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Insee Flash Guadeloupe · Novembre 2021 · n° 156
Insee Flash GuadeloupeUn Antillais sur six souffre de symptômes de dépression

Julien Glénisson (Insee)

En 2019, en Guadeloupe et en Martinique, un habitant sur six présente des symptômes de dépression. En France métropolitaine, cette part est moins élevée (un sur dix). Comme au niveau national, les femmes sont plus touchées que les hommes, et les seniors sont particulièrement exposés. La prévalence des symptômes dépressifs recule avec l’élévation du niveau d’études et des revenus, ainsi qu’avec l’amélioration de la qualité de vie (logement, activité physique ou alimentation).

Insee Flash Guadeloupe
No 156
Paru le :Paru le04/11/2021

En 2019, avant le début de la pandémie de Covid-19, 97 600 Antillais âgés de 15 ans et plus, soit 16 % de la population, souffrent de symptômes de dépression, comme la tristesse, des troubles du sommeil, ou des difficultés à se concentrer (encadré 1). Ces symptômes sont qualifiés de sévères pour 5,3 % de la population (figure 1). La part des personnes souffrant de dépression y est plus élevée qu’en France métropolitaine (11 %, et 3,5 % de sévère).

Figure 1Prévalence des neuf symptômes de la dépression aux Antilles

en %
Prévalence des neuf symptômes de la dépression aux Antilles (en %)
Envie de se faire du mal 6,5
Lenteur ou agitation 5,3
Problèmes de concentration 8,4
Mauvaise estime de soi 9,9
Troubles de l’appétit 13,7
Fatigue et manque d’énergie 23,2
Troubles du sommeil 16,7
Tristesse 11,8
Peu d’intérêt 14,0
  • Champ : personnes de 15 ans ou plus
  • Sources : Drees-Insee, Enquête santé Dom, EHIS, 2019

Figure 1Prévalence des neuf symptômes de la dépression aux Antilles

  • Champ : personnes de 15 ans ou plus
  • Sources : Drees-Insee, Enquête santé Dom, EHIS, 2019

Les femmes et les seniors souffrent plus souvent de dépression

Entre 15 et 75 ans, 15 % de personnes souffrent de dépression (contre 10 % en France métropolitaine). Cette part varie peu selon l’âge (figure 2). En revanche, elle évolue différemment selon le sexe. En effet, pour les hommes, le taux de dépression progresse régulièrement avec l’âge, passant de 11 % entre 15 et 34 ans à 15 % entre 55 et 74 ans. À l’inverse, le taux de dépression des femmes diminue : il passe de 19 % pour les plus jeunes à 16 % entre 35 et 74 ans. Il reste toutefois toujours plus élevé que celui des hommes. Après 75 ans, la part de personnes touchées par la dépression augmente fortement et l’écart s’accroît avec la France métropolitaine. Ainsi, près d’un senior sur quatre souffre de dépression aux Antilles (soit 22 % des hommes et 26 % des femmes), contre un sur six en France métropolitaine.

Les revenus influent sur le taux de dépression. Parmi les 20 % des Antillais les plus défavorisés, près d’un sur cinq présente des symptômes dépressifs, contre un sur dix parmi les 20 % les plus aisés.

Figure 2Prévalence de l’état dépressif aux Antilles par sexe et groupes d’âges

en %
Prévalence de l’état dépressif aux Antilles par sexe et groupes d’âges (en %)
Hommes Femmes Ensemble
15-34 ans 11,4 19,1 15,4
35-54 ans 11,6 16,5 14,5
55-74 ans 14,5 16,0 15,3
75 ans ou plus 21,6 26,2 24,3
Ensemble 13,6 18,1 16,1
  • Champ : personnes de 15 ans ou plus
  • Sources : Drees-Insee, Enquête santé Dom, EHIS, 2019

Figure 2Prévalence de l’état dépressif aux Antilles par sexe et groupes d’âges

  • Champ : personnes de 15 ans ou plus
  • Sources : Drees-Insee, Enquête santé Dom, EHIS, 2019

Les plus diplômés sont moins touchés par des symptômes dépressifs

La situation professionnelle et le diplôme influent aussi sur la santé mentale. Ainsi, le taux de dépression est de 13 % pour les personnes en emploi, de 17 % pour les chômeurs et de 20 % pour les retraités. Cette dernière catégorie est également plus touchée par des problèmes de santé liés à l’âge, notamment des difficultés ou des limitations physiques dans les activités du quotidien, impactant le moral. La dépression touche 17 % des personnes ayant eu au moins un arrêt de travail pour raisons de santé contre 11 % pour le reste de la population.

Le taux de dépression diminue fortement quand le niveau de diplôme augmente, passant de 19 % pour les personnes sans aucun diplôme à 9 % pour celles ayant au moins deux années d’études après le baccalauréat. A diplôme égal, les femmes sont toujours plus touchées par la dépression que les hommes (environ + 4 points).

Enfin, parmi les Antillais, les personnes nées aux Antilles françaises (natifs) sont plus souvent en situation de dépression que les personnes nées en France métropolitaine (17 % contre 9,2 %). Les natifs sont notamment plus âgés (28 % à la retraite contre 12 %), et plus souvent au chômage (17 % contre 13 %). Les femmes nées aux Antilles sont plus nombreuses à souffrir de dépression que les hommes (19 % contre 14 %). Pour les personnes nées ailleurs en France, c’est l’inverse : 8,1 % des femmes sont dépressives contre 10 % des hommes.

La surface du logement a un impact sur la santé mentale

En maison ou en appartement, 13 % des personnes résidant dans des logements de plus de 100 m² présentent des symptômes dépressifs, et environ 16 % de celles habitant dans des logements de 70 à 100 m². En revanche, 18 % des personnes habitant dans des maisons de moins de 70 m² sont dépressives, et 22 % de celles résidant en appartements de même taille.

Parmi les différents statuts d’occupation d’un logement, les accédants à la propriété sont les moins touchés par des symptômes dépressifs (13 %, contre 16 % des propriétaires et 17 % des locataires). Il s’agit d’une population plus jeune (55 % ont moins de 55 ans contre 40 % des propriétaires), mais aussi plus aisée (35 % appartiennent aux 20 % les plus aisés contre 21 % des propriétaires et 13 % des locataires).

La pratique du sport limite la dépression

Le sport a des vertus positives sur la santé mentale. Si 17 % de la population ne pratiquant pas ou peu d’activité physique est dépressive, 14 % des 15-34 ans et 11 % des 35-74 ans pratiquant au moins deux heures de sport par semaine le sont. L’effet est particulièrement bénéfique pour les hommes, puisque seuls 9,3 % de ceux pratiquant une activité physique régulière sont atteints de dépression, contre 16 % pour les non pratiquants. Pour les femmes, l’écart est moins important : respectivement 16 % et 19 %. Les hommes sont également plus nombreux à déclarer avoir une activité physique que les femmes, un sur trois en pratique au moins deux heures de sport toutes les semaines, contre une femme sur quatre. De plus, l’activité physique augmente avec les revenus, 43 % des 20 % les plus aisés pratiquent au moins deux heures de sport chaque semaine, contre 23 % des 20 % les plus défavorisés.

La marche ou la pratique du vélo au moins trois fois dix minutes pour effectuer des trajets du quotidien a un impact positif sur la santé mentale. Cet effet bénéfique est valable quels que soient les âges, revenus ou sexe, sauf chez les moins de 34 ans et les 20 % de la population les plus défavorisés, pour qui cet acte peut être vu comme une contrainte liée à la difficulté financière pour s’acheter un véhicule.

Enfin, une alimentation saine et équilibrée améliore l’état de santé mental, le taux de dépression passant ainsi de 18 % pour les personnes ne consommant quasiment pas de fruits ou légumes frais à 11 % pour ceux en mangeant au moins cinq portions quotidiennement. Cependant, la consommation quotidienne de fruits et légumes est liée au niveau de revenus : 20 % des 20 % les plus aisés en mangent au moins cinq portions par jour, contre 11 % des plus faibles revenus.

Encadré 1 - L’indicateur de dépression

L’indicateur de dépression utilisé dans cette enquête est basé sur le Patient Health Questionnaire (PHQ9), qui étudie la fréquence de neuf symptômes de la dépression au cours des 15 jours précédant l’enquête. Les deux premiers symptômes sont généraux (tristesse et peu d’intérêt à faire les choses), les autres étant plus spécifiques : troubles du sommeil, de l’alimentation, manque d’énergie, mauvaise opinion de soi, difficulté à se concentrer, lenteur ou agitation, pensée relative à la mort et envie de se faire du mal.

Selon la méthode dite « de l’algorithme », une personne est considérée comme souffrant d’un syndrome modéré de la dépression si elle ressent « plus de la moitié des jours » ou « presque tous les jours » au moins deux symptômes dont au moins un symptôme général. Une personne qui ressent « plus de la moitié des jours » ou « presque tous les jours » au moins cinq symptômes de la dépression, dont au moins un des symptômes généraux, est considérée comme présentant un syndrome sévère.

Encadré 2 - Dégradation de la santé mentale suite à la crise sanitaire

Dans le contexte de la crise sanitaire, la prévalence de syndromes dépressifs augmente aux Antilles, comme sur l’ensemble du territoire national. Les principaux facteurs explicatifs sont l’isolement lié au confinement, la dégradation de la situation financière, ainsi que les symptômes évocateurs de Covid-19. L’augmentation est particulièrement importante chez les jeunes et les femmes.

Le nombre de consultations psychiatriques et la consommation de médicaments pour des problèmes d’anxiété, de sommeil ou de dépression ont augmenté [Pour en savoir plus Hazo, 2021].

Publication rédigée par :Julien Glénisson (Insee)

Sources

En 2019, l’enquête Santé européenne a été menée en France métropolitaine et dans les cinq Drom avec des échantillons de taille suffisante pour produire des estimations régionales en Outre-mer. L’enquête s’adresse aux personnes âgées de 15 ans ou plus.

Pour en savoir plus

Hazo J.-B., Costemalle V., « Ouvrir dans un nouvel ongletConfinement du printemps 2020 : une hausse des syndromes dépressifs, surtout chez les 15-24 ans », Études et Résultats, n° 1185, Drees, mars 2021.

Leduc A., « Ouvrir dans un nouvel ongletPremiers résultats de l’enquête santé européenne 2019 », Les dossiers de la Drees, n° 78, avril 2021.

Glénisson J., « Trois Guadeloupéens sur 10 ont renoncé ou retardé des soins en 2019 », Insee Analyses Guadeloupe, n° 50, septembre 2021.

Glénisson J., « Un tiers des Martiniquais sont limités dans leurs activités pour raison de santé en 2019 », Insee Analyses Martinique, n° 46, septembre 2021.