Insee Conjoncture Auvergne-Rhône-AlpesImpacts économiques de la crise sanitaire en Auvergne-Rhône-Alpes

Stéphanie Depil, Frédéric Lahi (Insee)

Le 17 mars dernier, la situation inédite de confinement de la population, visant à lutter contre la propagation du virus Covid-19, a mis « en sommeil » une partie de l’économie française. L’Insee a produit au niveau national une estimation de l’impact de la crise. Selon les informations disponibles au 7 mai 2020, l’activité économique française serait en baisse de 33 % par rapport à une situation « normale ».

Insee Conjoncture Auvergne-Rhône-Alpes
Paru le :Paru le07/05/2020
Stéphanie Depil, Frédéric Lahi (Insee)
Insee Conjoncture Auvergne-Rhône-Alpes- Mai 2020

Plus d’un tiers d’activité économique en moins

En Auvergne-Rhône-Alpes, la crise aurait entraîné une baisse de 34 % de l’activité économique. Elle serait l’une des régions les plus touchées (figure 1), proche en cela de la Corse (– 35 %) et semblable à l’Île-de-France (– 34 %).

Figure 1Estimation régionale de la perte d’activité liée aux mesures de confinement

Estimation régionale de la perte d’activité liée aux mesures de confinement - Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 34 % par rapport à une situation normale en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution en région qu’au niveau national.
Code région Libellé région Perte activité (en %)
94 Corse -34,8
84 Auvergne-Rhône-Alpes -33,8
11 Île-de-France -33,7
93 Provence-Alpes-Côte d'Azur -33,3
76 Occitanie -33,0
52 Pays de la Loire -32,8
24 Centre-Val de Loire -32,4
28 Normandie -32,3
27 Bourgogne-Franche-Comté -32,0
44 Grand Est -31,5
75 Nouvelle-Aquitaine -31,2
32 Hauts-de-France -30,9
53 Bretagne -30,5
03 Guyane -28,3
04 La Réunion -27,7
02 Martinique -27,5
01 Guadeloupe -27,3
06 Mayotte -23,2
  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 34 % par rapport à une situation normale en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution en région qu’au niveau national.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

Figure 1Estimation de la perte régionale d’activité au 7 mai

  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 34 % par rapport à une situation normale en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution en région qu’au niveau national.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

À l’opposé, la Bretagne serait la région métropolitaine la moins affectée (– 31 %). Cette analyse par région fait l’hypothèse qu’une branche d’activité est impactée avec la même intensité qu’au niveau national, les mesures du confinement y étant similaires (Pour comprendre).

Cet impact relativement élevé en Auvergne-Rhône-Alpes provient de sa structure économique, notamment de son orientation plus industrielle. L’industrie représente ainsi 18 % de la valeur ajoutée régionale (contre 14 % nationalement). La plus forte présence de la fabrication d’autres produits industriels (textile, chimie, métallurgie, caoutchouc-plastique,..) influe donc sur la baisse d’activité globale.

Les Alpes du Nord plus impactées que les départements peu denses

À l’intérieur de la région, l’impact est différent selon les territoires (figure 2). La Savoie est le département français où la baisse de l’activité économique serait la plus forte, de l’ordre de – 38 %. L’impact lié au tourisme d’hiver est majeur (encadré 1). L’hôtellerie-restauration contribuerait, à elle seule, à faire baisser l’activité de 8 % (figure 3). Ce secteur représente 12 % des emplois salariés, soit deux fois plus qu’en moyenne. Des activités comme les remontées mécaniques, les moniteurs de ski non salariés, ou les magasins de sport pèsent sur la production locale. En raison de la saisonnalité de cette activité, le département de la Savoie pourrait peut-être connaître un impact plus faible en mai que ce que le modèle prévoit, mais au contraire plus élevé en mars. En effet, il a subi de plein fouet la fermeture des stations de ski au 15 mars. Toutes ces activités ont été à l'arrêt complet et ont connu un choc plus marqué qu’ailleurs. De plus, au début du confinement, la population présente a baissé de 40 %, avec le départ des touristes et d'une partie des saisonniers (pour en savoir plus). C’est donc toute une « clientèle potentielle » qui est partie massivement. La baisse des montants de transactions en carte bancaire est d’ailleurs plus marquée en Savoie qu’ailleurs, tout comme à Paris où la clientèle touristique est présente tout au long de l’année (encadré 2).

Pour ces mêmes raisons liées à la présence des stations de ski, les départements de la Haute-Savoie et, dans une moindre mesure, de l’Isère, connaîtraient des baisses respectives de –36 % et de – 35 %.

Figure 2Estimation départementale de la perte d’activité liée aux mesures de confinement

Estimation départementale de la perte d’activité liée aux mesures de confinement - Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution dans le département qu’au niveau national.
Code département Libellé département Perte activité (en %)
73 Savoie -38,4
91 Essonne -37,7
31 Haute-Garonne -37,3
78 Yvelines -37,1
77 Seine-et-Marne -36,7
94 Val-de-Marne -36,5
74 Haute-Savoie -36,3
93 Seine-Saint-Denis -36,0
95 Val-d'Oise -35,9
69 Rhône -35,6
2A Corse-du-Sud -34,9
38 Isère -34,9
68 Haut-Rhin -34,7
2B Haute-Corse -34,7
60 Oise -34,6
44 Loire-Atlantique -34,2
67 Bas-Rhin -34,1
06 Alpes-Maritimes -33,9
72 Sarthe -33,9
01 Ain -33,8
27 Eure -33,7
41 Loir-et-Cher -33,7
76 Seine-Maritime -33,5
85 Vendée -33,5
90 Territoire de Belfort -33,4
25 Doubs -33,3
37 Indre-et-Loire -33,3
64 Pyrénées-Atlantiques -33,3
21 Côte-d'Or -33,2
13 Bouches-du-Rhône -33,1
05 Hautes-Alpes -33,1
26 Drôme -32,9
45 Loiret -32,7
50 Manche -32,7
28 Eure-et-Loir -32,7
92 Hauts-de-Seine -32,6
35 Ille-et-Vilaine -32,6
33 Gironde -32,6
12 Aveyron -32,5
57 Moselle -32,5
71 Saône-et-Loire -32,4
63 Puy-de-Dôme -32,3
59 Nord -32,1
53 Mayenne -32,0
70 Haute-Saône -31,9
49 Maine-et-Loire -31,9
84 Vaucluse -31,8
18 Cher -31,8
88 Vosges -31,8
16 Charente -31,8
07 Ardèche -31,7
34 Hérault -31,7
36 Indre -31,6
52 Haute-Marne -31,5
39 Jura -31,5
42 Loire -31,5
75 Paris -31,4
08 Ardennes -31,4
80 Somme -31,3
19 Corrèze -31,3
14 Calvados -31,3
54 Meurthe-et-Moselle -31,3
86 Vienne -31,2
89 Yonne -31,2
40 Landes -30,9
30 Gard -30,9
65 Hautes-Pyrénées -30,8
17 Charente-Maritime -30,8
62 Pas-de-Calais -30,8
03 Allier -30,8
83 Var -30,8
66 Pyrénées-Orientales -30,5
61 Orne -30,5
43 Haute-Loire -30,5
10 Aube -30,4
82 Tarn-et-Garonne -30,3
46 Lot -30,2
56 Morbihan -30,2
51 Marne -30,1
04 Alpes-de-Haute-Provence -30,0
81 Tarn -30,0
47 Lot-et-Garonne -29,8
55 Meuse -29,8
58 Nièvre -29,8
22 Côtes-d'Armor -29,8
15 Cantal -29,7
24 Dordogne -29,7
09 Ariège -29,7
02 Aisne -29,5
11 Aude -29,5
29 Finistère -29,4
87 Haute-Vienne -28,8
48 Lozère -28,7
32 Gers -28,5
973 Guyane -28,3
79 Deux-Sèvres -27,9
23 Creuse -27,8
974 La Réunion -27,7
972 Martinique -27,5
971 Guadeloupe -27,3
976 Mayotte -23,2
  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution dans le département qu’au niveau national.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

Figure 2Estimation départementale de la perte d’activité liée aux mesures de confinement

  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. Cette baisse est estimée avec l’hypothèse que chaque secteur d’activité aurait connu la même évolution dans le département qu’au niveau national.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

Figure 3Estimation de la perte d’activité liée aux mesures de confinement selon le secteur d'activité, par département

Estimation de la perte d’activité liée aux mesures de confinement selon le secteur d'activité, par département - Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. L’industrie contribue pour 5 points à cette baisse.
Agriculture, sylviculture et pêche Industrie Construction Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles Transports et entreposage Hébergement et restauration Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien Autres activités de services marchands Services princip. non marchands
Cantal -0,6 -3,4 -6,5 -5,2 -2,6 -1,8 -2,0 -2,6 -5,0
Haute-Loire -0,3 -8,5 -5,4 -4,2 -2,0 -1,4 -2,3 -2,6 -3,8
Allier -0,3 -6,9 -4,4 -4,6 -2,3 -1,9 -2,8 -3,4 -4,3
Loire -0,2 -7,5 -5,0 -4,2 -2,1 -1,6 -4,4 -2,6 -3,9
Ardèche -0,3 -8,4 -5,3 -4,3 -1,8 -1,7 -2,6 -3,1 -4,1
Puy-de-Dôme -0,1 -7,8 -4,1 -4,1 -2,8 -2,2 -4,1 -3,4 -3,8
Drôme -0,3 -7,5 -4,9 -4,9 -3,2 -2,2 -4,3 -2,6 -3,0
Ain -0,2 -9,3 -5,6 -4,9 -3,0 -1,8 -3,7 -2,5 -2,8
Isère -0,1 -8,2 -4,9 -4,2 -2,4 -1,9 -6,8 -3,4 -3,1
Rhône 0,0 -6,3 -4,1 -4,7 -3,1 -2,6 -7,4 -4,5 -2,8
Haute-Savoie -0,1 -7,6 -6,0 -5,5 -2,2 -4,9 -4,1 -3,0 -2,9
Savoie -0,1 -4,6 -6,7 -5,0 -3,6 -7,8 -4,0 -3,2 -3,3
  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. L’industrie contribue pour 5 points à cette baisse.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

Figure 3Estimation de la perte d’activité liée aux mesures de confinement selon le secteur d'activité, par département

  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique aurait diminué de 38 % par rapport à une situation normale en Savoie. L’industrie contribue pour 5 points à cette baisse.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

À l’opposé, les départements les moins denses et les moins concernés par le tourisme d’hiver sont plus épargnés. Le Cantal connaîtrait une baisse d’activité de 30 %, proche de celles de la Haute-Loire et de l’Allier (– 31 %). Les services marchands, notamment les activités scientifiques et techniques (activités juridiques et comptables, recherche et développement, services aux entreprises) étant moins nombreux, leur baisse d’activité contribue à une baisse globale inférieure de 3 points à la moyenne régionale. L’agriculture est plus présente dans ces territoires, mais la production de ce secteur est plus limitée et ne baisse que de 13 %.

Dans le territoire du Genevois français, à cheval sur la Haute-Savoie et l’Ain, un actif sur deux travaille dans le canton de Genève en Suisse. La baisse d’activité constatée aura non seulement un impact sur l’économie suisse, mais aussi sur l’économie résidentielle côté français. La perte de contrats de travail et de revenus associés est donc suivie particulièrement dans le cadre de l’observatoire statistique transfrontalier (encadré 3).

Des branches d’activité plus ou moins impactées

L’impact de la crise sanitaire est très différent selon les branches d’activité, certaines étant plus fortement touchées par les mesures de confinement. L’hébergement-restauration est quasiment à l’arrêt avec une baisse d’activité de 90 % (figure 5). En raison de l’arrêt partiel ou total des chantiers, la construction serait en baisse de 75 %, et la fabrication de matériel de transport le serait à hauteur de – 69 %. Les services sont également concernés, notamment ceux liés à des emplois à domicile, aux activités associatives, bibliothèques, musées (– 76 %). Le commerce, hors alimentaire, a été massivement concerné par les fermetures des lieux désignés comme « non indispensables » par arrêté du 15 mars. En Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont 25 % des salariés et 41 % des non-salariés qui exercent dans un de ces secteurs très fortement impactés. Cela représente 672 600 salariés et 154 200 non-salariés, auxquels il convient d’ajouter environ 85 600 intérimaires, également très concernés.

À l’opposé, les branches agricoles et celles de l’industrie agroalimentaire auraient une baisse d’activité bien plus modérée (– 13 % et – 5 %), nécessaires qu’elles sont à la satisfaction de la demande de biens essentiels. Les services financiers affichent un niveau proche de la normale, pouvant pratiquer le télétravail.

Seule la moitié de l’activité industrielle serait maintenue. Elle est affectée par la diminution de la demande nationale et internationale, les difficultés d’approvisionnements et l’indisponibilité de la main d’œuvre. L’industrie pharmaceutique, bien présente dans la région, ne connaîtrait pas une telle baisse d’activité.

Figure 5Estimation de la perte d’activité liée aux mesures de confinement

Estimation de la perte d’activité liée aux mesures de confinement - Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique en France aurait diminué de 33 % par rapport à une situation normale. Cette baisse est proche en Auvergne-Rhône-Alpes (– 34 %). L’industrie, dont la baisse d’activité est estimée à 38 %, contribuerait à hauteur de 7 points de pourcentage à cette baisse dans la région.
Secteur d’activité Perte d’activité (en %) Contributions à la perte d’activité (en points de PIB)
France entière Auvergne-Rhône-Alpes
Agriculture, sylviculture et pêche -13 0 0
Industrie -38 -5 -7
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac -5 0 0
Cokéfaction et raffinage -55 0 0
Fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines -61 -1 -2
Fabrication de matériels de transport -69 -1 0
Fabrication d'autres produits industriels -43 -3 -4
Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution -23 -1 -1
Construction -75 -4 -5
Services principalement marchands -36 -20 -19
Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles -47 -5 -5
Transports et entreposage -59 -3 -3
Hébergement et restauration -90 -3 -3
Information et communication -31 -2 -1
Activités financières et d'assurance 0 0 0
Activités immobilières -2 0 0
Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien -44 -6 -5
Autres activités de services -76 -2 -2
Services principalement non marchands -14 -3 -3
Total -33 -33 -34
  • Note de lecture : au 7 mai 2020, l’activité économique en France aurait diminué de 33 % par rapport à une situation normale. Cette baisse est proche en Auvergne-Rhône-Alpes (– 34 %). L’industrie, dont la baisse d’activité est estimée à 38 %, contribuerait à hauteur de 7 points de pourcentage à cette baisse dans la région.
  • Source : calculs Insee à partir de sources diverses.

Près de la moitié des salariés en demande de dispositif de chômage partiel

Les employeurs ont rapidement mobilisé le dispositif de chômage partiel afin de réduire leurs effectifs. Au 28 avril, 149 600 demandes d’autorisation préalable de mise en activité partielle sont déposées dans la région (source Dares, pour en savoir plus). Elles concernent 1 440 800 salariés, soit un peu moins de la moitié des salariés de la région. Près de 553 millions d’heures chômées sont demandées. Cela représente en moyenne 384 heures par salarié (soit 11 semaines à 35 heures hebdomadaires). Il est possible que les demandes d’autorisation préalable ne soient pas toutes confirmées et soient, in fine, supérieures au recours effectif. Ce taux de demande est plus élevé qu’en moyenne française. Une relation s’observe entre le choc économique calculé ici et le taux potentiel de recours des entreprises au chômage partiel dans les régions. Le recours est a priori d’autant plus intense que le choc économique est élevé. Cette corrélation tend à conforter l’hypothèse du rôle déterminant de la structure économique sur l’impact de la crise.

Un chômage en hausse de près de 9 % en mars

Même avec la prise en compte du chômage partiel, de nombreux actifs subissent des pertes d’emploi sèches. L’impact économique s’est accompagné de chocs profonds sur l’emploi dans toutes les régions. En mars 2020, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi (source Direccte et Pôle emploi, pour en savoir plus) en catégorie A en France (hors Mayotte) enregistre sa plus forte hausse depuis le début de la série en 1996, soit + 7,1 %. Elle est encore plus élevée en Auvergne-Rhône-Alpes (+ 8,7 %), région où la hausse est la plus forte derrière la Bretagne et les Pays de la Loire (+ 9,7 %).

Cet accroissement des effectifs inscrits en mars 2020 provient à la fois d’une nette augmentation des entrées et d’une très forte baisse des sorties. Les entrées pour fin de mission d’intérim et fin de contrats courts sont en hausse, la mise en place du confinement ayant conduit à des non-renouvellements ainsi qu’à de moindres nouvelles embauches de courte durée. Cette augmentation du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A concerne notamment les secteurs de la construction, du bâtiment et des travaux publics, des services à la personne, de l’hôtellerie et du tourisme, du transport et de la logistique, ainsi que du commerce.

Sur le 1er trimestre 2020, les inscrits de catégorie A augmentent finalement de 1,1 % dans la région, contre + 0,7 % en France hors Mayotte. Au niveau départemental, les hausses les plus importantes se situent en Savoie (+ 3,2 %) et en Haute-Savoie (+ 3,1 %). Le Rhône est un peu au-dessus du niveau régional (+ 1,2 %). En volume, le Rhône et la Haute-Savoie contribuent à eux deux à plus de la moitié de la hausse régionale (58 %).

Une baisse de consommation d’électricité de 20 %

Le dispositif de confinement entraîne une baisse brutale et marquée de l’activité économique qui se reflète dans la chute de la consommation totale d’électricité.

Ainsi, sur l’ensemble de la France métropolitaine hors Corse, la consommation journalière moyenne totale d’électricité est en baisse de 17 % durant les trois premières semaines de confinement par rapport aux deux semaines qui ont précédé. Dans la région, la baisse serait plus importante, de l’ordre de 20 %, comme en Bourgogne-Franche-Comté et dans le Grand Est. La consommation des entreprises chute assez brutalement alors que celle des ménages augmente avec le confinement et le télétravail mais dans de moindres proportions. Les températures plus clémentes observées fin mars et début avril ont par ailleurs modéré la hausse de la consommation domestique.

Une chute du trafic routier dans les grandes villes

Le confinement entraîne une forte réduction des déplacements de la population et une baisse du transport de marchandises. De nombreux actifs occupés n’ont plus à se rendre sur leur lieu de travail et les déplacements sont limités aux lieux de consommation les plus proches ; les activités de loisirs sont suspendues.

Ainsi, à titre d’exemple, la congestion routière a été divisée par 5,5 en moyenne, dans un ensemble de 25 grandes villes françaises le mardi 14 avril à 17 heures, par rapport à la moyenne observée sur toute l’année 2019. Plus précisément, les trajets de ce jour ont nécessité, en moyenne, 12 % de temps de parcours en plus par rapport à des conditions de circulation idéales sans aucune congestion (en pleine nuit notamment). La baisse de trafic est d’autant plus forte que la ville est grande : divisée par 5,3 à Lyon, contre 2,9 à Clermont-Ferrand (figure 6).

Figure 6Niveau de congestion routier moyen dans les grandes villes de la région Auvergne-Rhône-Alpes

Niveau de congestion routier moyen dans les grandes villes de la région Auvergne-Rhône-Alpes
Niveau de congestion
Moyenne 2019 (en %) Observé le 14 avril 2020 (en %) Trafic divisé par...
Lyon 64 12 5,3
Grenoble 70 16 4,4
Saint-Étienne 50 14 3,6
Clermont-Ferrand 56 19 2,9
  • Source : Tom-Tom.

La baisse du trafic routier liée au confinement a entraîné une baisse globale des concentrations de NOx (polluants principalement émis par le trafic) à proximité des axes routiers, diminuant ainsi l’exposition des riverains des grandes voiries. Le niveau atteint est inférieur à celui d’un dimanche habituel. Sur les stations représentatives de l’exposition de la population à la pollution due au trafic, la différence avant/pendant le confinement est de 30 à 75 % suivant les villes ; de 65 % dans l’agglomération lyonnaise et 72 % dans celle de Grenoble (source ATMO).

Encadré 1 - Le tourisme d’hiver très impacté

Forte d’environ 170 stations, Auvergne-Rhône-Alpes possède l’un des plus grands domaines skiables au monde. En particulier, la Savoie est le département de France métropolitaine dont l’économie est la plus tournée vers le tourisme (15 % de sa richesse dégagée). Le tourisme de montagne représente même une part essentielle de l’activité économique dans certains territoires. Ainsi, le secteur touristique crée la moitié de la richesse dégagée dans la Tarentaise, le Haut-Chablais, Giffre, Grand Massif.

À titre de comparaison, en mars 2019, les hôtels de Savoie, de Haute-Savoie et d’Isère ont enregistré 1,4 million de nuitées, avec un taux d’occupation élevé en Savoie (72 %) et près de la moitié de touristes étrangers (44 %). En 2015, à mi-mars, on estimait à 30 000 le nombre de saisonniers qui travaillaient dans les Alpes, dans l’hôtellerie-restauration, les transports et les commerces. En année « normale », l’activité y reste soutenue jusque début avril et baisse au fil du mois d’avril, ne se poursuivant que dans les stations de plus haute altitude.

Encadré 2 - Chute des transactions par carte bancaire

Lors de la mise en place du confinement, Auvergne-Rhône-Alpes est la région qui connaît le plus fort recul de transactions par carte bancaire, derrière l’Île-de-France. En semaine 13, première semaine complète de confinement, les transactions ont baissé de 60 % par rapport à l’année précédente. Ces mêmes transactions avaient légèrement augmenté en semaine 11, avec un pic de consommation par anticipation des restrictions de circulation. Par la suite, le nombre de transactions chute, avec un léger redressement les semaines suivant le 30 mars, en raison de la réouverture de ventes à emporter dans la restauration, des magasins de bricolage et plus tard des jardineries… ; mais aussi en raison d’un changement dans la manière de consommer avec des livraisons à domicile qui augmentent.

Avec une baisse de 74 % des transactions en semaine 13, le département de la Savoie a un comportement atypique, comme Paris, les Hautes-Alpes et les Hautes-Pyrénées, en lien avec les fermetures anticipées des stations de sports d’hiver et la chute de la fréquentation touristique. Les départements les plus peuplés connaissent de fortes baisses des transactions, comme le Rhône à – 64 %. Ils possèdent proportionnellement plus de surfaces commerciales allouées aux commerces d’équipement de la personne et de la maison, soumis à l’obligation de fermeture. Au contraire, l’Ardèche et la Haute-Loire présentent une plus forte résilience à la crise sanitaire, avec une baisse plus modérée (– 44 %).

Figure 4Variation hebdomadaire des montants de transactions de carte bancaire par rapport à l’année précédente

Variation hebdomadaire des montants de transactions de carte bancaire par rapport à l’année précédente - Note de lecture : au cours de la semaine 13 (du 23 au 29 mars), le montant de transaction a chuté de 60 % par rapport à la même semaine de 2019.
Semaine Auvergne-Rhône-Alpes France
2 4,4 2,7
3 3,9 3,8
4 7,3 6,7
5 5,1 4,4
6 2,5 2,5
7 3,4 2,0
8 7,0 3,8
9 -2,2 0,0
10 0,2 3,6
11 8,0 7,9
12 -44,1 -40,8
13 -59,6 -58,1
14 -55,8 -54,6
15 -46,9 -46,7
16 -47,3 -48,7
  • Note de lecture : au cours de la semaine 13 (du 23 au 29 mars), le montant de transaction a chuté de 60 % par rapport à la même semaine de 2019.
  • Source : Cartes Bancaires CB, calculs Insee.

Figure 4Variation hebdomadaire des montants de transactions de carte bancaire par rapport à l’année précédente

  • Note de lecture : au cours de la semaine 13 (du 23 au 29 mars), le montant de transaction a chuté de 60 % par rapport à la même semaine de 2019.
  • Source : Cartes Bancaires CB, calculs Insee.

Encadré 3 - L’emploi frontalier est aussi en jeu

La baisse d’activité en Suisse a eu un impact direct sur les 88 000 travailleurs frontaliers résidant dans le Genevois français. Les mouvements quotidiens entre les deux pays se sont fortement réduits et des postes frontières ont été fermés. Certains travailleurs ont vu leur contrat s’arrêter en attendant la réouverture des entreprises.

La réduction des horaires de travail a concerné plus de 10 000 entreprises (et 100 000 salariés) en mars dans le canton de Genève. En février, cette limitation n’a concerné que 12 entreprises (et 80 personnes). Le nombre de demandeurs d’emploi dans le canton a augmenté de 4,7 % en glissement annuel et le nombre de chômeurs de 7,9 %.

Depuis lundi 27 avril, les coiffeurs, jardineries, magasins de bricolage et cabinets médicaux ont néanmoins pu rouvrir leurs portes. Le 11 mai, les écoles, magasins et marchés pourront également ouvrir. L’emploi frontalier devrait redémarrer peut-être plus rapidement que l’emploi en France.

Pour comprendre

Baisse d’activité

L’exercice présenté vise à évaluer la perte d’activité directement liée aux mesures d’endiguement de la crise sanitaire , et en particulier au confinement de la population. Il s’agit donc de comparer la situation estimée de la semaine actuelle à ce que l’on aurait pu attendre d’une semaine « normale ».

Pour ce faire, des hypothèses ont dû êtres formulées pour chaque branche, concernant la part d’activité maintenue, à partir de sources diverses telles que des remontées directes d’entreprises et de fédérations professionnelles. D’autres données ont également été mobilisées, comme la consommation d’électricité, des transports, des transactions par carte bancaire. S’ajoutent également les premières données administratives et d’enquêtes.

La méthode consiste à appliquer les évolutions sectorielles nationales à la structure de chaque territoire, cette structure étant celle de la valeur ajoutée des économies régionales et départementales. Selon cette méthode, le fait qu’un territoire est fortement doté en une activité ayant subi un choc très brutal contribue mécaniquement à générer un impact élevé sur son économie. La somme des contributions de tous les secteurs permet d’estimer l’impact global sur l’économie régionale ou départementale. Toutefois, plusieurs critiques peuvent être faites à l’égard de cette méthode. La première est que la méthode risque d’être appliquée à un niveau trop agrégé, ce qui masquerait les spécificités sectorielles et territoriales. Ainsi, opérer au niveau de l’ensemble de la construction néglige de distinguer les dynamiques propres au bâtiment et aux travaux publics. La seconde critique est que les différences de comportement des entreprises ne sont pas intégrées ; pourtant, tandis qu’une entreprise reprendra partiellement son activité grâce à des protocoles sanitaires garantissant la sécurité de ses employés, une autre pourrait reprendre plus tardivement si les « gestes barrière » sont plus compliqués dans ses établissements. Une troisième critique est que cette méthode ne tient pas compte des variations de la demande des résidents qui s’adresse à l’économie présentielle dans les territoires.

Les secteurs économiques ont été classés selon l’intensité de la baisse d’activité qu’ils connaissent au niveau national selon la note de conjoncture de l’Insee du 23 avril. Cette classification s’est appuyée sur les éléments fournis par l’analyse de la baisse d’activité au niveau national avec l’approche du PIB et la connaissance des fermetures réglementaires. L’étude a été réalisée sur les établissements et non les entreprises. On considère donc ici le secteur de chaque établissement (APET) et non celui de l’entreprise (APEN).

Activité partielle / chômage partiel

Le dispositif de l’activité partielle (ou chômage partiel) permet aux établissements confrontés à des difficultés temporaires de diminuer ou suspendre leur activité tout en assurant aux salariés une indemnisation égale à 70 % du salaire brut (environ 84 % du net) pour compenser leur perte de salaire.

Lors de la phase ultérieure d’indemnisation, il est possible que le nombre d’heures effectivement consommé soit inférieur à celui qui avait été demandé. L’ensemble des données présentées sur l’activité partielle sont susceptibles d’être révisées.

Les données sont issues du système d’information APART.

Transactions bancaires

Les données agrégées utilisées dans cette fiche proviennent de Cartes Bancaires CB et couvrent l’essentiel des transactions par cartes bancaires. Elles sont tirées d’une extraction de transactions anonymisées et agrégées à l’échelle départementale afin de respecter les exigences de confidentialité. Ces informations sont sujettes à certaines limites. Les données utilisées concernent tout détenteur de carte bancaire CB sur le territoire français, ce qui, outre les ménages, peut recouvrir aussi des entreprises. Ces données ne recouvrent pas les transactions réalisées par d’autres moyens de paiement (espèces, chèque, ticket restaurant, etc.). De plus, à l’inverse des données utilisées à l’échelle nationale, notamment dans l’estimation de la perte de consommation des ménages, les données départementales intègrent certaines transactions non assimilables à de la consommation (dons à des associations, achat de timbres fiscaux, etc.). Enfin, les transactions à distance (notamment celles sur internet) ne sont pas prises en compte.

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