Insee Analyses Martinique · Novembre 2024 · n° 73

En Martinique les seniors sont plus souvent en emploi qu’en France métropolitaine

Sur la période 2021-2023, 46 % des seniors de 55 à 69 ans sont en emploi en Martinique. Ils le sont plus souvent que les seniors en France métropolitaine (42 %) (figure 1). Toutefois, des disparités existent selon l’âge : si le taux d’emploi des 55 à 59 ans est moins élevé en Martinique qu’en France hexagonale (-9 points) (figure 2), l’écart entre les deux territoires s’inverse pour les 60-64 ans. En effet, le taux d’emploi des seniors de cette tranche d’âge en Martinique est supérieur de 12 points à celui de leurs homologues métropolitains. Enfin, l’écart de taux d’emploi pour les 65-69 ans se réduit entre les deux territoires.

Ces différences traduisent des départs à la retraite plus tardifs en Martinique. Ceux-ci pourraient s’expliquer en partie par le poids de l’emploi public dans l’emploi total, plus élevé en Martinique (34 %) qu’en France métropolitaine (22 %). En effet, les salariés de la fonction publique en Outre-Mer perçoivent une majoration de traitement jusqu’à leur départ en retraite ce qui peut les inciter à prolonger leur carrière plus longtemps.

Parmi les 55-69 ans, en Martinique, le taux d’emploi des femmes (46 %) est comparable à celui des hommes (45 %). En revanche, en France métropolitaine les femmes de cette tranche d’âge sont moins souvent en emploi que leurs homologues masculins (41 % contre 44 %).

Des carrières moins souvent complètes (47 % des martiniquaises ont une carrière complète contre 49 % en France métropolitaine, [Bilionière, Salibekyan-Rosain, 2023 ; pour en savoir plus (2)] pourraient expliquer que les femmes de 55 à 69 ans en Martinique sont plus souvent en emploi que celles en France métropolitaine. Elles seraient ainsi incitées à retarder plus fréquemment leur départ à la retraite.

En moyenne, sur la période 2021-2023, 24 % des personnes de 55 à 69 ans en Martinique déclarent percevoir une pension de retraite (source), hors cumul emploi retraite. Cette part est de 19 points inférieure à celle en France métropolitaine.

En effet, la transition vers la retraite se fait plus tardivement en Martinique. Entre 60 et 64 ans, 46 % des seniors se déclarent être à la retraite en France métropolitaine, contre 15 % en Martinique, soit un écart de 31 points. Bien que la proportion de retraités augmente avec l’âge, l’écart entre les deux territoires reste élevé pour les seniors âgés de 65 à 69 ans (+20 points).

Ces départs en retraite plus tardifs peuvent traduire deux effets disctincts. D’une part les difficultés que certains travailleurs dans la région ont à justifier d’une carrière professionnelle pleine et bénéficier ainsi d’une retraite à taux plein. Ces difficultés pourraient être liées à une économie où l’emploi informel est répandu [Motch, Forgeot, 2011 ; pour en savoir plus (6)]. Certains ont pu exercer une activité professionnelle sans que le travail effectué n’ait été déclaré, ne générant pas de droits à la retraite. L’écart pourrait également s’expliquer par des parcours professionnels caractérisés par une alternance de périodes de chômage non indemnisées et de périodes d’emplois en Martinique. D’autre part le poids de la fonction publique et les incitations à prolonger les carrières expliquent aussi cette plus faible part de pensionnaires de retraite.

Sur la période 2021-2023, en moyenne, 38 % des seniors en emploi en Martinique sont peu ou pas diplômés contre 19 % en France métropolitaine (figure 3). Cette surreprésentation s’explique en partie par des facteurs structurels : les seniors en Martinique sont moins diplômés que dans l’Hexagone. En effet, 49 % des seniors en Martinique sont peu ou pas diplômés contre 28 % des seniors en France hexagonale. En outre, quel que soit l’âge, les peu ou pas diplômés en Martinique sont davantage concernés par le chômage au sens du BIT qu’en France hexagonale (16 % des 15 ans ou plus contre 13 % en 2023 [Chieze Devivier, Mével, 2024 ; pour en savoir plus (4)] et doivent donc travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

En lien avec un moindre niveau de diplôme, les seniors résidant en Martinique sont deux fois moins souvent des cadres qu’en France métropolitaine (12 % contre 23 %) et plus fréquemment des employés (36 % contre 27 %).

Par ailleurs, les seniors en emploi en Martinique sont plus nombreux dans le tertiaire non marchand qu’en France métropolitaine (43 % contre 34 %) et moins nombreux dans l’industrie (7 % en Martinique contre 13 % en France hexagonale). Ceci traduit aussi le fait que l’appareil productif martiniquais est moins orienté vers les secteurs de l’industrie et de la construction qu’en France hexagonale [Clarenc, 2023 ; pour en savoir plus (5)].

Sur la période 2021-2023, en moyenne, 17 % des seniors en emploi en Martinique travaillent à temps partiel contre 24 % en France hexagonale. Comme pour l’ensemble de la population, les femmes âgées de 55 à 69 ans en emploi ont davantage recours au temps partiel (26 %) que les hommes du même âge (7 %). La catégorie socioprofessionnelle la plus concernée par le temps partiel est celle des employés, où les femmes sont très largement majoritaires (77 %). Ainsi, dans cette catégorie socioprofessionnelle la part des salariés à temps partiel est de 29 %.

En revanche, les seniors sont plus souvent en situation de sous-emploi en Martinique qu'en France métropolitaine (7 % contre 5 %). Le sous-emploi concerne des personnes à temps partiel, souhaitant travailler davantage, disponibles pour le faire, mais aussi des personnes se déclarant au chômage partiel ou technique.

La présence de seniors au chômage ou en inactivité sans percevoir de retraite souligne que certains travailleurs ne passent pas directement de l’emploi à la retraite. Ces seniors ni en emploi, ni à la retraite, (appelés NER) représentent 30 % des seniors de 55 à 69 ans en Martinique. Cette part est deux fois plus importante qu‘en France hexagonale. Cet écart s’explique principalement par une proportion plus élevée de seniors inactifs qui ne perçoivent pas de retraite en Martinique (26 % contre 13 % en France métropolitaine).

Ces seniors inactifs sont très éloignés du marché du travail. En Martinique, 16 % n’ont jamais exercé d’activité professionnelle contre 11 % en France hexagonale (figure 4). De plus, parmi ceux ayant déjà travaillé, 51 % ne travaillent pas depuis cinq ans au moins en Martinique, contre 43 % en France hexagonale. De même, 74 % des seniors au chômage au sens du BIT en Martinique le sont depuis un an ou plus contre 46 % en France hexagonale.

En lien avec le niveau de diplôme globalement plus faible de l’ensemble des seniors en Martinique, la situation de seniors NER concerne particulièrement les personnes peu ou pas diplômées. En Martinique près de sept NER sur dix n’ont pas ou peu de diplôme contre quatre sur dix dans l’Hexagone. Par ailleurs, il s’agit majoritairement des femmes dans les deux territoires. Cependant, l’écart entre les femmes et les hommes est moins prononcé en Martinique qu’en France métropolitaine. En effet, en Martinique, 53 % des NER sont des femmes, contre 61 % en France métropolitaine.

La situation de NER est vécue par les seniors en Martinique et dans l'Hexagone pour les mêmes raisons (figure 5). En effet, ils sont plus souvent inactifs pour motif de santé ou de handicap que pour raison de chômage.

L’inactivité pour d’autres raisons est aussi fréquente en Martinique qu’en France métropolitaine. En Martinique, parmi les seniors inactifs pour d’autres raisons que le chômage et la santé, le fait de se déclarer « proche de la retraite » est le motif le plus cité (12 points de plus qu’en France métropolitaine). Les seniors en situation de NER se déclarent plus souvent découragés en Martinique (6 points de plus que ceux en France métropolitaine). En revanche, ils évoquent moins fréquemment le souhait de rester au foyer dans la région (14 points de moins qu'en France métropolitaine).

Par ailleurs, les seniors NER évoquent aussi des contraintes personnelles ou familiales comme s’occuper d’un enfant ou d’un proche, en Martinique comme en France métropolitaine.