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Insee Flash Grand Est · Mars 2024 · n° 91
Insee Flash Grand EstEntre 2004 et 2019, la ségrégation résidentielle augmente dans l’agglomération de Reims

Julia Hédoux, Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

Les disparités spatiales dans le pôle de l’aire d’attraction de Reims augmentent depuis 2004 : la distribution des groupes sociaux est plus hétérogène selon le territoire en 2019. La répartition sur le territoire est la plus inégale pour les groupes sociaux extrêmes, c’est-à-dire les populations les plus aisées et les plus modestes. La ségrégation augmente dans l’agglomération, en particulier parce que la contribution des populations les plus modestes est plus forte qu’avant. La ségrégation diminue au sein des quartiers prioritaires, mais les disparités avec le reste de l’agglomération s’accentuent.

Insee Flash Grand Est
No 91
Paru le :Paru le14/03/2024

Cette étude fait partie d'une série de publications sur la ségrégation résidentielle dans le Grand Est.

Dans le Grand Est, l’agglomération de Reims est celle où la ségrégation augmente le plus entre 2004 et 2019

Les différents d’un territoire ne sont pas présents partout dans les mêmes proportions. Cette répartition spatiale inégale est appelée , notion qui s’oppose à celle de mixité sociale. Dans une , certains quartiers présentent une surreprésentation ou une sous-représentation d’un groupe social.

Le pôle de l’ de Reims regroupe cinq communes et 208 000 habitants en 2019. Hormis une baisse entre 2006 et 2007 et une autre, légère, entre 2016 et 2017, la ségrégation y augmente sur toute la période étudiée. Reims était l’agglomération la moins ségréguée de la région en 2004. En 2019, elle est la quatrième plus ségréguée sur six, derrière Mulhouse, Troyes et Metz, et devant Nancy et Strasbourg.

Au niveau national, Reims était en 2004 la 31e agglomération la plus ségréguée (sur 53). En 2019, elle se classe 23e. Reims est l’une des agglomérations dans lesquelles la ségrégation a le plus augmenté en quinze ans (elle se classe septième au niveau national en termes d’augmentation).

L’inégale répartition des populations les plus modestes et les plus aisées contribue le plus à la ségrégation

L’indice de ségrégation de l’agglomération est décomposable en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Cette décomposition permet de quantifier la contribution d’un groupe donné à la ségrégation totale.

Les groupes sociaux « modestes » et « aisés » ont les composantes de ségrégation les plus élevées (figure 1). Il existe donc des sous-territoires où ces groupes sociaux sont fortement sur- ou sous-représentés. Ainsi, quelle que soit l’année, les individus aux revenus extrêmes (les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres) portent la ségrégation de l’agglomération de Reims.

Les contributions de ces deux groupes, très proches en 2004, évoluent différemment en restant élevées sur toute la période. La contribution des « aisés » augmente légèrement, alors que celle des « modestes » augmente plus nettement. C’est la principale composante de l’augmentation de la ségrégation dans l’agglomération de Reims. Sur la période, la contribution des « moyens-aisés » et des « moyens-modestes » s’accroît également.

Figure 1Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Reims

Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Reims
Année Modestes Moyens-modestes Moyens Moyens-aisés Aisés
2004 0,166 0,039 0,030 0,048 0,158
2005 0,163 0,040 0,032 0,050 0,157
2006 0,165 0,041 0,033 0,049 0,161
2007 0,161 0,039 0,031 0,048 0,159
2008 0,163 0,041 0,029 0,047 0,161
2009 0,166 0,040 0,030 0,049 0,159
2010 0,168 0,041 0,031 0,049 0,160
2011 0,172 0,041 0,032 0,049 0,163
2012 0,178 0,044 0,031 0,052 0,164
2013 0,181 0,044 0,031 0,052 0,167
2014 0,190 0,044 0,031 0,054 0,169
2015 0,191 0,049 0,032 0,057 0,170
2016 0,194 0,050 0,033 0,059 0,170
2017 0,190 0,050 0,033 0,058 0,169
2018 0,185 0,051 0,033 0,059 0,171
2019 0,190 0,051 0,033 0,060 0,171
  • Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
  • Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.

Figure 1Évolution de l’indice de ségrégation de chaque groupe social de 2004 à 2019 dans l’agglomération de Reims

  • Note : L’indice de ségrégation du territoire peut se décomposer en indices de ségrégation pour chaque groupe social. Ces composantes binaires permettent de quantifier l’apport de chaque groupe à la ségrégation totale mais ne sont pas sommables.
  • Source : Insee, RFL 2004-2011 et Filosofi 2012-2019.

Les quartiers prioritaires contribuent moins à la ségrégation de la ville

Au sein de l’agglomération (figure 2), les quartiers du centre-ville de Reims, ou les quartiers Wilson, Maison Blanche et Châtillon, plus au sud, sont des territoires contribuant de manière importante à la ségrégation totale.

Figure 2Contribution à la ségrégation totale de chaque carreau de 200 m dans l’agglomération de Reims

  • Note : Les données de cette carte ne sont pas diffusables.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

Alors que les abritent 17 % de la population étudiée, ils contribuent à hauteur de 6 % à la ségrégation totale en 2019 (contre 57 % pour le reste de l’agglomération et 37 % pour la différence entre ces deux territoires). Cette contribution s’est réduite de plus d’un cinquième en quinze ans. La baisse de population dans les QPV depuis 2004 (-10 %) explique en partie ce recul.

Entre 2004 et 2019, la distribution des habitants des quartiers prioritaires entre les cinq groupes sociaux évolue (figure 3). La part des « modestes » augmente de 3,4 points, tandis que celle des « moyens-modestes » reste stable. Les représentations des trois autres groupes sociaux, quant à elles, diminuent sur la période. Si la ségrégation recule à l’intérieur des QPV, elle augmente entre les quartiers prioritaires et le reste de l’agglomération.

Plus représentés dans les QPV qu’il y a quinze ans, les « modestes » ont vu leurs moyens financiers diminuer : en quinze ans, leur revenu médian a diminué de près d’un quart en euros courants. L’écart s’est également creusé avec la médiane : en 2004, leur revenu médian était inférieur de 68 % à celui de l’agglomération, il lui est inférieur de 80 % en 2019.

Figure 3Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Reims

(en %)
Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Reims ((en %)) - Lecture : En 2004, 46,19 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 49,5 % en 2019.
Groupe social Modestes Moyens-modestes Moyens Moyens-aisés Aisés
2004 46,1 25,5 15,6 9,3 3,5
2019 49,5 25,8 13,9 8,1 2,8
  • Lecture : En 2004, 46,19 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 49,5 % en 2019.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.

Figure 3Répartition des groupes sociaux en 2004 et 2019 dans les quartiers de la politique de la ville de l’agglomération de Reims

  • Lecture : En 2004, 46,19 % des ménages des QPV appartenaient au groupe social des « modestes » alors qu’ils sont 49,5 % en 2019.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.
Publication rédigée par :Julia Hédoux, Vincent Monchâtre, Virginie Pic (Insee)

Pour comprendre

Les données mobilisées dans cette étude sont issues du dispositif revenus fiscaux localisés des ménages (RFL), et du dispositif sur les revenus localisés sociaux et fiscaux (Filosofi) entre 2004 et 2019.

La ségrégation est mesurée chaque année pour les pôles des 53 plus grandes aires d’attraction des villes de France, parmi lesquels six se trouvent dans le Grand Est : Metz, Mulhouse, Nancy, Reims, Strasbourg et Troyes.

Le territoire d’étude correspond au pôle de l’aire d’attraction de Reims, découpé en carreaux de 200 m de côté. Les carreaux qui comptent moins de vingt ménages sont écartés pour des raisons de diffusibilité.

L’indice de ségrégation de Theil quantifie l’écart entre la mixité d’un carreau et celle observée au sein de la population du territoire dans sa globalité (agglomération ou ensemble des QPV). Ainsi, la valeur de l’indice est d’autant plus forte que la distribution des groupes sociaux de chaque carreau s’écarte de celle de l’ensemble du territoire.

Définitions

Les groupes sociaux sont définis chaque année en fonction des quintiles de revenu de l’ensemble des habitants de l’agglomération. Ainsi, on obtient cinq groupes d’individus de taille semblable (20 % de la population).

La ségrégation correspond à l’état de séparation des personnes appartenant à des groupes sociaux différents, mesurés ici par le revenu.

Figure 4Illustration de la notion de ségrégation

Illustration de la notion de ségrégation
Sous-territoire Population Mixité totale Ségrégation intermédiaire Ségrégation totale
Sous-territoire 1 Population Rond 2 3 4
Population Carré 2 1 0
Sous-territoire 2 Population Rond 2 1 0
Population Carré 2 3 4
  • Source : Insee.

Figure 4Illustration de la notion de ségrégation

  • Source : Insee.

Dans cette étude, l’agglomération considérée correspond aux communes du pôle principal de l’aire d’attraction de Reims. L’aire d’attraction d’une ville est l’ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi, et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle. Dans le cas d’aire multipolaire, seul le pôle principal de l’aire est considéré, c’est-à-dire le pôle regroupant le plus grand nombre d’emplois. L’agglomération de Reims est donc composée des communes de Bétheny, Cormontreuil, Reims, Saint-Brice-Courcelles, Tinqueux.

Les quartiers prioritaires ou quartiers de la politique de la ville (QPV) sont des territoires d’intervention du ministère chargé de la ville, définis par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014. Ils ont été identifiés selon un critère unique, celui du revenu par habitant. Les périmètres des QPV sont fixés par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014.

Le revenu déclaré du ménage (au sens fiscal) est constitué des ressources mentionnées sur la déclaration des revenus n° 2042. Il comprend donc les revenus d’activité salariée ou non salariée, les indemnités de chômage, de maladie, les pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine.

Dans cette étude, le revenu est égal au revenu déclaré du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC) : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. Le revenu est donc le même pour tous les individus d’un même ménage.

Pour en savoir plus