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Insee Analyses · Janvier 2024 · n° 93
Insee AnalysesLes effets de la pénurie d’intrants chinois sur les entreprises françaises début 2020 : quels enseignements ?

Raphaël Lafrogne-Joussier (Insee), Julien Martin (Université du Québec à Montréal et CEPR), Isabelle Mejean (Sciences Po et CEPR)

À partir de janvier 2020, les mesures de restriction liées à l’épidémie de Covid-19 ont mis à l’arrêt une partie de l’activité économique en Chine. Entre février et juin 2020, les importations des entreprises françaises qui s’approvisionnent en Chine baissent de 23,1 %, soit 7,4 points de pourcentage de plus que celles dont les intrants ne sont pas chinois. Ces entreprises réduisent également leurs ventes en France et à l’étranger de 5 % en moyenne, relativement aux autres entreprises. Cette baisse est largement attribuable à un retrait temporaire des marchés les moins importants.

En général, les entreprises peuvent se prémunir des conséquences d’un tel choc soit en diversifiant leurs sources d’approvisionnement, soit en constituant des stocks. Dans le cas de l’épisode étudié, avoir un approvisionnement diversifié géographiquement avant le choc ne réduit la perte d’activité que lorsqu’il existe des substituts aux intrants chinois standardisés. Disposer d’un niveau élevé de stocks avant la crise est efficace et évite une baisse des exportations.

Les chaînes de valeur mondiales sont un canal clé de transmission des chocs entre pays

De nombreux événements, comme la crise liée à la pandémie de Covid-19 ou des catastrophes naturelles, peuvent perturber l’approvisionnement des entreprises. Ces chocs peuvent avoir des effets cumulatifs si les entreprises intégrées dans les les répercutent sur leurs clients. Le choc du confinement d’une partie de la Chine entre janvier et avril 2020 sur les entreprises importatrices en France est analysé ici pour évaluer dans quelle mesure une pénurie non anticipée d’intrants est transmise par les entreprises à leurs propres clients et comment la diversification des fournisseurs et la constitution de stocks permettent d’atténuer cette transmission.

Le confinement de l’hiver 2020 en Chine a privé des entreprises en France d’une partie de leurs intrants

En janvier 2020, les autorités chinoises confinent une partie du pays pour contenir la progression de la pandémie de Covid-19. Certaines entreprises chinoises doivent ralentir voire arrêter leur production. En conséquence, les entreprises en France qui se fournissent directement en Chine sont confrontées à une pénurie d’une partie de leurs intrants. Ces entreprises touchées sont nombreuses, elles représentent environ la moitié des entreprises françaises qui participent au commerce international : la Chine compte en effet parmi les plus grands fournisseurs d’intrants de la France. Les conséquences d’une pénurie d’intrants en provenance de Chine peuvent être mesurées en comparant les différences d’évolution lors des premiers mois de 2020 entre deux groupes d’entreprises : celles directement touchées par des ruptures d’approvisionnement venant de Chine et celles qui s’approvisionnent aussi à l’étranger mais pas en Chine.

Entre janvier 2020 et les mois suivants, les importations baissent de 23,1 % en moyenne parmi les entreprises qui importent des intrants de Chine, dites touchées (sources et méthodes). Les importations des autres entreprises baissent en moyenne de 15,7 % sur la même période, soit une différence relative de 7,4 points de pourcentage (figure 1). Cette différence relative est maximale en avril 2020 (-15,4 % par rapport à janvier). L’effet de la pénurie en France d’intrants chinois est retardé à avril en raison du temps de transport de plusieurs semaines par voie maritime. À partir d’avril, des pénuries ont pu s’ajouter à celles touchant les intrants importés de Chine lorsque d’autres pays ont mis en place des confinements. La différence entre les entreprises touchées et non touchées par une pénurie d’intrants en provenance de Chine se réduit alors.

Figure 1 - Variation relative des importations par rapport à janvier 2020

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Figure 1 - Variation relative des importations par rapport à janvier 2020 (en %) - Lecture : En avril 2020, la valeur des importations des entreprises touchées a baissé de 15,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les importations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,6 % et -11,2 %.
Mois Coefficient de variation relative des importations Borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95 %
Septembre 2019 -2,4 -5,9 1,1
Octobre -1,0 -4,5 2,4
Novembre -6,8 -10,3 -3,4
Décembre 1,7 -1,9 5,3
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -5,2 -8,6 -1,8
Mars -9,1 -12,8 -5,5
Avril -15,4 -19,6 -11,2
Mai -8,9 -12,7 -5,1
Juin -4,5 -8,2 -0,8
  • Note : Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des importations des entreprises touchées a baissé de 15,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les importations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,6 % et -11,2 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Figure 1 - Variation relative des importations par rapport à janvier 2020

  • Notes : Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020. La ligne rouge représente l'écart relatif moyen des importations sur la période février - juin 2020, par rapport à l'écart relatif moyen sur la période septembre 2019 - janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des importations des entreprises touchées a baissé de 15,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les importations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,6 % et -11,2 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Les entreprises touchées par la pénurie d’intrants priorisent certains marchés

Les entreprises touchées par la pénurie d’intrants chinois réduisent leurs ventes en France et à l’étranger de 27,3 et 24,3 % en moyenne sur la période février-juin 2020, soit 5 points de pourcentage de plus que les entreprises non touchées qui vendent les mêmes produits dans les mêmes pays destinataires (figure 2). C’est aussi en avril que les ventes baissent le plus : -17,5 % pour les exportations et -15,7 % pour les ventes en France.

Figure 2 - Variation relative des exportations et des ventes en France par rapport à janvier 2020

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Figure 2 - Variation relative des exportations et des ventes en France par rapport à janvier 2020 (en %) - Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées a baissé de 17,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -22,1 % et -12,8 %. La valeur des ventes en France des entreprises touchées a baissé de 15,7 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les ventes en France des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -18,7 % et -12,7 %.
Mois Coefficient de variation relative des exportations Borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95 %
Exportations
Septembre 2019 -0,1 -4,0 3,8
Octobre 1,0 -2,8 4,8
Novembre 1,4 -2,4 5,3
Décembre -1,5 -5,4 2,4
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -1,1 -4,9 2,6
Mars -6,0 -10,0 -2,1
Avril -17,5 -22,1 -12,8
Mai -4,4 -8,5 -0,2
Juin 2,6 -1,4 6,6
Ventes en France
Septembre 2019 0,3 -1,6 2,2
Octobre 1,3 -0,6 3,2
Novembre 2,7 0,8 4,6
Décembre 3,5 1,3 5,7
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -2,3 -4,1 -0,5
Mars -6,2 -8,3 -4,1
Avril -15,7 -18,7 -12,7
Mai 0,8 -1,5 3,1
Juin 4,7 2,6 6,9
  • Note : Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées a baissé de 17,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -22,1 % et -12,8 %. La valeur des ventes en France des entreprises touchées a baissé de 15,7 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les ventes en France des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -18,7 % et -12,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Sources : Données des Douanes ; DGFiP, données mensuelles de TVA ; calculs des auteurs.

Figure 2 - Variation relative des exportations et des ventes en France par rapport à janvier 2020

  • Notes : Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020. La ligne rouge représente l'écart relatif moyen des exportations ou des ventes en France sur la période février - juin 2020, par rapport à l'écart relatif moyen sur la période septembre 2019 - janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées a baissé de 17,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -22,1 % et -12,8 %. La valeur des ventes en France des entreprises touchées a baissé de 15,7 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les ventes en France des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -18,7 % et -12,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Sources : Données des Douanes ; DGFiP, données mensuelles de TVA ; calculs des auteurs.

La réduction des ventes aux clients étrangers est largement portée par le retrait, intégral bien que généralement temporaire, de certains (figure 3). En effet, entre février et juin 2020, les ventes vers un marché donné sont soit maintenues à leur niveau habituel, soit temporairement arrêtées. Elles sont en général maintenues vers les marchés qui représentent la plus grande part du chiffre d’affaires des entreprises. Au plus fort de cette réduction, en avril, les entreprises touchées réduisent de 12,9 % le nombre de marchés servis. Il est possible que les intrants en provenance de Chine ne soient nécessaires qu’à une partie de la production des entreprises touchées, et que seuls les produits qui contiennent des intrants chinois cessent d’être exportés. Il est aussi possible que les entreprises touchées choisissent de prioriser certains marchés par rapport à d’autres, pour honorer un contrat par exemple. Les données de l’étude ne permettent pas de distinguer ces deux situations.

Figure 3a - Variation relative des exportations par marché par rapport à janvier 2020

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Figure 3a - Variation relative des exportations par marché par rapport à janvier 2020 (en %) - Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées vers les marchés qu’elles continuent de servir a baissé de 4,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -8,4 % et 0,7 %.
Mois Coefficient de variation relative des exportations par marché Borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95 %
Septembre 2019 -0,1 -4,5 2,4
Octobre -1,1 -4,5 2,2
Novembre -0,3 -3,7 3,1
Décembre -0,8 -4,3 2,6
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -0,2 -3,6 3,1
Mars -1,6 -5,1 1,9
Avril -4,5 -8,4 -0,7
Mai 1,0 -2,7 4,6
Juin 2,6 -0,9 6,1
  • Notes : Un marché est une paire [produit exporté – pays de destination]. Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées vers les marchés qu’elles continuent de servir a baissé de 4,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -8,4 % et 0,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Figure 3a - Variation relative des exportations par marché par rapport à janvier 2020

  • Notes : Un marché est une paire [produit exporté – pays de destination]. Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées vers les marchés qu’elles continuent de servir a baissé de 4,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -8,4 % et 0,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Avoir des sources d’approvisionnement diversifiées n’amortit pas les effets du choc

En prévision de pénuries, les entreprises peuvent mettre en place différentes stratégies pour en limiter les conséquences. Une première stratégie consiste à avoir diversifié l’origine de ses importations pour avoir des alternatives aux intrants susceptibles de ruptures d’approvisionnements. Parmi les entreprises touchées par la pénurie engendrée par le confinement en Chine, certaines se fournissent aussi dans d’autres pays que la Chine. On peut supposer que cette diversification les a préparées à réagir plus rapidement en cas de choc sur les intrants. Or les exportations des entreprises touchées et diversifiées et celles des entreprises qui se fournissent exclusivement en Chine suivent les mêmes trajectoires entre février et juin 2020. Les entreprises touchées qui importent leurs produits à la fois de Chine et d’autres pays ne réduisent pas moins leurs ventes que celles qui, avant la pénurie, n’importent certains intrants que de Chine (figure 4). Il peut être particulièrement difficile de trouver un produit de substitution suffisamment proche pour certains intrants. Malgré le niveau très fin de nomenclature utilisé, deux produits classés dans la même catégorie ne sont pas forcément substituables. La diversification s’avère en effet efficace lorsque l’entreprise importe des produits qu’il lui est facilement possible de se procurer en dehors de Chine : les ventes ne baissent pas pour les entreprises touchées dont les intrants sont standardisés (c’est-à-dire vendus sur des marchés organisés ou pour lesquels il existe un prix de référence, selon la classification de [Ouvrir dans un nouvel ongletRauch (1999)]) et pour lesquels la Chine n’est pas l’unique fournisseur. Par ailleurs, les entreprises qui ne sont pas diversifiées avant la pénurie commencent à importer depuis de nouveaux pays leurs intrants initialement fournis par la Chine, ce qui pourrait contribuer à expliquer la similitude entre les trajectoires des entreprises diversifiées avant le choc et les autres.

Figure 4 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le statut de diversification de l'entreprise

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Figure 4 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le statut de diversification de l'entreprise (en %) - Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées et diversifiées a baissé de 18,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -23,8 % et -13,1 %. La valeur des exportations des entreprises touchées et non diversifiées a baissé de 13,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,1 % et -7,7 %.
Mois Variation relative des exportations Borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95 %
Entreprises diversifiées
Septembre 2019 -0,7 -5,2 3,8
Octobre -1,8 -6,1 2,6
Novembre -0,4 -4,7 3,9
Décembre -2,5 -7,0 2,0
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février 0,3 -4,0 4,6
Mars -4,4 -8,9 0,1
Avril -18,5 -23,8 -13,1
Mai -9,5 -14,4 -4,7
Juin 0,1 -4,6 4,7
Entreprises non diversifiées
Septembre 2019 2,0 -2,8 6,8
Octobre 4,0 -0,7 8,7
Novembre 6,5 1,8 11,2
Décembre 2,9 -1,8 7,7
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février 0,2 -4,4 4,8
Mars -5,4 -10,3 -0,6
Avril -13,4 -19,1 -7,7
Mai 3,2 -1,9 8,3
Juin 5,9 1,0 10,9
  • Notes : Les entreprises diversifiées sont celles qui importent leurs produits d’au moins une autre origine que de Chine. Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées et diversifiées a baissé de 18,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -23,8 % et -13,1 %. La valeur des exportations des entreprises touchées et non diversifiées a baissé de 13,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,1 % et -7,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Figure 4 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le statut de diversification de l'entreprise

  • Notes : Les entreprises diversifiées sont celles qui importent leurs produits d’au moins une autre origine que de Chine. Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées et diversifiées a baissé de 18,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -23,8 % et -13,1 %. La valeur des exportations des entreprises touchées et non diversifiées a baissé de 13,4 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -19,1 % et -7,7 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Source : Données des Douanes ; calculs des auteurs.

Les stocks permettent d’absorber la pénurie

Une deuxième stratégie est de constituer des stocks de matières premières, de produits finis ou de marchandises, ce qui peut permettre de continuer à produire ou à vendre alors même que certains intrants de production manquent. L’évolution des ventes des entreprises importatrices touchées par le confinement chinois de janvier 2020 diffère selon leur niveau de stocks avant le choc. Les entreprises touchées par le choc et qui présentent un haut niveau de stocks maintiennent leurs exportations comme les entreprises non touchées par le choc (figure 5). À l’inverse, les exportations des entreprises les moins dotées en stocks baissent fortement en comparaison des entreprises non touchées, jusqu’à -22,0 % en avril 2020.

Figure 5 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le niveau initial de stocks de l'entreprise

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Figure 5 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le niveau initial de stocks de l'entreprise (en %) - Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stocks élevé a baissé de 7,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -17,5 % et 1,5 %. La valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stock bas a baissé de 22,2 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -27,5 % et -16,0 %.
Mois Variation relative des exportations Borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95 % Borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95 %
Stocks élevés
Septembre 2019 2,5 -6,0 11,0
Octobre 1,8 -6,2 9,7
Novembre 5,0 -3,0 12,5
Décembre 1,0 -7,5 9,0
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -0,2 -8,8 6,2
Mars -2,0 -10,0 6,0
Avril -7,5 -17,5 1,5
Mai 4,5 -5,5 13,0
Juin 8,5 -0,1 16,5
Stocks bas
Septembre 2019 -1,5 -6,0 3,0
Octobre -1,6 -6,0 2,9
Novembre 1,1 -4,5 5,5
Décembre -1,3 -5,5 4,5
Janvier 2020 0,0 0,0 0,0
Février -1,3 -5,5 3,8
Mars -7,5 -12,5 -3,5
Avril -22,2 -27,5 -16,0
Mai -8,0 -13,0 -3,6
Juin -1,0 -5,5 4,0
  • Notes : Les entreprises ayant des stocks élevés (bas) sont les entreprises qui, au sein de leur secteur, ont un niveau de stocks rapporté au chiffre d’affaires parmi les 20 % les plus élevés (respectivement bas). Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stocks élevé a baissé de 7,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -17,5 % et 1,5 %. La valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stock bas a baissé de 22,2 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -27,5 % et -16,0 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Sources : Données des Douanes ; DGFiP/Insee, Fare ; DGFiP, données mensuelles de TVA ; calculs des auteurs.

Figure 5 - Variation relative des exportations par rapport à janvier 2020 selon le niveau initial de stocks de l'entreprise

  • Notes : Les entreprises ayant des stocks élevés (bas) sont les entreprises qui, au sein de leur secteur, ont un niveau de stocks rapporté au chiffre d’affaires parmi les 20 % les plus élevés (respectivement bas). Les entreprises touchées ont importé un intrant de Chine au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Lecture : En avril 2020, la valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stocks élevé a baissé de 7,5 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -17,5 % et 1,5 %. La valeur des exportations des entreprises touchées qui ont un niveau de stock bas a baissé de 22,2 % par rapport à janvier 2020, en comparaison avec les exportations des entreprises non touchées, avec un intervalle de confiance à 95 % entre -27,5 % et -16,0 %.
  • Champ : France, entreprises qui importent et exportent entre septembre 2019 et janvier 2020.
  • Sources : Données des Douanes ; DGFiP/Insee, Fare ; DGFiP, données mensuelles de TVA ; calculs des auteurs.
Publication rédigée par :Raphaël Lafrogne-Joussier (Insee), Julien Martin (Université du Québec à Montréal et CEPR), Isabelle Mejean (Sciences Po et CEPR)

Sources et méthodes

Pour étudier la propagation de la pénurie d’intrants chinois le long des chaînes de valeur, l’étude mobilise les données des Douanes, les données administratives DGFiP/Insee Fare et les déclarations mensuelles de TVA de la DGFiP.

Les analyses sont effectuées au niveau de l’unité légale, appelée entreprise dans cette étude. Le champ de l’étude est constitué des entreprises implantées en France qui importent des consommations intermédiaires et exportent au moins une fois entre septembre 2019 et janvier 2020. Parmi celles-ci, les entreprises touchées sont celles qui ont importé une consommation intermédiaire de Chine au moins une fois durant cette période.

Les entreprises touchées par le confinement en Chine le sont à partir de janvier 2020. D’autres chocs sont susceptibles de modifier les perspectives économiques de ces entreprises par rapport à celles qui ne s’approvisionnaient pas en Chine. Et à partir de février 2020 et jusqu’à juin 2020 au moins, la pandémie s’est propagée à l’Europe, avec des confinements se traduisant par une chute de la demande adressée aux entreprises.

Pour identifier l’effet spécifique du confinement en Chine, la stratégie d’estimation principale est une méthode de différences en différences, qui suppose que ces derniers chocs sont de même ampleur pour toutes les entreprises qui se fournissent à l’étranger. Elle consiste à comparer les évolutions des variables d’intérêts (niveau mensuel d’importations, d’exportations, ou de ventes en France) entre les entreprises qui se fournissent en intrants en Chine avant février 2020 et donc touchées directement par le confinement en Chine et celles qui se fournissent auprès d’autres pays, dites non touchées.

En pratique, l’estimation consiste en une régression linéaire de ces variables d’intérêt sur une variable binaire qui indique si l’entreprise est touchée ou non, croisée avec des variables qui renseignent le mois, et des effets fixes entreprise et mois qui contrôlent des spécificités des entreprises ou des effets saisonniers. La période d’étude s’étend de septembre 2019 à juin 2020. La validité de cette stratégie repose sur l’hypothèse qu’en l’absence de confinement en Chine, les variations temporelles des variables économiques des entreprises auraient été les mêmes. Cependant, on peut supposer que les entreprises non touchées par le confinement en Chine ont connu des difficultés d’approvisionnement plus tard, du fait des confinements des autres pays, ce qui peut créer un effet de rattrapage. Ainsi, l’écart mesuré entre les entreprises qui s’approvisionnent en Chine et les autres constitue un minorant de l’effet de la pénurie d’intrants chinois.

Publication rédigée par :Raphaël Lafrogne-Joussier (Insee), Julien Martin (Université du Québec à Montréal et CEPR), Isabelle Mejean (Sciences Po et CEPR)

Définitions

On désigne par chaînes de valeur mondiales les processus de production dont les étapes se situent dans au moins deux pays différents.

Un marché est une paire produit exporté – pays de destination.

Pour en savoir plus

Lafrogne-Joussier R., Martin J., Mejean I., "Supply Shocks in Supply Chains: Evidence from the Early Lockdown in China" , Documents de travail n° 2023-08, Insee, avril 2023.

Lafrogne-Joussier R., Martin J., Mejean I., Ouvrir dans un nouvel onglet "Supply Shocks in Supply Chains: Evidence from the Early Lockdown in China" , IMF Economic Review vol. 71, mai 2022.

Rauch J. E., Ouvrir dans un nouvel onglet "Networks versus markets in international trade" , Journal of international Economics, 48(1), 7-35, juin 1999.