Les travailleurs indépendants du Grand Est plus nombreux dans la plupart des activités
En 2015, 212 200 personnes déclarent travailler avec un statut d’indépendant dans le Grand Est. Un actif en emploi sur dix est ainsi à son compte, contre un sur huit en moyenne en province. La moindre attractivité touristique de la région et sa spécialisation industrielle expliquent en premier lieu cette sous-représentation. Trois indépendants sur dix travaillent dans l’agriculture ou la construction ; cette population est globalement plus diplômée, plus âgée et plus masculine que l’ensemble des actifs occupés.
Depuis 2010, les effectifs de travailleurs indépendants augmentent fortement à l’échelle régionale comme nationale, alors même que le nombre total d’actifs occupés baisse dans le Grand Est. Cette croissance s’explique notamment par le vieillissement de la population active et l’élévation de son niveau d’éducation. La plupart des secteurs économiques sont concernés, à l’exception notable de l’agriculture.
À l’échelle infrarégionale, l’emploi indépendant pèse davantage dans l’économie des territoires plus ruraux, à l’ouest et au sud du Grand Est. C’est toutefois dans les zones plus densément peuplées, en particulier de la plaine d’Alsace et du sillon lorrain, qu’il progresse le plus ces dernières années.
- 30 % des indépendants dans l'agriculture et la construction
- Une population plus diplômée, plus âgée et plus masculine
- Des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux
- Une croissance favorisée par le vieillissement des actifs et l’élévation du niveau de diplôme
- Hausse dans presque tous les secteurs, mais forte baisse dans l’agriculture et les métiers de bouche
- Une population qui se féminise rapidement
- L’emploi indépendant pèse davantage dans les territoires ruraux
- Les zones urbaines captent l’essentiel de la hausse de l’emploi indépendant
- Encadré - Partenariat
Le Grand Est compte 212 200 travailleurs qui se déclarent indépendants en 2015. Cette population se compose de profils très divers : agriculteurs, chefs d’entreprises, médecins, artisans, livreurs, artistes… Ils sont essentiellement non-salariés (entrepreneurs individuels, micro-entrepreneurs et gérants majoritaires de société), mais peuvent aussi être assimilés salariés (dirigeants salariés d’entreprise et gérants minoritaires de société). Leur point commun est de ne pas être juridiquement subordonnés à un employeur.
Les travailleurs indépendants sont globalement moins présents dans les régions de la moitié nord du pays (figure 1). Ils représentent 10,2 % des actifs occupés du Grand Est, contre 12,4 % en moyenne en province. Cette sous-représentation s’explique principalement par la structure du tissu productif régional. Le moindre développement du tourisme, générateur d’emplois indépendants dans les services à la personne (hôtellerie, restauration, commerce…), et la spécialisation industrielle de la région, peu propice à l’exercice du travail indépendant, sont les facteurs les plus influents. La plus forte densité d’ emplois au km² dans la région est également défavorable à l’emploi indépendant, dans la mesure où elle est le reflet de la présence d’établissements de taille plus importante, en moyenne, mobilisant davantage d’emplois salariés.
tableauFigure 1 – Moins d’indépendants dans les régions septentrionales
Région (numéro) | Région (libellé) | Nombre d'indépendants | Poids dans l'emploi total (en %) |
---|---|---|---|
11 | Île-de-France | 535 900 | 9,4 |
24 | Centre-Val de Loire | 107 000 | 10,9 |
27 | Bourgogne-Franche-Comté | 128 900 | 12,0 |
28 | Normandie | 138 900 | 10,9 |
32 | Hauts-de-France | 192 200 | 9,1 |
44 | Grand Est | 212 200 | 10,2 |
52 | Pays de la Loire | 177 000 | 11,7 |
53 | Bretagne | 166 600 | 12,8 |
75 | Nouvelle-Aquitaine | 328 900 | 14,2 |
76 | Occitanie | 336 500 | 15,4 |
84 | Auvergne-Rhône-Alpes | 397 000 | 12,5 |
93 | Provence-Alpes-Côte d'Azur | 272 300 | 14,4 |
94 | Corse | 22 600 | 17,7 |
- Source : Insee, recensement de la population 2015.
graphiqueFigure 1 – Moins d’indépendants dans les régions septentrionales
30 % des indépendants dans l'agriculture et la construction
À l’échelle régionale comme nationale, l’agriculture est le secteur d’activité qui rassemble le plus de travailleurs indépendants : ils sont 35 700 dans le Grand Est en 2015 (figure 2). Son poids est un peu plus important dans la région qu’en moyenne de province, à 16,8 % contre 16,1 % (alors que l’agriculture y emploie globalement moins d’actifs). La culture de céréales est prédominante dans le Grand Est, avec 29 % des agriculteurs indépendants contre 19 % en province. La culture de la vigne apparaît ensuite comme une véritable spécificité régionale, forte du quart des agriculteurs indépendants de la région. Les activités exclusives d’élevage rassemblent en revanche presque deux fois moins de travailleurs indépendants dans le Grand Est qu’en moyenne en province ; dans la région, ils associent davantage élevage et culture.
Avec 26 800 personnes en 2015, la construction forme ensuite le deuxième plus gros contingent de travailleurs indépendants. Les indépendants dans ce secteur d’activité sont néanmoins moins nombreux dans la région : ils représentent 12,6 % de l’emploi indépendant, contre 13,7 % en province. Les indépendants dans les secteurs des services aux entreprises et des services aux particuliers sont aussi globalement sous-représentés dans le Grand Est. À l’inverse, la région compte 1,3 fois plus de médecins et de dentistes. À l’image de la situation nationale, ces derniers sont toutefois surtout présents dans les zones les plus densément peuplées. Enfin, dans la région, les indépendants travaillent plus souvent qu’ailleurs dans le commerce automobile, le commerce de gros et les activités de coiffure et de soins de beauté.
tableauFigure 2 – Davantage de médecins et de dentistes dans l’emploi indépendant régionalRépartition de l'emploi indépendant par secteur d’activité dans le Grand Est et comparaison avec la structure de France de province
Secteur d’activité | Nombre d’indépendants travaillant dans le Grand Est en 2015 | Poids des indépendants du secteur rapporté à… | ||
---|---|---|---|---|
...l’ensemble des indépendants… | ...l’ensemble des emplois du secteur (Grand Est) (en %) | |||
...du Grand Est (en %) | rapport (= indice de spécificité) | |||
Agriculture | 35 700 | 16,83 | 1,05 | 55,47 |
Construction | 26 800 | 12,63 | 0,92 | 20,02 |
Commerce en magasin | 13 200 | 6,24 | 0,98 | 10,40 |
Industrie | 11 900 | 5,60 | 1,10 | 3,75 |
Paramédical | 11 700 | 5,54 | 0,97 | 74,81 |
Médecins et dentistes | 11 600 | 5,47 | 1,32 | 41,31 |
Hébergement Restauration | 11 300 | 5,33 | 0,88 | 15,31 |
Coiffure et Soins de beauté | 8 800 | 4,13 | 1,18 | 44,80 |
Commerce de gros | 6 000 | 2,85 | 1,14 | 7,78 |
Commerce automobile | 6 000 | 2,81 | 1,18 | 16,46 |
Services administratifs | 5 900 | 2,77 | 0,80 | 5,33 |
Activités juridiques et comptables | 5 300 | 2,49 | 1,08 | 23,47 |
Métiers de bouche | 5 200 | 2,43 | 1,04 | 19,15 |
Autres Santé humaine Action sociale | 5 000 | 2,36 | 0,90 | 1,73 |
Enseignement | 4 900 | 2,29 | 0,98 | 3,03 |
Autres services Personnels | 4 900 | 2,29 | 1,00 | 10,75 |
Architecture Ingénierie contrôle | 4 400 | 2,09 | 0,98 | 13,97 |
Arts spectacles et activités récréatives | 4 200 | 1,98 | 0,84 | 18,54 |
Autres activités Spécialisées | 3 900 | 1,84 | 1,07 | 31,39 |
Commerce hors magasin | 3 800 | 1,80 | 0,94 | 39,90 |
Information et communication | 3 200 | 1,52 | 0,87 | 11,02 |
Activités immobilières | 3 200 | 1,49 | 0,81 | 15,85 |
Activités financières et d'assurance | 3 200 | 1,49 | 1,08 | 6,24 |
- Note : l'indice de spécificité d'un secteur d'activité correspond à son poids dans l'emploi indépendant total du Grand Est rapporté à son poids en moyenne de province. Un indice supérieur à 1 signifie que le secteur est surreprésenté dans la région.
- Lecture : en 2015, 5,5 % des indépendants du Grand Est sont médecins ou dentistes ; c’est 1,3 fois plus qu’en moyenne en province. Ce secteur d’activité est particulièrement propice au travail indépendant : 41,3 % des emplois sont occupés par des indépendants.
- Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
- Source : Insee, recensement de la population 2015.
graphiqueFigure 2 – Davantage de médecins et de dentistes dans l’emploi indépendant régionalRépartition de l'emploi indépendant par secteur d’activité dans le Grand Est et comparaison avec la structure de France de province
Une population plus diplômée, plus âgée et plus masculine
En 2015, 40 % des indépendants possèdent un diplôme post-bac, contre 35 % de l’ensemble des actifs occupés, dans le Grand Est comme en province. Être diplômé du supérieur augmente la probabilité d’être indépendant. Le niveau de diplôme de la population est cependant un peu plus faible dans la région qu’ailleurs en France, ce qui contribue à expliquer la part plus modeste de l’emploi indépendant dans le Grand Est.
Autre facteur participant à cette sous-représentation : les actifs exerçant un emploi dans la région sont globalement plus jeunes que la moyenne de province. Or, plus un individu est âgé, plus sa probabilité d’être indépendant est élevée. Les indépendants ont en moyenne 46 ans, soit 5 ans de plus que l’ensemble des actifs occupés. Les 50-64 ans sont particulièrement surreprésentés (+ 9 points), au détriment des 25-34 ans (- 7 points).
Enfin, les deux tiers des indépendants sont des hommes, alors que la parité est quasiment respectée au sein de l’ensemble de la population active occupée. La répartition hommes-femmes de la population active du Grand Est est en revanche très proche de celle de la moyenne de province, de sorte qu’elle n’explique pas la sous-représentation des travailleurs indépendants dans la région.
Des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux
Avec 13 400 actifs supplémentaires, l’emploi indépendant a progressé de 6,7 % dans le Grand Est entre 2010 et 2015 (figure 3). Cette croissance est légèrement inférieure à la moyenne de province (7,2 %), à l’image de toutes les régions de la moitié nord du pays, hors Île-de-France et Pays de la Loire. Elle était plus vigoureuse en début de période, jusqu’en 2012. Dans le même temps, le nombre total d’actifs occupés a fortement diminué dans la région ou a, a minima, stagné en moyenne en province, sous l’effet de la crise économique de 2008. Par conséquent, le poids des travailleurs indépendants parmi l’ensemble des actifs occupés se renforce : + 1,0 point en cinq ans dans le Grand Est, soit une progression supérieure ou égale à celle de toutes les autres régions métropolitaines, Corse exceptée (+ 1,3 point).
tableauFigure 3 – La proportion de travailleurs indépendants dans l'emploi progresse nettement en cinq ansÉvolution du nombre de travailleurs indépendants et d’actifs occupés
Indépendants du Grand Est | Indépendants de Province | Actifs occupés du Grand Est | Actifs occupés de Province | |
---|---|---|---|---|
2010 | 100 | 100 | 100 | 100 |
2011 | 101,6 | 101,2 | 99,6 | 100 |
2012 | 103,7 | 103,5 | 98,8 | 100 |
2013 | 105,1 | 105,1 | 98,1 | 100 |
2014 | 106 | 106,2 | 97,3 | 99,8 |
2015 | 106,7 | 107,2 | 96,7 | 99,8 |
- Lecture : entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant dans le Grand Est a progressé de 6,7 % (106,7-100), alors que le nombre total d’actifs occupés a diminué de 3,3 % (96,7-100).
- Source : Insee, recensements de la population 2010 à 2015.
graphiqueFigure 3 – La proportion de travailleurs indépendants dans l'emploi progresse nettement en cinq ansÉvolution du nombre de travailleurs indépendants et d’actifs occupés
Une croissance favorisée par le vieillissement des actifs et l’élévation du niveau de diplôme
Dans la région comme ailleurs, le vieillissement de la population active et l’élévation de son niveau de diplôme ont favorisé l’augmentation du poids de l’emploi indépendant dans l’économie. La hausse du chômage y contribue également, mais moins dans le Grand Est qu’en moyenne en province. La région est en revanche plus spécifiquement confrontée à de profondes mutations de l’appareil productif favorables au développement de l’emploi indépendant avec le recul de l’industrie. D’autres facteurs plus difficilement quantifiables participent également à son essor, comme les réformes récentes des règles juridiques et fiscales encadrant la création d’entreprises (régime de micro-entrepreneur), la numérisation croissante de l’économie ou le développement de plateformes d’intermédiation (« ubérisation du travail »).
Hausse dans presque tous les secteurs, mais forte baisse dans l’agriculture et les métiers de bouche
Entre 2010 et 2015, l’emploi indépendant progresse dans presque tous les secteurs d’activité du Grand Est (figure 4). Sa hausse dépasse les 50 % dans l’enseignement (formation continue, disciplines sportives ou de loisirs) et dans les services spécialisés dédiés aux entreprises (publicité, design, photographie, traduction…) ; elle est particulièrement importante au regard de la moyenne de province. Dans ces secteurs d’activité, le travail indépendant gagne rapidement du terrain par rapport au salariat : son poids dans l’emploi total augmente de plus de 30 % en cinq ans. Il bénéficie largement de l’essor des créations d’entreprises sous le nouveau régime de l’auto-entrepreneuriat, apparu en 2009. Le secteur des arts et du spectacle s’inscrit dans ce même schéma.
L’emploi indépendant progresse également rapidement dans le paramédical (infirmiers, sages-femmes, professionnels de la rééducation) et dans la santé et l’action sociale, de l’ordre de 33 % dans la région entre 2010 et 2015. Cette croissance est globalement comparable avec la moyenne de province. Elle est notamment soutenue par des besoins liés au vieillissement de la population.
À l’opposé, les métiers de bouche et l’agriculture connaissent une forte baisse de leurs effectifs de travailleurs indépendants, respectivement - 12 % et - 6 %. À lui seul, le secteur agricole, où la concentration des exploitations se poursuit, a perdu 2 100 indépendants en cinq ans, grevant ainsi sensiblement la progression globale de l’emploi indépendant dans la région. Seuls ces deux secteurs, ainsi que l’hébergement-restauration, sont confrontés à un recul de l’emploi indépendant au profit du salariat entre 2010 et 2015.
Gros pourvoyeur de travailleurs indépendants, la construction enregistre une légère hausse de son emploi indépendant sur la période, en deçà de celle observée en moyenne en province (+ 5 % contre + 7 %). C’est dans l’information-communication, et dans une moindre mesure dans les services administratifs, que l’évolution régionale de l’emploi indépendant est la plus en deçà de la moyenne de France de province (- 13 et - 8 points).
tableauFigure 4 – Essor de l’emploi indépendant dans l’enseignement et les services spécialisés dédiés aux entreprisesÉvolution du nombre de travailleurs indépendants dans le Grand Est par secteur d’activité entre 2010 et 2015 et comparaison avec la moyenne de province
Secteur d’activité | Nombre d’indépendants dans le Grand Est en 2015 | Évolution du nombre d’indépendants entre 2010 et 2015 (en %) | Évolution du poids des indépendants au sein du secteur entre 2010 et 2015 (Grand Est) (en %) | |
---|---|---|---|---|
Grand Est (= dynamisme) | Écart (= performance) | |||
Agriculture | 35 700 | -5,7 | 2,8 | -3,1 |
Industrie | 11 900 | 5,2 | 0,4 | 18,7 |
Construction | 26 800 | 4,7 | -2,5 | 14,5 |
Commerce automobile | 6 000 | 14,2 | 2,4 | 22,6 |
Commerce de gros | 6 000 | 10,9 | 3,3 | 14,2 |
Métiers de bouche | 5 200 | -12,5 | -3,5 | -6,1 |
Commerce de détail en magasin | 13 200 | -2,2 | -0,5 | 3,2 |
Commerce de détail hors magasin | 3 800 | 22,4 | 3,8 | 11,6 |
Information et communication | 3 200 | 6,0 | -13,1 | 10,5 |
Activités financières et d'assurance | 3 200 | 6,0 | -5,5 | 4,8 |
Activités immobilières (yc loueurs en meublé professionnels) | 3 200 | 9,5 | -4,8 | 17,3 |
Activités juridiques et comptables | 5 300 | 12,7 | -2,9 | 12,3 |
Architecture ingénierie contrôle | 4 400 | 5,5 | -4,4 | 4,7 |
Autres activités spécialisées (publicité, design, photographie, traduction...) | 3 900 | 50,1 | 6,4 | 43,8 |
Services administratifs et de soutien | 5 900 | 5,8 | -8,4 | 5,7 |
Hébergement et restauration | 11 300 | -2,3 | -5,0 | -2,5 |
Arts spectacles et activités récréatives | 4 200 | 35,4 | 11,6 | 25,8 |
Coiffure et soins de beauté | 8 800 | 10,8 | -1,0 | 14,9 |
Autres services personnels | 4 900 | 21,1 | -0,3 | 26,8 |
Médecins et dentistes | 11 600 | 4,1 | 5,7 | 3,6 |
Professions paramédicales | 11 700 | 32,7 | 2,4 | 6,8 |
Autres Santé humaine et action sociale | 5 000 | 33,1 | -1,2 | 26,9 |
Enseignement | 4 900 | 54,4 | 15,0 | 57,0 |
- Note : le dynamisme d’un secteur d’activité correspond à l’évolution de ses effectifs d’indépendants entre 2010 et 2015 dans le Grand Est ; sa performance est égale à la différence entre cette évolution régionale et l’évolution moyenne de France de province.
- Lecture : le Grand Est compte 4 900 indépendants exerçant des métiers de l’enseignement en 2015 ; c’est 54,4 % de plus qu’en 2010. Cette croissance est supérieure de 15 points à l’évolution moyenne de province.
- Champ : secteurs d’activité rassemblant au moins 3 000 travailleurs indépendants.
- Source : Insee, recensements de la population 2010 et 2015.
graphiqueFigure 4 – Essor de l’emploi indépendant dans l’enseignement et les services spécialisés dédiés aux entreprisesÉvolution du nombre de travailleurs indépendants dans le Grand Est par secteur d’activité entre 2010 et 2015 et comparaison avec la moyenne de province
Une population qui se féminise rapidement
En même temps qu’il se développe, l’emploi indépendant se transforme. Bien qu’encore largement minoritaires, les femmes gagnent du terrain. Leur proportion est passée de 30,9 % à 32,5 % entre 2010 et 2015 dans le Grand Est. Cette augmentation est comparable à la moyenne de province. La féminisation de l’emploi indépendant devrait se poursuivre dans les années à venir au fur et à mesure des départs à la retraite, les travailleuses indépendantes étant nettement plus jeunes que leurs homologues masculins.
Comme l’ensemble des actifs occupés, les indépendants sont eux aussi plus âgés en 2015 qu’en 2010. Leur moyenne d’âge a gagné 6 mois dans le Grand Est, comme en province. En particulier, la part des 65 ans et plus progresse de manière importante, de 3,5 % à 4,8 %, en lien notamment avec la réforme des retraites. En revanche, la proportion des 25-34 ans augmente aussi parmi les indépendants, alors qu’elle baisse parmi l’ensemble des actifs occupés. Le modèle traditionnel d’emploi salarié stable est en effet remis en cause ces dernières années : numérisation de l’économie (développement de grandes plateformes d’intermédiation), montée du chômage consécutive à la crise économique, instabilité croissante des trajectoires professionnelles… Les travailleurs indépendants sont aussi de plus en plus diplômés. La part de titulaires d’un diplôme d’études supérieures a gagné 5,3 points, alors que celle des non-diplômés a reculé de 3,7 points.
L’emploi indépendant pèse davantage dans les territoires ruraux
À l’échelle infrarégionale, la répartition des travailleurs indépendants n’est pas calquée sur celle de l’ensemble des actifs en emploi : leur poids est bien plus important dans les zones d’emploi peu densément peuplées (figure 5). Avec respectivement 16,9 % et 15,3 %, les zones d’Épernay et de Commercy sont de loin celles qui présentent la plus forte proportion d’indépendants à l’échelle du Grand Est en 2015. À Épernay, cette surreprésentation s’explique avant tout par l’importance de l’agriculture et accessoirement par une densité d’emplois deux fois plus faible qu’en moyenne régionale. Ce dernier facteur est prédominant à Commercy, qui compte presque neuf fois moins d’emplois au km² qu’en moyenne dans la région. L’allongement important du temps d’accès à un hypermarché (multiplié par dix) y favorise aussi le travail indépendant, dans la mesure où les grandes surfaces concurrencent moins le petit commerce. Les zones d’emploi de Neufchâteau, Troyes, Verdun et Remiremont affichent aussi des proportions d’indépendants particulièrement élevées pour la région, supérieures à la moyenne de province. Dans chacune d’entre elles, la faible densité d’emplois explique en premier lieu cette situation : ces territoires comptent en effet de deux à quatre fois moins d’emplois au km2 qu’en moyenne dans le Grand Est. La structure de l’appareil productif joue également un rôle important. Les zones d’emploi de Neufchâteau et de Troyes disposent en effet d’une forte spécificité agricole, propice au développement du travail indépendant. Cette caractéristique s’ajoute à une sous-représentation du secteur de l’administration publique à Neufchâteau. Celle-ci joue également un rôle important dans la zone de Remiremont.
À l’opposé, les zones d’emploi de Nancy, Metz, Strasbourg et Mulhouse présentent les plus faibles proportions de travailleurs indépendants, inférieures à 9 % de la population active occupée. Toutes densément peuplées, elles se caractérisent par une plus forte densité d’emplois, polarisés dans de grands établissements. L’administration publique y a aussi souvent un poids plus important qu’ailleurs, au contraire de l’agriculture notamment.
Conséquence des différences de tissus productifs, le profil des indépendants n’est évidemment pas le même d’une zone d’emploi à l’autre : ces travailleurs sont globalement moins diplômés, plus âgés et davantage des hommes dans les territoires plus ruraux. Bien que tournée vers l’agriculture, la zone d’Épernay présente toutefois la particularité d’être la plus féminisée (+ 7 points par rapport à la moyenne régionale).
tableauFigure 5 – Proportionnellement moins d’indépendants dans la plaine d’Alsace et le sillon lorrain
Zone d'emploi (numéro) | Zone d'emploi (libellé) | Nombre de travailleurs indépendants en 2015 | Part des emplois exercés par des travailleurs indépendants en 2015 (en %) |
---|---|---|---|
0052 | Cosne - Clamecy | 4 200 | 16,5 |
0053 | Mâcon | 7 800 | 13,2 |
0055 | La Vallée de la Bresle – Vimeu | 4 100 | 11,6 |
0056 | Roissy - Sud Picardie | 45 700 | 8,2 |
0056 | Roissy - Sud Picardie | 45 700 | 8,2 |
1101 | Paris | 354 500 | 10,1 |
1102 | Marne-la-Vallée | 11 000 | 7,2 |
1103 | Coulommiers | 2 600 | 15,2 |
1104 | Meaux | 4 400 | 10,4 |
1105 | Melun | 13 200 | 10,2 |
1106 | Montereau-Fault-Yonne | 1 400 | 9,8 |
1107 | Nemours | 1 900 | 12,6 |
1108 | Provins | 1 700 | 12,9 |
1109 | Houdan | 2 000 | 16,9 |
1110 | Mantes-la-Jolie | 4 700 | 10,2 |
1111 | Poissy | 7 000 | 8,8 |
1112 | Rambouillet | 2 900 | 12,2 |
1113 | Plaisir | 1 800 | 8,8 |
1114 | Étampes | 2 100 | 11,6 |
1115 | Évry | 9 500 | 7,3 |
1116 | Saclay | 38 300 | 7,6 |
1117 | Créteil | 16 000 | 9,0 |
1118 | Orly | 15 100 | 7,1 |
1119 | Cergy | 11 800 | 8,3 |
2101 | Charleville-Mézières | 7 800 | 9,9 |
2102 | Troyes | 14 600 | 12,8 |
2103 | Châlons-en-Champagne | 4 500 | 10,3 |
2104 | Épernay | 7 800 | 16,9 |
2105 | Reims | 15 700 | 10,7 |
2106 | Chaumont - Langres | 5 300 | 12,0 |
2107 | Vitry-le-François – Saint-Dizier | 4 600 | 11,1 |
2201 | Château-Thierry | 3 100 | 14,3 |
2202 | Tergnier | 1 600 | 9,7 |
2203 | La Thiérache | 2 600 | 13,8 |
2204 | Laon | 3 600 | 10,8 |
2205 | Saint-Quentin | 4 300 | 9,4 |
2206 | Soissons | 2 900 | 9,9 |
2207 | Beauvais | 8 400 | 9,9 |
2208 | Compiègne | 7 000 | 9,5 |
2209 | Abbeville | 2 800 | 11,8 |
2210 | Amiens | 13 500 | 9,0 |
2211 | Péronne | 2 100 | 10,7 |
2601 | Beaune | 3 500 | 14,2 |
2602 | Chatillon | 1 200 | 20,2 |
2603 | Dijon | 18 900 | 10,3 |
2604 | Montbard | 1 700 | 13,1 |
2605 | Le Morvan | 2 800 | 26,8 |
2606 | Nevers | 4 700 | 10,2 |
2607 | Autun | 2 100 | 17,1 |
2608 | Chalon-sur-Saône | 8 800 | 11,7 |
2609 | Louhans | 2 200 | 17,9 |
2610 | Le Creusot – Montceau | 3 700 | 10,7 |
2611 | Le Charolais | 5 000 | 17,1 |
2612 | Auxerre | 10 200 | 13,1 |
2613 | Avallon | 1 400 | 15,2 |
2614 | Sens | 4 300 | 12,5 |
3110 | Roubaix - Tourcoing | 12 600 | 9,0 |
3111 | Lille | 30 300 | 7,7 |
3112 | Dunkerque | 6 700 | 6,9 |
3113 | La Flandre - Lys | 4 400 | 12,0 |
3114 | Douai | 6 500 | 8,4 |
3115 | Valenciennes | 8 800 | 7,2 |
3116 | Cambrai | 6 200 | 11,5 |
3117 | Maubeuge | 6 800 | 10,5 |
3121 | Arras | 9 000 | 9,9 |
3122 | Lens - Hénin | 7 800 | 7,1 |
3123 | Béthune - Bruay | 7 500 | 8,8 |
3124 | Saint-Omer | 4 200 | 9,5 |
3125 | Calais | 4 900 | 9,3 |
3126 | Boulogne-sur-mer | 5 600 | 10,1 |
3127 | Berck - Montreuil | 5 100 | 13,6 |
4101 | Longwy | 2 500 | 11,5 |
4102 | Lunéville | 1 100 | 9,8 |
4103 | Nancy | 18 500 | 8,9 |
4104 | Bar-le-Duc | 2 300 | 10,1 |
4105 | Commercy | 2 000 | 15,3 |
4106 | Verdun | 3 000 | 12,7 |
4107 | Metz | 16 900 | 8,9 |
4108 | Forbach | 5 800 | 9,0 |
4109 | Sarrebourg | 2 600 | 10,2 |
4110 | Sarreguemines | 3 500 | 9,4 |
4111 | Thionville | 5 600 | 9,1 |
4112 | Épinal | 6 900 | 11,5 |
4113 | Remiremont | 3 900 | 12,5 |
4114 | Saint-Dié-des-Vosges | 3 300 | 11,7 |
4115 | Neufchâteau | 2 600 | 13,4 |
4201 | Haguenau | 7 400 | 10,7 |
4202 | Molsheim - Obernai | 5 600 | 10,8 |
4203 | Saverne | 2 800 | 9,9 |
4204 | Sélestat | 3 400 | 11,5 |
4205 | Strasbourg | 24 800 | 8,9 |
4206 | Wissembourg | 1 200 | 10,7 |
4207 | Colmar | 8 700 | 10,5 |
4208 | Mulhouse | 13 600 | 8,6 |
4209 | Saint-Louis | 3 800 | 10,9 |
4301 | Besançon | 14 500 | 11,8 |
4302 | Belfort - Montbéliard – Héricourt | 11 300 | 8,5 |
4303 | Morteau | 2 000 | 14,4 |
4304 | Pontarlier | 3 100 | 14,5 |
4305 | Dole | 2 900 | 11,0 |
4306 | Lons-le-Saunier | 6 700 | 13,7 |
4307 | Saint-Claude | 2 400 | 12,9 |
4308 | Gray | 1 300 | 13,5 |
4309 | Vesoul | 5 300 | 11,9 |
- Source : Insee, recensement de la population 2015.
graphiqueFigure 5 – Proportionnellement moins d’indépendants dans la plaine d’Alsace et le sillon lorrain
Les zones urbaines captent l’essentiel de la hausse de l’emploi indépendant
Si les indépendants tendent à peser davantage dans l’emploi de la moitié ouest de la région, c’est à l’est que leur nombre progresse le plus fortement ces dernières années, à l’image de l’évolution de l’ensemble des actifs occupés. La zone d’emploi de Haguenau voit ainsi son emploi indépendant augmenter de 20,5 % entre 2010 et 2015, celles de Saint-Louis et de Strasbourg de 18 %. Si cette croissance est systématiquement portée par le développement du secteur de la santé humaine et de l’action sociale, ce sont toutefois les services aux entreprises qui contribuent en premier lieu à l’essor de l’emploi indépendant à Strasbourg. Le commerce et l’artisanat commercial, tout comme les services aux particuliers, y sont aussi particulièrement dynamiques.
À l’opposé, l’emploi indépendant accuse une forte baisse dans les territoires où il pèse le plus : il diminue ainsi de 4,2 % dans la zone d’emploi d’Épernay et de 2,5 % dans celle de Commercy. À l’échelle de la région, c’est toutefois dans la zone de Charleville-Mézières que son repli est le plus marqué (- 4,8 %). Il s’avère également important dans celles de Longwy et de Saint-Dié-des-Vosges (- 3 %). Les pertes d’emplois indépendants dans l’agriculture contribuent particulièrement à la baisse globale observée dans tous ces territoires, excepté à Longwy. Dans cette zone, comme dans celle de Commercy, l’emploi indépendant pâtit du net repli observé dans le secteur du commerce et de l’artisanat commercial. La baisse du nombre de travailleurs indépendants s’accompagne d’une nette diminution du nombre d’actifs en emploi dans tous ces territoires.
L’évolution du nombre d’indépendants ne va cependant pas systématiquement de pair avec l’évolution globale du nombre d’actifs occupés. Ainsi, dans les zones d’emploi d’Épinal et de Remiremont, les effectifs d’indépendants croissent de manière très importante entre 2010 et 2015 (respectivement + 12,0 % et + 10,3 %), alors que le nombre d’actifs en emploi y recule fortement (- 6 %). Dans ce même contexte de baisse prononcée du nombre d’actifs occupés, les zones d’emploi de Metz, Thionville et Wissembourg gagnent également un grand nombre d’indépendants (entre + 8 et + 9 %).
Encadré - Partenariat
L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la Direction régionale de l’Insee Grand Est et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).
Définitions
Les indépendants forment une sous-population spécifique ayant déclaré ce statut dans le questionnaire d’interrogation (hors aides familiaux et autres conjoints collaborateurs par convention). Ces travailleurs sont essentiellement non-salariés, mais peuvent aussi être assimilés salariés. Ils n'ont pas de lien de subordination juridique envers un employeur (approche relevant du droit du travail). Certains disposent de facto d’une grande autonomie, tandis que d’autres sont au contraire économiquement très dépendants de leurs clients, de leurs fournisseurs ou d’intermédiaires leur permettant d’accéder au marché (plateformes numériques par exemple).
Les actifs occupés sont tous les individus ayant déclaré avoir un emploi lors du recensement de la population.
L’emploi est mesuré au lieu de travail des actifs (et non à leur lieu de résidence).
Pour en savoir plus
Le Boëtté I., « Les indépendants : le rebond annoncé dans les années 2000 se poursuit en 2016 », Insee Première n° 1768, août 2019.
Babet D., « Un travailleur indépendant sur cinq dépend économiquement d’une autre entité », Insee Première n° 1748, avril 2019.
Calvier C., Chevrot J., Omont L., Bauer D., Leroi P., Guirchoun E., « Le travail indépendant en Île-de-France : une croissance tournée vers les services aux entreprises », Insee Analyses Île-de-France n° 94, février 2019.