Insee Analyses Corse · Mars 2023 · n° 48

Le bâtiment en Corse, pilier de l’emploi régional

La branche « bâtiment » s’organise essentiellement autour des secteurs de la construction, de l’industrie manufacturière et des services. Elle a un poids particulièrement important dans l’économie corse mais connaît cependant des difficultés de recrutement (encadré 1). Cerner les conditions d’emploi, les salaires, mais aussi le profil des salariés aide à identifier les leviers qui permettraient de renforcer l’attractivité et la compétitivité de cette branche.

D’une part, avec 8 900 emplois occupés fin 2019, soit 14 % de l’emploi salarié régional, la branche « bâtiment » est la plus employeuse en Corse. Elle devance la branche « Hôtels-Cafés-Restaurants » (HCR) dont la part est moitié moins importante [Insee Dossier Corse n°13 – pour en savoir plus (1)]. Le poids du bâtiment dans l’emploi salarié régional est deux fois plus élevé en Corse qu’en moyenne de province, ce qui place la région au premier rang de celles de province.

Au niveau infra-régional, la branche est particulièrement présente dans les zones d’emploi de Propriano et Porto-Vecchio (figure 1). À l’inverse à Bastia et à Ajaccio, la part du bâtiment dans l’emploi est deux fois moins élevée en raison notamment d’une plus large palette d’activités.

D’autre part, au sein du système productif, la branche « bâtiment » regroupe 1 819 établissements employeurs fin 2019, soit 16 % des structures régionales. Cependant ces établissements sont essentiellement de petite taille : 89 % comptent moins de 11 salariés. Seuls quatre d’entre eux ont plus de 50 salariés, ils concentrent 2 % des emplois, soit huit fois moins qu’en province.

Sur l’île, le secteur du bâtiment compte très majoritairement des établissements non-employeurs. Fin 2019, 3 150 non-salariés exercent ainsi dans le domaine de la construction à titre principal ou en complément d’une activité salariée, soit un non-salarié sur cinq. Ils sont deux fois plus présents en Corse qu’en province. Ces professionnels exercent leur activité principalement dans les travaux de maçonnerie générale et gros œuvre, les travaux d’installation (électricité, plomberie) ou de finition (peinture, vitrerie).

En 2020, malgré la crise sanitaire, la contraction de l’activité a été très modérée (figure 2). En dépit des confinements successifs, la branche retrouve le même niveau d’emploi qu’en 2019 dès juillet tandis qu’il a fallu attendre octobre pour l’ensemble de l’économie régionale. En fin d’année, l’effectif salarié est supérieur de 3,4 % à celui de l’année précédente.

Comme en province, les emplois du bâtiment se distinguent par une forte proportion d’ouvriers : huit salariés sur dix sont des ouvriers. Parmi eux, 60 % sont des ouvriers qualifiés, alors qu’ils sont 81 % en province. Ces derniers sont essentiellement maçons (41 % des postes d’ouvriers qualifiés), électriciens (10 %), puis plombiers ou chauffagistes (8 %). Le bâtiment corse se caractérise ainsi par une surreprésentation des ouvriers non qualifiés, deux fois plus présents qu’en province. En particulier, les postes du gros œuvre et du second œuvre regroupent 85 % des postes d’ouvriers non qualifiés.

Par ailleurs, les employés sont sous-représentés (7 %), les deux tiers sont alors secrétaires. Comme en province, les postes d’encadrement sont peu fréquents (5 %). Ils sont pour moitié des « ingénieurs, cadres de chantier ou conducteur de travaux ».

À cette moindre qualification, s’ajoute une plus faible diversité des professions. Deux métiers concentrent 42 % des emplois dans la branche régionale : ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment et maçons. En province, les deux principaux métiers couvrent 19 % des emplois (figure 3).

Contrairement à l’ensemble de l’économie corse, l’activité du bâtiment n’est pas saisonnière. La stabilité des emplois se caractérise d'une part, par une rotation de l'emploi (pour comprendre) qui concerne 49 % des postes présents au 1^er janvier dans le bâtiment contre 70 % dans l'ensemble des branches insulaires. D’autre part, les contrats durent plus longtemps avec une durée moyenne de 253 jours contre 245 jours dans l’ensemble de l’économie corse. Ainsi, le contrat à durée indéterminée (CDI) est le principal contrat proposé avec 83 % de CDI contre 67 % dans l’ensemble des branches insulaires. Cette catégorie de contrats inclut également les « contrats de chantier » dont la durée est limitée et liée à celle des travaux. Ces derniers sont toutefois très peu nombreux et n’expliquent donc pas cette surreprésentation.

Toutefois, en lien avec la petite taille des établissements, l’emploi dans le bâtiment n’échappe pas entièrement aux caractéristiques des emplois insulaires. En effet, le taux de rotation de l’emploi est supérieur à celui de province où il s’établit à 38 % dans la branche et à 35 % dans l’ensemble de l’économie. De plus, en Corse, les contrats du secteur durent en moyenne vingt jours de moins qu’en province où les CDI représentent 87 % des contrats. Pour répondre à ses besoins de flexibilité, le bâtiment utilise d’autres types de contrats tels que l’intérim ou le détachement de salariés en complément des CDD (encadré 2).

Enfin, les contrats à temps partiel sont rares et concernent 6 % des salariés. La sous-représentation des femmes et la nature des activités expliquent que la branche emploie trois fois moins de personnes à temps partiel qu’en moyenne régionale. Dans le bâtiment, 32 % des femmes exercent à temps partiel contre 3 % des hommes. De plus, ce type de contrat concerne davantage les salariés de 55 ans ou plus. Parmi eux, 8 % travaillent à temps partiel, contre 5 % des moins de 25 ans.

En 2019, sur l’île, un salarié de la branche « bâtiment » perçoit en moyenne un salaire brut de 15,7 €/h. C’est 7 % de moins que dans le bâtiment en province (figure 4).

Cette différence s’explique en partie par la rareté des grands établissements. Au sein de la branche, le salaire croît avec la taille des structures. Un établissement de plus de 50 salariés rémunère ses salariés en moyenne 30 % de plus que ceux de moins de 11 salariés. En effet, les catégories socioprofessionnelles les mieux rémunérées sont plus fréquentes dans les grands établissements de plus de 50 salariés qui offrent une fois et demi plus de postes de cadres et trois fois plus de postes de professions intermédiaires.

Or, la structure régionale de la branche dessine une surreprésentation des ouvriers non qualifiés et une sous représentation des cadres. Le bâtiment corse se distingue ainsi par une structure qui influe particulièrement négativement sur les salaires et explique les trois quarts des écarts mesurables. À structure d’emploi identique (pour comprendre), l’écart salarial entre le bâtiment corse et celui de province diminue mais persiste à −1,8 %.

De plus, les disparités avec la province se creusent avec la qualification socioprofessionnelle. Le salaire horaire brut moyen des ouvriers qualifiés et des ouvriers non qualifiés est proche de celui de leurs homologues de province puis l’écart salarial s’accentue pour les autres catégories. En Corse, les professions intermédiaires touchent 4 % de moins, les employés ont un salaire de 6 % inférieur tandis que les cadres perçoivent 11 % de moins. Enfin les artisans, commerçants ou chefs d’entreprise sont rémunérés 18 % de moins qu’en province.

En outre, à 55 ans ou plus, un salarié perçoit en moyenne 1,4 fois plus qu’à moins de 25 ans. C’est le reflet, à la fois, de l’augmentation automatique des rémunérations avec l’ancienneté et les compétences acquises au fil des années (les ouvriers de 55 ans ou plus sont plus souvent qualifiés).

Sur l’île, fin 2019, 16 % des salariés du bâtiment ont 55 ans ou plus (1 400 salariés) (figure 5). C’est deux points de moins que dans l’ensemble des branches insulaires mais trois points de plus que le bâtiment de province. La question du renouvellement de la main d’œuvre est plus importante dans les métiers d’ingénieurs et cadres techniques, ouvriers du travail du béton, cadres du recrutement ou spécialistes de la formation. Elle l’est également dans les professions intermédiaires comme les chefs de chantier et les conducteurs de travaux, ou non cadres comme les secrétaires.

Fin 2019, en Corse, 670 salariés du bâtiment ont moins de 25 ans, ils occupent 8 % des postes de la branche, un niveau équivalent à la province. Leurs conditions d’emploi sont stables : les trois quarts des jeunes sont en CDI contre deux tiers pour l’ensemble des branches insulaires et quatre sur cinq en province. De plus, la quasi-totalité des jeunes travaillent à temps complet. Ils sont particulièrement présents sur les postes non qualifiés. Ainsi, ils occupent 20 % des postes d’ouvriers du second œuvre. Malgré leurs conditions d’emploi stables, les jeunes sont plus souvent en rotation que les seniors : deux jeunes de moins de 25 ans sur cinq quittent la branche en cours d’année, une part trois fois supérieure à celle des seniors de 55 ans ou plus.