Insee Flash RéunionLe taux de pauvreté reste stable en 2018 à La Réunion Niveau de vie et pauvreté en 2018 à La Réunion

Claire Grangé (Insee)

En 2018, 39 % des Réunionnais vivent sous le seuil métropolitain de pauvreté. Après avoir nettement reculé entre 2007 et 2017, de même que les inégalités de revenus, le taux de pauvreté reste stable en 2018. Le marché du travail s’est en effet dégradé. La pauvreté reste beaucoup plus importante qu’en métropole (15 %) et qu’en Martinique (30 %), car le déficit d’emplois demeure important sur l’île. C’est particulièrement le cas dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans de petites communes rurales, où l’emploi est rare : plus d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté dans ces quartiers urbains et à Sainte-Rose, Cilaos et Salazie. Pour autant, avoir un emploi ne suffit pas toujours pour éviter une situation de pauvreté. Les revenus des Réunionnais sont plus faibles et sont fortement dépendants de l’aide sociale, qui permet de réduire la pauvreté et les inégalités de revenus.

Insee Flash Réunion
No 194
Paru le :Paru le28/01/2021
Claire Grangé (Insee)
Insee Flash Réunion No 194- Janvier 2021

En 2018, 39 % des Réunionnais (332 500 personnes) vivent sous le seuil métropolitain de pauvreté monétaire. Ainsi, ce seuil de pauvreté est calculé selon la distribution des revenus de métropole et il s’élève à 1 063 euros par mois et par (UC, figure 1). Les mineurs sont particulièrement concernés : 113 600 vivent dans un ménage pauvre, soit la moitié d’entre eux. Cette proportion de quatre ménages sur dix sous le seuil de pauvreté monétaire est semblable à celle des ménages qui sont en situation de privation matérielle et sociale.

La pauvreté demeure à un niveau bien plus élevé qu’en métropole (15 %) et qu’en Martinique (30 %). Elle est nettement plus marquée que dans la région métropolitaine la plus concernée, la Corse (19 %). En effet, le déficit d’emplois reste important à La Réunion. En 2018, 46 % des personnes en âge de travailler ont un emploi, contre 66 % en métropole.

Pour autant, avoir un emploi ne suffit pas toujours pour éviter une situation de pauvreté. Ainsi, parmi les ménages dont les revenus d’activité (salaires et revenus des travailleurs indépendants) sont la principale ressource déclarée, 20 % se situent en dessous du seuil de pauvreté en 2018. C’est deux fois plus qu’en métropole.

Figure 139 % des Réunionnais vivent dans un ménage pauvre en 2018Indicateurs de niveau de vie, de pauvreté et d’inégalités de revenus à La Réunion et en France métropolitaine en 2018

39 % des Réunionnais vivent dans un ménage pauvre en 2018
La Réunion France métropolitaine
Taux de pauvreté (en %) 38,9 14,8
Niveau de vie médian mensuel (en euros par UC) 1 290 1 770
Niveau de vie médian des personnes pauvres (en euros par UC) 830 855
Rapport interdécile (D9/D1) 4,4 3,5
Ratio (100-S80)/S20 5,5 4,4
  • Note : S80 (respectivement S20) correspond à la somme des niveaux de vie des 20 % des ménages les plus aisés (respectivement les plus modestes).
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018 ; Insee, enquête Revenus Fiscaux et Sociaux et (ERFS) 2018.

Plus d’un ménage sur deux est pauvre en milieu rural et dans les quartiers de la politique de la ville

La pauvreté est particulièrement élevée dans les petites communes rurales (figure 2) : plus d’un habitant sur deux à Cilaos (54 %), Sainte-Rose (55 %) et Salazie (59 %). À l’inverse, La Possession et Les Avirons sont les communes les moins concernées (respectivement 27 % et 29 %). La pauvreté est également très présente en milieu urbain, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : 56 % contre 44 % en moyenne dans ces quartiers en métropole. La pauvreté dépasse même les 60 % en 2017 dans 9 de ces quartiers de la politique de la ville : Bel Air-Centre-Ville-Village Desprez à Sainte-Suzanne, Petit-Bazar-Chemin du Centre-Fayard et le Centre-Ville à Saint-André, Le Gol et le Centre-ville à Saint-Louis, La Châtoire et Les Araucarias au Tampon, Rive-droite de Saint-Benoît, Le Bas de la Rivière à Saint-Denis.

Figure 2Le Nord et l’Ouest moins touchés par la pauvretéTaux de pauvreté à La Réunion par commune en 2018

Le Nord et l’Ouest moins touchés par la pauvreté
Taux de pauvreté(en %)
Les Avirons 29,3
Bras-Panon 38,6
L'Entre-Deux 34,6
L'Étang-Salé 30,2
La Petite-Île 38,3
La Plaine-des-Palmistes 40,3
Le Port 47,7
La Possession 27,0
Saint-André 46,1
Saint-Benoît 47,2
Saint-Denis 34,4
Saint-Joseph 46,3
Saint-Leu 38,5
Saint-Louis 46,4
Saint-Paul 33,3
Saint-Pierre 38,1
Saint-Philippe 47,3
Sainte-Marie 31,8
Sainte-Rose 55,1
Sainte-Suzanne 37,4
Salazie 58,8
Le Tampon 41,0
Les Trois-Bassins 39,4
Cilaos 53,9
La Réunion 38,9
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Figure 2Le Nord et l’Ouest moins touchés par la pauvretéTaux de pauvreté à La Réunion par commune en 2018

  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Pas de baisse du taux de pauvreté en 2018

Le taux de pauvreté monétaire avait nettement reculé entre 2007 et 2017 (- 9 points). Cette baisse est enrayée en 2018, où la croissance économique a décroché et le marché du travail s’est dégradé, avec notamment une forte chute du nombre de contrats aidés.

Sur un marché de l’emploi morose, les montants de prime d’activité versés se réduisent de 1,8 % en 2018, alors qu’ils avaient augmenté les années précédentes et donc tiré à la hausse le revenu des ménages en emploi les plus modestes. Fin 2018, la prime d’activité concerne 61 300 allocataires.

En 2018, les niveaux de vie restent plus faibles à La Réunion d’un bout à l’autre de l’échelle des revenus. La moitié des Réunionnais vivent avec moins de 1 290 euros par mois et par UC, soit 27 % de moins qu’en métropole. Les revenus des plus modestes sont sensiblement plus faibles qu’en métropole : les 10 % des plus modestes disposent d’au plus 690 euros par mois et par UC contre 930 euros en métropole. Quant aux 10 % les plus aisés, ils disposent de revenus plus proches de ceux de leurs homologues métropolitains : au moins 3 010 euros mensuels par UC contre 3 260 euros.

Les inégalités restent ainsi importantes à La Réunion : en 2018, l’ensemble des revenus disponibles des 20 % les plus favorisés est 5,5 fois plus important que celui des 20 % les plus modestes. En métropole, cet écart est moindre (4,4 fois).

Pour autant, les inégalités de revenus ont diminué fortement sur l’île au cours de la décennie écoulée. En 2007, le rapport entre les revenus des 20 % les plus aisés et ceux des 20 % les plus modestes était de 7.

La redistribution des revenus réduit la pauvreté et les inégalités

Le versement des prestations sociales (allocations familiales, prestations logement et minima sociaux) et le prélèvement des impôts directs réduisent fortement les inégalités de revenus et la pauvreté. Sans cette politique de redistribution, plus de la moitié des Réunionnais (51 %) vivraient sous le seuil de pauvreté, soit 12 points de plus qu’avec cette redistribution.

Le de nombreux Réunionnais dépend fortement des prestations sociales et plus particulièrement des minima sociaux. Le poids des prestations sociales dans le des ménages est trois fois supérieur par rapport à celui de la métropole : 17 % contre 6 % (figure 3). Il culmine dans les communes du Port et de Salazie (respectivement 28 % et 27 %). Au contraire, les pensions et retraites ont un poids nettement inférieur à La Réunion (16 % contre 28 %). Ceci s’explique par la jeunesse de la population conjuguée à un fort taux de chômage, le plus élevé de France en 2018 après Mayotte (24 %). Fin 2018, La Réunion compte 166 500 allocataires de minima sociaux.

Figure 3À La Réunion, les prestations sociales ont un poids trois fois plus important dans le revenu Décomposition du revenu disponible en 2018 à La Réunion et en France métropolitaine

en %
À La Réunion, les prestations sociales ont un poids trois fois plus important dans le revenu (en %)
Impôts Revenus d'activité Pensions, retraites et rentes Prestations sociales Revenus du patrimoine et autres revenus
La Réunion -13,7 75,0 15,5 16,6 6,6
France métropolitaine -18,5 74,5 28,3 5,5 10,2
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Figure 3À La Réunion, les prestations sociales ont un poids trois fois plus important dans le revenu Décomposition du revenu disponible en 2018 à La Réunion et en France métropolitaine

  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Pour comprendre

L’analyse de la pauvreté et du revenu disponible des ménages mobilise le Fichier Localisé Social et Fiscal (FiLoSoFi) depuis 2014 à La Réunion. À partir du millésime 2015, le revenu disponible des ménages à La Réunion intègre comme en métropole les « revenus financiers imputés ». Comme certaines améliorations méthodologiques dans la chaîne de traitement du dispositif Filosofi peuvent intervenir d’une année sur l’autre, les évolutions basées sur deux millésimes rapprochés de cette source sont à interpréter avec précautions.

Au niveau national, l’enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) reste la source de référence pour les indicateurs d’inégalité des niveaux de vie et de pauvreté.

Définitions

Unités de consommation (UC) : elles permettent de comparer les niveaux de vie des ménages de tailles et de compositions différentes. Le premier adulte du ménage compte pour 1 UC, les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 UC, les enfants de moins de 14 ans pour 0,3 UC.

Niveau de vie : revenu disponible du ménage rapporté au nombre d'UC. Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Le seuil de pauvreté dit « métropolitain » est fixé à 60 % du niveau de vie médian observé en métropole, soit 1 063 euros par mois et par UC. Le taux de pauvreté est la part des personnes pauvres, c’est-à-dire vivant dans un ménage qui dispose de moins de 1 063 euros par mois et par UC.

Revenu disponible : ensemble des revenus d’activité, des retraites et pensions, des revenus du patrimoine, des revenus financiers et des prestations sociales (prestations familiales, aides au logement et minima sociaux).