Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Décembre 2022 · n° 154

La plasturgie : une longue histoire industrielle, des enjeux pour l’avenir

En moins d’un siècle, le plastique a révolutionné notre vie quotidienne. Grâce à ses multiples fonctionnalités (souplesse ou rigidité, légèreté, transparence, facilité de nettoyage, isolation thermique, phonique…) et son faible coût, il a remplacé de nombreuses autres matières comme le bois, l’aluminium, l’ivoire… Son utilisation est vaste et diversifiée. Les principaux débouchés se situent dans le secteur agroalimentaire (emballage), la construction et l’automobile. Comprendre la situation économique du secteur, expliquer son implantation territoriale, mettre en évidence les facteurs d’évolution récente de l’emploi, sont autant d’atouts pour accompagner les entreprises et les pouvoirs publics dans la nécessaire transition du secteur. Celui-ci doit en effet s’adapter face aux enjeux environnementaux et aux évolutions réglementaires, et proposer des produits plus recyclables afin de limiter le recours aux hydrocarbures fossiles, polluants et à terme, rares et coûteux.

Ces enjeux sont particulièrement prégnants en Auvergne-Rhône-Alpes, qui constitue la première région plasturgique de France avec plus d’un cinquième des salariés du secteur et près du tiers de la valeur ajoutée nationale. Fruit d’une longue histoire industrielle, notamment dans le textile et la chimie, la plasturgie s’est naturellement développée dans la région, portée notamment par deux pôles de forte concentration : la Plastics Vallée dans l’Ain et le plateau de Sainte-Sigolène en Haute-Loire (encadré 1).

En Auvergne-Rhône-Alpes, 23 000 salariés travaillent dans le secteur de la plasturgie en 2019. La région est la première employeuse du secteur avec 21 % des salariés, largement devant les Pays de la Loire (12 %), le Grand Est (11 %) et les Hauts-de-France (10 %). Malgré ce chiffre élevé, la plasturgie ne dépasse pas 5,5 % de l’emploi industriel régional, Auvergne-Rhône-Alpes étant dotée d’un tissu industriel fort et diversifié. C’est légèrement moins qu’en Centre-Val de Loire (5,9 %) et que dans les Pays de la Loire (5,7 %) mais bien supérieur au niveau national (4,1 %).

Les emplois de la région sont répartis dans 780 établissements, au sein de 702 entreprises. La région se classe également en tête pour le nombre d’établissements présents : 24 % sont localisés en Auvergne-Rhône-Alpes.

La zone d’emploi d’Oyonnax, terre de la plus grande partie de la « Plastics Vallée », concentre 18 % de l’emploi salarié régional du secteur (4 200 emplois) et la zone des Sources de la Loire, où se trouve le Sigolénois, 9 % (2 100 emplois) (encadré 1). À titre de comparaison, ces deux zones d’emploi représentent chacune 2 % de l’emploi industriel de la région. Elles sont spécialisées dans la plasturgie ; l’activité y représente en effet respectivement 49 % et 29 % de l’emploi industriel (figure 1). Chacune de ces zones garde l’empreinte de son histoire industrielle, avec une forte spécialisation des procédés : injection pour Oyonnax, extrusion pour le Sigolénois.

Par son volume d’emploi et son attractivité, la zone d’emploi de Lyon capte également une partie importante des emplois du secteur (11 % et 16 % des établissements) mais le secteur y est sous-représenté, avec 2,9 % de l’emploi industriel.

La plasturgie est par ailleurs fortement présente au sein d’autres zones d’emploi de la région même si les volumes d’emploi sont plus faibles (entre 2 % et 4 % des effectifs de l’emploi total selon les zones d’emploi). C’est notamment le cas à Tarare où l’activité représente 22 % de l’emploi industriel, à Aurillac (21 %) et dans la zone de Bollène–Pierrelatte (12 %). Ces territoires accueillent de gros établissements du secteur où l’emploi se concentre : Gerflor à Tarare (5^e et 8^e plus gros employeurs du secteur dans la région), Qualipac à Aurillac (2^e employeur) et Gerflor également à Bollène-Pierrelatte (6^e et 7^e employeurs). Dans le Livradois, la plasturgie représente aussi 12 % de l’emploi industriel, avec une activité localisée près de Thiers et qui s’est déployée autour de la coutellerie.

Bien que première région plasturgique, Auvergne-Rhône-Alpes n’accueille pas les plus gros établissements du secteur. Au niveau national, les trois plus importants établissements se situent en Normandie (Aptar), dans les Pays de la Loire (Nicoll) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Sartorius Stedim France). Les trois premiers établissements de la région, Nemera à La Verpillière (dans la zone d’emploi de Bourgoin-Jallieu), Qualipac à Aurillac et Plastic Omnium à Sainte-Julie (dans la zone d’emploi de Bourg-en-Bresse), se classent, quant à eux, 10^e, 12^e et 13^e au niveau national.

Après avoir été fortement touché par la crise économique de 2008 (– 7 % en un an), l’emploi régional du secteur de la plasturgie se stabilise depuis 2013 avec une légère tendance haussière sur les trois dernières années (+ 2 %) (figure 2). Au total, entre 2008 et 2019, l’emploi s’est contracté de 9 %. La région a bien mieux résisté après la sortie de crise que le reste du pays. Au niveau national, la baisse a en effet été plus forte dès 2010 et ne s’est pas inversée. Les autres grandes régions de la plasturgie connaissent également une baisse entre 2008 et 2019, comparable à Auvergne-Rhône-Alpes dans les Pays de la Loire, mais nettement plus forte dans le Grand Est et dans les Hauts-de–France (respectivement – 21 % et – 19 %). Au final en Auvergne-Rhône-Alpes, l’évolution de l’emploi de la plasturgie est sensiblement la même que celle de l’ensemble de l’industrie manufacturière.

Entre 2008 et 2019, certains établissements ont changé de secteur. Les emplois vont principalement de la plasturgie vers l’automobile. Ces mouvements peuvent correspondre à des phénomènes divers, tels que des réorientations d’activité ou une intégration verticale au sein d’entreprises du secteur automobile. En tenant compte de ces changements de secteur, la baisse dans le secteur de la plasturgie serait plus forte, dans la région comme au niveau national (respectivement – 16 % et – 23 %). Toutefois, ne s’agissant pas de disparition pure d’emploi mais d’un volume comptabilisé ailleurs, les évolutions présentées ici resteront à « champ constant », c’est-à-dire hors changement de secteur sur la période.

Parmi les principales zones d’emploi de la plasturgie, les évolutions d’emplois sont hétérogènes. Dans celle d’Oyonnax, la baisse est forte avec – 13 % entre 2008 et 2019 (soit – 810 emplois). Marquée, surtout après la crise de 2008, cette baisse perdure, mais au ralenti, jusqu’en 2013. La perte d’emplois entre 2008 et 2009 contribue à hauteur des deux tiers du déficit total. Depuis 2013, l’emploi est stable. Le constat est sensiblement le même dans la zone d’emploi de Lyon, avec une baisse de 11 % entre 2008 et 2019 mais de seulement 2 % depuis 2013.

Dans d’autres zones d’emploi, l’impact de la crise est moins marqué et l’emploi a même augmenté. Pour les Sources de la Loire, la hausse entre 2008 et 2019 est de 7 %, alors même que sur cette période, les sacs plastiques à usage unique étaient interdits (2016), un important débouché pour le territoire. Enfin dans la zone d’emploi de Bourgoin-Jallieu, la progression est encore plus forte (+ 24 % entre 2008 et 2019) en lien principalement avec la croissance de l’établissement Nemera à La Verpillière.

Les premiers résultats disponibles sur l’ensemble de l’année 2020 indiquent que l’emploi dans la plasturgie a été relativement préservé dans le contexte de crise sanitaire, avec une diminution inférieure à celle de l’ensemble de l’industrie manufacturière. Le recours à l’activité partielle a été important, sans être disproportionné par rapport au poids du secteur.

En Auvergne-Rhône-Alpes, l’emploi repose sur des établissements de taille inférieure à la moyenne nationale : 33 emplois contre 36 en France en 2019 (figure 3). L’écart est encore plus marqué avec les autres principales régions, où le nombre moyen de salariés par établissement est de 41 dans les Hauts-de-France, 45 dans le Grand Est et 49 dans les Pays de la Loire. Entre 2008 et 2019, cette différence a eu tendance à se réduire légèrement, la taille moyenne des établissements d’Auvergne-Rhône-Alpes augmentant quand elle se réduisait ailleurs.

Outre des établissements en moyenne plus petits, l’emploi de la région est plus diffus qu’ailleurs. En particulier, les dix plus gros établissements concentrent seulement 16 % des emplois, contre 25 % à 30 % dans les autres grandes régions de la plasturgie.

Les emplois de la plasturgie en Auvergne-Rhône-Alpes sont massivement concentrés au sein des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) (94 % des salariés). Cela semble être une caractéristique de cette activité. En effet, au niveau national, les PME et les ETI emploient 91 % des salariés du secteur. A contrario, seuls 2 % des emplois relèvent d’une grande entreprise, alors qu’elles concentrent près d’un quart des emplois dans l’industrie manufacturière régionale. Les micro-entreprises sont nombreuses dans la région (34 % des entreprises du secteur) mais comptent peu de salariés.

Les emplois de la région ont une moindre dépendance à des centres de décision étrangers : 41 % des salariés relèvent d’une multinationale française, entreprise implantée dans plusieurs pays, dont le centre de décision est situé en France, soit six points de plus qu’au niveau national. Seulement 22 % des emplois relèvent de multinationales étrangères (– 7 points par rapport au niveau national).

La plasturgie embauche une main d’œuvre essentiellement ouvrière. La part des ouvriers y est supérieure de près de dix points à celle de l’ensemble de l’industrie manufacturière. Il ne s’agit pas ici d’une spécificité régionale, la part des ouvriers dans la région (58 %) étant similaire à celle du secteur au niveau national (59 %). Symétriquement, la plasturgie emploie moins de cadres et professions intellectuelles (15 % contre 19 % dans l’industrie) et de professions intermédiaires (17 % contre 22 % dans l’industrie). En conséquence, la rémunération annuelle brute moyenne dans la plasturgie est inférieure à celle de l’ensemble du secteur industriel : 37 500 euros contre 42 000 euros. Ces emplois sont principalement occupés par des hommes. Seul un tiers des salariés du secteur sont des femmes. Ce taux est toutefois supérieur de quatre points à celui du niveau national et de deux points à celui de l’industrie régionale.

Les salariés de la plasturgie sont en moyenne plus âgés que dans l’industrie manufacturière (43,5 ans contre 42,8 ans) (figure 4). Renouveler la main d’œuvre dans l’activité sera un enjeu à terme. En effet, la part des salariés de 45 ans et plus est supérieure de plus de trois points dans la plasturgie à celle de l’industrie manufacturière. Ce constat dépasse le cadre régional puisqu’il vaut également au niveau national.