Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Mars 2023 · n° 160

Vieillissement de la population : un enjeu pour les politiques de logement

En 2019, 1,6 million de personnes de 65 ans et plus vivent en Auvergne-Rhône-Alpes. Si les tendances démographiques se poursuivent, leur nombre augmenterait fortement d’ici 2070 (encadré 1). La plupart vivent dans des logements ordinaires ; seules 6 % vivent en communauté, principalement en maison de retraite. Cette étude porte sur la population des 65 ans et plus vivant en logement ordinaire, soit 1,5 million de personnes qui seront appelées « personnes âgées ». Elles représentent 19 % de la population régionale, part identique à celle de la France métropolitaine. Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des régions où la part des personnes âgées est parmi les moins importantes après l’Île-de-France (14 %) et les Hauts-de-France (17 %). L’habitat et les conditions d’accueil des personnes âgées constituent un enjeu fort, puisque la part des personnes âgées de 75 ans et plus doublerait d’ici 2070 si les tendances démographiques se poursuivaient (18 % en 2070 contre 9 % en 2018).

Les personnes âgées représentent 20 % des habitants des communes rurales ou de densité intermédiaire et 17 % dans les communes les plus denses. Elles sont proportionnellement plus présentes dans l’ouest de la région que dans l’est (figure 1). Leur part s’avère particulièrement faible dans la Métropole de Lyon compte tenu de la forte proportion de jeunes (16 %). De même, l’afflux d’actifs transfrontaliers dans le bassin genevois contribue à réduire la part des personnes âgées dans la population d’une partie de la Haute-Savoie et, dans une moindre mesure, dans l’Ain (Pays de Gex, voire Pays Bellegardien).

Les personnes âgées résident dans 1,1 million de logements, soit 30 % de l’ensemble des résidences principales d’Auvergne-Rhône-Alpes. La moitié d’entre elles ont emménagé depuis plus de 30 ans. C’est particulièrement le cas dans les communes rurales (54 %) et les ceintures urbaines (56 %), mais moins dans les communes plus denses (45 %).

Elles vivent par conséquent dans des logements plus anciens. Pour huit personnes âgées sur dix, le logement a été construit avant 1991 alors que ce n’est le cas que de six habitants sur dix de la région. Elles sont particulièrement nombreuses, quatre sur dix, à vivre dans des logements construits entre 1971 et 1990 (figure 2).

Pendant cette période, les générations du baby-boom décohabitent de chez leurs parents : une personne de 65 ans en 2019 avait 20 ans en 1974. Afin de répondre aux besoins des personnes nées pendant les trente glorieuses, mais aussi aux arrivées de population, une politique forte de construction de logements était engagée. Des programmes de grands ensembles collectifs ont été réalisés, notamment à la périphérie des grandes villes. De plus, les aides à l’accession à la propriété et à l’acquisition de terrains ont contribué à l’essor de l’habitat pavillonnaire. Ainsi, la moitié des personnes de 65 ans et plus habitant dans les ceintures urbaines vit dans un logement construit entre 1971 et 1990. Dans les communes rurales, à habitat dispersé ou très dispersé, un tiers des personnes âgées vit dans des logements anciens construits avant 1919. À l’opposé, dans les grands centres urbains, elles sont seulement 7 %. Le renouvellement des constructions dans les espaces très urbanisés, pour construire des bâtiments comportant plus de logements, explique en partie ces différences. Enfin, les personnes âgées les plus modestes vivent plus souvent dans des logements anciens. L’enjeu de l’entretien et de la rénovation de ces logements concerne d’autant plus les personnes âgées ayant un faible niveau de vie.

Plus généralement, très peu de personnes âgées vivent dans un logement récent, de moins de 15 ans (6 %). Elles déménagent peu. En 2018, seules 26 000 d’entre elles ont quitté leur habitation pour un autre logement ordinaire, soit moins de 2 %. En outre, 13 000 sont parties vivre en Ehpad, maison de retraite ou autre communauté.

Près de huit personnes âgées sur dix sont propriétaires de leur logement (78 %). C’est plus que parmi l’ensemble de la population régionale (62 %). L’âge avançant et leurs carrières professionnelles achevées, les personnes âgées ont davantage eu l’occasion de capitaliser et accéder à la propriété contrairement aux plus jeunes actifs ou aux étudiants. De plus, aux politiques de construction de logements des années 1960-1970, s’associaient des politiques facilitant l’accession à la propriété avec l’extension des zones à construire.

Ainsi, dans les ceintures urbaines, 85 % des personnes âgées sont propriétaires de leur logement. Dans les communes rurales, le taux de propriétaires est aussi très important. Le moindre coût de l’immobilier et la faible offre locative a probablement favorisé l’accession à la propriété : 83 % sont propriétaires dans les bourgs ruraux et 90 % dans les communes les plus rurales.

En revanche, dans les grands centres urbains et les centres urbains intermédiaires, seules 68 % des personnes âgées sont propriétaires. Les plus modestes possèdent moins souvent leur logement que les plus aisés. Ainsi, 72 % des personnes âgées précédemment ouvrières, employées ou n’ayant jamais travaillé, sont propriétaires. À côté, 86 % des anciens artisans, commerçants et chefs d’entreprise, des cadres et des professions intermédiaires le sont. Quant aux exploitants agricoles, dont certains ont gardé les logements de leur ferme la retraite arrivée, 89 % sont propriétaires.

Deux tiers des personnes âgées vivent dans une maison. Dans les communes rurales, où le parc de logements est plutôt composé de maisons, 95 % des personnes âgées en habitent une. Dans les grands centres urbains, elles ne sont que 27 %, part néanmoins plus importante que pour les plus jeunes (18 %). La mutation du parc de maisons en immeubles collectifs dans les zones denses pourrait expliquer en partie cette différence. Les plus âgés ont davantage eu l’occasion d’emménager dans une maison, voire d’en devenir propriétaire et donc d’y rester. La différence est beaucoup moins marquée dans les autres communes moins denses où la pression immobilière est moins importante. Si l’entretien et la rénovation des logements sont de la responsabilité des propriétaires, ces travaux restent plus difficiles à mettre en oeuvre dans les immeubles collectifs, soumis au vote des copropriétaires, et particulièrement présents dans les communes denses.

Les personnes âgées habitent très rarement de petits logements. La moitié vit dans des logements de trois ou quatre pièces, 41 % dans cinq pièces et plus. Seules 9 % habitent dans une ou deux pièces.

Moins la commune est dense et plus les logements sont grands. Un quart des personnes âgées vit dans des logements de plus de 100 m² dans les grands centres urbains et les centres urbains intermédiaires ; elles sont plus d’un tiers dans les petites villes, près de la moitié dans les ceintures urbaines et dans les communes rurales. Le nombre de pièces suit la même logique : plus la densité de la commune est faible, plus il augmente.

Par ailleurs, 56 % des personnes âgées vivent en couple, plus rarement avec un enfant ou avec d’autres personnes (10 %). Parallèlement, un tiers vit seul, plus fréquemment en ville, surtout dans les grands centres urbains et dans les communes de densité intermédiaire (40 %), et moins dans les ceintures urbaines (27 %) et les communes les plus rurales (29 %). En avançant en âge, les personnes âgées vivent de plus en plus souvent seules. Elles sont 27 % entre 65 et 74 ans et 57 % au-delà de 84 ans.

Le nombre réduit de personnes par ménage associé à une taille des logements plutôt grande conduit à un phénomène de sous-peuplement. Neuf personnes âgées sur dix vivent dans des logements sous-peuplés (figure 3), dont trois avec un sous-peuplement prononcé et quatre avec un sous-peuplement très accentué. A contrario, si le surpeuplement touche 5 % de la population régionale, il est presque inexistant chez les personnes âgées.

Les maisons des personnes âgées, en général plus grandes que les appartements, sont plus largement sous-peuplées (respectivement 96 % et 79 %). De même, la part des maisons étant plus forte dans les communes les moins denses, le sous-peuplement y est d’autant plus important et accentué. Les personnes âgées ayant emménagé récemment sont moins souvent dans des logements sous-peuplés. Si 96 % des personnes âgées ayant emménagé dans leur logement depuis plus de 30 ans vivent dans des logements sous-peuplés, celles ayant emménagé depuis moins de deux ans ne sont plus que 74 % dans cette situation. Le sous-peuplement pose la question de l’entretien et plus encore de la consommation de chauffage des parties du logement inutilisées au quotidien.

Vivre dans un logement ancien n’est pas neutre au plan énergétique. Ainsi, en 2018, dans l’ensemble du parc régional, plus de 20 % des logements sont considérés comme des passoires thermiques (étiquettes F et G du DPE). Cette proportion s’élève à 36 % pour les logements dont l’année de construction est antérieure à 1975.

Les personnes âgées vivant dans des logements relativement anciens, le combustible principal utilisé reflète les époques de construction et le type d’habitat. La part des personnes âgées utilisant le fioul est supérieure à la moyenne régionale (respectivement 20 % et 13 %). Plus les logements sont récents, moins le fioul est fréquent. Seules 3 % des personnes âgées habitant des logements construits à partir du milieu des années 2000 l’utilisent.

Le gaz est l’énergie utilisée par 37 % des personnes âgées. Contrairement au fioul, son utilisation reste forte dans les logements récents mais diminue dans les logements construits à partir des années 1970 au profit de l’électricité. En effet, 24 % des personnes âgées se chauffent principalement grâce à cette énergie, plus fréquemment celles habitant des logements construits depuis les années 1970.

D’autres énergies alternatives (bois, solaire, géothermie, etc.) sont aussi utilisées mais seules 15 % des personnes âgées y recourent.

Le type de logement joue un rôle important dans le mode de chauffage utilisé : 27 % des personnes âgées habitant des maisons utilisent le fioul alors que ce n’est le cas que de 7 % pour celles demeurant en appartement. Pour ces dernières, le gaz de ville est majoritaire (56 %). Les combustibles alternatifs montent en puissance à partir du milieu des années 2000 suite aux réglementations thermiques. Ils sont plus faciles à mettre en œuvre dans les maisons. En effet, 33 % des personnes âgées vivant dans des maisons construites à partir de 2012 les utilisent pour seulement 8 % de celles vivant en appartement, notamment avec le développement des chaudières collectives fonctionnant avec des pellets de bois. Ainsi, en lien avec la structure du parc de logements, plus la commune est dense et plus le gaz de ville prime ; moins la commune est dense, et plus le fioul et les combustibles alternatifs sont répandus.

Les personnes âgées pourraient donc, pour une part d’entre elles, se retrouver en situation de vulnérabilité énergétique, en particulier dans le contexte actuel de hausse des prix de l’énergie. Leurs logements, plus anciens et plus grands, peuvent en effet être énergivores, sans rénovation récente. L’utilisation des énergies fossiles et non renouvelables constitue un enjeu environnemental.

L’accessibilité des logements peut devenir problématique lorsque surviennent les problèmes de motricité. Les maisons n’étant généralement pas desservies par un ascenseur, ce sont les immeubles qui en sont pourvus. En Auvergne-Rhône-Alpes, 42 % des personnes âgées en appartement n’ont pas d’ascenseur dans leur bâtiment. Si en vieillissant, les personnes âgées vivent plus fréquemment dans un appartement équipé, il n’en reste pas moins que 37 % des 85 ans et plus n’en bénéficient pas.

Moins la commune est dense et moins les personnes âgées en appartement disposent d’un ascenseur. Ainsi, dans les communes rurales, 91 % n’en disposent pas ; elles sont 77 % dans les bourgs ruraux, 63 % dans les petites villes, 45 % dans les centres urbains intermédiaires et 30 % dans les grands centres urbains. Cependant, dans les communes les moins denses, les immeubles sont souvent moins hauts et par conséquent moins équipés de ce confort. En effet, les règles de la construction obligeaient, depuis 1978, l’installation d’un ascenseur desservant chaque étage, uniquement dans les bâtiments d’habitation collectifs comportant plus de trois étages au-dessus du rez-de-chaussée. Le seuil n’a été abaissé à deux étages qu’à partir du 1^er octobre 2019.

L’époque de construction de l’immeuble influe donc sur la présence d’un ascenseur : 94 % des personnes âgées vivant dans un appartement construit avant 1946 n’ont pas d’ascenseur. Ce n’est le cas que de 58 % de celles habitant un immeuble bâti après 2006. Aussi, en avançant en âge, les personnes âgées se dirigent davantage vers des appartements plus accessibles. Quand ils ont emménagé dans un appartement depuis moins de dix ans, 43 % des 65-74 ans ne sont pas desservis par un ascenseur, les 85 ans et plus ne sont plus que 30 % dans cette situation. L’adaptation des logements peut être un vecteur d’accompagnement de la dépendance et du maintien à domicile.

Les projections régionales de population 2018-2070 représentent une déclinaison locale des projections pour la France entière diffusée par l’Insee en novembre 2021. Le modèle Omphale permet de réaliser des projections infranationales en projetant d’année en année les pyramides des âges des différents territoires. L’évolution de la population par sexe et âge repose sur des hypothèses d’évolution de trois composantes : la fécondité, la mortalité et les migrations (flux internes à la France et solde migratoire avec l’étranger).