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Insee Flash Grand Est · Mars 2024 · n° 92
Insee Flash Grand EstEntre 2004 et 2019, la ségrégation résidentielle diminue dans l’agglomération de Strasbourg

Julia Hédoux, Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

Les disparités spatiales dans le pôle de l’aire d’attraction de Strasbourg reculent depuis 2004 : la distribution des groupes sociaux est moins hétérogène selon le territoire en 2019 que quinze ans auparavant. La répartition sur le territoire est la plus inégale pour les groupes sociaux extrêmes, c’est-à-dire les populations les plus aisées et les plus modestes. La ségrégation diminue dans l’agglomération, en particulier parce que les populations les plus modestes se répartissent de façon plus homogène. Le même phénomène s’observe au sein des quartiers prioritaires.

Insee Flash Grand Est
No 92
Paru le :Paru le14/03/2024

Cette étude fait partie d'une série de publications sur la ségrégation résidentielle dans le Grand Est.

Dans le Grand Est, l’agglomération de Strasbourg est celle dans laquelle la ségrégation diminue le plus entre 2004 et 2019

Les différents d’un territoire ne sont pas présents partout dans les mêmes proportions. Cette répartition spatiale inégale est appelée , notion qui s’oppose à celle de mixité sociale. Dans une , certains quartiers présentent une surreprésentation ou une sous-représentation d’un groupe social.

Le pôle de l’ de Strasbourg regroupe onze communes et 427 000 habitants en 2019. Entre 2004 et 2008, la ségrégation y diminue, comme dans la plupart des agglomérations du Grand Est. De 2009 à 2016, elle reste stable, inférieure à celle de la plupart des agglomérations de la région. Entre 2017 et 2019, la ségrégation baisse à nouveau. Strasbourg est l’agglomération du Grand Est où la ségrégation recule le plus entre 2004 et 2019, et depuis 2012, elle est la moins ségréguée de la région.

Au niveau national, Strasbourg est la troisième agglomération où la ségrégation diminue le plus en quinze ans (après Cannes-Antibes et Amiens) et la 17e la moins ségréguée (sur 53) en 2019.

L’inégale répartition des populations les plus modestes et les plus aisées contribue le plus à la ségrégation

L’indice de ségrégation de l’agglomération est décomposable en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Cette décomposition permet de quantifier la contribution d’un groupe donné à la ségrégation totale.

Les groupes sociaux « modestes » et « aisés » ont les composantes de ségrégation les plus élevées (figure 1). Il existe donc des sous-territoires où ces groupes sociaux sont fortement sur- ou sous-représentés. Ainsi, quelle que soit l’année, les individus aux revenus extrêmes (les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres) portent la ségrégation de l’agglomération de Strasbourg.

Les contributions de ces deux groupes, quasiment identiques en 2004, restent élevées en 2019, mais évoluent différemment. La contribution des « aisés » reste stable, alors que celle des « modestes » diminue. C’est la principale composante du recul de la ségrégation dans l’agglomération de Strasbourg. Sur la même période, la contribution des « moyens-modestes » augmente légèrement.

Figure 1Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Strasbourg

Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Strasbourg
Année Modestes Moyens-modestes Moyens Moyens-aisés Aisés
2004 0,173 0,047 0,031 0,057 0,172
2005 0,165 0,049 0,031 0,057 0,174
2006 0,161 0,049 0,031 0,058 0,172
2007 0,156 0,049 0,030 0,058 0,168
2008 0,153 0,050 0,030 0,056 0,170
2009 0,153 0,051 0,029 0,059 0,170
2010 0,151 0,051 0,028 0,060 0,170
2011 0,153 0,052 0,028 0,060 0,171
2012 0,155 0,052 0,029 0,058 0,172
2013 0,151 0,053 0,027 0,058 0,170
2014 0,149 0,053 0,029 0,058 0,172
2015 0,149 0,054 0,029 0,059 0,173
2016 0,147 0,053 0,028 0,058 0,174
2017 0,145 0,057 0,029 0,059 0,172
2018 0,136 0,058 0,028 0,058 0,171
2019 0,134 0,057 0,026 0,058 0,170
  • Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
  • Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.

Figure 1Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Strasbourg

  • Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
  • Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.

Les quartiers prioritaires contribuent moins à la ségrégation de la ville

Au sein de l’agglomération de Strasbourg (figure 2), les quartiers Contades, Orangerie et Forêt Noire, à proximité du centre-ville, ou Polygone et Neuhof, plus au sud, sont des territoires contribuant de manière importante à la ségrégation totale.

Figure 2Contribution à la ségrégation totale de chaque carreau de 200 m dans l’agglomération de Strasbourg

  • Note : Les données de cette carte ne sont pas diffusables.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

La baisse de la ségrégation totale résulte principalement de la diminution de la différence entre les et le reste de l’agglomération. En effet, le profil des quartiers prioritaires se rapproche de celui du reste de l’agglomération. La ségrégation recule également au sein des QPV, alors qu’elle augmente dans le reste de l’agglomération.

Alors que les quartiers prioritaires abritent 20 % de la population étudiée, ils contribuent à hauteur de 8 % à la ségrégation totale en 2019 (contre 55 % pour le reste de l’agglomération et 37 % pour la différence entre ces deux territoires). Cette contribution s’est réduite d’un quart en quinze ans. La baisse de population dans les QPV depuis 2004 (-13 %) n’explique pas en totalité ce recul.

Entre 2004 et 2019, la distribution des habitants des QPV entre les cinq groupes sociaux évolue surtout pour les deux premiers groupes (figure 3). Ainsi, la part des « modestes » diminue de 3,2 points, et celle des « moyens-modestes » augmente de 2,4 points. Cela a pour effet une baisse de la ségrégation entre les QPV et le reste de l’agglomération sur la période.

Moins représentés dans les quartiers prioritaires qu’il y a quinze ans, les « modestes » ont vu leurs moyens financiers diminuer : au cours de cette période, leur revenu médian a baissé d’un sixième (en euros courants). L’écart s’est également creusé avec la médiane : en 2004, leur revenu médian était inférieur de 71 % à celui de l’agglomération, il lui est inférieur de 80 % en 2019.

Figure 3Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Strasbourg

(en %)
Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Strasbourg ((en %)) - Lecture : En 2004, 44,5 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 41,3 % en 2019.
Groupe social Modestes Moyens-modestes Moyens Moyens-aisés Aisés
2004 44,5 28,0 15,6 8,7 3,2
2019 41,3 30,4 16,6 8,5 3,2
  • Lecture : En 2004, 44,5 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 41,3 % en 2019.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.

Figure 3Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Strasbourg

  • Lecture : En 2004, 44,5 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 41,3 % en 2019.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.
Publication rédigée par :Julia Hédoux, Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

Pour comprendre

Les données mobilisées dans cette étude sont issues du dispositif revenus fiscaux localisés des ménages (RFL), et du dispositif sur les revenus localisés sociaux et fiscaux (Filosofi) entre 2004 et 2019.

La ségrégation est mesurée chaque année pour les pôles des 53 plus grandes aires d’attraction des villes de France, parmi lesquels six se trouvent dans le Grand Est : Metz, Mulhouse, Nancy, Reims, Strasbourg et Troyes.

Le territoire d’étude correspond au pôle de l’aire d’attraction de Strasbourg, découpé en carreaux de 200 m de côté. Les carreaux qui comptent moins de vingt ménages sont écartés pour des raisons de diffusibilité.

L’indice de ségrégation de Theil quantifie l’écart entre la mixité d’un carreau et celle observée au sein de la population du territoire dans sa globalité (agglomération ou ensemble des QPV). Ainsi, la valeur de l’indice est d’autant plus forte que la distribution des groupes sociaux de chaque carreau s’écarte de celle de l’ensemble du territoire.

Définitions

Les groupes sociaux sont définis chaque année en fonction des quintiles de revenu de l’ensemble des habitants de l’agglomération. Ainsi, on obtient cinq groupes d’individus de taille semblable (20 % de la population).

La ségrégation correspond à l’état de séparation des personnes appartenant à des groupes sociaux différents, mesurés ici par le revenu.

Figure 4Illustration de la notion de ségrégation

Illustration de la notion de ségrégation
Sous-territoire Population Mixité totale Ségrégation intermédiaire Ségrégation totale
Sous-territoire 1 Population Rond 2 3 4
Population Carré 2 1 0
Sous-territoire 2 Population Rond 2 1 0
Population Carré 2 3 4
  • Source : Insee.

Figure 4Illustration de la notion de ségrégation

  • Source : Insee.

Dans cette étude, l’agglomération considérée correspond aux communes du pôle principal de l’aire d’attraction de Strasbourg. L’aire d’attraction d’une ville est l’ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi, et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. L’agglomération de Strasbourg est donc composée des communes de Bischheim, Eckbolsheim, Hoenheim, Illkirch-Graffenstaden, Lingolsheim, Mittelhausbergen, Oberhausbergen, Ostwald, Schiltigheim, Strasbourg et Wolfisheim.

Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d’intervention du ministère chargé de la ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.

Le revenu déclaré du ménage (au sens fiscal) est constitué des ressources mentionnées sur la déclaration des revenus n° 2042. Il comprend donc les revenus d’activité salariée ou non salariée, les indemnités de chômage, de maladie, les pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine.

Dans cette étude, le revenu est égal au revenu déclaré du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. Le revenu est donc le même pour tous les individus d’un même ménage.

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