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Mai 2021 · n° 103Les « travailleurs-clés » du premier confinement, plus d’un emploi sur cinq en Normandie
La pandémie de Covid-19 a mis l’accent sur le caractère crucial de certains « métiers-clés ». En Normandie, ces métiers représentent plus d’un emploi sur cinq et se retrouvent majoritairement dans le domaine de la santé, mais aussi dans l’aide à la personne, dans certains commerces, le transport, la propreté, etc. Ces emplois sont, en proportion, moins qualifiés et plus souvent occupés par des femmes.
Les mesures restrictives mises en place en 2020, en lien avec la pandémie de Covid-19, ont conduit à s’interroger sur le caractère indispensable des différentes activités économiques ou sociales, pour préserver un minimum de qualité de vie quotidienne pour les populations et un certain équilibre économique. La première période de confinement, du 17 mars au 11 mai 2020, a été la plus restrictive, autorisant seulement le maintien des activités correspondant aux besoins vitaux de la population (essentiellement se nourrir et se soigner). Cette situation très particulière, ayant conduit à la définition d’un ensemble d’actifs qui ont dû continuer à travailler en « présentiel », a donné l’occasion de mieux identifier ces « métiers-clés », les plus indispensables en cas de crise sévère. Dans cette optique, l’Observatoire régional de la santé d’Île-de-France a défini une liste de 35 « métiers-clés », que l’on retrouve dans les domaines de la santé, de la sécurité publique, des transports, de la propreté, de la production et de la distribution alimentaire. Ils n’incluent pas d’autres professions (de l’enseignement, de la garde d’enfants, des services à la personne, du bâtiment et des travaux publics,etc.) qui peuvent être jugées très importantes mais dont les actifs sont restés majoritairement confinés lors cette première vague de la pandémie.
Plus d’un actif en emploi sur cinq peut être considéré comme « travailleur-clé »
Sur la base de cette définition (cf. pour comprendre et données complémentaires), 280 000 personnes exercent l’un des 35 métiers-clés en Normandie en 2017, soit 21,3 % des actifs en emploi vivant dans la région. Cette proportion est légèrement supérieure à celle observée en France de province (20,8 %) et situe la Normandie au 5ᵉ rang des régions de métropole.
La sphère des personnels soignants ou de l’aide à la personne recouvre à elle seule près de la moitié de ces emplois-clés (figure 1). Au nombre de 130 000, ils représentent un emploi normand sur dix. Une petite majorité de ces actifs (76 000) exercent en milieu hospitalier et sont, à ce titre, les plus directement exposés aux risques de contamination. Les métiers en contact avec des patients en dehors de l’hôpital ont un risque moindre mais néanmoins important. Cette sphère regroupe 55 000 personnes, dont la moitié sont des aides à domicile ou des auxiliaires de vie.
tableauFigure 1 – Effectifs et répartition des métiers-clés classés dans quatre groupes définis selon l’importance décroissante du risque d’exposition (de 1 à 4) à un virus
Métiers-clés par groupe selon le niveau d'exposition | Effectifs en Normandie | Répartition en Normandie (en %) | Part dans l’emploi total | |
---|---|---|---|---|
Normandie | France* | |||
Groupe 1 - Sphère des métiers en contact avec des patients en milieu hospitalier | ||||
Infirmiers hospitaliers | 24 186 | 8,6 | 1,8 | 1,8 |
Aides-soignants | 25 180 | 9,0 | 1,9 | 1,7 |
Agents hospitaliers | 19 833 | 7,1 | 1,5 | 1,3 |
Médecins hospitaliers | 6 370 | 2,3 | 0,5 | 0,5 |
Ensemble | 75 569 | 27,0 | 5,8 | 5,3 |
Groupe 2 - Sphère des métiers en contact principalement avec des patients hors du milieu hospitalier | ||||
Aides à domicile, auxiliaires de vie | 29 542 | 10,5 | 2,3 | 1,9 |
Masseurs-kinésithérapeutes | 6 144 | 2,2 | 0,5 | 0,6 |
Pharmaciens ou préparateurs en pharmacie | 7 361 | 2,6 | 0,6 | 0,6 |
Médecins libéraux | 5 259 | 1,9 | 0,4 | 0,5 |
Dentistes | 1 319 | 0,5 | 0,1 | 0,2 |
Infirmiers libéraux | 3 759 | 1,3 | 0,3 | 0,3 |
Sages-femmes | 1 183 | 0,4 | 0,1 | 0,1 |
Ensemble | 54 567 | 19,5 | 4,2 | 4,1 |
Groupe 3 - Sphère des métiers en contact fréquent avec principalement des clients ou des collègues | ||||
Caissiers ou vendeurs dans les commerces « essentiels » | 34 160 | 12,2 | 2,6 | 2,4 |
Agents de propreté | 13 615 | 4,9 | 1,0 | 1,0 |
Techniciens « essentiels » | 12 268 | 4,4 | 0,9 | 0,8 |
Boulangers, pâtissiers | 6 854 | 2,4 | 0,5 | 0,4 |
Conducteurs de transport public | 1 961 | 0,7 | 0,1 | 0,2 |
Éboueurs | 2 383 | 0,9 | 0,2 | 0,2 |
Employés et ouvriers alimentaires hors chaîne du froid | 8 621 | 3,1 | 0,7 | 0,5 |
Buralistes | 2 415 | 0,9 | 0,2 | 0,2 |
Pompiers | 1 904 | 0,7 | 0,1 | 0,1 |
Bouchers | 3 113 | 1,1 | 0,2 | 0,2 |
Chauffeurs de taxi | 563 | 0,2 | 0,0 | 0,1 |
Ambulanciers | 3 162 | 1,1 | 0,2 | 0,2 |
Surveillants de prison | 1 226 | 0,4 | 0,1 | 0,1 |
Vétérinaires | 1 194 | 0,4 | 0,1 | 0,1 |
Ouvriers dans l’industrie « essentielle » | 1 191 | 0,4 | 0,1 | 0,1 |
Employés et ouvriers alimentaires dans la chaîne du froid | 8 373 | 3,0 | 0,6 | 0,4 |
Charcutiers | 1 186 | 0,4 | 0,1 | 0,0 |
Personnel funéraire | 306 | 0,1 | 0,0 | 0,0 |
Ensemble | 104 494 | 37,3 | 8,0 | 6,9 |
Groupe 4 - Sphère des métiers en contact occasionnel avec principalement des clients ou des collègues | ||||
Forces de l’ordre | 8 675 | 3,1 | 0,7 | 0,7 |
Routiers | 19 671 | 7,0 | 1,5 | 1,1 |
Livreurs | 9 849 | 3,5 | 0,8 | 0,7 |
Facteurs | 6 337 | 2,3 | 0,5 | 0,4 |
Cuisiniers de collectivité | 908 | 0,3 | 0,1 | 0,1 |
Exploitants de station-service | 29 | 0,0 | 0,0 | 0,0 |
Ensemble | 45 469 | 16,2 | 3,5 | 3,1 |
Total | 280 099 | 100,0 | 21,3 | 19,4 |
- *France hors Mayotte
- Champ : liste de métiers définie par l’ORS d’Île-de-France (cf. feuilles Documentation 1 et 2)
- Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.
D’autres catégories d’actifs parmi les métiers-clés exercent une activité occasionnant des contacts fréquents avec des collègues ou des clients, ils sont donc également plus exposés que l’ensemble de la population. Ce sont pour beaucoup des métiers exercés dans certains types de commerces (notamment alimentaires), ou dans les services ou travaux dits « essentiels » (transports, sécurité, propreté, etc.). Cette sphère réunit 37 % des travailleurs-clés et 8 % de l’ensemble des emplois. Un dernier ensemble de professions, incluant les chauffeurs-livreurs, les facteurs, les forces de l’ordre, etc., est exposé de manière plus occasionnelle lors de contacts avec des collègues, clients ou usagers. Cette catégorie regroupe 16 % des travailleurs-clés.
Le risque d’exposition au virus existe aussi lors des déplacements domicile-travail effectués en transport en commun. 6 % des travailleurs-clés normands utilisent les transports collectifs pour rejoindre leur lieu de travail. Cette proportion varie beaucoup selon les professions. Elle est plus importante pour les agents de propreté et les conducteurs de transports publics (17 %), les pompiers (12 %), les aides à domicile, les agents et médecins hospitaliers (10 %).
Davantage de femmes, d’employés et d’ouvriers
En Normandie, plus du quart des femmes en emploi exercent un métier-clé (26,5 %), contre seulement 16,5 % des hommes. Cette surreprésentation correspond au caractère traditionnellement féminin des métiers identifiés, en particulier dans la sphère hospitalière (85 % de femmes). La répartition par âge des travailleurs-clés est peu différente, globalement, du reste de la population active. Ils sont toutefois sensiblement plus âgés quand ils exercent en contact de patients hors milieu hospitalier (41 % d’entre eux ont plus de 50 ans), au contraire des actifs dans le domaine du commerce ou des soins hospitaliers. Les travailleurs-clés sont aussi plus souvent des employés (45 %) ou des ouvriers (27 %) et plutôt moins diplômés que la population active dans son ensemble.
Davantage de travailleurs-clés dans l’Orne
L’Orne est le département normand (figure 2) qui présente la part de travailleurs-clés la plus élevée (24 %), avec des taux particulièrement élevés dans certains secteurs très ruraux (de l’ordre de 30 %). On y retrouve davantage d’aides-soignants, notamment, et d’agents hospitaliers ou d’ouvriers travaillant dans la chaîne alimentaire du froid. La part de métiers-clés est la moins élevée dans l’Eure (19 %), avec davantage d’employés de commerce ou de chauffeurs routiers, mais moins de professionnels de santé en général. Les autres départements sont plus proches de la moyenne. En Seine-Maritime on note une part relativement faible d’aides-soignants mais davantage d’infirmiers et d’agents de propreté. Dans le département de la Manche, les ouvriers travaillant dans la chaîne du froid sont plus représentés, ainsi que les aides à domicile, ces derniers étant au contraire relativement moins nombreux dans le Calvados.
tableauFigure 2 – Part et effectif des travailleurs-clés parmi l’ensemble des actifs en emploi selon le département de résidence
Département | Nombre de travailleurs-clés | Part des travailleurs-clés (en %) |
---|---|---|
Calvados | 60 620 | 21,9 |
Eure | 45 560 | 18,7 |
Manche | 45 030 | 22,8 |
Orne | 25 730 | 24,3 |
Seine-Maritime | 103 160 | 21,1 |
- Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.
graphiqueFigure 2 – Part et effectif des travailleurs-clés parmi l’ensemble des actifs en emploi selon le département de résidence
Pour comprendre
Si tous les métiers ont une utilité économique ou sociale, certains peuvent s’avérer particulièrement indispensables en cas de crise sanitaire, technologique ou environnementale. Il s’agit des métiers de l’urgence ou de ceux qui permettent d’assurer les besoins vitaux du quotidien : santé, alimentation, transports et sécurité notamment. Lors du premier confinement correspondant à la première vague de l’épidémie de Covid-19, ces travailleurs ont continué d’assurer leurs fonctions en se rendant quotidiennement sur leur lieu de travail. Nous les dénommons ici travailleurs-clés.
Une grille de ces métiers-clés a été définie par l’Observatoire régional de la santé (ORS) de l’île-de-France, en combinant la liste réglementaire établie par le ministère de la Santé sur les activités autorisées (arrêté ministériel du 15 mars 2020) avec d’autres listes pragmatiques (guides de bonnes pratiques par métier, conseil de l’Institut national de recherche et de sécurité) éditées au mois de mars 2020. Cette liste de 35 métiers revêt inévitablement une part d’arbitraire, comme toute classification, mais elle permet de repérer les travailleurs qui ont été les plus concernés par ces activités de l’urgence et des besoins vitaux lors du premier confinement. D’un point de vue statistique, cette grille de métiers correspond à un croisement entre la nomenclature des Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS) et la nomenclature des activités d’entreprises (NAF, nomenclature d'activités française) ; la composition détaillée de cette grille est disponible dans le fichier rassemblant les données associées à cette publication.
Sources
Les données sont issues du recensement de la population de l’Insee de 2017, exploitation complémentaire.
Pour en savoir plus
Telle-Lamberton M., Bouscaren N., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels « travailleurs-clés » lors de la première vague de Covid-19 ? », Observatoire régional de la santé Île-de-France, Focus santé en Île-de-France, décembre 2020.
Faucon F. et al., « 765 000 travailleurs-clés franciliens répondent aux besoins fondamentaux de la population », Insee Analyses Île-de-France n° 128, février 2021.