Insee Analyses Hauts-de-France · Juillet 2023 · n° 156

Une plus grande diversité sectorielle pour les Territoires d’industrie des Hauts-de-France

En France métropolitaine, en 2018, l’industrie manufacturière (champ) représente 10,2 % des emplois contre 15,3 % en 2006. La région des Hauts-de-France a enregistré une des baisses les plus importantes, avec une part d’emplois industriels passant de 18,4 % en 2006 à 11,9 % en 2018. Elle s’explique principalement par le recul des industries du textile, de la chimie et de la métallurgie. Cette désindustrialisation va de pair avec la tertiarisation de l’économie (+7,9 points dans la région et +6,3 points au niveau métropolitain).

La part des emplois de l’industrie manufacturière a diminué dans l’ensemble des Territoires d’industrie métropolitains depuis 2006 (-5,8 points) (encadré 1). La baisse a été plus marquée dans cinq régions : Auvergne-Rhône-Alpes (-7,9), Bourgogne-Franche-Comté (-7,7), Grand Est (-7,6), Centre-Val de Loire (-7,2) et Hauts-de-France (-7,1).

Dans la région, la baisse est restée contenue notamment dans le Boulonnais-Calaisis et le Beauvaisis (figure 1). Elle s’est avérée beaucoup plus importante, particulièrement dans le territoire de Flandres – Saint-Omer (-13,2 points) où les nombreuses fermetures d’établissements se cumulent à des réductions d’emplois dans d’autres établissements toujours en activité. De même, la part d’emplois industriels s’est fortement contractée (-9,5 points) dans le territoire de la Vallée de la Bresle – Vimeu, avec près de 220 établissements en moins et des baisses d’effectifs, par exemple dans les établissements de Pochet du Courval, Bricard, Silgan Dispensing Systems ou encore VKR France. Enfin, dans le territoire de Compiègne, la diminution a été marquée également (-9,3 points), en partie car le nombre d’établissements a diminué de presque 200 (fermetures de Continental, Aventis pharma ou encore Lajous Industrie).

Dans les Hauts-de-France, sur les 265 000 emplois relevant de l’industrie manufacturière, 180 000 sont concentrés dans les quatorze Territoires d’industrie. Ils représentent 14,9 % des emplois régionaux (14,0 % en moyenne à l’échelle nationale). Les Territoires d’industrie de la région concentrent donc près de 68 % des emplois de l’industrie manufacturière régionale (contre 57,7 % en France métropolitaine). Par comparaison, les Territoires d’industrie de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie sont pour la plupart moins industrialisés tandis que dans d’autres régions, comme Grand Est, l’industrie reste davantage ancrée dans les Territoires d’industrie qu’au niveau national. La région Hauts-de-France se trouve à cet égard dans une situation intermédiaire, même s’il existe des disparités très importantes au sein des territoires régionaux avec une part d’emplois industriels s’échelonnant de 9,3 % pour Amiens – Albert-Méaulte à 39,0 % dans la Vallée de la Bresle – Vimeu (figure 2). Ce dernier constitue d’ailleurs le territoire métropolitain avec la plus forte proportion d’emplois industriels.

Comme pour l’ensemble des Territoires d’industrie métropolitains, les Territoires d’industrie de la région ont tout autant une vocation économique que résidentielle. En effet, 54,4 % des salariés des Hauts-de-France travaillent dans un Territoire d’industrie et 56,6 % des habitants de la région y vivent.

La région se caractérise à la fois par une présence plus importante d’ouvriers et par des taux de chômage et de pauvreté plus élevés qu’en France métropolitaine. Le chômage touche davantage les habitants des Territoires d’industrie de la région que ceux des autres territoires d’industrie métropolitains (17,7 % contre 13,4 %) et huit Territoires d’industrie de la région ont une part de chômeurs plus élevée que le niveau régional, en particulier le Boulonnais-Calaisis et le Hainaut-Douaisis-Cambrésis avec un actif sur cinq sans emploi. La part d’ouvriers résidant dans les Territoires d’industrie régionaux est également plus élevée : 26,9 % contre 23,0 % en métropole au détriment des cadres moins nombreux (11,9 % contre 14,9 %).

Par ailleurs, le taux de pauvreté des territoires d’industrie régionaux s’élève à 18,3 % contre 14,5 % au niveau national. Ceux du sud de la région (Compiègne, Sud Oise et Château-Thierry) font partie des plus épargnés car ils bénéficient du rayonnement économique de la région parisienne. À l’inverse, les territoires ayant une part de chômeurs plus élevée ont aussi un taux de pauvreté plus fort.

L’initiative « Territoires d’industrie » s’appuie sur la disponibilité du foncier et la revitalisation des friches industrielles afin de ne pas augmenter l’artificialisation des sols. Dans les Territoires d’industrie régionaux, les terres agricoles demeurent nombreuses. Cependant, les zones urbanisées, industrialisées ou artificialisées occupent plus d’espace qu’au niveau national. Enfin, les forêts et autres espaces restent moins étendus.

Quatre secteurs concentrent deux tiers des emplois industriels des territoires d’industrie : l’industrie agroalimentaire (18,0 %), la métallurgie et fabrication de produits métalliques (17,1 %), la fabrication de matériels de transport (15,9 %) et la fabrication de produits en caoutchouc et plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques (15,0 %). Pour seulement deux Territoires d’industrie de la région, le secteur prédominant n’appartient pas à un des quatre principaux : Compiègne (industrie chimique) et Beauvaisis (fabrication de machines et équipements n.c.a).

Les 180 000 emplois industriels des Territoires d’industries se répartissent dans 5 700 établissements. Quatre salariés sur dix sont employés dans un établissement de 250 salariés ou plus. Dans les Territoires d’industrie de Flandre Saint-Omer et d’Amiens – Albert-Méaulte, plus de la moitié des salariés de l’industrie travaille dans un établissement de 250 salariés ou plus.

Les établissements des Territoires d’industrie régionaux affichent un taux de dépendance (encadré 2) plus élevé que la moyenne nationale (70,3 % contre 66,5 %) en particulier aux multinationales étrangères (32,8 % contre 24,7 %). Les Territoires d’industrie des Hauts-de-France se caractérisent également par une part d’ouvriers plus importante qui y travaillent (65,5 % contre 58,7 % dans l’ensemble des Territoires d’industrie métropolitains). Néanmoins, cette part varie selon les Territoires d’industrie, de 55,6 % pour celui de Compiègne, à 72,3 % pour celui de Vallée de la Bresle – Vimeu.

Les Territoires d’industrie des Hauts-de-France se caractérisent par leur diversité sectorielle. Ils présentent des profils divers (pour comprendre) mais peuvent être répartis dans cinq types de territoires différents, comme dans les régions Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Normandie. Cependant, dans ces régions, le profil concentrant le plus d’emplois industriels rassemble entre 43,0 % et 65,1 % de l’emploi industriel des territoires régionaux (contre seulement 37,7 % dans les Hauts-de-France).

Dans vingt territoires métropolitains dont celui de la Thiérache (figure 3), l’industrie agroalimentaire prédomine. Ainsi, ce secteur concentre 34 % des emplois industriels de la Thiérache, contre seulement 19 % au niveau national. Au niveau métropolitain, ces territoires se situent essentiellement au nord-ouest. Les salariés y sont plus fréquemment embauchés en intérim. De plus, plus de quatre intérimaires sur dix travaillent dans le secteur de l’agroalimentaire. Par ailleurs, parmi les actifs résidant dans ces territoires, il y a plus d’ouvriers que dans l’ensemble. Les établissements y sont plus souvent de grande taille avec plus de 50 salariés (Les Fromagers de Thiérache à Le Nouvion, Materne ou encore Nestlé à Boué). Le taux de contrôle des établissements est plus élevé qu’ailleurs. Les territoires agricoles occupent une plus forte part de l’espace dans ces territoires.

Le Saint-Quentinois-Tergnier-Est Somme, le Soissonnais-Valois, la Flandre-Saint-Omer et le Boulonnais-Calaisis se caractérisent également par une surreprésentation des industries agroalimentaires – entre 30 et 40 % des emplois industriels sont concentrés dans ce secteur contre 19 % au niveau national – comme par exemple Bonduelle et Intersnack France, toutefois combinée avec une présence plus marquée d’autres industries. À l’échelle métropolitaine, les territoires de ce type se situent surtout dans la moitié sud du pays. Les territoires de Flandre-Saint-Omer et de Soisonnais-Valois sont davantage orientés dans le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie (les Cartonneries de Gondardennes à Wardrecques) Quant aux territoires de Boulonnais-Calaisis et Saint-Quentinois-Tergnier-Est Somme, ils se distinguent par la plus forte présence de la fabrication de textiles (Desmazières Bonnetterie à Steenwerck). Historiquement, ce secteur était fortement ancré dans ces deux derniers territoires. En 2018, il reste encore surreprésenté avec respectivement 6,3 et 10,5 % des emplois industriels contre 3,5 % pour l’ensemble des territoires métropolitains. Il s’agit de pôles d’emploi conséquents, car les navettes domicile-travail hors du territoire y sont moins importantes que dans l’ensemble des territoires métropolitains, que ce soit pour les habitants ou les employés d’industrie des territoires.

À l’inverse des cinq précédents, six autres Territoires d’industrie de la région se caractérisent par une sous-représentation de l’industrie agroalimentaire, et une orientation plus marquée dans d’autres secteurs industriels, différents d’un territoire à l’autre. S’agissant de Dunkerque et Sud Oise, la métallurgie pèse davantage que dans l’ensemble des Territoires d’industrie métropolitains (établissements d’Arcelor Mittal). Pour la Vallée de la Bresle-Vimeu, Château-Thierry et Béthune Bruay, il s’agit de la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques. Pour le Beauvaisis, enfin, il s’agit de la fabrication de machines. À l’échelle nationale, les territoires du même type sont présents essentiellement dans le nord-est de la France métropolitaine.

La métallurgie concentre respectivement 46,0 %, 27,7 %, 23,5 % et 23,5 % des emplois industriels de Dunkerque, La Vallée de la Bresle-Vimeu, Château-Thierry et Sud Oise contre 15,5 % dans l’ensemble des territoires métropolitains. La Vallée de la Bresle – Vimeu, Château-Thierry et Béthune-Bruay hébergent également plus d’emplois industriels dans la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ou d’autres produits minéraux non métalliques que dans l’ensemble territoires nationaux (43,1 %,26,1 % et 18,6 % contre 9,7 %). Enfin, le Beauvaisis, avec la présence de l’établissement AGCO, se démarque par une part d’emplois dans la fabrication de machines supérieure au niveau national (20,2 % contre 6,4 %). Quelques grands établissements sont implantés dans ces six territoires (Caoutchouc Manufacture de l’Oise à Villers-Saint-Paul, PSA à Haisnes, Brigdestone à Béthune − fermé en 2021).

Les salariés de ces zones dépendent plus souvent d’un centre de décision implanté hors de leur territoire et sont plus nombreux à être embauchés en intérim. Les habitants actifs sont par ailleurs plus souvent des ouvriers.

La fabrication de matériel de transports est fortement ancrée dans 11 territoires nationaux situés dans la moitié nord du pays et, au sein de la région, dans les territoires d’Amiens-Albert-Méaulte et de Hainaut-Douaisis-Cambrésis. Cette activité (avec les établissements Stelia Aerospace pour Amiens, et Toyota pour le Hainaut) concentre plus d’emplois industriels que les autres Territoires d’industrie. En effet, elle représente respectivement 30,9 et 37,5 % de l’emploi industriel de ces deux zones (14,5 % pour l’ensemble des territoires de France métropolitaine). Les établissements industriels de ces zones dépendent davantage de centres de décision en dehors du Territoire d’industrie.

Enfin, à Compiègne et dans dix autres Territoires d’industrie métropolitains, l’industrie chimique occupe une place forte. Ce secteur pèse pour 25,5 % des emplois industriels du territoire de Compiègne, soit 20,1 points de plus que pour l’ensemble des Territoires d’industrie métropolitains (établissements de Merck à Trosly-Breuil, ou encore Chanel Parfums et Colgate Palmolive à Compiègne). Les salariés de l’industrie y occupent également plus souvent des postes de professions intermédiaires, notamment dans des établissements tels que Plastic Omnium, Sanofi Winthrop Industrie, Chanel, Weylchem Lamotte ou encore Enercon.