Insee Analyses Grand EstLes travailleurs indépendants du Grand Est plus nombreux dans la plupart des activités

Thomas Ducharne, Audrey Eichwald (Insee)

En 2015, 212 200 personnes déclarent travailler avec un statut d’indépendant dans le Grand Est. Un actif en emploi sur dix est ainsi à son compte, contre un sur huit en moyenne en province. La moindre attractivité touristique de la région et sa spécialisation industrielle expliquent en premier lieu cette sous-représentation. Trois indépendants sur dix travaillent dans l’agriculture ou la construction ; cette population est globalement plus diplômée, plus âgée et plus masculine que l’ensemble des actifs occupés.

Depuis 2010, les effectifs de travailleurs indépendants augmentent fortement à l’échelle régionale comme nationale, alors même que le nombre total d’actifs occupés baisse dans le Grand Est. Cette croissance s’explique notamment par le vieillissement de la population active et l’élévation de son niveau d’éducation. La plupart des secteurs économiques sont concernés, à l’exception notable de l’agriculture.

À l’échelle infrarégionale, l’emploi indépendant pèse davantage dans l’économie des territoires plus ruraux, à l’ouest et au sud du Grand Est. C’est toutefois dans les zones plus densément peuplées, en particulier de la plaine d’Alsace et du sillon lorrain, qu’il progresse le plus ces dernières années.

Insee Analyses Grand Est
No 100
Paru le :Paru le15/10/2019
Thomas Ducharne, Audrey Eichwald (Insee)
Insee Analyses Grand Est No 100- Octobre 2019

Le Grand Est compte 212 200 travailleurs qui se déclarent en 2015. Cette population se compose de profils très divers : agriculteurs, chefs d’entreprises, médecins, artisans, livreurs, artistes… Ils sont essentiellement non-salariés (entrepreneurs individuels, micro-entrepreneurs et gérants majoritaires de société), mais peuvent aussi être assimilés salariés (dirigeants salariés d’entreprise et gérants minoritaires de société). Leur point commun est de ne pas être juridiquement subordonnés à un employeur.

Les travailleurs indépendants sont globalement moins présents dans les régions de la moitié nord du pays (figure 1). Ils représentent 10,2 % des du Grand Est, contre 12,4 % en moyenne en province. Cette sous-représentation s’explique principalement par la structure du tissu productif régional. Le moindre développement du tourisme, générateur d’emplois indépendants dans les services à la personne (hôtellerie, restauration, commerce…), et la spécialisation industrielle de la région, peu propice à l’exercice du travail indépendant, sont les facteurs les plus influents. La plus forte densité d’ au km² dans la région est également défavorable à l’emploi indépendant, dans la mesure où elle est le reflet de la présence d’établissements de taille plus importante, en moyenne, mobilisant davantage d’emplois salariés.

Figure 1Moins d’indépendants dans les régions septentrionales

Moins d’indépendants dans les régions septentrionales
Région (numéro) Région (libellé) Nombre d'indépendants Poids dans l'emploi total (en %)
11 Île-de-France 535 900 9,4
24 Centre-Val de Loire 107 000 10,9
27 Bourgogne-Franche-Comté 128 900 12,0
28 Normandie 138 900 10,9
32 Hauts-de-France 192 200 9,1
44 Grand Est 212 200 10,2
52 Pays de la Loire 177 000 11,7
53 Bretagne 166 600 12,8
75 Nouvelle-Aquitaine 328 900 14,2
76 Occitanie 336 500 15,4
84 Auvergne-Rhône-Alpes 397 000 12,5
93 Provence-Alpes-Côte d'Azur 272 300 14,4
94 Corse 22 600 17,7
  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Figure 1Moins d’indépendants dans les régions septentrionales

  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

30 % des indépendants dans l'agriculture et la construction

À l’échelle régionale comme nationale, l’agriculture est le secteur d’activité qui rassemble le plus de travailleurs indépendants : ils sont 35 700 dans le Grand Est en 2015 (figure 2). Son poids est un peu plus important dans la région qu’en moyenne de province, à 16,8 % contre 16,1 % (alors que l’agriculture y emploie globalement moins d’actifs). La culture de céréales est prédominante dans le Grand Est, avec 29 % des agriculteurs indépendants contre 19 % en province. La culture de la vigne apparaît ensuite comme une véritable spécificité régionale, forte du quart des agriculteurs indépendants de la région. Les activités exclusives d’élevage rassemblent en revanche presque deux fois moins de travailleurs indépendants dans le Grand Est qu’en moyenne en province ; dans la région, ils associent davantage élevage et culture.

Avec 26 800 personnes en 2015, la construction forme ensuite le deuxième plus gros contingent de travailleurs indépendants. Les indépendants dans ce secteur d’activité sont néanmoins moins nombreux dans la région : ils représentent 12,6 % de l’emploi indépendant, contre 13,7 % en province. Les indépendants dans les secteurs des services aux entreprises et des services aux particuliers sont aussi globalement sous-représentés dans le Grand Est. À l’inverse, la région compte 1,3 fois plus de médecins et de dentistes. À l’image de la situation nationale, ces derniers sont toutefois surtout présents dans les zones les plus densément peuplées. Enfin, dans la région, les indépendants travaillent plus souvent qu’ailleurs dans le commerce automobile, le commerce de gros et les activités de coiffure et de soins de beauté.

Figure 2Davantage de médecins et de dentistes dans l’emploi indépendant régionalRépartition de l'emploi indépendant par secteur d’activité dans le Grand Est et comparaison avec la structure de France de province

Davantage de médecins et de dentistes dans l’emploi indépendant régional - Lecture : en 2015, 5,5 % des indépendants du Grand Est sont médecins ou dentistes ; c’est 1,3 fois plus qu’en moyenne en province. Ce secteur d’activité est particulièrement propice au travail indépendant : 41,3 % des emplois sont occupés par des indépendants.
Secteur d’activité Nombre d’indépendants travaillant dans le Grand Est en 2015 Poids des indépendants du secteur rapporté à…
...l’ensemble des indépendants… ...l’ensemble des emplois du secteur (Grand Est) (en %)
...du Grand Est (en %) rapport (= indice de spécificité)
Agriculture 35 700 16,83 1,05 55,47
Construction 26 800 12,63 0,92 20,02
Commerce en magasin 13 200 6,24 0,98 10,40
Industrie 11 900 5,60 1,10 3,75
Paramédical 11 700 5,54 0,97 74,81
Médecins et dentistes 11 600 5,47 1,32 41,31
Hébergement Restauration 11 300 5,33 0,88 15,31
Coiffure et Soins de beauté 8 800 4,13 1,18 44,80
Commerce de gros 6 000 2,85 1,14 7,78
Commerce automobile 6 000 2,81 1,18 16,46
Services administratifs 5 900 2,77 0,80 5,33
Activités juridiques et comptables 5 300 2,49 1,08 23,47
Métiers de bouche 5 200 2,43 1,04 19,15
Autres Santé humaine Action sociale 5 000 2,36 0,90 1,73
Enseignement 4 900 2,29 0,98 3,03
Autres services Personnels 4 900 2,29 1,00 10,75
Architecture Ingénierie contrôle 4 400 2,09 0,98 13,97
Arts spectacles et activités récréatives 4 200 1,98 0,84 18,54
Autres activités Spécialisées 3 900 1,84 1,07 31,39
Commerce hors magasin 3 800 1,80 0,94 39,90
Information et communication 3 200 1,52 0,87 11,02
Activités immobilières 3 200 1,49 0,81 15,85
Activités financières et d'assurance 3 200 1,49 1,08 6,24
  • Note : l'indice de spécificité d'un secteur d'activité correspond à son poids dans l'emploi indépendant total du Grand Est rapporté à son poids en moyenne de province. Un indice supérieur à 1 signifie que le secteur est surreprésenté dans la région.
  • Lecture : en 2015, 5,5 % des indépendants du Grand Est sont médecins ou dentistes ; c’est 1,3 fois plus qu’en moyenne en province. Ce secteur d’activité est particulièrement propice au travail indépendant : 41,3 % des emplois sont occupés par des indépendants.
  • Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Figure 2Davantage de médecins et de dentistes dans l’emploi indépendant régionalRépartition de l'emploi indépendant par secteur d’activité dans le Grand Est et comparaison avec la structure de France de province

  • Note : l'indice de spécificité d'un secteur d'activité correspond à son poids dans l'emploi indépendant total du Grand Est rapporté à son poids en moyenne de province. Un indice supérieur à 1 signifie que le secteur est surreprésenté dans la région.
  • Lecture : en 2015, 5,5 % des indépendants du Grand Est sont médecins ou dentistes ; c’est 1,3 fois plus qu’en moyenne en province. Ce secteur d’activité est particulièrement propice au travail indépendant : 41,3 % des emplois sont occupés par des indépendants.
  • Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Une population plus diplômée, plus âgée et plus masculine

En 2015, 40 % des indépendants possèdent un diplôme post-bac, contre 35 % de l’ensemble des actifs occupés, dans le Grand Est comme en province. Être diplômé du supérieur augmente la probabilité d’être indépendant. Le niveau de diplôme de la population est cependant un peu plus faible dans la région qu’ailleurs en France, ce qui contribue à expliquer la part plus modeste de l’emploi indépendant dans le Grand Est.

Autre facteur participant à cette sous-représentation : les actifs exerçant un emploi dans la région sont globalement plus jeunes que la moyenne de province. Or, plus un individu est âgé, plus sa probabilité d’être indépendant est élevée. Les indépendants ont en moyenne 46 ans, soit 5 ans de plus que l’ensemble des actifs occupés. Les 50-64 ans sont particulièrement surreprésentés (+ 9 points), au détriment des 25-34 ans (- 7 points).

Enfin, les deux tiers des indépendants sont des hommes, alors que la parité est quasiment respectée au sein de l’ensemble de la population active occupée. La répartition hommes-femmes de la population active du Grand Est est en revanche très proche de celle de la moyenne de province, de sorte qu’elle n’explique pas la sous-représentation des travailleurs indépendants dans la région.

Des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux

Avec 13 400 actifs supplémentaires, l’emploi indépendant a progressé de 6,7 % dans le Grand Est entre 2010 et 2015 (figure 3). Cette croissance est légèrement inférieure à la moyenne de province (7,2 %), à l’image de toutes les régions de la moitié nord du pays, hors Île-de-France et Pays de la Loire. Elle était plus vigoureuse en début de période, jusqu’en 2012. Dans le même temps, le nombre total d’actifs occupés a fortement diminué dans la région ou a, a minima, stagné en moyenne en province, sous l’effet de la crise économique de 2008. Par conséquent, le poids des travailleurs indépendants parmi l’ensemble des actifs occupés se renforce : + 1,0 point en cinq ans dans le Grand Est, soit une progression supérieure ou égale à celle de toutes les autres régions métropolitaines, Corse exceptée (+ 1,3 point).

Figure 3La proportion de travailleurs indépendants dans l'emploi progresse nettement en cinq ansÉvolution du nombre de travailleurs indépendants et d’actifs occupés

base 100 en 2010
La proportion de travailleurs indépendants dans l'emploi progresse nettement en cinq ans (base 100 en 2010) - Lecture : entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant dans le Grand Est a progressé de 6,7 % (106,7-100), alors que le nombre total d’actifs occupés a diminué de 3,3 % (96,7-100).
Indépendants du Grand Est Indépendants de Province Actifs occupés du Grand Est Actifs occupés de Province
2010 100 100 100 100
2011 101,6 101,2 99,6 100
2012 103,7 103,5 98,8 100
2013 105,1 105,1 98,1 100
2014 106 106,2 97,3 99,8
2015 106,7 107,2 96,7 99,8
  • Lecture : entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant dans le Grand Est a progressé de 6,7 % (106,7-100), alors que le nombre total d’actifs occupés a diminué de 3,3 % (96,7-100).
  • Source : Insee, recensements de la population 2010 à 2015.

Figure 3La proportion de travailleurs indépendants dans l'emploi progresse nettement en cinq ansÉvolution du nombre de travailleurs indépendants et d’actifs occupés

  • Lecture : entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant dans le Grand Est a progressé de 6,7 % (106,7-100), alors que le nombre total d’actifs occupés a diminué de 3,3 % (96,7-100).
  • Source : Insee, recensements de la population 2010 à 2015.

Une croissance favorisée par le vieillissement des actifs et l’élévation du niveau de diplôme

Dans la région comme ailleurs, le vieillissement de la population active et l’élévation de son niveau de diplôme ont favorisé l’augmentation du poids de l’emploi indépendant dans l’économie. La hausse du chômage y contribue également, mais moins dans le Grand Est qu’en moyenne en province. La région est en revanche plus spécifiquement confrontée à de profondes mutations de l’appareil productif favorables au développement de l’emploi indépendant avec le recul de l’industrie. D’autres facteurs plus difficilement quantifiables participent également à son essor, comme les réformes récentes des règles juridiques et fiscales encadrant la création d’entreprises (régime de micro-entrepreneur), la numérisation croissante de l’économie ou le développement de plateformes d’intermédiation (« ubérisation du travail »).

Hausse dans presque tous les secteurs, mais forte baisse dans l’agriculture et les métiers de bouche

Entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant progresse dans presque tous les secteurs d’activité du Grand Est (figure 4). Sa hausse dépasse les 50 % dans l’enseignement (formation continue, disciplines sportives ou de loisirs) et dans les services spécialisés dédiés aux entreprises (publicité, design, photographie, traduction…) ; elle est particulièrement importante au regard de la moyenne de province. Dans ces secteurs d’activité, le travail indépendant gagne rapidement du terrain par rapport au salariat : son poids dans l’emploi total augmente de plus de 30 % en cinq ans. Il bénéficie largement de l’essor des créations d’entreprises sous le nouveau régime de l’auto-entrepreneuriat, apparu en 2009. Le secteur des arts et du spectacle s’inscrit dans ce même schéma.

L’emploi indépendant progresse également rapidement dans le paramédical (infirmiers, sages-femmes, professionnels de la rééducation) et dans la santé et l’action sociale, de l’ordre de 33 % dans la région entre 2010 et 2015. Cette croissance est globalement comparable avec la moyenne de province. Elle est notamment soutenue par des besoins liés au vieillissement de la population.

À l’opposé, les métiers de bouche et l’agriculture connaissent une forte baisse de leurs effectifs de travailleurs indépendants, respectivement - 12 % et - 6 %. À lui seul, le secteur agricole, où la concentration des exploitations se poursuit, a perdu 2 100 indépendants en cinq ans, grevant ainsi sensiblement la progression globale de l’emploi indépendant dans la région. Seuls ces deux secteurs, ainsi que l’hébergement-restauration, sont confrontés à un recul de l’emploi indépendant au profit du salariat entre 2010 et 2015.

Gros pourvoyeur de travailleurs indépendants, la construction enregistre une légère hausse de son emploi indépendant sur la période, en deçà de celle observée en moyenne en province (+ 5 % contre + 7 %). C’est dans l’information-communication, et dans une moindre mesure dans les services administratifs, que l’évolution régionale de l’emploi indépendant est la plus en deçà de la moyenne de France de province (- 13 et - 8 points).

Figure 4Essor de l’emploi indépendant dans l’enseignement et les services spécialisés dédiés aux entreprisesÉvolution du nombre de travailleurs indépendants dans le Grand Est par secteur d’activité entre 2010 et 2015 et comparaison avec la moyenne de province

Essor de l’emploi indépendant dans l’enseignement et les services spécialisés dédiés aux entreprises - Lecture : le Grand Est compte 4 900 indépendants exerçant des métiers de l’enseignement en 2015 ; c’est 54,4 % de plus qu’en 2010. Cette croissance est supérieure de 15 points à l’évolution moyenne de province.
Secteur d’activité Nombre d’indépendants dans le Grand Est en 2015 Évolution du nombre d’indépendants entre 2010 et 2015 (en %) Évolution du poids des indépendants au sein du secteur entre 2010 et 2015 (Grand Est) (en %)
Grand Est (= dynamisme) Écart (= performance)
Agriculture 35 700 -5,7 2,8 -3,1
Industrie 11 900 5,2 0,4 18,7
Construction 26 800 4,7 -2,5 14,5
Commerce automobile 6 000 14,2 2,4 22,6
Commerce de gros 6 000 10,9 3,3 14,2
Métiers de bouche 5 200 -12,5 -3,5 -6,1
Commerce de détail en magasin 13 200 -2,2 -0,5 3,2
Commerce de détail hors magasin 3 800 22,4 3,8 11,6
Information et communication 3 200 6,0 -13,1 10,5
Activités financières et d'assurance 3 200 6,0 -5,5 4,8
Activités immobilières (yc loueurs en meublé professionnels) 3 200 9,5 -4,8 17,3
Activités juridiques et comptables 5 300 12,7 -2,9 12,3
Architecture ingénierie contrôle 4 400 5,5 -4,4 4,7
Autres activités spécialisées (publicité, design, photographie, traduction...) 3 900 50,1 6,4 43,8
Services administratifs et de soutien 5 900 5,8 -8,4 5,7
Hébergement et restauration 11 300 -2,3 -5,0 -2,5
Arts spectacles et activités récréatives 4 200 35,4 11,6 25,8
Coiffure et soins de beauté 8 800 10,8 -1,0 14,9
Autres services personnels 4 900 21,1 -0,3 26,8
Médecins et dentistes 11 600 4,1 5,7 3,6
Professions paramédicales 11 700 32,7 2,4 6,8
Autres Santé humaine et action sociale 5 000 33,1 -1,2 26,9
Enseignement 4 900 54,4 15,0 57,0
  • Note : le dynamisme d’un secteur d’activité correspond à l’évolution de ses effectifs d’indépendants entre 2010 et 2015 dans le Grand Est ; sa performance est égale à la différence entre cette évolution régionale et l’évolution moyenne de France de province.
  • Lecture : le Grand Est compte 4 900 indépendants exerçant des métiers de l’enseignement en 2015 ; c’est 54,4 % de plus qu’en 2010. Cette croissance est supérieure de 15 points à l’évolution moyenne de province.
  • Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
  • Source : Insee, recensements de la population 2010 et 2015.

Figure 4Essor de l’emploi indépendant dans l’enseignement et les services spécialisés dédiés aux entreprisesÉvolution du nombre de travailleurs indépendants dans le Grand Est par secteur d’activité entre 2010 et 2015 et comparaison avec la moyenne de province

  • Note : le dynamisme d’un secteur d’activité correspond à l’évolution de ses effectifs d’indépendants entre 2010 et 2015 dans le Grand Est ; sa performance est égale à la différence entre cette évolution régionale et l’évolution moyenne de France de province.
  • Lecture : le Grand Est compte 4 900 indépendants exerçant des métiers de l’enseignement en 2015 ; c’est 54,4 % de plus qu’en 2010. Cette croissance est supérieure de 15 points à l’évolution moyenne de province.
  • Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
  • Source : Insee, recensements de la population 2010 et 2015.

Une population qui se féminise rapidement

En même temps qu’il se développe, l’emploi indépendant se transforme. Bien qu’encore largement minoritaires, les femmes gagnent du terrain. Leur proportion est passée de 30,9 % à 32,5 % entre 2010 et 2015 dans le Grand Est. Cette augmentation est comparable à la moyenne de province. La féminisation de l’emploi indépendant devrait se poursuivre dans les années à venir au fur et à mesure des départs à la retraite, les travailleuses indépendantes étant nettement plus jeunes que leurs homologues masculins.

Comme l’ensemble des actifs occupés, les indépendants sont eux aussi plus âgés en 2015 qu’en 2010. Leur moyenne d’âge a gagné 6 mois dans le Grand Est, comme en province. En particulier, la part des 65 ans et plus progresse de manière importante, de 3,5 % à 4,8 %, en lien notamment avec la réforme des retraites. En revanche, la proportion des 25-34 ans augmente aussi parmi les indépendants, alors qu’elle baisse parmi l’ensemble des actifs occupés. Le modèle traditionnel d’emploi salarié stable est en effet remis en cause ces dernières années : numérisation de l’économie (développement de grandes plateformes d’intermédiation), montée du chômage consécutive à la crise économique, instabilité croissante des trajectoires professionnelles… Les travailleurs indépendants sont aussi de plus en plus diplômés. La part de titulaires d’un diplôme d’études supérieures a gagné 5,3 points, alors que celle des non-diplômés a reculé de 3,7 points.

L’emploi indépendant pèse davantage dans les territoires ruraux

À l’échelle infrarégionale, la répartition des travailleurs indépendants n’est pas calquée sur celle de l’ensemble des actifs en emploi : leur poids est bien plus important dans les zones d’emploi peu densément peuplées (figure 5). Avec respectivement 16,9 % et 15,3 %, les zones d’Épernay et de Commercy sont de loin celles qui présentent la plus forte proportion d’indépendants à l’échelle du Grand Est en 2015. À Épernay, cette surreprésentation s’explique avant tout par l’importance de l’agriculture et accessoirement par une densité d’emplois deux fois plus faible qu’en moyenne régionale. Ce dernier facteur est prédominant à Commercy, qui compte presque neuf fois moins d’emplois au km² qu’en moyenne dans la région. L’allongement important du temps d’accès à un hypermarché (multiplié par dix) y favorise aussi le travail indépendant, dans la mesure où les grandes surfaces concurrencent moins le petit commerce. Les zones d’emploi de Neufchâteau, Troyes, Verdun et Remiremont affichent aussi des proportions d’indépendants particulièrement élevées pour la région, supérieures à la moyenne de province. Dans chacune d’entre elles, la faible densité d’emplois explique en premier lieu cette situation : ces territoires comptent en effet de deux à quatre fois moins d’emplois au km2 qu’en moyenne dans le Grand Est. La structure de l’appareil productif joue également un rôle important. Les zones d’emploi de Neufchâteau et de Troyes disposent en effet d’une forte spécificité agricole, propice au développement du travail indépendant. Cette caractéristique s’ajoute à une sous-représentation du secteur de l’administration publique à Neufchâteau. Celle-ci joue également un rôle important dans la zone de Remiremont.

À l’opposé, les zones d’emploi de Nancy, Metz, Strasbourg et Mulhouse présentent les plus faibles proportions de travailleurs indépendants, inférieures à 9 % de la population active occupée. Toutes densément peuplées, elles se caractérisent par une plus forte densité d’emplois, polarisés dans de grands établissements. L’administration publique y a aussi souvent un poids plus important qu’ailleurs, au contraire de l’agriculture notamment.

Conséquence des différences de tissus productifs, le profil des indépendants n’est évidemment pas le même d’une zone d’emploi à l’autre : ces travailleurs sont globalement moins diplômés, plus âgés et davantage des hommes dans les territoires plus ruraux. Bien que tournée vers l’agriculture, la zone d’Épernay présente toutefois la particularité d’être la plus féminisée (+ 7 points par rapport à la moyenne régionale).

Figure 5Proportionnellement moins d’indépendants dans la plaine d’Alsace et le sillon lorrain

Proportionnellement moins d’indépendants dans la plaine d’Alsace et le sillon lorrain
Zone d'emploi (numéro) Zone d'emploi (libellé) Nombre de travailleurs indépendants en 2015 Part des emplois exercés par des travailleurs indépendants en 2015 (en %)
0052 Cosne - Clamecy 4 200 16,5
0053 Mâcon 7 800 13,2
0055 La Vallée de la Bresle – Vimeu 4 100 11,6
0056 Roissy - Sud Picardie 45 700 8,2
0056 Roissy - Sud Picardie 45 700 8,2
1101 Paris 354 500 10,1
1102 Marne-la-Vallée 11 000 7,2
1103 Coulommiers 2 600 15,2
1104 Meaux 4 400 10,4
1105 Melun 13 200 10,2
1106 Montereau-Fault-Yonne 1 400 9,8
1107 Nemours 1 900 12,6
1108 Provins 1 700 12,9
1109 Houdan 2 000 16,9
1110 Mantes-la-Jolie 4 700 10,2
1111 Poissy 7 000 8,8
1112 Rambouillet 2 900 12,2
1113 Plaisir 1 800 8,8
1114 Étampes 2 100 11,6
1115 Évry 9 500 7,3
1116 Saclay 38 300 7,6
1117 Créteil 16 000 9,0
1118 Orly 15 100 7,1
1119 Cergy 11 800 8,3
2101 Charleville-Mézières 7 800 9,9
2102 Troyes 14 600 12,8
2103 Châlons-en-Champagne 4 500 10,3
2104 Épernay 7 800 16,9
2105 Reims 15 700 10,7
2106 Chaumont - Langres 5 300 12,0
2107 Vitry-le-François – Saint-Dizier 4 600 11,1
2201 Château-Thierry 3 100 14,3
2202 Tergnier 1 600 9,7
2203 La Thiérache 2 600 13,8
2204 Laon 3 600 10,8
2205 Saint-Quentin 4 300 9,4
2206 Soissons 2 900 9,9
2207 Beauvais 8 400 9,9
2208 Compiègne 7 000 9,5
2209 Abbeville 2 800 11,8
2210 Amiens 13 500 9,0
2211 Péronne 2 100 10,7
2601 Beaune 3 500 14,2
2602 Chatillon 1 200 20,2
2603 Dijon 18 900 10,3
2604 Montbard 1 700 13,1
2605 Le Morvan 2 800 26,8
2606 Nevers 4 700 10,2
2607 Autun 2 100 17,1
2608 Chalon-sur-Saône 8 800 11,7
2609 Louhans 2 200 17,9
2610 Le Creusot – Montceau 3 700 10,7
2611 Le Charolais 5 000 17,1
2612 Auxerre 10 200 13,1
2613 Avallon 1 400 15,2
2614 Sens 4 300 12,5
3110 Roubaix - Tourcoing 12 600 9,0
3111 Lille 30 300 7,7
3112 Dunkerque 6 700 6,9
3113 La Flandre - Lys 4 400 12,0
3114 Douai 6 500 8,4
3115 Valenciennes 8 800 7,2
3116 Cambrai 6 200 11,5
3117 Maubeuge 6 800 10,5
3121 Arras 9 000 9,9
3122 Lens - Hénin 7 800 7,1
3123 Béthune - Bruay 7 500 8,8
3124 Saint-Omer 4 200 9,5
3125 Calais 4 900 9,3
3126 Boulogne-sur-mer 5 600 10,1
3127 Berck - Montreuil 5 100 13,6
4101 Longwy 2 500 11,5
4102 Lunéville 1 100 9,8
4103 Nancy 18 500 8,9
4104 Bar-le-Duc 2 300 10,1
4105 Commercy 2 000 15,3
4106 Verdun 3 000 12,7
4107 Metz 16 900 8,9
4108 Forbach 5 800 9,0
4109 Sarrebourg 2 600 10,2
4110 Sarreguemines 3 500 9,4
4111 Thionville 5 600 9,1
4112 Épinal 6 900 11,5
4113 Remiremont 3 900 12,5
4114 Saint-Dié-des-Vosges 3 300 11,7
4115 Neufchâteau 2 600 13,4
4201 Haguenau 7 400 10,7
4202 Molsheim - Obernai 5 600 10,8
4203 Saverne 2 800 9,9
4204 Sélestat 3 400 11,5
4205 Strasbourg 24 800 8,9
4206 Wissembourg 1 200 10,7
4207 Colmar 8 700 10,5
4208 Mulhouse 13 600 8,6
4209 Saint-Louis 3 800 10,9
4301 Besançon 14 500 11,8
4302 Belfort - Montbéliard – Héricourt 11 300 8,5
4303 Morteau 2 000 14,4
4304 Pontarlier 3 100 14,5
4305 Dole 2 900 11,0
4306 Lons-le-Saunier 6 700 13,7
4307 Saint-Claude 2 400 12,9
4308 Gray 1 300 13,5
4309 Vesoul 5 300 11,9
  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Figure 5Proportionnellement moins d’indépendants dans la plaine d’Alsace et le sillon lorrain

  • Source : Insee, recensement de la population 2015.

Les zones urbaines captent l’essentiel de la hausse de l’emploi indépendant

Si les indépendants tendent à peser davantage dans l’emploi de la moitié ouest de la région, c’est à l’est que leur nombre progresse le plus fortement ces dernières années, à l’image de l’évolution de l’ensemble des actifs occupés. La zone d’emploi de Haguenau voit ainsi son emploi indépendant augmenter de 20,5 % entre 2010 et 2015, celles de Saint-Louis et de Strasbourg de 18 %. Si cette croissance est systématiquement portée par le développement du secteur de la santé humaine et de l’action sociale, ce sont toutefois les services aux entreprises qui contribuent en premier lieu à l’essor de l’emploi indépendant à Strasbourg. Le commerce et l’artisanat commercial, tout comme les services aux particuliers, y sont aussi particulièrement dynamiques.

À l’opposé, l’emploi indépendant accuse une forte baisse dans les territoires où il pèse le plus : il diminue ainsi de 4,2 % dans la zone d’emploi d’Épernay et de 2,5 % dans celle de Commercy. À l’échelle de la région, c’est toutefois dans la zone de Charleville-Mézières que son repli est le plus marqué (- 4,8 %). Il s’avère également important dans celles de Longwy et de Saint-Dié-des-Vosges (- 3 %). Les pertes d’emplois indépendants dans l’agriculture contribuent particulièrement à la baisse globale observée dans tous ces territoires, excepté à Longwy. Dans cette zone, comme dans celle de Commercy, l’emploi indépendant pâtit du net repli observé dans le secteur du commerce et de l’artisanat commercial. La baisse du nombre de travailleurs indépendants s’accompagne d’une nette diminution du nombre d’actifs en emploi dans tous ces territoires.

L’évolution du nombre d’indépendants ne va cependant pas systématiquement de pair avec l’évolution globale du nombre d’actifs occupés. Ainsi, dans les zones d’emploi d’Épinal et de Remiremont, les effectifs d’indépendants croissent de manière très importante entre 2010 et 2015 (respectivement + 12,0 % et + 10,3 %), alors que le nombre d’actifs en emploi y recule fortement (- 6 %). Dans ce même contexte de baisse prononcée du nombre d’actifs occupés, les zones d’emploi de Metz, Thionville et Wissembourg gagnent également un grand nombre d’indépendants (entre + 8 et + 9 %).

Encadré - Partenariat

L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la Direction régionale de l’Insee Grand Est et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

Définitions

Les indépendants forment une sous-population spécifique ayant déclaré ce statut dans le questionnaire d’interrogation (hors aides familiaux et autres conjoints collaborateurs par convention). Ces travailleurs sont essentiellement non-salariés, mais peuvent aussi être assimilés salariés. Ils n'ont pas de lien de subordination juridique envers un employeur (approche relevant du droit du travail). Certains disposent de facto d’une grande autonomie, tandis que d’autres sont au contraire économiquement très dépendants de leurs clients, de leurs fournisseurs ou d’intermédiaires leur permettant d’accéder au marché (plateformes numériques par exemple).

Les actifs occupés sont tous les individus ayant déclaré avoir un emploi lors du recensement de la population.

L’emploi est mesuré au lieu de travail des actifs (et non à leur lieu de résidence).

Pour en savoir plus

Le Boëtté I., « Les indépendants : le rebond annoncé dans les années 2000 se poursuit en 2016 », Insee Première n° 1768, août 2019.

Babet D., « Un travailleur indépendant sur cinq dépend économiquement d’une autre entité », Insee Première n° 1748, avril 2019.

Calvier C., Chevrot J., Omont L., Bauer D., Leroi P., Guirchoun E., « Le travail indépendant en Île-de-France : une croissance tournée vers les services aux entreprises », Insee Analyses Île-de-France n° 94, février 2019.