Insee Analyses Occitanie · Décembre 2023 · n° 142

Aude : un département attractif, agricole et touristique aux conditions de vie souvent précaires

Au 1^er janvier 2023, 380 000 personnes résident dans l’Aude contre 272 000 en 1975. Sur la période, la croissance démographique a été nettement supérieure à celle de la France métropolitaine (+40 % contre +25 %). Néanmoins, l’Aude reste le département le moins densément peuplé du littoral méditerranéen. Les décès sont légèrement supérieurs aux naissances, mais l’Aude gagne des habitants par son attractivité, les nouveaux arrivants dans le département étant plus nombreux que les partants. Si les tendances démographiques récentes se poursuivaient, la population augmenterait de moins en moins vite, jusqu’à atteindre un pic de 395 000 habitants en 2055.

Trait d’union entre le pôle toulousain et la Méditerranée d’une part, le Massif Central et les Pyrénées d’autre part, le département s’articule autour de villes de taille intermédiaire : Narbonne (56 000 habitants) et Lézignan-Corbières (11 000) à l’est, Carcassonne (47 000), la préfecture, au centre, Castelnaudary (12 000) à l’ouest et Limoux (10 000) au sud. La population évolue différemment selon ces territoires (pour comprendre et figure 1). Entre 1975 et 2020, elle baisse de 6 % dans le sud du département, territoire de moyenne montagne peu peuplé, tandis qu’elle progresse sur l’axe Castelnaudary/Carcassonne/Narbonne.

La population augmente de 60 % à l’est du département, plus particulièrement sur le littoral et autour de Narbonne. Elle progresse également mais plus modérément sur le territoire de Carcassonne (+33 % sur la période) et à l’ouest (+39 %). À l’ouest, la croissance démographique s’accélère depuis 2014 à Castelnaudary et autour, avant même l’implantation en 2020 de la Socamil, centrale d’achat de Leclerc, qui a permis le développement d’un pôle d’emploi important. La proximité de Toulouse, reliée à Castelnaudary en moins de 40 minutes en train, est aussi un facteur de dynamisme démographique sur ce territoire.

En 2020, la moitié des habitants de l’Aude ont plus de 47 ans, contre 41 ans en France métropolitaine. En particulier, 26 % des Audois ont 65 ans ou plus contre 20 % en France métropolitaine. Les habitants de l’Aude sont plus âgés que la moyenne nationale dans tous les territoires du département, en particulier dans le sud, plus rural, où 31 % des habitants ont 65 ans ou plus (figure 2).

Le département est attractif mais les migrations résidentielles contribuent au vieillissement de la population. En 2018, l’Aude perd 700 jeunes de 18 à 24 ans par le jeu des migrations. Sur cette tranche d’âge, les échanges sont déficitaires pour tous les territoires du département. À l’inverse, tous les territoires de l’Aude gagnent des retraités dans leurs échanges avec le reste de la France : +1 100 en 2018. La majorité d’entre eux s’installe sur le littoral.

L’avancée en âge de la génération des baby-boomeurs et la baisse des effectifs de jeunes devraient accentuer le vieillissement de la population. En 2040, 35 % des habitants auraient 65 ans ou plus et 8 %, 85 ans ou plus.

La prise en charge des personnes âgées s’appuie sur une densité d’équipements de santé par habitant proche de la moyenne nationale alors que le département compte davantage de personnes âgées. Ces équipements sont principalement concentrés dans les grandes villes et leur périphérie. Nombre d’habitants sont ainsi éloignés des médecins et des établissements de santé : 12 % des Audois résident à plus de sept minutes en voiture d’un médecin généraliste, contre 9 % en France de province. Plus qu’ailleurs, l’offre médicale recule. Entre 2016 et 2021, le nombre de médecins généralistes baisse de 10 % contre -4 % en moyenne en France métropolitaine.

Les difficultés d’accès sont plus marquées dans les communes du sud du département et dans celles proches de la Montagne Noire. Au sud, où la population est la plus âgée, 31 % des habitants résident à plus d’une demi-heure des urgences contre 6 % dans le reste du département, comme en France de province.

La capacité d’accueil en établissement pour personnes âgées est faible dans l’Aude, comme dans les autres départements du littoral méditerranéen. Néanmoins, le nombre de places en Ehpad a augmenté de 2,6 % par an de 2009 à 2019 dans l’Aude, contre +1,7 % en France métropolitaine. Le développement de l’offre de soins à domicile constitue un enjeu pour ce département où 84 % des personnes de 85 ans ou plus vivent à domicile. Plus de la moitié vivent seules dans leur logement. Très souvent, leur habitation est sous-occupée. Ainsi, 39 % des 85 ans ou plus occupent un logement d’au moins trois pièces de plus que la norme eu égard à la taille de leur ménage.

En 2020, 20 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté contre 14 % en France métropolitaine (figure 3). Après la Seine-Saint-Denis, les Pyrénées-Orientales et la Haute-Corse, l’Aude est le département de France métropolitaine le plus pauvre. En particulier, trois enfants sur dix vivent dans un ménage pauvre contre deux sur dix en France métropolitaine. Les familles monoparentales sont plus souvent en dessous du seuil de pauvreté et dans l’Aude 26 % des jeunes de moins de 18 ans vivent dans une famille monoparentale, contre 21 % en France métropolitaine. La pauvreté est surtout présente dans les grandes villes, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et dans les territoires les plus ruraux. À Carcassonne, 26 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La moitié des dix QPV de l’Aude y sont implantés. Dans deux d’entre eux (Fleming la Reille et Le Viguier-Saint-Jacques), plus de 60 % des habitants sont en situation de pauvreté. La pauvreté est moins répandue dans la périphérie des principales villes que dans leur cœur. Au sud du département, 25 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ; dans le territoire de Carcassonne et à l’est, 20 % contre 15 % à l’ouest qui est plus urbanisé (figure 3).

De façon générale, le niveau de vie des habitants de l’Aude est souvent modeste. En 2020, 61 % des ménages ne sont pas imposés sur le revenu, proportion la plus élevée de France métropolitaine après la Creuse. Le niveau de vie médian du département est aussi le deuxième plus bas de France métropolitaine après la Seine-Saint-Denis : la moitié des ménages disposent d’un niveau de vie inférieur à 1 665 € par mois. Le revenu des ménages est constitué à 59,0 % de revenus salariaux mais les retraites et rentes (37,5 % des ressources des ménages audois) et les prestations familiales ou sociales (8,4 %) pèsent plus qu’en France métropolitaine (respectivement 28,3 % et 5,8 %). Le niveau de vie médian est inférieur à celui de France métropolitaine dans toutes les zones du département.

Un actif sur cinq est peu ou pas diplômé. En 2022, le taux de chômage moyen s’établit à 10,1 %. C’est le 4^e plus fort de France métropolitaine après les Pyrénées-Orientales, l’Aisne et la Seine-Saint-Denis. Les jeunes sont les plus touchés : en 2020, 32 % des actifs de 18 à 24 ans se déclarent au chômage contre 25 % en France métropolitaine. Sur cette même tranche d’âge, 31 % des Audois ne sont ni en emploi ni en étude (20 % en France métropolitaine).

Les emplois dans l’économie présentielle, destinée à satisfaire les besoins de la population résidente et des touristes, ont presque doublé dans le département entre 1975 et 2019, passant de 49 000 à 92 000. Dans le même temps, le nombre d’emplois dans la sphère productive, a diminué, passant de 38 800 en 1975 à 35 500 emplois en 2019. La sphère présentielle représente 73 % de l’emploi dans le département, contre 65 % en France métropolitaine. L’écart s’explique surtout par la part plus importante d’emplois dans le domaine public.

En 2019, 13 000 Audois travaillent hors du département et 9 000 personnes résidant hors du département viennent travailler dans l’Aude. Les navetteurs sortants travaillent principalement dans les grandes aires de Toulouse, Béziers et Perpignan. L’Aude ne possède pas de très grands établissements employeurs. Les plus grands du secteur marchand relèvent du commerce, du BTP ou des services avec notamment Carrefour à Narbonne et la coopérative agricole Arterris à Castelnaudary, l’entreprise Cazal dans les travaux publics à Salles-sur-l'Hers, l’établissement de nettoyage Onet et le Crédit Agricole à Carcassonne.

Bien que la désindustrialisation ait été moins sévère dans l’Aude qu’en France métropolitaine, l’industrie n’occupe plus depuis longtemps une place importante dans l’emploi. L’industrie chapelière, anciennement très présente dans le sud du département, a presque disparu durant la seconde moitié du XX^e siècle. Sur ce territoire, le nombre d’emplois industriels est passé de 4 600 en 1975 à 1 200 en 2019. La désindustrialisation a été moins prononcée dans le territoire de Carcassonne et l’emploi industriel a même légèrement augmenté à l’ouest et à l’est, grâce au développement de quelques établissements, tels Plastisud, leader en fabrication de moules de précision, implanté à Castelnaudary et La Compagnie des desserts, fabricant de desserts glacés à Lézignan-Corbières. En 2019, l’Aude est le 9^e département le moins industriel de France métropolitaine en nombre d’emplois. Seulement 7 % des emplois relèvent de ce secteur contre 12 % en moyenne France métropolitaine. Dans l’Aude, un tiers des postes industriels relèvent de la fabrication de denrées alimentaires et de boissons.

L’emploi salarié dans le département est peu qualifié. Seulement 12 % des salariés sont des cadres ou exercent une profession intellectuelle contre 20 % en France métropolitaine. Les conditions d’emploi sont plus précaires qu’ailleurs. En effet, 19 % des salariés ne sont ni en CDI, ni titulaires dans la fonction publique, soit trois points de plus qu’en France métropolitaine. C’est dans le sud du département que l’emploi salarié est le moins qualifié et le plus précaire.

Les emplois non salariés sont nombreux dans l’Aude : 10 % des actifs sont artisans, commerçants ou chefs d’entreprises contre 6 % en France métropolitaine ; 4 % sont agriculteurs contre moins de 2 % en France. Le secteur agricole représente 6,6 % de l’emploi contre 2,6 % en France métropolitaine (figure 4). Les salariés agricoles sont souvent embauchés sur des postes saisonniers pour les travaux dans les vignes.

Renforcé par le poids important du tourisme, l’emploi saisonnier est très présent dans l’Aude. Tous secteurs confondus, il représente 10 % de l’emploi salarié du secteur privé, plaçant l’Aude au deuxième rang des départements d’Occitanie derrière les Pyrénées-Orientales. L’hôtellerie-restauration est le premier secteur pour l’emploi de saisonniers devant l’agriculture.

Seul département qui englobe une part des Pyrénées, du Massif Central et du littoral méditerranéen, l’Aude possède un patrimoine historique, architectural et naturel très riche. Au cœur du Pays Cathare, il dispose de deux grands parcs naturel régionaux et de deux sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco : la Cité de Carcassonne et le Canal du Midi. L’accueil des touristes a généré 9 500 emplois en moyenne sur l’année 2019, soit 10,1 % de l’emploi marchand contre 6,4 % en France métropolitaine.

Les atouts touristiques du département ont participé à l’essor du nombre de résidences secondaires. Entre 1968 et 1999, alors que le nombre des résidences principales a été multiplié par deux, celui des résidences secondaires l’a été par cinq. Depuis 2000, les résidences secondaires progressent moins vite que les résidences principales. En 2020, elles représentent un quart du parc de logements, ce qui place le département à la 8^e place du classement national pour cet indicateur. Les résidences secondaires appartiennent pour 25 % d’entre elles à des Audois, pour 12 % à des Hauts-Garonnais et pour autant à des étrangers. Ces résidences sont principalement situées sur la côte, dans les Pyrénées et dans la Montagne Noire mais aussi, dans une moindre mesure, dans les Corbières (figure 5). Dans la commune de Leucate sur le littoral, 84 % des logements sont des résidences secondaires.

Le littoral concentre la plus forte capacité d’accueil en camping. Toutefois, par la physionomie de sa côte parsemée d’étangs, elle est bien moindre que dans l’Hérault ou les Pyrénées-Orientales. Le tourisme devra aussi faire face au défi climatique. Le département de l’Aude est particulièrement concerné par le recul du trait de côte et le risque de submersion marine.