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Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine · Mars 2022 · n° 117
Insee Analyses Nouvelle-AquitaineAprès la crise de 2008, l’emploi industriel résiste mieux dans deux tiers des zones d’emploi néo-aquitaines L’industrie en Nouvelle-Aquitaine

Michèle Charpentier, Nadia Wojciechowski (Insee)

En Nouvelle-Aquitaine, suite à la crise de 2008, l’industrie perd 10 300 emplois soit, proportionnellement, deux fois moins qu’en France métropolitaine. Cette résistance concerne deux tiers des zones d’emploi de la région alors que, dans les autres, l’emploi industriel recule davantage qu’au niveau national. Ces écarts d’évolution avec la moyenne nationale s’expliquent non seulement par les spécificités sectorielles des territoires mais aussi, et le plus souvent, par les conséquences des stratégies d’entreprises sur les effectifs industriels locaux. Ces deux phénomènes interviennent positivement ou négativement selon les zones, et, dans certains cas, se cumulent.

Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine
No 117
Paru le :Paru le16/03/2022

Cette publication fait partie d’une série sur le même thème sur l'industrie en Nouvelle-Aquitaine.

La crise de 2008 affecte une grande partie de l’économie française. L’industrie n’y échappe pas et la Nouvelle-Aquitaine non plus. Cependant, l’industrie résiste mieux dans la région qu’en France métropolitaine. Sur la période 2009-2018, avec 10 300 emplois de moins, ce secteur perd 4 % de ses effectifs salariés en Nouvelle-Aquitaine soit deux fois moins qu’au niveau national (– 8,3 %). À partir de 2016, la tendance à la diminution des emplois « industriels » s’inverse, avec une reprise trois fois plus importante dans la région qu’en France métropolitaine.

Une résistance qui masque des disparités dans les territoires néo-aquitains

L’évolution sur la période 2009-2018 des effectifs salariés de l’industrie est plus favorable qu’au niveau national dans deux tiers des 33 zones d’emploi de la région : soit l’emploi y diminue moins (de – 6,5 % à ‑ 0,1 %), soit il augmente (de + 0,4 % à + 15,4 %) (figure 1). Ensemble, ces 21 zones représentent deux tiers des emplois de l’industrie régionale en 2009, et globalement leurs effectifs y progressent légèrement sur la période : les 2 900 emplois supplémentaires des zones où l’industrie se porte bien compensent la perte des 2 500 dans les zones où l’industrie est en retrait mais moins qu’au niveau national. Les 12 autres zones d’emploi accusent des pertes allant jusqu’à – 23 %, pour un total de 10 700  emplois perdus.

Figure 1Répartition des zones d’emploi néo-aquitaines selon l’évolution de l’emploi dans leur industrie entre 2009 et 2018 et la part des effectifs salariés dans l’emploi total

Répartition des zones d’emploi néo-aquitaines selon l’évolution de l’emploi dans leur industrie entre 2009 et 2018 et la part des effectifs salariés dans l’emploi total
Zone d'emploi Part dans l’emploi salarié total (en %) Évolution 2009-2018 (en %) Nombre
Agen 11,5 -6,3 5 547
Angoulême 15,9 -10,2 11 835
Bayonne 12,4 1,9 13 015
Bergerac 12,4 -5,3 3 545
Bordeaux 9,6 3,5 41 714
Bressuire 25,7 -0,1 9 429
Brive-la-Gaillarde 16,0 -17,3 6 819
Châtellerault 33,3 0,6 8 725
Cognac 21,2 -1,2 9 615
Dax 17,8 -4,6 7 824
Guéret 10,9 -14,6 3 264
La Rochelle 11,3 -6,5 9 322
La Teste-de-Buch 10,2 -5,2 3 881
Langon 12,9 1,7 3 483
Lesparre-Médoc 5,8 -4,6 804
Libourne 13,3 0,4 5 209
Limoges 11,9 -10,3 12 527
Marmande 16,4 4,4 4 238
Mont-de-Marsan 12,9 -1,4 5 994
Niort 10,3 4,7 8 757
Oloron-Sainte-Marie 25,4 4,2 4 766
Pau 13,1 -9,5 14 679
Périgueux 13,0 -8,5 8 069
Poitiers 9,6 -9,5 10 641
Rochefort 14,4 15,4 2 944
Royan 5,9 -10,9 1 368
Saint-Junien 26,3 -10,8 5 269
Saintes 7,7 -23,0 2 677
Sarlat-la-Canéda 11,8 -15,8 1 532
Thouars 25,5 -3,8 4 647
Tulle 13,6 -0,4 3 556
Ussel 18,8 -6,3 3 724
Villeneuve-sur-Lot 13,1 -16,8 3 187
  • Note : la ligne rouge représente l’évolution de l’emploi dans l’industrie en France métropolitaine (– 8,3 %).
  • Champ : emplois salariés de l’industrie hors artisanat commercial des industries agroalimentaires.
  • Source : Insee, Clap 2009 et Flores 2018.

Figure 1Répartition des zones d’emploi néo-aquitaines selon l’évolution de l’emploi dans leur industrie entre 2009 et 2018 et la part des effectifs salariés dans l’emploi total

  • Note : la ligne rouge représente l’évolution de l’emploi dans l’industrie en France métropolitaine (– 8,3 %).
  • Champ : emplois salariés de l’industrie hors artisanat commercial des industries agroalimentaires.
  • Source : Insee, Clap 2009 et Flores 2018.

L’effet local souvent déterminant pour l’emploi industriel…

Cette meilleure résistance de l’industrie régionale résulte de deux effets : d’une part, les spécificités sectorielles, c’est-à-dire des secteurs dont la surreprésentation ou la sous-représentation participe à l’évolution des effectifs de l’industrie plus favorablement qu’au niveau national ; d’autre part, un contexte local bénéfique aux industries néo-aquitaines favorisant l’évolution de l’emploi dans certaines activités (méthodologie).

L’influence positive du contexte local s’explique, généralement, par la présence d’entreprises dont l’activité est intégrée à une filière et/ou par des stratégies d’entreprise, dont les répercussions affectent l’emploi localisé dans les territoires néo-aquitains. En effet, une filière s’organise autour d’un secteur qui en stimule d’autres, qu’ils soient fournisseurs ou sous-traitants, et que les donneurs d’ordres soient ou non à proximité. Ainsi, en Nouvelle-Aquitaine, la construction aéronautique et spatiale et l’industrie automobile entraînent dans leur sillage l’activité de forge/traitement des métaux/usinage par exemple ; de même, la fabrication de boissons sollicite le secteur du travail du bois.

Par ailleurs, la stratégie des entreprises, leurs capacités d’adaptation, de diversification, d’innovation sont déterminantes pour contrer les effets néfastes de la crise sur l’emploi. Aussi, de nouveaux produits, clients ou circuits de distribution mais également la valorisation de leurs savoirs-faire et de leur offre, ou la recherche de qualité (produits labellisés) permettent-ils à certaines de mieux résister. La Nouvelle-Aquitaine fournit par exemple des produits alimentaires de renommée internationale, comme le cognac ou la viande porcine, et le territoire bénéficie également de savoirs-faire pointus et reconnus mondialement, comme celui de la construction navale.

Pour 29 zones d’emploi, les particularités locales expliquent, totalement ou en partie, l’écart d’évolution avec le niveau national (figure 2). Elles sont bénéfiques à 19 zones d’emploi où l’industrie résiste mieux, avec même une progression de l’emploi dans 9 d’entre elles. Ces dernières représentent, en 2009, un tiers des effectifs industriels de la région. L’effet local est préjudiciable aux 10 autres. Dans les deux cas, son influence peut s’ajouter à l’effet positif ou négatif du poids de certains secteurs.

Figure 2Les zones d’emploi néo-aquitaines selon les facteurs explicatifs de l’écart d’évolution de l’emploi dans l’industrie avec la moyenne nationale

Les zones d’emploi néo-aquitaines selon les facteurs explicatifs de l’écart d’évolution de l’emploi dans l’industrie avec la moyenne nationale
Code ZE Zone d’emploi Évolution des effectifs de l’industrie dans les zones d’emploi par rapport à la moyenne nationale
7505 Bordeaux G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7508 Châtellerault G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7509 Cognac G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7510 Dax G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7518 Marmande G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7521 Oloron-Sainte-Marie G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7525 Rochefort G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7530 Thouars G1 plus favorable grâce au contexte local et à la structure sectorielle
7504 Bergerac G2 plus favorable grâce au contexte local
7506 Bressuire G2 plus favorable grâce au contexte local
7513 La Teste-de-Buch G2 plus favorable grâce au contexte local
7514 Langon G2 plus favorable grâce au contexte local
7515 Lesparre-Médoc G2 plus favorable grâce au contexte local
7516 Libourne G2 plus favorable grâce au contexte local
7519 Mont-de-Marsan G2 plus favorable grâce au contexte local
7520 Niort G2 plus favorable grâce au contexte local
7531 Tulle G2 plus favorable grâce au contexte local
0063-75 Ussel G2 plus favorable grâce au contexte local
7501 Agen G3 plus favorable grâce à la structure sectorielle
7612 La Rochelle G3 plus favorable grâce à la structure sectorielle
7507 Brive-la-Gaillarde G4 plus défavorable à cause du contexte local et de la structure sectorielle
7511 Guéret G4 plus défavorable à cause du contexte local et de la structure sectorielle
7517 Limoges G4 plus défavorable à cause du contexte local et de la structure sectorielle
7528 Saintes G4 plus défavorable à cause du contexte local et de la structure sectorielle
7529 Sarlat-la-Canéda G4 plus défavorable à cause du contexte local et de la structure sectorielle
7522 Pau G5 plus défavorable à cause du contexte local
7523 Périgueux G5 plus défavorable à cause du contexte local
7524 Poitiers G5 plus défavorable à cause du contexte local
7526 Royan G5 plus défavorable à cause du contexte local
7532 Villeneuve-sur-Lot G5 plus défavorable à cause du contexte local
7502 Angoulême G6 plus défavorable à cause de la structure sectorielle
7527 Saint-Junien G6 plus défavorable à cause de la structure sectorielle
  • Champ : emplois salariés de l’industrie hors artisanat commercial des industries agroalimentaires
  • Source : Insee, Clap 2009 et Flores 2018

Figure 2Les zones d’emploi néo-aquitaines selon les facteurs explicatifs de l’écart d’évolution de l’emploi dans l’industrie avec la moyenne nationale

  • Champ : emplois salariés de l’industrie hors artisanat commercial des industries agroalimentaires
  • Source : Insee, Clap 2009 et Flores 2018

… seul élément favorable pour dix zones (G2)

Pour 10 des 21 zones d’emploi où l’industrie résiste mieux qu’au niveau national, cette résistance est entièrement imputable aux particularités locales. La plupart d’entre elles bénéficient de la présence d’industries plutôt traditionnelles : l’agroalimentaire, débouché naturel de la spécificité agricole de la Nouvelle-Aquitaine, à portée nationale ou internationale et qui souffre moins de la crise ; le travail du bois, activité sollicitée par d’autres secteurs prospères ou bien dont les entreprises ont adopté une stratégie favorable à l’emploi de ces territoires.

Dans certaines de ces zones d’emploi, d’autres spécificités locales viennent renforcer l’effet positif de ces deux secteurs « socles ». Ainsi, cinq d’entre elles bénéficient de la croissance de l’emploi dans des industries agroalimentaires (IAA) : la transformation et conservation de la viande à Niort, Bergerac et Bressuire, la fabrication de boissons à Langon, la transformation et conservation de produits de la mer à Mont-de-Marsan. Et, ces effets positifs des IAA sont renforcés par ceux d’autres secteurs, comme la fabrication d’équipements électriques à Niort ou le traitement des métaux à Bressuire. La croissance du plus gros établissement de chacun de ces deux secteurs est impulsée par la filière aéronautique.

Dans les zones de Libourne, Tulle et Ussel, l’industrie résiste dans le travail du bois, contrairement au niveau national. À Libourne, l’essor de nombreuses PME œuvrant dans la tonnellerie est lié à la filière viti-vinicole présente sur ce territoire et au-delà. Cependant, l’industrie pharmaceutique est l’acteur majeur de la résistance de l’emploi sur ce territoire avec la présence de l’un des laboratoires leaders en santé animale qui y a renforcé ses capacités de production et ses effectifs au cours de la période. À Tulle, la vitalité économique du travail du bois repose essentiellement sur une entreprise, spécialisée dans la fabrication de blocs de portes, qui a misé sur l’innovation et le « made in France » en travaillant le bois du Massif central. De plus, ce territoire profite également de la prospérité du secteur de la fabrication d’équipements automobiles grâce à une usine de pièces pour boîtes de vitesse dont les carnets de commandes sont pleins une large partie de la période 2009-2018. Comme à Tulle, dans la zone d’Ussel, une entreprise, spécialisée dans le sciage, a choisi d’investir dans l’innovation et la diversification notamment en démarrant, au cours de la période, la production de granulés de bois pour le chauffage.

Enfin, La Teste-de-Buch et Lesparre-Médoc se distinguent par des secteurs dont les entreprises sont intégrées à la filière aéronautique : la réparation et l’installation de machines et équipements à La Teste-de-Buch où une entreprise s’est spécialisée dans les modifications de câblages électroniques de l’A350 ; la fabrication de produits en plastique à Lesparre-Médoc avec, notamment, une entreprise qui fabrique des pièces en fibre de carbone pour Airbus.

Dans neuf zones, l’effet local s’ajoute aux spécificités sectorielles…(G1)

Pour neuf zones d’emploi, le contexte local favorable vient renforcer l’effet positif de leurs spécificités sectorielles. Dans six de ces territoires, c’est surtout la filière aéronautique qui permet à l’industrie dans son ensemble de mieux résister. La construction aéronautique, dont l’évolution des effectifs est positive, est surreprésentée dans les zones de Rochefort, Marmande, Oloron-Sainte-Marie, Bordeaux et Bayonne. Celle de Châtellerault est spécialisée dans la maintenance aéronautique avec, entre 2009 et 2018, des emplois en augmentation dans les établissements de Safran et Thalès. Situées ou non dans ces territoires, construction et maintenance aéronautiques entraînent dans leur sillage d’autres secteurs : la forge/usinage à Rochefort, Marmande, Châtellerault et Oloron-Sainte-Marie ; la réparation et installation de machines et équipements à Bordeaux et Rochefort. Par ailleurs, la zone d’emploi de Châtellerault est également spécialisée dans l’industrie du cuir et de la chaussure, et plus particulièrement dans la maroquinerie haut de gamme. Liée aux performances du secteur du luxe et à la renommée croissante des produits français à l’étranger, cette activité est en forte progression.

Dans les trois autres zones, la résistance des emplois industriels s’appuie sur les piliers traditionnels : les industries agroalimentaires et le travail du bois. Par exemple, la fabrication de boissons est en plein essor sur la zone de Cognac grâce à son produit phare du même nom qui connaît un succès croissant sur le marché mondial. Cette activité constitue un levier de type « filière », notamment pour le travail du bois, qui résiste mieux sur ce territoire : les tonnelleries d’excellence, fortes de la reconnaissance mondiale de leur savoir-faire, réussissent à limiter les conséquences de la crise en partant à l’assaut de nouveaux marchés étrangers. Toutes les zones d’emploi où les effectifs de l’industrie progressent abritent des activités intégrées à une filière.

… et profite parfois des stratégies payantes d’entreprises locales

Dans les zones de Thouars et Dax, aux spécificités agroalimentaires s’ajoutent des particularités très locales. Outre l’industrie laitière dont le poids et la progression des effectifs sont plus importants qu’au niveau national, la zone de Thouars abrite notamment deux entreprises de fabrication d’articles en papier et carton, qui sont devenus leaders européens de l’emballage, chacune sur leur marché : l’une s’est adaptée aux nouveaux modes de consommation en organisant ses lignes de production pour répondre à la demande de la restauration rapide et aux « drive » de la grande distribution ; l’autre est spécialisée dans les emballages pour échantillons de produits cosmétiques.

La zone de Dax est favorisée par le poids plus marqué de la transformation et conservation des produits de la mer, secteur en pleine croissance. En effet, entreprise emblématique de la région, et implantée à Saint-Geours-de-Maremne depuis trois décennies, Labeyrie a participé à la démocratisation de produits tels que le saumon fumé. Elle a poursuivi sa diversification au cours de la période en élargissant son offre avec le caviar. La résistance de l’emploi industriel sur ce territoire s’appuie également sur une autre entreprise locale, fondée au cœur des Landes par sept sylviculteurs il y a 90 ans, considérée maintenant comme leader mondial dans le secteur des résines terpéniques. Sa spécialité, la fabrication pour l’industrie de matières premières issues des dérivés du pin, est devenue au fil des années un atout pour l’industrie chimique de la région avec, par exemple, le lancement en 2011 d’une gamme de produits 100 % végétale.

Dans cinq zones, la spécialisation nuit à la résistance (G5)

Cependant, les particularités locales ne sont pas toujours propices à la croissance des emplois industriels. En effet, d’une part, les zones d’emploi où l’industrie résiste moins bien manquent d’activités intégrées à des filières en croissance. Aussi, elles hébergent des établissements très spécialisés sur des produits plus sensibles à la crise ou, plus structurellement, davantage exposés à la concurrence internationale ou aux changements de consommation, y compris dans des secteurs favorables dans d’autres zones. C’est le cas par exemple de l’industrie du veau, de l’automobile ou de l’impression papier. D’autre part, dans ces territoires, des entreprises optent pour des stratégies leur permettant de traverser la crise mais au détriment de l’emploi : restructurations entraînant des suppressions d’emplois voire délocalisations d’unités de production, par exemple.

Dans cinq zones d’emploi néo-aquitaines, seuls les effets de leurs particularités locales pénalisent l’emploi industriel. Dans celle de Périgueux, le travail du bois, deuxième secteur structurant de ce territoire, subit les effets de la crise en perdant plus de 40 % de ses emplois. Cette situation témoigne de la fragilité des PME familiales, à l’image de la plus grosse menuiserie de cette zone qui concentre, en 2009, près de la moitié des effectifs du secteur et qui procède à plusieurs vagues de licenciements au cours de la période.

La zone de Pau subit les effets négatifs des deux secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois. En premier lieu, celui de la construction aéronautique, généralement bénéfique à l’ensemble de l’industrie, y est pénalisé par sa spécialisation dans la fabrication d’hélicoptères. Ce marché est directement impacté par la crise et par la baisse du prix du baril de pétrole, qui entraînent des reports de commandes en partie dus aux pays dépendants des revenus pétroliers. En second lieu, sur le bassin de Lacq, la fabrication de produits chimiques de base perd un quart de ses emplois suite, notamment à la fermeture par un groupe étranger de son site européen produisant de l’acide acétique.

À Poitiers, la fabrication d’équipements automobiles subit le ralentissement du marché de l’automobile et la désaffection pour la motorisation diesel. Ses effectifs diminuent de moitié sur la période. Sur ce territoire, la fabrication de produits en plastique est également en retrait avec une perte d’emplois dans l’industrie au profit du commerce. En effet, pour traverser la crise et faire face à la concurrence étrangère, l’un des plus gros employeurs qui fabriquait des montures métalliques pour barrettes à cheveux s’est orienté vers une activité majoritairement commerciale.

La zone de Villeneuve-sur-Lot héberge trois secteurs généralement porteurs mais, sur ce territoire, la forte spécialisation de certaines entreprises sur les marchés ou les restructurations opérées pour faire face à la crise sont des stratégies préjudiciables à l’emploi industriel. Le travail du bois y souffre d’une baisse d’activité dans la construction et le principal employeur spécialisé dans la fabrication de parquets ferme ses portes au cours de la période après avoir réduit progressivement ses effectifs. La forge/usinage est un atout pour un territoire lorsqu’elle est liée à une activité en expansion, comme la filière aéronautique par exemple mais, en période de crise, un handicap lorsqu’elle est spécialisée dans les pièces pour l’automobile comme c’est le cas sur cette zone. Enfin, la nécessité de rentabiliser son activité de fabrication de produits alimentaires pousse la société Raynal et Roquelaure à délocaliser sa ligne de fabrication de conserves en Aveyron, ne gardant à Sainte-Livrade-sur-Lot que la fabrication de produits en barquettes.

Enfin, la zone de Royan, essentiellement orientée vers la réponse aux besoins des populations, résidente et touristique, connaît de faibles pertes d’effectifs industriels en valeur absolue. C’est une des zones les moins industrielles de Nouvelle-Aquitaine.

Double effet négatif pour cinq zones d’emploi (G4)

Cinq zones d’emploi néo-aquitaines cumulent effet local et spécificités sectorielles défavorables. Celle de Limoges souffre essentiellement de la surreprésentation de quatre secteurs en déclin et qui y sont les plus gros pourvoyeurs d’emplois : la fabrication d'autres équipements électriques, l’imprimerie, la transformation et conservation de la viande, et la fabrication d'autres produits minéraux, ces deux derniers secteurs étant davantage en retrait qu’au niveau national. Celles de Saintes, Sarlat-la-Canéda et Brive-la-Gaillarde sont davantage pénalisées par des évolutions locales d’emploi négatives comme dans certaines industries agroalimentaires, ou dans les industries des machines et équipements touchées par des restructurations suite à des pertes de marchés.

La zone de Guéret subit, de façon équivalente, les effets négatifs de ses spécificités industrielles et de spécialisations locales. Ainsi, le secteur de la forge y est, proportionnellement, trois fois plus présent qu’au niveau national et ses effectifs y diminuent six fois plus. En effet, le principal employeur dans ce secteur produit pour l’industrie automobile et subit, lui aussi, le ralentissement de ce marché. Par ailleurs, dans la fabrication de meubles, le premier pourvoyeur d’emplois est pénalisé par sa trop grande spécialisation dans la fabrication de meubles pour enfants souffrant de la baisse constante de la natalité. Sur ce territoire, la quasi-totalité des secteurs industriels ne parviennent pas à se relever de la crise de 2008, à l’exception toutefois du travail du bois, qui bénéficie de la stratégie commerciale d’une entreprise de fabrication de menuiserie sur mesure.

Les spécificités sectorielles seuls facteurs explicatifs pour quatre zones (G3, G6)

Enfin, pour quatre zones d’emploi, les spécificités sectorielles expliquent, à elles seules, la différence de l’évolution des emplois dans l’industrie avec celle de France métropolitaine. La fabrication d’autres produits alimentaires et la construction navale sont deux secteurs dynamiques sur la période et davantage présents sur la zone d’Agen (G3) pour le premier et celle de La Rochelle (G3) pour le second. Elles permettent de réduire les effets négatifs de la crise sur l’ensemble des effectifs de l’industrie de ces territoires.

À l’inverse, les structures sectorielles des zones d’Angoulême (G6) et de Saint-Junien (G6) ont des répercussions négatives sur l’ensemble de l’industrie de ces territoires. En effet, sur la zone d’Angoulême, plus d’un quart des emplois industriels sont concentrés dans la fabrication d'autres équipements électriques, activité en déclin sur ce territoire comme au niveau national. La zone de Saint-Junien subit la chute de l’emploi dans la fabrication d'autres produits minéraux non métalliques. La baisse du marché de la construction neuve au cours de la période affecte significativement cette activité particulièrement présente sur ce territoire. Les deux plus gros établissements de ce secteur, spécialisés dans la fabrication de tuiles et autres éléments en terre cuite, perdent entre un quart et un tiers de leurs effectifs.

Publication rédigée par :Michèle Charpentier, Nadia Wojciechowski (Insee)

Pour comprendre

L’analyse structurelle-résiduelle

Le taux d’évolution de l’emploi salarié dans l’industrie diffère selon les zones d’emploi. Pour chacune des zones, l’écart entre son taux et celui observé pour la France métropolitaine est mesuré. L’analyse structurelle-résiduelle permet d’évaluer la contribution à cet écart de deux effets, l’effet structurel d’une part et l’effet résiduel ou local d’autre part.

L’effet structurel est, ici, celui de la structure sectorielle de l’industrie d’un territoire en 129 secteurs (A129).

Il est mesuré en appliquant à la structure sectorielle propre à la zone l’évolution observée au niveau national par secteur. Une valeur théorique est ainsi calculée, qui représente ce qui serait observé sur le territoire avec la dynamique moyenne nationale. L’écart entre cette valeur théorique et le taux national observé relève donc de la différence des structures sectorielles. Sont bénéfiques à ce territoire les secteurs d’activité globalement en croissance qui y sont surreprésentés et les secteurs d’activité globalement en déclin qui y sont sous-représentés. Et inversement, sont défavorables les secteurs globalement en croissance mais sous-représentés et ceux globalement en déclin et surreprésentés.

La surreprésentation d’un secteur est aussi appelée spécificité sectorielle.

L’effet résiduel ou local est la part de l’écart à l’évolution nationale qui ne s’explique pas par la structure sectorielle du territoire. Les composantes de cet effet résiduel peuvent être nombreuses et difficilement identifiables : structures autres que sectorielles, histoire et topographie du territoire, histoire, stratégie et positionnement des entreprises qui y sont implantées, politiques économiques locales, etc.

Dans cette étude, le terme « local », en remplacement de celui de résiduel, regroupe les composantes identifiées et dont les origines et/ou les conséquences sont localisées sur la zone observée. L’étude se focalise sur les composantes en lien avec les entreprises : spécialisation accrue, diversification, renommée nationale ou internationale, relations inter-entreprises ou inter-secteurs, innovation, etc. Elles peuvent en masquer d’autres qui n’ont pas pu être repérées et quantifiées.

Champ

L'étude porte sur l'emploi salarié total dans les secteurs de l'industrie pour la période 1998 à 2018. Le champ de l'analyse structurelle résiduelle est celui des secteurs de l'industrie hormis ceux de l'artisanat commercial des industries agroalimentaires (charcuterie, code NAF 1013 B ; cuisson de produits de boulangerie, 1071 B ; boulangerie artisanale, 1071 C ; pâtisserie artisanale, 1071 D).

Pour en savoir plus

Genebes L., Wojciechowski N., « Vingt ans d’industrie néo-aquitaine », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 116, mars 2022.

Dumartin S., Mouhali K, « Des trajectoires d’emploi différenciées liées aux caractéristiques des territoires néo-aquitains », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 97, juillet 2021.

Dumartin S., Mouhali K. (Insee), Cléron E. (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités), Sageaux C. (Pôle emploi), « Les territoires néo-aquitains à l'épreuve de la crise sanitaire », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 98, juillet 2021.

Genebes L., Mouhali K., « Nouvelles zones d’emploi en Nouvelle-Aquitaine : une spécialisation agricole dans une zone sur trois », Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 91, septembre 2020.