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Insee Flash Normandie · Mai 2022 · n° 115
Insee Flash NormandieDes entreprises normandes aussi pérennes qu’en France entière

Khalid Jerrari, Sylvain Comte (Insee)

En 2019, 61 % des entreprises normandes, hors micro-entreprises, créées cinq ans auparavant, sont encore en activité. Les investissements initiaux, la catégorie juridique ou le recrutement initial de salariés influent sur la pérennité. Le profil des créateurs a également une influence. Les entreprises dont le créateur est âgé de 30 à 49 ans, vit en couple ou encore a plus d’expérience dans le métier ont également plus de chance d’être pérennes.

Insee Flash Normandie
No 115
Paru le :Paru le17/05/2022

En Normandie en 2019, sur les 9 300 entreprises hors micro-entreprises créées au premier semestre 2014, 5 600 sont encore en activité. Ce taux de pérennité à cinq ans de 61 % est identique à celui constaté pour la France entière et dépend à la fois de certaines caractéristiques des entreprises et du profil du créateur. Une analyse « toutes choses égales par ailleurs » permet de dégager les effets propres aux différents facteurs pouvant influencer la pérennité d’une entreprise (méthode ; figure 2).

La pérennité est d’autant plus forte que le capital de départ est élevé

En Normandie, comme au niveau national, la pérennité à cinq ans des entreprises est d’autant plus importante que les moyens financiers investis au démarrage l’étaient (figure 1). Ainsi, les entreprises normandes pour lesquelles le dépôt de capital initial est supérieur à 80 000 euros ont presque deux fois plus de chance d’être pérennes que celles qui investissent initialement moins de 6 000 euros (figure 2). Ce phénomène apparaît plus marqué en Normandie, où plus des trois quarts (76 %) des entreprises disposant des plus hauts budgets de départ sont encore en activité en 2019, contre à peine plus de la moitié (52 %) pour celles ayant les budgets les plus faibles (respectivement 72 % et 55 % pour la France entière).

Figure 1Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du capital initial

en %
Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du capital initial (en %)
Normandie France entière
Moins de 2 000 euros 52,3 54,9
De 2 000 euros à moins de 6 000 euros 54,7 59,4
De 6 000 euros à moins de 16 000 euros 65,0 61,3
De 16 000 euros à moins de 80 000 euros 63,6 65,7
80 000 euros ou plus 75,7 72,4
  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

Figure 1Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du capital initial

  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

Les sociétés sont plus pérennes que les entreprises individuelles

La catégorie juridique est également un facteur de pérennité prépondérant. Toutes choses mesurables étant égales par ailleurs, les entreprises normandes créées en 2014 sous forme de société ont, en 2019, une probabilité d’être pérennes 1,7 fois plus élevée que celles créées en tant qu’entreprise individuelle (figure 2). Seules cinq entreprises sur dix, initiées sous forme de personnes physiques, passent le cap des cinq années. Pour celles créées sous forme de personnes morales, ce ratio est de sept sur dix. Par ailleurs, les entreprises disposant de salariés dès la création ont 1,6 fois plus de chances d’être toujours actives cinq ans après, autre indice montrant que les entreprises disposant d’un projet plus établi sont plus pérennes.

Figure 2Principaux déterminants de la pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en Normandie

Principaux déterminants de la pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en Normandie - Lecture : « toutes choses égales par ailleurs », les entreprises créées sous forme de société ont une probabilité d'être pérennes au bout de 5 ans, 1,7 fois plus élevée que celle des entreprises créées sous forme d'entreprise individuelle.
Rapport de cotes
Catégorie juridique
Société (personne morale) 1,7
Entreprise individuelle (personne physique) Réf
Secteur d’activité
Industrie et construction Réf
Commerce de gros et de détail, transports, hébergement et restauration 0,8
Information-communication, finance-assurance, immobilier ; activités scientifiques ; services administratifs 1,2
Enseignement, santé humaine, action sociale et autres activités de services 1,4
Moyens financiers nécessaires au démarrage
Moins de 6 000 euros Réf
De 6 000 à moins de 80 000 euros 1,3
80 000 euros ou plus 1,9
Salariés à la création
non Réf
oui 1,6
Âge du créateur
Moins de 30 ans 0,8
De 30 à 49 ans Réf
50 ans et plus 0,8
Situation du créateur
Seul Réf
En couple 1,3
Situation professionnelle
En activité professionnelle Réf
Sans activité professionnelle 0,9
Expérience dans le métier
Moins de 3 ans d’expérience Réf
Plus de 3 ans 1,4
Exerce une activité rémunérée en plus de son entreprise
non Réf
oui 0,8
  • Réf : modalité de référence.
  • Lecture : « toutes choses égales par ailleurs », les entreprises créées sous forme de société ont une probabilité d'être pérennes au bout de 5 ans, 1,7 fois plus élevée que celle des entreprises créées sous forme d'entreprise individuelle.
  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

La pérennité est plus élevée dans les secteurs tertiaires

La pérennité à cinq ans est sensiblement plus importante pour certains secteurs d’activités (figure 3). En Normandie, les entreprises des secteurs de l’« information-communication, finance-assurance, immobilier, activités scientifiques et services administratifs » créées en 2014 sont les plus pérennes. Près des deux tiers sont encore actives en 2019. La pérennité des entreprises des secteurs de l’« enseignement, santé humaine, action sociale et autres activités de services », particulièrement pérennes au niveau national (68 %), est également proche des deux tiers en Normandie. C’est d’ailleurs dans ces secteurs que la pérennité apparaît la plus importante « toutes choses égales par ailleurs » (figure 2). Les entreprises de l’« industrie et construction » ont un taux de pérennité très proche du taux moyen, les secteurs du « commerce de gros et de détail, transports, hébergement et restauration » étant ceux qui présentent les taux de pérennité les plus faibles (figure 3).

Figure 3Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du secteur d’activité

en %
Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du secteur d’activité (en %)
France entière Normandie
Information-communication, finance-assurance, immobilier ; activités scientifiques ; services administratifs 64,0 64,5
Enseignement, santé humaine, action sociale et autres activités de services 68,0 64,0
Industrie et construction 60,0 60,0
Commerce de gros et de détail, transports,hébergement et restauration 56,7 56,8
Ensemble 60,7 60,7
  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

Figure 3Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction du secteur d’activité

  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

Les entreprises sont plus pérennes pour les créateurs de 30 à 49 ans

Le profil des créateurs a aussi un impact sur la pérennité des entreprises. Notamment, les entreprises dont les créateurs ont entre 30 et 49 ans ont 25 % de chances en plus d’être pérennes à cinq ans que celles créées par des personnes plus jeunes ou plus âgées (figure 2).

La situation matrimoniale des créateurs d’entreprises apparaît également comme un facteur important pour assurer la pérennité des entreprises. Il apparaît que ces entreprises sont presque un tiers plus pérennes que celles créées par une personne seule, le créateur pouvant se sentir mieux soutenu, notamment par l’activité de son conjoint, ou parce qu’il dispose par cet intermédiaire d’une aide pour son activité. En outre, le fait d’exercer une autre activité rémunérée à côté de son activité d’entrepreneur est préjudiciable à la pérennité de l’entreprise.

En revanche, les entrepreneurs qui étaient en activité professionnelle juste avant la création ont plus de chance de maintenir leurs entreprises actives cinq ans après, que ceux qui n’avaient pas d’activité. On constate par ailleurs que les Normands qui ont créé leur entreprise pour créer leur emploi ont de plus faibles pérennités que ceux ayant d’autres motivations.

Certains profils de créateurs apparaissent associés à des niveaux de pérennité plus faibles ou plus élevés. Ainsi, les entreprises créées par les femmes sont moins pérennes que celles créées par les hommes. Les créatrices d’entreprises s’inscrivent en effet plus souvent dans un des contextes évoqués associés à une faible pérennité : personne physique, capital de départ plus faible, moins de 30 ans ou 50 ans ou plus. De même, la pérennité des entreprises créées par des personnes sans diplôme (53 %), par des employés et ouvriers (60 %) est inférieure à celle d’entreprises créées par des personnes diplômées du supérieur (68 %) ou par des cadres et professions intermédiaires (67 %). Là encore, on constate que les formes juridiques des entreprises créées par ces différents groupes sont très différentes.

Les conditions de création des entreprises influent sur la pérennité

Les entreprises qui n’ont rencontré aucune difficulté à la création semblent les plus pérennes (figure 4), même si avoir eu du mal à embaucher du personnel qualifié ou à trouver un local approprié ne semble pas pénaliser la pérennité des entreprises. Les créateurs qui ont eu des difficultés à établir des contacts avec la clientèle, à ouvrir un compte bancaire professionnel ou à obtenir l’autorisation d’un découvert bancaire détiennent les entreprises les moins pérennes. Pour ces dernières, seule une sur deux est active cinq ans après leur création.

Enfin, la motivation des entrepreneurs paraît également avoir une incidence. Les entreprises créées par opportunité ou par goût d’entreprendre sont les plus pérennes, respectivement 68 % et 65 %.

Figure 4Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction des difficultés rencontrées lors de la création

en %
Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction des difficultés rencontrées lors de la création (en %)
France entière Normandie
Aucune difficulté particulière 63,1 65,1
Embaucher du personnel qualifié 62,7 64,9
Trouver un local approprié 64,6 64,2
Régler les formalités administratives 62,8 62,2
Obtenir un financement 60,2 61,3
Fixer le prix des produits et services 58,8 58,6
Choisir un statut ou un régime pour l’entreprise 60,0 57,2
Être seul comme entrepreneur 56,2 56,6
Ouvrir un compte bancaire professionnel 58,7 51,1
Établir des contacts avec la clientèle 56,5 50,1
Obtenir l’autorisation d’un découvert bancaire 58,1 49,8
  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019

Figure 4Pérennité à cinq ans en 2019 des entreprises en fonction des difficultés rencontrées lors de la création

  • Source : Insee, enquête Sine 2014-2019
Publication rédigée par :Khalid Jerrari, Sylvain Comte (Insee)

Pour comprendre

Une régression logistique permet de mesurer l’effet spécifique de chaque facteur sur la pérennité des entreprises, les autres facteurs étant inchangés (« toutes choses égales par ailleurs »). Les effets de chaque facteur sont présentés en écart par rapport à une situation de référence notée « Réf ». Dans la figure 2, le coefficient, également appelé odds ratio, est le rapport des cotes de pérennité de la sous-population d’intérêt sur la sous-population de référence. La cote c d’un événement est égale au rapport de sa probabilité p sur la probabilité de l’événement opposé : c = p / (1 – p). Plus l’odds ratio est supérieur à 1 (respectivement inférieur à 1), plus la probabilité d’atteindre le 5e anniversaire est forte (respectivement faible) par rapport à la situation de référence.

Sources

Le système d’information sur les nouvelles entreprises (Sine) est un dispositif permanent d’observation d’une génération de nouvelles entreprises tous les quatre ans. Le champ de l’enquête Sine couvre l’ensemble des créations d’entreprises du premier semestre, hors auto-entrepreneurs, qui ont vécu plus d’un mois dans l’ensemble des activités économiques marchandes non agricoles. Entré en vigueur au 1er janvier 2009, le régime de l'auto-entrepreneur (remplacé par le régime du micro-entrepreneur depuis 2015) offre des formalités de création d'entreprise allégées et un mode de calcul et de paiement simplifié des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu. Il s’applique aux entrepreneurs individuels qui en font la demande, sous certaines conditions. Les entreprises créées sous le régime de l’auto-entrepreneur font l’objet d’une enquête spécifique. Ainsi, parmi les 141 000 entreprises classiques créées au premier semestre 2014, 124 000 entrent dans le champ de l’enquête. L’échantillon utilisé pour les enquêtes relatives à la génération 2014 contient 45 000 entreprises qui ont été interrogées à trois reprises : en 2014, en 2017 et en 2019.

La nomenclature utilisée pour les enquêtes relatives à la génération 2014 est la NAF rév. 2 au niveau A21.

Définitions

La création d’entreprise correspond à la mise en œuvre de nouveaux moyens de production. Ce concept, harmonisé au niveau européen, inclut aussi la réactivation d’entreprise après une interruption de plus d’un an et la reprise d’entreprise s’il n’y a pas continuité entre la situation du cédant et celle du repreneur, du point de vue de l’activité et de la localisation. La notion de création d’entreprise dans les enquêtes Sine est un peu plus restrictive. En effet, sont exclues les entreprises ayant vécu moins d’un mois et les « activations économiques » correspondant à des immatriculations dans Sirene (système informatisé du répertoire national des entreprises et des établissements) avant le 1er janvier de l’année de la génération considérée.

Le taux de pérennité à 5 ans est le rapport entre le nombre d’entreprises créées au cours du premier semestre de 2014 ayant atteint leur 5e anniversaire et l’ensemble des entreprises créées au cours du premier semestre de l’année considérée.

Pour en savoir plus

Gourdon H., « En 2019, 61 % des entreprises classiques créées cinq ans plus tôt sont toujours actives », Insee Première n° 1852, février 2021.

Jerrari K., « Des créateurs d'entreprise normands à l'image de la population de la région », Insee Analyses Normandie n° 68, octobre 2019.

Jerrari K., « Pérennité des entreprises en Normandie : des caractéristiques féminines », Insee Flash Normandie n° 100, mars 2021.