % ont une origine sociale favorisée ou très favorisée (échelle de droite).
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
graphiqueFigure 1 – Souhaits d’inscription par filière, par baccalauréat et origine sociale en 2022

- Lecture : À La Réunion, 2 040 élèves acceptent une proposition d’admission en BTS. Parmi eux, 230 ont obtenu un baccalauréat général, 940 un baccalauréat professionnel et 870 un baccalauréat technologique (échelle de gauche). Parmi ces élèves de BTS, 21 % ont une origine sociale favorisée ou très favorisée (échelle de droite).
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
Pourtant, l’offre de formation en BTS est plus réduite sur l’île. Parmi les 13 440 places proposées à La Réunion dans Parcoursup, 2 500 concernent des BTS, soit 19 % de l’offre, contre 22 % dans l’Hexagone. Ces places de BTS sont localisées dans les lycées, dispersés sur une large partie du territoire. Elles permettent aux élèves de rester à proximité de leur domicile familial et de limiter les coûts liés à la poursuite d’études. En particulier, les lycées professionnels réunionnais proposent souvent des places en BTS, en lien avec la politique d’encouragement à la poursuite d’études post-baccalauréat professionnel.
Sur l’île, les BTS sont donc davantage pourvus qu’ailleurs du fait d’une demande plus forte et d’un nombre réduit de places. Ainsi, en juillet 2022, 1 830 élèves ayant passé leur baccalauréat sur l’île valident un souhait d’inscription sur une des 2 500 places proposées en BTS à La Réunion, soit un ratio de 73 %, contre 51 % dans l’Hexagone. Ce ratio est tout aussi élevé pour les 1 710 places proposées en BTS services (75 %) que pour les 650 places en BTS production (79 %). Cela ne signifie pas qu’il reste des places vacantes dans ces BTS. En effet, certaines places sont attribuées aux élèves redoublants ou en réorientation mais aussi à des élèves venant d’autres régions.
Par ailleurs, les élèves en BTS, souvent issus d’un baccalauréat professionnel ou technologique, viennent rarement d’un milieu familial favorisé : c’est le cas de seulement 21 % des élèves de BTS.
La mention au baccalauréat professionnel : une clé d’accès au BTS
La mention au baccalauréat influence également les inscriptions en 1ère année d’études supérieures. Ainsi, 67 % des élèves ayant obtenu une mention au baccalauréat professionnel formulent un souhait d’inscription dans un BTS de La Réunion ou de l’Hexagone. C’est deux fois plus que ceux qui n’ont pas obtenu de mention (35 %). Ces derniers émettent plus souvent un souhait d’inscription en licences, hors première année de médecine (38 %). Cet effet de la mention sur l’orientation des élèves est aussi marqué pour les séries technologiques. Leurs meilleurs élèves s’orientent vers les bachelors universitaires de technologie (BUT) ainsi que vers les diplômes d’État des secteurs sanitaire et social (institut de formation en soins infirmiers – IFSI, par exemple). Ainsi, 26 % des élèves ayant obtenu un baccalauréat technologique avec une mention s’orientent vers ces filières, contre seulement 5 % des élèves sans mention. En revanche, le choix d’un BTS dépend peu de la mention obtenue au baccalauréat technologique (40 % des jeunes avec mention contre 43 % sans mention). Mais tout comme les élèves ayant obtenu leur baccalauréat professionnel sans mention, les diplômés du baccalauréat technologique sans mention acceptent plus souvent une proposition d’inscription en licence, hors médecine (42 %).
L’Université apparaît alors comme une alternative pour certains de ces jeunes. Ainsi, l’Université de La Réunion accueille bien plus souvent des élèves issus d’un baccalauréat professionnel ou technologique. C’est le cas de 920 des 2 850 jeunes Réunionnais qui souhaitent s’inscrire en licence, hors médecine, soit 32 % à La Réunion, contre 13 % dans l’Hexagone.
En outre, les places offertes par l’Université à La Réunion, concentrées sur les campus du Moufia à Saint-Denis et sur celui du Tampon, sont bien plus nombreuses que la demande. En effet, 2 850 élèves de l’île valident un souhait d’inscription sur une des 7 990 places offertes en licence, hors médecine, soit un ratio de 36 %. Cette part est bien plus élevée dans l’Hexagone (57 %). L’écart est particulièrement important pour la licence d’économie-gestion où 27 % des 1 890 places font l’objet d’un souhait d’inscription validé à La Réunion, contre 58 % dans l’Hexagone. Il en est de même pour les licences de droit-sciences politiques, de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ou encore de sciences-technologies-santé. Les licences permettant un parcours en médecine offrent elles aussi davantage de places à La Réunion que dans l’Hexagone, que ce soit les licences parcours d’accès spécifique santé (PASS) ou les licences option accès santé (LAS).
À La Réunion, davantage d’élèves d’origine modeste dans les filières « prestigieuses »
Au-delà des choix d’orientation au lycée, l’origine sociale intervient aussi largement dans la réussite scolaire. Parmi les 8 280 élèves réunionnais qui émettent un souhait d’inscription dans Parcoursup, 75 % de ceux d’origine sociale favorisée ou très favorisée ont une mention au baccalauréat, contre 57 % de ceux d’origine défavorisée. Les filières « prestigieuses » telles que la médecine, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les écoles d’ingénieurs ou de commerce recrutent sur dossier : elles sont ainsi davantage accessibles aux étudiantes et étudiants qui ont une mention au baccalauréat et qui ont donc plus souvent une origine sociale favorisée.
Néanmoins, à La Réunion tout comme aux Antilles, la part d’élèves d’origine sociale modeste est plus importante que dans l’Hexagone dans ces filières « prestigieuses ». Cela s’explique en partie par des dispositifs qui visent à élever l’ambition des élèves, tels que les bourses, les aides à la mobilité, les cordées de la réussite. Par exemple, à La Réunion, 35 % des élèves qui valident une proposition d’admission en classe prépa sont d’origine défavorisée ou moyenne, contre 20 % dans l’Hexagone. En médecine, 47 % des élèves sont d’origine défavorisée ou moyenne, contre 29 % dans l’Hexagone.
Sur l’île comme ailleurs, les élèves qui s’orientent vers la médecine, les classes prépas et les écoles d’ingénieurs ou de commerce proviennent principalement d’une terminale générale, une voie adaptée à la poursuite d’études, notamment de ce type, plutôt qu’à une insertion professionnelle rapide.
Des choix d’orientation plus genrés à La Réunion qu’ailleurs
Dans les filières « prestigieuses », à origine sociale identique, filles et garçons ne choisissent pas les mêmes orientations, ce qui reflète des choix différents d’options dès le lycée. Ainsi, à La Réunion, 78 % des élèves ayant formulé un souhait d’inscription en classe préparatoire littéraire sont des filles alors qu’elles ne sont que 29 % pour les classes préparatoires scientifiques et les formations aux écoles d’ingénieur, des choix un peu plus genrés qu’ailleurs (figure 2).
Les filles sont aussi plus nombreuses qu’ailleurs à faire le choix d’un BUT et d’un BTS Services. Parmi les 1 410 souhaits d’inscription en BTS services, 62 % sont émis par des filles à La Réunion, contre 56 % dans l’Hexagone et 57 % aux Antilles. À l’inverse, les filles restent peu nombreuses dans les BTS et BUT Production, à La Réunion comme ailleurs. Parmi les 570 souhaits d’inscription en BTS Production, seuls 11 % sont émis par des filles à La Réunion, contre 14 % dans l’Hexagone ou aux Antilles.
À l’Université, les choix des filles et des garçons diffèrent également : la licence économie-gestion attire 59 % de filles contre 48 % dans l’Hexagone et 47 % aux Antilles. À l’inverse, les filles sont encore moins représentées qu’ailleurs en STAPS : 20 % contre 31 % dans l’Hexagone et 25 % aux Antilles.
tableauFigure 2 – Domaines d’études des élèves selon le sexe et l’origine sociale en 2022
Filière | Part d’élèves d’origine sociale favorisée ou très favorisée (en %) | Part de filles (en %) | Total discipline (en nombre) |
---|---|---|---|
Arts- lettres- langues | 38,5 | 75,0 | 657 |
Autres formations | 32,8 | 55,7 | 713 |
BTS – Agricole, maritime | 42,1 | 36,8 | 57 |
BTS - Production | 23,3 | 10,6 | 566 |
BTS - Services | 19,3 | 62,1 | 1 412 |
BUT - Production | 45,1 | 23,0 | 204 |
BUT - Service | 27,6 | 66,2 | 228 |
Classe préparatoire littéraire | 72,9 | 77,6 | 107 |
Classe préparatoire scientifique | 63,3 | 28,8 | 281 |
Classe préparatoire économique et commerciale | 60,0 | 60,8 | 125 |
DE sanitaire ou social | 33,6 | 89,2 | 277 |
Droit, Sciences politiques | 38,6 | 73,7 | 544 |
Économie, gestion | 21,0 | 58,8 | 614 |
Formation des écoles de commerce et de management | 75,0 | 47,2 | 108 |
Formations des écoles d'ingénieurs | 67,7 | 27,8 | 133 |
Médecine (PASS) | 53,4 | 66,9 | 489 |
STAPS | 44,3 | 20,3 | 458 |
Sciences - technologies – santé | 36,4 | 48,7 | 563 |
Sciences humaines et sociales | 37,3 | 68,3 | 739 |
- Note : La surface des cercles est proportionnelle au nombre de vœux acceptés dans la filière associée. Les lignes pointillées indiquent les proportions moyennes parmi l’ensemble des élèves.
- Lecture : À La Réunion, 570 élèves ont accepté une proposition d’admission en BTS Production. 11 % d’entre eux sont des filles et 23 % sont d’origine sociale favorisée ou très favorisée.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
graphiqueFigure 2 – Domaines d’études des élèves selon le sexe et l’origine sociale en 2022

- Note : La surface des cercles est proportionnelle au nombre de vœux acceptés dans la filière associée. Les lignes pointillées indiquent les proportions moyennes parmi l’ensemble des élèves.
- Lecture : À La Réunion, 570 élèves ont accepté une proposition d’admission en BTS Production. 11 % d’entre eux sont des filles et 23 % sont d’origine sociale favorisée ou très favorisée.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
Moins de mobilité après le baccalauréat que dans des régions « comparables »
Parmi les 8 280 élèves de La Réunion qui ont validé un souhait d’inscription en phase principale sur Parcoursup, 1 540 l’ont fait pour une formation dans l’Hexagone, soit 19 % d’entre eux (figure 3). Les jeunes de La Réunion sont parmi ceux qui quittent le moins leur région après le baccalauréat (encadré 2). Dans d’autres régions, les jeunes ont une propension plus faible encore au départ (de 10 % à 17 %) : l’Île-de France, les Hauts-de-France, le Grand-Est, l’Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie. Ces dernières disposent en effet d’une offre de formation très importante permettant davantage à leurs jeunes d’y rester pour poursuivre leurs études. Parmi les régions qui, comme La Réunion, ne disposent pas d’une telle offre de formation, seule la Normandie est dans une situation proche avec 20 % de souhaits d’inscription hors de la région. En revanche, en Guadeloupe et Martinique, Guyane, Corse, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne- Franche-Comté, les mobilités sont plus fréquentes qu’à La Réunion.
En particulier, les jeunes des Antilles valident plus souvent un souhait d’inscription hors de leur île : 26 % en Guadeloupe et 29 % en Martinique. En effet, l’Université des Antilles est organisée autour d’une plus grande offre de formations scientifiques et techniques en Guadeloupe, tandis que la Martinique propose plutôt des places en sciences humaines, en droit et en lettres. Si la filière souhaitée est sur l’île voisine, ces jeunes des Antilles doivent donc quitter leur île et sont donc peut-être plus enclins à envisager de « sauter la mer » pour aller dans l’Hexagone. Par ailleurs, plus souvent que leurs homologues de La Réunion, les jeunes Antillais disposent d’un réseau familial ou amical déjà installé dans l’Hexagone, notamment en région parisienne [Demougeot et al., 2021 ; Pour en savoir plus (3)].
Cette moindre mobilité pourrait aussi s’expliquer par une offre de formation plus diversifiée qu’ailleurs : quinze communes accueillent des formations post-bac sur l’île, et l’université dispose d’un grand pôle dans le Nord et d’un pôle secondaire dans le Sud.
tableauFigure 3 – Mobilités dans et en dehors de la région en 2022
Région | Proportion de sortie de la région | Proportion de sortie à l’intérieur de la région |
---|---|---|
Auvergne-Rhône-Alpes | 14,2 | 42,6 |
Bourgogne-Franche-Comté | 25,5 | 42,8 |
Bretagne | 19,8 | 45,3 |
Centre-Val de Loire | 34,6 | 32,2 |
Corse | 34,9 | 49,1 |
Grand Est | 12,2 | 44,4 |
Guadeloupe | 26,5 | 29,5 |
Guyane | 32,9 | 20,1 |
Hauts-de-France | 11,0 | 48,2 |
La Réunion | 18,7 | 37,8 |
Martinique | 28,9 | 38,4 |
Normandie | 20,4 | 38,2 |
Nouvelle-Aquitaine | 22,5 | 41,6 |
Occitanie | 17,4 | 39,7 |
Pays de la Loire | 23,6 | 38,7 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 19,8 | 40,3 |
Île-de-France | 10,4 | 37,1 |
France entière | 17,5 | 40,3 |
- Note : Les lignes pointillées indiquent les proportions moyennes nationales.
- Lecture : Parmi les élèves de La Réunion, 19 % acceptent une proposition d’admission hors de la région et 38 % changent de zone à l’intérieur de l’île. Pour Mayotte, la proportion d’élèves qui souhaitent quitter la région est de 68 %.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
graphiqueFigure 3 – Mobilités dans et en dehors de la région en 2022

- Note : Les lignes pointillées indiquent les proportions moyennes nationales.
- Lecture : Parmi les élèves de La Réunion, 19 % acceptent une proposition d’admission hors de la région et 38 % changent de zone à l’intérieur de l’île. Pour Mayotte, la proportion d’élèves qui souhaitent quitter la région est de 68 %.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
Les élèves avec un baccalauréat professionnel ou technologique partent moins souvent que dans des régions « comparables »
À La Réunion, seulement 8 % des élèves avec un baccalauréat professionnel valident un souhait les amenant à quitter l’île, et 12 % avec un baccalauréat technologique. C’est la quatrième région où ces élèves partent le moins, après l’Île-de France, les Hauts-de-France et le Grand-Est. Même à mention, origine sociale et sexe identiques, ces élèves souhaitent moins souvent quitter l’île que dans des régions comparables, c’est-à-dire qui ne disposent pas d’une offre de formation de très grande taille (Antilles, Guyane, Corse, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie). Aux Antilles, 14 % des élèves de baccalauréat professionnel acceptent une proposition d’admission en dehors de leur île et 20 % des élèves de baccalauréat technologique.
Comme ailleurs, ce sont surtout les élèves issus d’un environnement familial favorisé ou très favorisé qui « sautent la mer » : 28 % de ces élèves acceptent une proposition en dehors de l’île. Ces souhaits plus importants pour quitter l’île sont en lien avec leur orientation au lycée, plus fréquente en voie générale : 26 % des élèves issus d’un baccalauréat général valident une proposition dans un établissement de l’Hexagone. Néanmoins, parmi les élèves ayant un baccalauréat général, à mention et sexe identiques, ceux ayant une origine sociale favorisée ou très favorisée ont tout de même plus de chances de quitter la région que les élèves d’origine défavorisée.
Quatre souhaits d’inscription sur cinq pour rester à La Réunion
En juillet 2022, à l’issue de la phase principale de Parcoursup, 6 730 élèves valident un souhait d’inscription sur l’île pour étudier en première année dans le supérieur, soit quatre élèves sur cinq. Parmi eux, 3 130 restent à La Réunion mais changent de zone : 2 030 s’orientent vers une formation située dans le Nord de l’île, dont 1 370 pour suivre une première année de licence à l’Université (y compris médecine) et 780 dans le Sud (dont 542 en licences et 140 en BUT) (figure 4).
Cette mobilité à l’intérieur de la région est plus faible qu’ailleurs : elle concerne 38 % des 8 280 élèves de l’île qui émettent un souhait d’inscription, contre 42 % en moyenne dans les régions de l’Hexagone hors Île-de-France. En particulier, elle est proche de celle de la Martinique mais plus élevée que celle de Guadeloupe (29 %) et plus faible que celle de Corse (48 %). Ces différences de mobilité infra-régionale s’expliquent en partie par la répartition des pôles universitaires et la diversité des offres de formation. En Corse par exemple, l’Université est située au centre de l’île, loin des pôles urbains.
Par ailleurs, 3 600 élèves de La Réunion acceptent une proposition d’admission leur permettant de rester étudier dans leur zone de résidence, soit 43 % des élèves ayant formulé un souhait d’inscription. L’offre de formations post-bac étant restreinte dans l’Est et dans l’Ouest, ils ne sont que 17 % à y rester, alors qu’ils sont 59 % dans le Sud et 63 % dans le Nord. Les filles choisissent plus souvent que les garçons une formation dans une autre zone que celle où elles résidaient l’année du baccalauréat.
Les arrivées sur l’île sont peu nombreuses. Sur les 720 jeunes qui viennent étudier en première année sur l’île, 500 sont originaires de Mayotte et s’orientent principalement vers une licence.
tableauNombre d’élèves non mobiles et flux d’élèves mobiles en 2022
Zone d’emploi de départ | Zone d’emploi d’arrivée | Flux d’étudiantes et d’étudiants | Flux d’étudiantes et d’étudiants pour les filières non universitaires |
---|---|---|---|
L’Est | L’Ouest | 35 | 22 |
L’Est | Le Nord | 722 | 179 |
L’Est | Le Sud | 193 | 88 |
L’Ouest | L’Est | 28 | 28 |
L’Ouest | Le Nord | 747 | 197 |
L’Ouest | Le Sud | 395 | 152 |
Le Nord | L’Est | 71 | 68 |
Le Nord | L’Ouest | 58 | 39 |
Le Nord | Le Sud | 193 | 78 |
Le Sud | L’Est | 40 | 38 |
Le Sud | L’Ouest | 91 | 48 |
Le Sud | Le Nord | 556 | 150 |
L'Est | L'Est | 243 | 224 |
L'Ouest | L'Ouest | 326 | 282 |
Le Nord | Le Nord | 1 313 | 458 |
Le Sud | Le Sud | 1 720 | 771 |
- Lecture : À La Réunion, en 2022, parmi les élèves qui ont passé leur baccalauréat dans le Nord de l’île, 1 310 acceptent une proposition d’admission pour rester dans cette zone et 190 pour étudier dans le Sud.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
graphiqueNombre d’élèves non mobiles et flux d’élèves mobiles en 2022

- Lecture : À La Réunion, en 2022, parmi les élèves qui ont passé leur baccalauréat dans le Nord de l’île, 1 310 acceptent une proposition d’admission pour rester dans cette zone et 190 pour étudier dans le Sud.
- Champ : Néo-bacheliers et néo-bachelières qui acceptent une proposition d’admission dans l’enseignement supérieur, hors apprentissage.
- Source : MESRI-SIES, Parcoursup 2022.
Encadré 1 – En juillet 2022, 85 % des élèves acceptent une proposition d’admission dans Parcoursup pour la rentrée suivante
À l’issue de la phase principale, 8 280 élèves valident un souhait d’inscription à La Réunion soit 85 % des inscrits sur la plateforme Parcoursup. Cette part est plus élevée que dans l’Hexagone (80 %) ou qu’aux Antilles (82 %). Pour les 15 % d’élèves n’ayant pas validé de souhait d’inscription, la situation peut être l’une des suivantes : soit ils ne sont admis dans aucune des formations demandées, soit ils attendent la phase complémentaire pour formuler un souhait d’inscription, soit ils ont quitté la plateforme. Quitter Parcoursup ne signifie pas qu’une poursuite d’études n’est pas envisagée. En effet, une minorité d’élèves s’inscrivent dans l’enseignement supérieur sans passer par la plateforme. C’est fréquemment le cas pour les poursuites d’études en apprentissage : à la rentrée 2022, 310 jeunes débutent une formation de l’enseignement supérieur en apprentissage, dont 80 dans l’Hexagone.
Au total, parmi les 10 700 élèves qui obtiennent leur diplôme du baccalauréat à La Réunion en 2022, 73 % sont effectivement inscrits dans un établissement du supérieur à la rentrée 2022, soit à La Réunion soit dans l’Hexagone. Les écarts sont importants selon la série du baccalauréat. Seuls 43 % des élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel sont inscrits dans un établissement de l’enseignement supérieur à la rentrée qui suit, contre 75 % après un baccalauréat technologique et 91 % après un baccalauréat général.
Encadré 2 – « Impératif de camaraderie » et « capital d’autochtonie », d’autres rouages des trajectoires post-bac à La Réunion
À La Réunion, en écho aux inégalités économiques plus marquées qu’ailleurs, les écarts scolaires sont particulièrement importants dès l’entrée en sixième entre les élèves les plus favorisés et les moins favorisés. Ils se confirment en seconde et impactent les trajectoires des élèves à la sortie du lycée.
Dans les établissements qui regroupent majoritairement des élèves d’origines sociales défavorisées, les élèves issus d’un milieu familial désavantagé sont les plus susceptibles de reproduire les trajectoires scolaires de leur famille et de leur entourage [Palheta, 2012 ; Pour en savoir plus (6)]. Ils vont aussi avoir davantage tendance à cadrer leurs aspirations scolaires sur celles de leurs camarades de classe, liant leurs choix post-bac à un « impératif de camaraderie » [Orange, 2013 ; Pour en savoir plus (5)]. Ces mêmes élèves de milieu défavorisé vont aussi davantage revoir leurs aspirations à la hausse en étant scolarisés dans un établissement avec plus de mixité sociale ou en fréquentant des proches ou des camarades qui sont en réussite scolaire ou en ascension sociale grâce à l’école.
Les trajectoires post-bac locales sont aussi sujettes à la mobilisation d’un « capital d’autochtonie » [Retière, 2003 ; Pour en savoir plus (7)] : les élèves envisagent des meilleures chances de réussite scolaire et sociale en restant autour de leurs ancrages et repères sociaux et spatiaux sur l’île.
L’« impératif de camaraderie » et le « capital d’autochtonie » peuvent expliquer en partie que les jeunes Réunionnais restent davantage sur le territoire après l’obtention du baccalauréat.
Mathis Arthemise, doctorant en sociologie (Sorbonne & Ined) avec l’appui du Rectorat
Encadré 3 - Partenariat
Cette étude a été réalisée en partenariat entre l’Insee et le Rectorat de l’Académie de La Réunion.
Pour comprendre
Parcoursup est la plateforme web qui permet aux bachelières et bacheliers de candidater dans l’enseignement supérieur. Elle assure la transmission de leurs candidatures aux établissements de formation, l’envoi des propositions d’admission aux élèves, et récolte leurs réponses. Si l’élève accepte la proposition d’admission, la procédure d’appariement se termine, et il peut rejoindre cette formation à la rentrée : on parle alors de souhait d’inscription. L’inscription peut ne pas être effective : une part des élèves ayant accepté un vœu renoncent finalement à s’inscrire pour diverses raisons (choix d’un autre projet d’études hors Parcoursup, d’un projet professionnel, problème médical, etc.).
Le champ de cette étude est constitué des élèves néo-bacheliers ayant accepté un souhait d’inscription hors apprentissage via cette plateforme en juillet 2022, c’est-à-dire durant la « phase principale ». Les élèves n’ayant fait que des demandes en apprentissage ne sont pas intégrés dans le champ étudié, car certains organismes de formation proposant de l’apprentissage ne sont pas référencés sur la plateforme (même si c’est de plus en plus souvent le cas) et nécessitent une inscription hors Parcoursup.
D’autres filières de formation ne passent pas non plus par Parcoursup, notamment les formations à l’étranger. Les élèves en réorientation ne sont pas non plus pris en compte dans cette étude.
L’origine sociale des élèves est définie à partir de la catégorie socio-professionnelle la plus élevée parmi celles de chaque parent. Elle se divise en quatre groupes selon la typologie usuelle de la Ouvrir dans un nouvel ongletDepp.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.
(2) Bagot L., « Ouvrir dans un nouvel ongletParcoursup 2022 : La mobilité géographique des néo-bacheliers à l’entrée du supérieur », Note Flash du SIES no 15, septembre 2023.
(3) Demougeot L., Besson L., Thibault P., « Les natifs des Antilles, de Guyane et de Mayotte quittent souvent leur région natale, contrairement aux Réunionnais », Insee Première no 1853, avril 2021.
(4) Depp., « Ouvrir dans un nouvel ongletGéographie de l’école 2021 », Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, no 13, Édition 2021.
(5) Orange S., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’autre enseignement supérieur. Les BTS et la gestion des aspirations scolaires », PUF, coll. « Éducation et société », 2013.
(6) Palheta U., « Ouvrir dans un nouvel ongletLa domination scolaire : Sociologie de l’enseignement professionnel et de son public »,PUF, 2012.
(7) Retière J.-N., « Ouvrir dans un nouvel ongletAutour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix - Revue des sciences sociales du politique, 2003.