Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéLa Bourgogne-Franche-Comté bénéficie peu de sa proximité avec l’Île-de-France

Christine Charton, Charles Pilarski (Insee)

Parmi les huit départements de Bourgogne-Franche-Comté, celui de l’Yonne appartient au Bassin parisien. Il est situé dans la partie la moins peuplée de ce bassin, celle qui est dépourvue de grandes agglomérations et d’un réseau dense d’infrastructures de transport. De fait, l’Yonne bénéficie moins des effets d’entrainement démographiques ou économiques de Paris et sa banlieue que les autres départements limitrophes. Seul le Sénonais est véritablement intégré au Bassin parisien. Les liens avec l’Île-de-France se mesurent aussi au travers des résidences secondaires que les Franciliens possèdent dans l’Yonne et en Puisaye.

Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté
No 68
Paru le :Paru le06/05/2020
Christine Charton, Charles Pilarski (Insee)
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 68- Mai 2020

La Bourgogne-Franche-Comté fait partie des régions limitrophes de l’Île-de-France. Cette proximité géographique a quelques conséquences sur la dynamique économique et démographique de notre région. C’est essentiellement le cas dans le Sénonais, au nord du département de l’Yonne. Dans cette zone, comme dans d’autres territoires limitrophes, la croissance démographique est ainsi liée pour partie à l’installation d’actifs qui vont ensuite travailler en Île-de-France, une région qui en accueille chaque jour 332 000.

Mais selon les infrastructures de transport, le passé économique ou encore la morphologie du territoire, le rayonnement de l’agglomération parisienne sur les départements périphériques diffère. Il est davantage marqué à l’ouest qu’à l’est, où se situe l’Yonne.

L’Yonne parmi les départements peu denses du Bassin parisien

Avec 334 000 habitants et 46 habitants au km2, l’Yonne est un des départements les moins peuplés et les moins denses du Bassin parisien (encadré), avec le Loir-et-Cher et l’Aube. Le contraste est fort avec les huit départements franciliens et la Seine-Maritime qui comptent chacun plus d’un million d’habitants. Il est important aussi avec les départements de l’Oise au nord ou du Loiret (figure 1).

Les fleuves, qui passent à l’est du Bassin parisien, puis les grands axes de communication, en particulier les réseaux de transport routiers ou ferroviaires ont largement déterminé les zones de peuplement du Bassin parisien et l’essor des villes limitrophes. Les relations avec Paris se sont ainsi développées le long de deux axes, l’un vers le nord-ouest le long de la Seine et l’autre vers la Loire, au sud. L’est du Bassin parisien, historiquement moins bien connecté, n’a pas connu le même dynamisme démographique.

Figure 1L’Yonne et l’Aube, départements à la densité la plus faible du Bassin parisienDensité de population en nombre d’habitants au km² (lissage communal)

  • Source : Insee, Recensements de population 2012 et 2017

Croissance démographique moins marquée dans l’est et dans l’Yonne

Tous les territoires en périphérie de l’Île-de-France ne présentent pas la même croissance démographique. Les écarts tendent à se creuser, les gains de population étant souvent bien plus marqués à l’ouest qu’à l’est.

Ces trajectoires démographiques différentes sont liées à la périurbanisation, c’est-à-dire à l’installation d’actifs en périphérie des pôles d’emplois. Ce desserrement a d’abord concerné Paris, dont les actifs ont migré dans les départements franciliens. Il s’étend aux autres départements du Bassin parisien, et particulièrement les franges les mieux desservies par les infrastructures de transport (figure 2). Parallèlement, les principales villes des départements limitrophes, souvent préfectures comme Chartres, Orléans, Évreux, Rouen, Beauvais, ou même Compiègne, servent de relais de l’influence de l’agglomération parisienne. Elles sont en croissance démographique, et particulièrement leurs périphéries qui bénéficient à leur tour de la périurbanisation. Véritables points d’appui de l’armature urbaine francilienne, ces « villes-portes » bénéficient le plus souvent d’infrastructures ferroviaires TER ou TGV desservant efficacement le cœur de l’Île-de-France.

Dans l’Yonne, le desserrement de la région parisienne se limite à sa frange nord et se diffuse peu au-delà. Parmi les « villes à une heure de Paris », Sens, dont la taille reste modeste, ne bénéficie pas d’infrastructures de transport comparables aux autres « villes-portes ». Son rayonnement reste donc limité en dehors des effets de proximité. Auxerre, principal pôle urbain du département, sans lien ferroviaire direct avec Paris, est mal relié à l’Île-de-France et trop éloigné pour constituer un point d’ancrage de l’influence francilienne dans la région.

Avec une part de population de moins de 30 ans plus faible, l’Yonne contraste avec le peuplement de la plupart des autres départements du Bassin parisien. Dépourvu de pôle d’enseignement supérieur contrairement aux départements de première et seconde couronne comme la Seine-Maritime, la Marne ou la Somme, le département peine à conserver ses jeunes. Le solde naturel demeure négatif, d’autant que le vieillissement de la population est plus marqué qu’ailleurs.

Figure 2Hormis le Sénonais, l’Yonne ne bénéficie pas de la dynamique démographique francilienneTaux de croissance annuel moyen de la population entre 2012 et 2017 (lissé)

  • Source : Insee, Recensement de la population 2015

Un rayonnement économique du Bassin parisien limité

En termes d’emploi aussi, l’Yonne bénéficie moins de la proximité de l’Île-de-France que d’autres départements limitrophes. Il est peu concerné par l’implantation de nouvelles activités productrices, mais aussi par le développement de services liés à la population dans un contexte de baisse démographique.

C’est dans l’hypercentre du Bassin parisien que l’emploi progresse le plus sous l’effet du développement de quartiers d’affaires ou de territoires de projet comme Roissy ou Saclay. L’Île-de-France, où sont localisés les sièges sociaux des principaux établissements privés nationaux, bénéficie notamment du dynamisme des emplois de conception-recherche ou de commerce inter-entreprise (figure 3). Ce développement est avant tout porté par l’insertion de Paris dans les réseaux d’échanges européens et mondiaux ; il se fait donc à large échelle, mais se propage de façon limitée dans le reste du Bassin parisien. De fait, ses franges ne sont pas plus concernées que le reste du territoire national par l’emprise de ses centres de décision sur les économies locales.

Par ailleurs, plus de 85 % des transferts d’établissements sont internes à l’Île-de-France, ces transferts étant fréquents du centre vers la petite couronne. Pour les autres, la dynamique suit une logique centrifuge : les établissements quittant l’Île-de-France sont plus nombreux que ceux qui s’y installent, probablement en lien avec le coût du foncier. Pour autant le bilan en matière d’emplois est équilibré : les établissements qui partent en périphérie sont de petite taille alors que ceux qui s’installent en Île-de-France emploient plus de salariés.

Quelques territoires de franges bénéficient d’implantation d’activités très liées au fonctionnement de la capitale mais qui nécessitent de l’espace comme les aéroports, les activités d’entreposage, les activités extractives (carrières) ou encore l’industrie agroalimentaire, très implantée dans l’Yonne.

Figure 3Les liens économiques de l’Yonne avec l’Île-de-France restent limitésIntensité des flux économiques avec la zone d’emploi de Paris

  • Lecture : pour chaque indicateur étudié, un score a été attribué aux zones d’emploi en fonction de leur classement par quantile au sein du Bassin parisien. L’intensité des liens économiques avec Paris correspond ici à la somme de ces scores. Flux retenus : navetteurs (part des actifs travaillant dans la zone d'emploi de Paris (ZEP)), salaires (part des salaires en provenance de la ZEP), transferts d’établissements (part des établissements en provenance de la ZEP), contrôles centre de décision-établissements (part des emplois contrôlés par un centre de décision de la ZEP), hors flux de marchandises.
  • Sources : Insee, DADS 2015, Répertoire des entreprises et des établissements 2006 à 2015, Lifi 2015, Esane 2015, Clap 2015, Recensement de la population 2015

Développement de l’économie présentielle dans le Sénonais

Selon leurs dynamiques économique et démographique, les zones d’emploi du Bassin parisien présentent des profils et modes de fonctionnement différents.

La zone d’emploi de Sens est très intégrée au reste de l’Île-de-France, 20 % de ses actifs y travaillant. Ce taux de navetteur est l’un des plus élevés parmi les zones d’emplois limitrophes. Le réseau de transport en commun favorise largement ces liens : près de 70 % de ces navetteurs se rendent à leur travail en utilisant la ligne TER Sens - Montereau - Paris-Bercy.

L’installation d’actifs franciliens dans le Sénonais n’est pas nouvelle ; elle a contribué au dynamisme démographique de ce territoire, mais aussi au développement d’une économie locale présentielle à destination de ces nouveaux arrivants. Sens fait ainsi partie des zones à « spécificité présentielle » comme le sont celles de Nemours, Provins ou Dreux. Toutefois son attractivité vis-à-vis des actifs de l’Île-de-France s’essouffle, le desserrement de l’Île-de-France se faisant davantage au profit des zones situées à l’ouest. Au sud-ouest par exemple, les navettes domicile-travail se sont très largement développées entre Vendôme et Paris avec l’augmentation du cadencement de la ligne en 2006 qui favorise l’arrivée de cadres.

À l’inverse, la zone d’emploi de Sens est moins concernée que d’autres zones limitrophes par l’installation d’une main d’œuvre qualifiée. Les cadres n’y représentent que près de 7 % des Franciliens nouvellement installés, trois fois moins que dans les autres zones d’emploi. La plupart des actifs du Sénonais ne travaillent pas à Paris mais dans le département voisin de Seine-et-Marne, dans les pôles à dominante industrielle comme Montereau-Fault-Yonne, Melun ou Nemours.

Avec l’aménagement d’un arrêt TER à Vert-de-Maison dans le cadre du Grand Paris Express, l’attractivité du Sénonais pourrait être relancée. Ce projet pourrait aussi favoriser les liens du Sénonais avec d’autres zones limitrophes et élargir ainsi les opportunités d’emplois de ses résidents.

En seconde couronne, la zone d’emploi d’Auxerre est assez peu liée au Bassin parisien que ce soit en termes de navetteurs, de transferts d’établissements ou de lien centre de décision-établissements. Cette faible intensité des liens économiques s’observe aussi pour plusieurs zones d’emploi de l’est du Bassin parisien, Troyes, Épernay ou Soissons, toutes localisées à plus de 150 km de Paris et mal reliées à la capitale. À l’inverse, à l’ouest, des zones comme Chartres, Évreux ou Compiègne, situées elles aussi à 150 km mais dans des zones plus densément peuplées, bien desservies par les autoroutes ou les voies ferrées, sont fortement intégrées au Bassin parisien, et de plus en plus.

Au-delà du Sénonais, peu de retombées économiques pour la Bourgogne-Franche-Comté

Proximité et armature urbaine jouent un rôle déterminant dans les liens que tisse l’Île-de-France avec sa périphérie : les territoires proches bénéficient du desserrement de la population ; les villes les plus importantes servent de relais économiques. Sur l’ensemble de la région Bourgogne-Franche-Comté, l’impact de l’Île-de-France reste donc limité, et concentré particulièrement sur le Sénonais. Quelques liens avec Dijon, voire Besançon, existent néanmoins : ils traduisent l’existence de liens économiques modestes, et de quelques centaines d’actifs navetteurs qui bénéficient des infrastructures TGV présentes dans ces villes. De fait, la Bourgogne-Franche-Comté fait partie des régions qui bénéficient le moins de transferts de salaires payés en Île-de-France (figure 4). En revanche, la région Auvergne-Rhône-Alpes tire davantage son épingle du jeu de par les réseaux économiques liant la région lyonnaise et la place parisienne.

Figure 4Très peu de salaires captés par les habitants de Bourgogne-Franche-Comté Salaires perçus par les salariés travaillant en Île-de-France et résidant dans une autre région (en millions d’euros)

Très peu de salaires captés par les habitants de Bourgogne-Franche-Comté
Salaires versés par des établissements d’Ile-de-France à des salariés résidant dans d’autres régions (en M€)
Hauts-de-France 4 520
Centre-Val de Loire 2 430
Auvergne-Rhône-Alpes 2 010
Normandie 1 860
Nouvelle Aquitaine 1 530
Provence-Alpes-Côte d’Azur 1 500
Occitanie 1 410
Grand Est 1 320
Pays de la Loire 1 290
Bretagne 910
Bourgogne-Franche-Comté 860
Corse 40
  • Source : DADS 2015

Figure 4Très peu de salaires captés par les habitants de Bourgogne-Franche-Comté Salaires perçus par les salariés travaillant en Île-de-France et résidant dans une autre région (en millions d’euros)

  • Source : DADS 2015

L’Yonne et la Nièvre, territoires de villégiature pour les Franciliens

Les lieux de loisirs des Franciliens ou leur changement de région au moment de la retraite témoignent aussi des liens entre l’Île-de-France et le reste de l’Hexagone. Résidents secondaires ou retraités, les Franciliens privilégient, comme les résidents des autres régions, la côte ouest, le sud et la haute montagne.

Cependant les effets de proximité peuvent également jouer un rôle, en particulier pour les résidences secondaires. C’est le cas de la Normandie mais aussi de la Bourgogne-Franche-Comté. En dehors des zones littorales et de montagne, c’est dans le département de l’Yonne que les Franciliens ont le plus souvent leur résidence secondaire (figure 5). Ils représentent près des deux tiers des propriétaires de résidences secondaires, part la plus importante de tous les départements français. Ils contribuent ainsi au développement économique de ces territoires à dominante rurale. Les Franciliens sont particulièrement implantés à l’ouest du département non loin des axes de communication, dans la Puisaye surtout mais aussi dans le Sénonais. Pour autant cette influence ne se limite pas à l’Yonne et se diffuse sur un large territoire, vert, vallonné et agréable à vivre : elle se retrouve également jusque dans le nord de la Nièvre, et particulièrement dans le Morvan au sein d’un triangle Cosne-Cours-sur-Loire, Château-Chinon, Avallon.

Figure 5L’Yonne et la Nièvre parmi les départements les plus prisés des Franciliens après le littoral et les zones de montagneDensité de résidences secondaires détenues par des résidents d’Île-de-France

  • Source : Insee, Fideli 2017

Encadré - Une étude nationale en partenariat sur le Bassin parisien

Cette étude s’inscrit dans un ensemble de travaux réalisés en 2019 sur le Bassin parisien, fruit du partenariat entre l’Insee et la Préfecture d’Île-de-France, avec le soutien du Commissariat général à l’égalité des territoires (rebaptisé depuis, Agence nationale pour la cohésion des territoires), et des Secrétariats généraux pour les affaires régionales des régions Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France et Normandie.

Le périmètre du Bassin parisien correspond ici aux huit départements de la région Île-de-France (Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne, Yvelines, Val-d’Oise, Seine-et-Marne), et à 12 départements limitrophes ou particulièrement liés à l’Île-de-France : Eure, Somme et Seine-Maritime en Normandie ; Oise et Aisne dans les Hauts-de-France ; Marne et Aube en Grand Est ; Yonne en Bourgogne-Franche-Comté ; Loiret, Eure-et-Loir, Indre-et-Loire et Loir-et-Cher en Centre-Val de Loire.

C’est un espace de 19,1 millions d’habitants et de 8,8 millions d’emplois. Il compte 1,5 million d’établissements et dégage plus de 40 % de la richesse nationale.

Pour en savoir plus

Branche-Seigeot A., Chassard M., « Franges de Bourgogne-Franche-Comté : des navetteurs souvent très attirés par les pôles d’emploi extérieurs » Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 52, Mars 2019.

Ville H., René Y., Brion D., « Dualité de l’Yonne : influence francilienne au nord, perte d’attractivité partout ailleurs » Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 36, Juillet 2018.

Gascard N., Van Lu A., « L’influence de l'agglomération parisienne s’étend aux régions voisines » Insee Première n° 1758, Juin 2019.

Borey G., Braun G., Dufeutrelle J., Warmoës J., Pilarski C., « Une influence francilienne établie au nord et en croissance à l’ouest » Insee Analyses Île-de-France n° 110, Novembre 2019.

Toutes les publications issues des travaux sur le Bassin parisien sont accessibles sur insee.fr.