Insee Analyses Centre-Val de Loire · Décembre 2022 · n° 90

Plus de retard scolaire dans les territoires touchés par la pauvreté

L’apprentissage de la lecture, du calcul, de l’écriture et de l’orthographe constituent les fondamentaux du parcours scolaire des enfants. Leur acquisition dépend de multiples facteurs (actions pédagogiques, accompagnement et soutien des parents…) et leur maîtrise imparfaite peut aboutir à un ou plusieurs redoublements.

Plusieurs indicateurs permettent de mesurer les difficultés scolaires des enfants de 6 à 15 ans, en particulier le taux de retard des élèves. Ce dernier s’accroît naturellement avec le niveau scolaire (figure 1). En 2019, 7,8 % des élèves sont en retard à l’entrée en 6^e, alors qu’ils sont 14,5 % en 3^e lors de la même rentrée. Le taux de retard en 6^e est inférieur à 7,3 % pour la moitié des collèges. C’est 5 points de moins qu’en classe de 3^e. Par ailleurs, les taux de retard sont hétérogènes et les écarts entre établissements se creusent de plus en plus au fur et à mesure de l’avancement de la scolarité. À l’entrée en CP, dans un quart des territoires de recrutement des collèges, le taux de retard au CP est inférieur à 3,5 % et dans un quart des territoires ce taux est supérieur à 6,9 %. Ainsi, l’écart interquartile est de 3,4 points. Cet intervalle augmente de près de deux points dès la classe de CE2 avant d’atteindre 6 points à l’entrée en 6^e puis d’excéder 8 points jusqu’à la fin du collège.

Le retard d’un élève, dont l’origine peut aussi être une entrée plus tardive dans le système éducatif, ne reflète que partiellement les difficultés scolaires. Des lacunes ou des difficultés passagères peuvent être rencontrées sans qu’elles ne causent de redoublement. Le taux de retard traduit aussi les pratiques des établissements scolaires en matière de redoublement. Ce dernier est de moins en moins fréquent en raison de l’évolution des pratiques et de la politique de limitation du redoublement, devenant même exceptionnel depuis la rentrée 2015.

Les difficultés scolaires ont pour conséquences de moins bons résultats au diplôme national du brevet, une moindre obtention du diplôme et des moyennes plus faibles aux épreuves, et peuvent engendrer une proportion plus élevée de décrochage scolaire (taux de sortie sans qualification dès 16 ans ou plus : 6,1 % en 2021 dans l’Académie).

En septembre 2019, 31 390 élèves résidant la région ont fait leur rentrée en classe de 6^e. Parmi eux, 2 460 accusent un retard scolaire d’au moins un an, soit un taux de retard à l’entrée en 6^e de 7,8 %, contre 14,6 % cinq ans plus tôt. Ce taux est supérieur à celui de France métropolitaine (7 %). Le taux de retard des élèves scolarisés dans un établissement public est plus élevé que celui des élèves scolarisés dans un établissement privé sous contrat : 8,4 % contre 4,7 % (respectivement 7,6 %, contre 4,8 % en France métropolitaine).

Les taux de retard à l’entrée en 6^e sont inégaux entre les départements. Avec des taux de retard respectivement de 9 %, 9,6 % et 9,8 % en 2019, le Cher, l’Indre et le Loir-et-Cher dépassent la moyenne régionale. À l’inverse, les taux sont plus bas dans l’Eure-et-Loir, l’Indre-et-Loire et le Loiret, avec respectivement 6,9 %, 7 % et 7,3 % d’élèves en retard. Plus généralement, le taux de retard à l’entrée en 6^e n’est pas homogène parmi les 228 collèges publics implantés dans l’académie d’Orléans-Tours (figure 2). Il est inférieur à 5 % dans un collège public sur quatre et supérieur à 15 % dans près d’un collège public sur dix.

Les retards scolaires sont les plus fréquents dans les territoires marqués par une plus forte précarité économique et sociale des habitants. À titre d’exemple, le taux de retard médian des élèves scolarisés dans un collège dont la zone de recrutement (Pour comprendre) inclut un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) est sensiblement supérieur à ceux des autres collèges : 12,5 % contre 7 %. Par ailleurs, dans la moitié des collèges du réseau d’éducation prioritaire, 13,7 % des élèves sont en retard à l’entrée en 6^e, un taux presque double de celui observé dans les collèges n’appartenant pas à ce réseau.

Les enfants de moins de 18 ans représentent 21 % de la population régionale en 2019. Ils sont davantage touchés par la pauvreté : plus d’un enfant sur cinq y est exposé (20,2 %), contre une personne sur huit (13 %) pour l’ensemble de la population régionale. Néanmoins, le taux de pauvreté monétaire régional reste en deçà du taux national (14,6 %), y compris pour les enfants (21,3 %). Le niveau de vie médian des ménages avec au moins un enfant de moins de 18 ans est de 1 680 euros par mois en Centre-Val de Loire en 2019. Il est du même ordre de grandeur qu’en France métropolitaine (1 705 euros par mois), mais inférieur à celui de l’ensemble des ménages de la région (1 797 euros par mois).

Les enfants qui vivent au sein d’une famille monoparentale ou nombreuse sont plus souvent exposés à la pauvreté. Les familles monoparentales, très majoritairement constituées de mères seules avec enfants, sont plus fortement touchées par la pauvreté (28,7 %) que les couples avec enfants (11,7 %), qui bénéficient plus souvent de deux sources de revenus d’activité. Plus d’un tiers des enfants des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté. Concernant les familles nombreuses, le taux de pauvreté des enfants atteint 33,4 % lorsqu’ils vivent dans un ménage avec trois enfants ou plus, contre 14,1 % lorsqu’ils font partie d’une famille avec au plus deux enfants. Plus de la moitié des enfants vivant sous le seuil de pauvreté (52,6 %) vivent ainsi avec au moins deux frères ou sœurs.

La répartition territoriale des enfants vivant sous le seuil de pauvreté est similaire à celle observée pour l’ensemble de la population précaire. Ceci est en partie lié au fait que près d’un tiers des personnes pauvres (32,8 %) sont des enfants. La pauvreté est plus marquée dans le sud de la région. Le taux de pauvreté de la population de la moitié des zones de recrutement des collèges situées dans l’Indre et du tiers du Cher est supérieur à 14,6 % (figure 3). La pauvreté est moins importante dans les zones des collèges de l’axe ligérien et entre Orléans et Chartres. C’est aussi le cas dans les trois quarts de celles d’Eure-et-Loir et plus de 85 % de celles du Loir-et-Cher qui ont un taux de pauvreté inférieur à la moyenne nationale. Les territoires de recrutement des collèges du Loiret montrent une hétérogénéité plus importante des niveaux de pauvreté : le taux de pauvreté de la population est inférieur à 10 % dans 40 % d'entre eux, soit autant que ceux dont le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne nationale.

Le taux de pauvreté défini à l’échelle d’une zone de recrutement d’un collège public est le premier déterminant du niveau des retards des élèves à l’entrée en 6^e parmi les facteurs considérés (Pour comprendre) : plus le taux de pauvreté de la zone est élevé, plus le taux de retard des élèves scolarisés dans le collège est important (figure 4). Pour la moitié des zones de recrutement des collèges publics où le taux de pauvreté est inférieur à 10 %, le taux de retard est inférieur à 4,7 %. Lorsque le taux de pauvreté est supérieur à 20 %, le taux de retard médian à l’entrée en 6^e des collèges publics de la région atteint 10,6 %.

Pour près d’un collège sur cinq, rassemblant 18 % des élèves de 6^e, un taux de retard supérieur à 10 % s’accompagne d’un taux de pauvreté dans la zone de recrutement supérieur à 20 %. Parmi les seules zones où le taux de pauvreté est supérieur à 20 %, 56,0 % ont un taux de retard supérieur à 10 %, alors que ce taux est très faible (5 %) pour les collèges où le taux de pauvreté est inférieur à 10 %. Peu nombreuses sont les zones de recrutement de collèges où les retards sont faibles lorsque la pauvreté est élevée (3 % des collèges et un peu moins de 3 % des élèves de 6^e scolarisés dans la région), mais moins nombreuses encore sont celles où les retards sont élevés malgré une faible pauvreté.

Les différences territoriales en termes de retards scolaires se rapprochent de celles de la pauvreté. Les zones de recrutement du sud-est de la région cumulent taux de retard et de pauvreté élevés. Le contexte est plus favorable sur l’axe ligérien et il l’est davantage encore au nord et au sud de Chartres et de Tours où se situent la plupart des zones de recrutement cumulant un faible retard et une faible pauvreté.

Cette association spatiale entre retard scolaire et précarité économique et sociale est davantage marquée au sein des zones de recrutement des établissements du secondaire des deux métropoles régionales (Orléans et Tours). Elle suggère, outre l’impact des caractéristiques individuelles des enfants et de leur famille, un lien entre le contexte géographique de vie des enfants et leurs résultats scolaires.

La réussite scolaire et l’environnement familial, caractérisé notamment par la situation professionnelle et le niveau de diplôme des parents, sont liés. Plus la part des parents d’élèves inactifs ou au chômage est forte parmi l’ensemble des parents d’élèves d’un collège toutes classes confondues, plus le retard à l’entrée en 6^e est élevé. Pour la moitié des collèges dans lesquels plus d’un parent d’élève sur cinq est inactif ou au chômage, le taux de retard en 6^e est supérieur à 12,9 %. À l’inverse, le taux de retard médian à l’entrée en 6^e est de 7,2 % lorsque la part des parents d’élèves inactifs ou au chômage est inférieure à 20 %. De même, plus la part d’ouvriers est élevée, plus le taux de retard est élevé. À l’inverse, plus la part des cadres et professions intellectuellement supérieures est forte parmi l’ensemble des parents d’élèves d’un collège public, moins les élèves sont en retard à leur entrée en 6^e. Le taux de retard en 6^e est inférieur à 4,4 % dans la moitié des collèges parmi ceux où plus d’un parent d’élève d’un collège sur cinq occupe un poste de cadre. En revanche, pour la moitié des collèges dans lesquels moins d’un parent d’élève sur cinq est cadre, le taux de retard est supérieur à 8,1 %.

Lié à la profession exercée, le niveau de diplôme des parents a une influence sur la réussite scolaire, sans doute grâce à l’aide qu’ils peuvent apporter à leurs enfants (soutien scolaire, choix d’orientation…). Plus la part des parents d’enfants de 3 à 17 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur de niveau bac + 5 ou plus d’une zone de recrutement d’un collège est faible, plus le taux de retard est important. Le diplôme de la mère a un effet plus marqué sur les difficultés scolaires des enfants que celui du père : dans les 25 % des zones de recrutement où la part des mères d’enfants de 3 à 17 ans très diplômées est la plus faible, le taux de retard médian est de 23,5 % (respectivement 17,3 % en considérant les pères).

Les élèves scolarisés dans un collège public qui résident dans une commune rurale sont moins souvent en retard à leur entrée en 6^e que les élèves urbains : 7,2 % contre 9,6 % (figure 5). L’espace urbain est marqué par une plus forte hétérogénéité du taux de retard. Il est le plus faible dans les ceintures urbaines (5,3 %, soit inférieur de plus de 3 points à la moyenne régionale) et le plus élevé dans les grands centres urbains (10,2 %) et surtout les centres urbains intermédiaires (12,5 %, soit supérieur de plus de 4 points à la moyenne régionale). Plus d’un élève sur dix est en retard dans les collèges dont les zones de recrutement s’étendent sur les deux métropoles régionales (Orléans et Tours). Malgré un retard moins fréquent dans le rural, les élèves résidant dans une commune rurale à habitat très dispersé le sont davantage qu’au niveau régional (9,2 %).

Au sein des centres urbains intermédiaires (Blois, Châteauroux, Dreux, Montargis, Pithiviers, Vierzon…), les difficultés scolaires peuvent être liées à un environnement économique et social moins favorable. C'est effectivement sur ces territoires que le taux de pauvreté est le plus élevé : près d’une personne sur trois d’un ménage avec au moins un enfant de 3 à 17 ans vit sous le seuil de pauvreté, soit deux fois plus que la moyenne régionale (17,9 %). Sur ces territoires, les parents d’enfants sont également moins souvent en emploi et lorsqu’ils le sont, il s’agit plus fréquemment d’ouvriers. Enfin, les retards scolaires plus élevés sur ces territoires peuvent également être mis en lien avec une part de logement suroccupés plus importante.

À l’inverse, les taux de retard à l’entrée en 6^e sont généralement plus faibles dans les zones de recrutement des collèges situés dans le péri-urbain. Les faibles taux de retard des élèves des ceintures urbaines sont à mettre en relation avec un environnement économique et social plus favorable. Plus d’un parent d’élèves sur quatre appartient à une profession et catégorie sociale « très favorisée » (chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus, ingénieurs et cadres techniques d’entreprise, cadres de la fonction publique…). Au contraire, la part des parents d’élèves appartenant à une catégorie sociale « défavorisée » est la plus faible (23,5 %) faisant de ces territoires les seuls où la part des PCS « très favorisées » parmi les parents d’élèves est supérieure à celle des PCS « défavorisées ». Le niveau de vie des ménages y est également plus élevé avec un revenu annuel médian de 2 400 € supérieur au niveau régional.