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Insee Analyses Guyane · Octobre 2021 · n° 54
Insee Analyses GuyaneLa diversité linguistique marque chaque pan de la culture en Guyane

Antonin Creignou, Baptiste Raimbaud (Insee), Amandine Louguet (Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation)

La culture en Guyane se caractérise par sa pluralité, comme en atteste la diversité des langues parlées sur le territoire. Cette richesse linguistique et culturelle marque les pratiques du quotidien. Ainsi, un Guyanais sur cinq parle le créole guyanais dans la vie quotidienne, que ce soit au travail, en famille ou entre amis et un Guyanais sur dix le créole haïtien. En outre, certains habitants de la Guyane peuvent bénéficier de l’offre culturelle des pays voisins. Ainsi, dans le Bas-Maroni, les trois quarts des habitants sont allés au Suriname pour assister à un concert.

Insee Analyses Guyane
No 54
Paru le :Paru le19/10/2021
Avertissement

Le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS-Doc) a étendu aux territoires ultramarins l’Enquête sur les pratiques culturelles réalisée à six reprises en France métropolitaine (dernière édition en 2018). Cette enquête constitue aujourd’hui en France le principal instrument de suivi des comportements culturels. Elle sert de référence à de nombreuses enquêtes thématiques, monographiques ou territoriales et fait régulièrement l’objet de travaux universitaires. Avec l’extension du champ de l’enquête aux territoires ultramarins, l’édition 2018 est la première à fournir une analyse des pratiques culturelles dans ces territoires et à offrir la possibilité d’analyses régionalisées. Cette enquête a été menée en face-à-face auprès d’un échantillon de plus de 1 000 personnes, entre novembre 2019 et mars 2020 et entre juin et juillet 2020. Les résultats portent donc sur les pratiques culturelles des Guyanais entre 2018 et mi 2020 et certaines personnes ont été interrogées après le premier confinement lié à la pandémie de Covid-19. Le champ de l’enquête couvre la « Guyane côtière élargie », ce qui correspond à un ensemble de 12 communes : Cayenne, Kourou, Macouria, Mana, Matoury, Saint-Georges, Remire-Montjoly, Roura, Saint-Laurent-Du-Maroni, Sinnamary, Montsinery-Tonnegrande, Apatou.

La Guyane se caractérise par une grande diversité linguistique : au-delà du français, une quarantaine de langues sont parlées sur le territoire. Plusieurs créoles cohabitent en Guyane mais les deux formes majoritaires sont le créole guyanais et le créole haïtien, lié à l’immigration récente. Un Guyanais sur cinq parle le créole guyanais dans la vie quotidienne, que ce soit au travail, en famille ou entre amis et un Guyanais sur dix le créole haïtien (figure 1). De plus, 7 % des Guyanais suivent les informations en créole haïtien et 3 % en créole guyanais. Le portugais est parlé au quotidien par 10 % des Guyanais. Langue officielle du Brésil, près de la moitié des Guyanais nés au Brésil y ont recours. Mais il est aussi utilisé par 8 % des personnes nées en France. Ainsi, deux tiers de ses locuteurs sont nés au Brésil. Le Bas-Maroni, situé dans le nord-ouest guyanais (Saint-Laurent-du-Maroni, Mana et Apatou), abrite aussi une famille de langues partagées entre le Suriname et la région du Maroni : il s’agit des créoles à base lexicale anglaise, hollandaise et portugaise, dont les plus répandus sont le Sranan-tongo (19 % des Guyanais du Bas-Maroni le parlent dans la vie quotidienne), le Saramaka (9 %), l’Aluku (6 %) et le Ndyuka (5 %). Pour autant, seuls 6 % des habitants du Bas-Maroni se servent d’un de ces créoles pour suivre les informations. Les langues amérindiennes sont peu répandues dans les communes côtières de Guyane. Par ailleurs, de petites communautés s’expriment en chinois, hmong, espagnol ou hindi. Chacune de ses langues est parlée par moins de 1 % de la population. Le néerlandais, langue officielle du Suriname, est utilisé dans la vie quotidienne par 2 % de la population guyanaise, presque exclusivement dans le Bas-Maroni où 8 % des habitants l'utilisent.

Enfin, l’anglais, langue internationale, mais aussi langue officielle du Guyana, est la langue quotidiennement parlée par 3 % de la population, et est utilisé par 8 % des Guyanais pour s’informer. Cette grande diversité linguistique, synonyme de richesse culturelle, n’est pas sans engendrer des difficultés dans la vie sociale, notamment pour l’accès des populations aux services publics qui ne proposent pas toujours des services dans les langues locales, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la justice. Toutefois, les initiatives se développent sur le territoire, avec par exemple les intervenants en langue maternelle dans les écoles.

Figure 1Les langues utilisées dans la vie quotidienne en Guyane

en %
Les langues utilisées dans la vie quotidienne en Guyane (en %)
Créole guyanais Créole haïtien Langues bushinengé Portugais Anglais Néerlandais
Parlent dans la vie sociale 20 11 8 10 3 2
...s’informer 3 7 2 9 8 1
...regarder des chaînes de télévision 1 4 2 10 7 0
...lire des livres 2 3 0 4 3 0
  • Note de lecture : 10 % des Guyanais regardent des chaînes de télévision en portugais.
  • Source : Enquête sur les pratiques culturelles, DEPS, Ministère de la Culture, 2018.

Figure 1Les langues utilisées dans la vie quotidienne en Guyane

  • Note de lecture : 10 % des Guyanais regardent des chaînes de télévision en portugais.
  • Source : Enquête sur les pratiques culturelles, DEPS, Ministère de la Culture, 2018.

L’accès à la culture pénalisé par un taux d’équipement plus faible

Compte tenu du taux de pauvreté élevé en Guyane, l’accès à la culture à domicile est difficile pour une partie de la population. Bien qu’une majorité des foyers disposent des principaux biens d’équipements culturels, les taux d’équipements sont plus faibles qu’en France métropolitaine : 86 % des Guyanais possèdent un téléviseur (contre 96 % en France métropolitaine), 88 % un téléphone portable ou un smartphone (93 %). L’écart est encore plus important s’agissant des postes de radio (59 % contre 72 %), ordinateurs portables (39 % contre 67 %) ou ordinateurs fixes (18 % contre 41 %).

De plus, la part des ménages disposant d’une connexion Internet est plus faible en Guyane qu’en France métropolitaine(79 % contre 86 %). Mais surtout, l’accès à Internet est disparate sur le territoire. Les habitants du Bas-Maroni sont plus nombreux que ceux vivant dans le Centre littoral et la communauté de communes des Savanes à disposer d’un accès à internet (respectivement 90 %, 77 % et 66 %). Le type de connexion varie également, ce qui a des effets importants sur l’accès aux contenus culturels numériques : les Guyanais sont moins nombreux à posséder une connexion ADSL (50 % contre 74 % en France métropolitaine) mais sont plus nombreux à déclarer une connexion 3G ou 4G comme étant l’accès le plus rapide (22 % contre 4 %). Par ailleurs, les habitants des communes de l’intérieur et du Bas-Maroni souscrivent parfois à un abonnement téléphonique du Suriname pour accéder à une couverture Internet plus performante que celle proposée par les opérateurs français.

La moitié des Guyanais écoute de la musique tous les jours

La moitié des Guyanais écoute de la musique tous les jours ou presque (65 % en France métropolitaine, (figure 2). À l’inverse, seulement un Guyanais sur dix n’écoute pas de musique.

Figure 2Pratiques Culturelles en Guyane et en France métropolitaine

Pratiques Culturelles en Guyane et en France métropolitaine
Guyane France métropolitaine
Écoutent de la musique 89 92
dont tous les jours ou presque 51 65
Regardent la télévision 90 94
dont tous les jours ou presque 51 78
durée moyenne d’écoute (en heure par semaine) 12 19
Jouent aux Jeux Vidéo 27 44
dont tous les jours ou presque 10 15
Écoutent la radio 67 82
dont tous les jours ou presque 38 60
durée moyenne d’écoute (en heure par semaine) 6h30 12
Suivent les actualités 89 97
dont tous les jours ou presque 65 75
Lisent des livres 40 70
ont fréquenté une bibliothèque durant l’année 21 27
Sont allés au cinéma dans l’année 38 62
Sont allés au musée dans l’année 5 29
Sont allés au théâtre dans l’année 3 21
Sont allés à un spectacle de danse dans l’année 10 13
Sont allés à un concert dans l’année 36 34
  • Note de lecture : 38 % des Guyanais déclarent être allés au cinéma dans l’année (période de l’enquête : entre novembre 2019 et mars 2020 et entre juin et juillet 2020).
  • Source : Enquête sur les pratiques culturelles, DEPS, Ministère de la Culture, 2018.

Les supports utilisés pour écouter de la musique diffèrent selon les générations. En particulier, les 15-39 ans sont en proportion 2,4 fois plus nombreux que les 60 ans et plus à privilégier un appareil mobile pour écouter de la musique. La pratique du streaming s’impose comme la pratique dominante pour les plus jeunes : ils sont huit fois plus nombreux à écouter de la musique en streaming sur des plateformes spécialisées, Deezer par exemple (figure 3). Les fichiers numériques sont aussi davantage utilisés par les 15-39 ans. En effet, ils sont 2,3 fois plus nombreux que leurs aînés à y recourir. À l’inverse, les 60 ans et plus sont 1,7 fois plus nombreux à privilégier la radio pour écouter de la musique que les 15-39 ans. Le support CD tend à disparaître : il est utilisé par seulement 4 % des 15-39 ans.

Figure 3Pratiques d’écoute de musique en Guyane selon l’âge

Pratiques d’écoute de musique en Guyane selon l’âge
'15-39 ans' par rapport à '60 ans et plus' '60 ans et plus' par rapport à '15-39 ans'
Télévision 1,52
Radio 1,67
Fichiers numériques 2,34
streaming sur une plateforme spécialisée 8,00
streaming sur d'autres plateformes 3,71
CD ou cassettes 2,25
  • Note de lecture : Les 15-39 ans sont 8 fois plus nombreux que les 60 ans et plus à écouter de la musique en streaming sur une plateforme spécialisée.
  • Source : Enquête sur les pratiques culturelles, DEPS, Ministère de la Culture, 2018.

Figure 3Pratiques d’écoute de musique en Guyane selon l’âge

  • Note de lecture : Les 15-39 ans sont 8 fois plus nombreux que les 60 ans et plus à écouter de la musique en streaming sur une plateforme spécialisée.
  • Source : Enquête sur les pratiques culturelles, DEPS, Ministère de la Culture, 2018.

Le Zouk et le Kompa sont les musiques les plus populaires (styles les plus appréciés par 34 % des Guyanais), principalement chez les plus jeunes (40 % contre 19 % des plus âgés), viennent ensuite la musique caribéenne (16 %) et les musiques traditionnelles (15 %). Les 60 ans et plus apprécient particulièrement les musiques traditionnelles (25 % contre 13 % des 15-39 ans) et les musiques et chants religieux (24 % contre 13 %).

La diversité linguistique se révèle à travers les goûts musicaux. Sept Guyanais sur dix écoutent de la musique dans une langue autre que le français. Comme ailleurs en France, les musiques en anglais et en espagnol occupent une place importante (elles sont écoutées par respectivement 40 % et 36 % des Guyanais). Mais les Guyanais ont à coeur d’écouter des musiques dans la langue de leur pays de naissance : plus des trois quarts des Guyanais nés au Brésil écoutent des titres en portugais. De même, 89 % des Guyanais nés au Suriname écoutent de la musique dans une des langues bushinengé. Ils sont aussi 58 % à écouter des chansons en néerlandais.

Concert : des pratiques transfrontalières

En Guyane, 36 % de la population a assisté à un concert dans l’année (dont 39 % à un concert de zouk ou kompa). La fréquentation du concert est plus répandue au sein des populations du Bas-Maroni où 47 % des habitants ont assisté à un concert (contre 31 % dans le Centre littoral). Parmi les Guyanais ayant assisté à un tel événement, 95 % l’ont fait au moins une fois en Guyane, mais 28 % l’ont fait au Suriname et 5 % au Brésil. La sortie au concert est une pratique culturelle transfrontalière : dans le Bas-Maroni, les trois quarts des habitants sont allés au Suriname pour assister à un concert.

Des pratiques musicales en majorité hors du cadre institutionnel

La musique occupe une place importante dans la vie en Guyane. Néanmoins, elle est le plus souvent pratiquée en dehors des institutions ou des écoles et la pratique en amateur est probablement sous-déclarée (encadré). Ainsi, seuls 8 % des Guyanais déclarent avoir fait de la musique dans l’année (11 % en France métropolitaine). Parmi les pratiquants, la moitié d’entre eux jouent d’un instrument à percussion, le plus souvent de la cloche ou du tambour. Par ailleurs, 43 % des musiciens amateurs Guyanais jouent de la guitare, 41 % d’un instrument à vent et 38 % du piano.

La moitié des Guyanais ont déjà participé au carnaval au cours de leur vie

Le carnaval est l’un des évènements majeurs en Guyane et la moitié des Guyanais y ont déjà participé au cours de leur vie, dont un quart durant l’année. Des figures emblématiques sont associées au carnaval en Guyane. Par exemple, le roi Vaval, un mannequin de bois et de paille, dont le couronnement annonce le début des festivités et son incinération le mercredi des Cendres met fin aux festivités. Par ailleurs, 41 % des Guyanais ont assisté à un spectacle de rue durant l’année.

Près de quatre Guyanais sur dix écoutent la radio tous les jours

En Guyane, 38 % de la population écoute la radio tous les jours ou presque (contre 60 % en France métropolitaine, 53 % en Martinique et 73 % en Guadeloupe) pour une durée moyenne d’écoute de 6 heures par semaine. Les habitants du Centre littoral sont plus nombreux à écouter la radio que les habitants du Bas-Maroni (57 % écoutent la radio tous les jours contre 31 % dans le Bas-Maroni).

Les radios les plus écoutées sont Guyane la 1ère (écoutée par 55 % des auditeurs guyanais), Radio Péyi (21 %), suivi de KFM (9 %). Les auditeurs âgés de 60 ans et plus sont plus nombreux à écouter Guyane la 1ère (83 % contre 47 % des 15-39 ans). Les radios écoutées varient également selon le lieu d’habitation des auditeurs. Par exemple, les Guyanais du Bas-Maroni écoutent davantage radio Péyi que ceux du Centre littoral (28 % contre 19 % des auditeurs). Par ailleurs, si la radio peut être captée dans toutes les communes, il existe des zones blanches entre celles-ci. Les programmes les plus écoutés sont les informations et journaux (76 % des auditeurs les écoutent), les matinales (47 %) et les émissions musicales (43 %). Là aussi, les pratiques diffèrent selon le lieu d’habitation. Les matinales sont écoutées par 67 % des personnes du Bas-Maroni contre 41 % au Centre Littoral.

La télévision et les réseaux sociaux privilégiés pour s’informer

Les deux tiers des Guyanais se tiennent informés de l’actualité tous les jours ou presque (75 % en France métropolitaine). Les thèmes d’actualité qui les intéressent le plus sont la politique (58 % des Guyanais), les sujets sociaux et de société (48 %) et la santé (47 %). Pour s’informer, les Guyanais utilisent principalement la télévision (88 %), les réseaux sociaux (56 %) et la radio (50 %).

La presse écrite et la presse numérique sont beaucoup moins utilisées qu’en France métropolitaine (respectivement 13 % et 18 % contre 30 % et 31 %). Comme dans les autres territoires ultramarins, l’accès à la presse nationale est compliqué et coûteux. Par ailleurs, les titres de presse locaux sont peu développés. La Guyane compte deux hebdomadaires locaux qui publient quotidiennement en numérique dont l’un en papier en fin de semaine, les autres publications paraissant sur des fréquences trimestrielles ou semestrielles. Les Guyanais âgés de 15 à 39 ans ont des pratiques différentes des 60 ans et plus pour s’informer. Ils sont proportionnellement trois fois plus nombreux à utiliser les réseaux sociaux et trois fois plus nombreux à consulter la presse numérique. Les Guyanais sont plus nombreux que la population en France métropolitaine à s’informer dans une autre langue que le français (29 % contre 22 %). En particulier, c’est le cas pour la moitié des Guyanais nés à l’étranger (62 % des Guyanais nés au Brésil et 35 % des Guyanais nés à Haïti).

Les Guyanais regardent la télévision 12 heures par semaine

La moitié des Guyanais regardent la télévision tous les jours ou presque (78 % en France métropolitaine). En moyenne, ils la regardent 12 heures par semaine. Guyane la 1ère est la chaîne la plus regardée (57 % des téléspectateurs) devant Novelas TV (11 %). L’audience de cette dernière est majoritairement féminine : Novelas TV est la chaîne la plus regardée pour 20 % des femmes regardant la télévision (contre 2 % des hommes).

Les pratiques télévisuelles diffèrent selon l’âge. Les 15-39 ans sont proportionnellement moins nombreux que les 60 ans et plus à regarder la télévision tous les jours (48 % contre 59 %). Par ailleurs, ils ne privilégient pas les mêmes programmes. En moyenne, 22 % des Guyanais regardent des chaînes en langue étrangère. En particulier, 58 % des personnes nées au Brésil regardent la télévision en portugais et 22 % des personnes nées à Haïti la regardent en créole haïtien.

Un Guyanais sur cinq regarde des films sur un smartphone

Un quart des Guyanais regarde des films tous les jours ou presque (comme en France métropolitaine). Les 15-39 ans en regardent davantage que leurs aînés : 30 % d’entre eux visionnent des films tous les jours contre 16 % des 60 ans et plus.

Les Guyanais sont plus nombreux que les Guadeloupéens et les Martiniquais à regarder des films dans une autre langue que le français (29 % contre respectivement 20 % et 13 %) mais moins nombreux que la population en France métropolitaine (35 %).

Pour regarder des films et des séries, l'écran de télévision est privilégié par 92 % des Guyanais qui regardent ces types de programmes. Par ailleurs, la diffusion télévisuelle sur des chaînes gratuites ou payantes est plébiscitée par (80 % des personnes qui regardent des films et des séries). Par ailleurs, les habitants de Guyane sont plus nombreux que ceux de France Métropolitaine à regarder des films et séries sur leur smartphone (environ 20 % en Guyane, soit deux fois plus qu’en France métropolitaine) et à regarder des films et séries sur des plateformes de vidéo à la demande (51 % contre 34 %).

Les jeux vidéo moins plébiscités en Guyane qu’en France métropolitaine

Les jeux vidéo sont moins plébiscités en Guyane qu’en France métropolitaine : seulement 27 % des Guyanais ont joué aux jeux vidéo durant les 12 derniers mois sur console, téléphone portable, écran de TV, tablette ou ordinateur (contre 44 % en France métropolitaine). Seul quatre Guyanais âgés de 15 à 39 ans sur dix jouent à des jeux vidéo (72 % en France métropolitaine). Ce taux de pratique plus faible peut s’expliquer par des revenus moins importants et par un accès à Internet moins performant qu’en France métropolitaine. Le taux d’équipement des ménages guyanais en console de jeux est en effet bien inférieur à celui des résidents en France métropolitaine (19 % contre 43 %).

L’illettrisme et un accès difficile à la littérature étrangère : autant de freins à la lecture

En Guyane, la lecture publique souffre d’un manque de moyens, y compris en termes de personnels. Deux communes du champ de l’enquête sont dépourvues de bibliothèque (Macouria et Apatou). Néanmoins, 21 % des Guyanais se sont rendus dans une bibliothèque ou une médiathèque durant l’année (27 % en France métropolitaine, 15 % en Guadeloupe et 9 % en Martinique) et 6 % de la population y est inscrite. Cette pratique est plus répandue chez les 15-39 ans et les personnes diplômées (27 % des 15-39 ans se sont rendus dans une bibliothèque contre seulement 8 % des 60 ans et plus ; 36 % pour les diplômés du supérieur contre 15 % pour les non-diplômés). Par ailleurs, l’accès aux bibliothèques est plus difficile dans les communes excentrées (non couvertes par l'enquête) : Ouanary, Saül, Camopi, Grand-Santi et Saint-Elie en sont dépourvues.

Six Guyanais sur dix ne lisent jamais de livre, soit deux fois plus qu’en France métropolitaine. Ce chiffre est lié à un taux d’illettrisme élevé. En effet, en 2011, 20 % des habitants de 16-65 ans ayant été scolarisés en Guyane ou ailleurs en France sont en situation d’illettrisme. Ce problème semble perdurer. En 2020, 47 % des jeunes participants à la Journée Défense et Citoyenneté rencontraient des difficultés dans le domaine de la lecture. Par ailleurs, la Guyane compte seulement trois librairies, à Cayenne, à Saint-Laurent du Maroni et Rémire-Montjoly. L’accès aux livres est donc difficile dans un contexte où une personne sur deux vit sous le seuil de pauvreté.

Bien que les personnes plus âgées se rendent moins à la bibliothèque, elles sont proportionnellement plus nombreuses à lire des livres (50 % de lecteurs parmi les 60 ans et plus contre 38 % parmi les 15-39 ans). Seulement 25 % des Guyanais vivant dans le Bas-Maroni lisent contre 43 % dans le Centre littoral : l'offre en littérature dans une langue étrangère est rare dans les bibliothèques et librairies. Parmi les lecteurs, un Guyanais sur dix lit des livres dans une langue autre que le français (dont 3 % en anglais, 4 % en portugais, 2 % en créole guyanais et 3 % en créole haïtien).

Les livres religieux figurent parmi les catégories de livres les plus lus (36 % des lecteurs en lisent), aux côtés des livres pratiques, d’art de vivre et de loisirs (cuisine, bricolage…) et des livres de poésie.

L’accès aux cinémas contraint par l’offre

La Guyane ne compte que trois cinémas, l’Eldorado (deux salles) à Cayenne ; l’Urania à Kourou ; et l’Agora, complexe multi-salles à Matoury. Ainsi, seulement 38 % des Guyanais se sont rendus au cinéma durant l’année (62 % en France métropolitaine, 40 % en Guadeloupe et 43 % en Martinique) et les pratiques diffèrent au sein même de la Guyane : 50 % des Guyanais vivant dans le Centre littoral sont allés au cinéma, soit un taux relativement proche de la France métropolitaine, contre seulement 13 % des habitants du Bas-Maroni. Par ailleurs, 50 % des Guyanais de 15-39 ans sont allés au cinéma au moins une fois dans l’année contre 15 % des 60 ans et plus. Les diplômés du supérieur sont plus nombreux que les non-diplômés à être allés au cinéma dans l’année (59 % contre 21 %).

Un quart des Guyanais du Bas-Maroni ont assisté à un spectacle de danse durant l’année

Un Guyanais sur dix a assisté à un spectacle de danse dans l’année (13 % en France métropolitaine). La fréquentation de ce type de spectacle est plus courante dans le Bas-Maroni (26 % des habitants contre seulement 4 % dans le Centre littoral et 8 % dans les communautés de communes des Savanes).

Les Guyanais sont peu nombreux à se rendre dans les théâtres et les musées : seuls 3 % des Guyanais ont vu une pièce de théâtre durant l’année (21 % en France métropolitaine) et 5 % ont visité un musée ou une exposition (29 % en France métropolitaine). En particulier, seulement 1 % des habitants du Bas-Maroni se sont rendus dans un musée. Cette faible fréquentation s’explique notamment, comme pour les cinémas, par l’offre disponible. En effet, la Guyane compte seulement un centre labellisé et deux scènes conventionnées d’intérêt national. L’offre muséale et patrimoniale se structure autour du musée des cultures et des mémoires, du musée Franconie, de l'écomusée d'Approuage-Kaw, du Centre d’interprétation de l'Architecture et du Patrimoine, du Carma (Centre d’Art et de recherche des habitations anciennes), des bagnes et de l'île du Salut.

L’art se développe essentiellement en dehors du cadre institutionnel. Les communautés ont à cœur d’exposer leur culture et de nombreuses peintures sont dessinées dans les rues. Néanmoins, seulement 2 % des Guyanais déclarent faire de la peinture, sculpture ou gravure durant l’année ; 3 % dessinent ; 1 % écrivent des poèmes, nouvelles ou romans et 2 % font de la poterie. En Guyane, l’art Tembé, issu de la communauté des descendants des noirs marrons, s’exprime à travers la peinture, la sculpture et la couture.

Encadré - Comprendre le questionnaire : une enquête déclarative

Les réponses à une enquête déclarative dépendent beaucoup des représentations que les répondants ont des pratiques culturelles et de leurs propres comportements. Si 88 % des Guyanais déclarent n’avoir jamais fait de musique, c’est probablement parce que certains enquêtés, ne pratiquant pas la musique dans un cadre institutionnel ou bien n’estimant pas avoir un degré ou niveau de pratique « suffisant », se déclarent non pratiquants.

Publication rédigée par :Antonin Creignou, Baptiste Raimbaud (Insee), Amandine Louguet (Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation)

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