Insee Analyses GuyaneL’investissement et la consommation portent le redémarrage de l’économie Comptes économiques 2018 de Guyane

Matthieu Cornut (Insee)

La croissance économique guyanaise s’établit à 3,1 % pour l’année 2018 après le recul de 2,0 % observé en 2017. La Guyane retrouve ainsi une dynamique économique conforme à la trajectoire qui a précédé les mouvements sociaux du printemps 2017, plus élevée que celle de la France entière et que celle des Antilles.

La consommation des ménages particulièrement vigoureuse et la dépense publique sont les principaux moteurs de la croissance, également soutenue par la bonne santé de l’investissement. En réponse à la forte demande de biens et services, ainsi qu’aux projets d’investissement, les importations progressent de 8,3 % en volume.

Insee Analyses Guyane
No 42
Paru le :Paru le14/10/2019
Matthieu Cornut (Insee)
Insee Analyses Guyane No 42- Octobre 2019

En 2018, le de la Guyane progresse de 3,1 % en volume et atteint 4,2 milliards d’euros. Avec une croissance démographique estimée à 3,3 %, le PIB par habitant recule très légèrement (– 0,1 %). Avec un tiers de la population âgé de moins de quinze ans, il s’établit à 14 324 euros, contre 35 151 euros pour la France entière. En Guadeloupe, le PIB par habitant s’élève à 24 027 euros et en Martinique à 24 411 euros.

Figure 1La croissance se redresse en 2018Les principaux agrégats et leur évolution (en million d’euros courants et en %)

La croissance se redresse en 2018
Millions d’euros courants Évolution en %
2018 Volume Prix Valeur Contribution
Produit intérieur brut 4 184 3,1 1,0 4,1 3,1
Consommation des ménages 2 673 4,7 1,1 5,8 2,9
Consommation des administrations publiques 1 974 3,1 0,4 3,5 1,5
Investissement 1 239 3,6 1,4 5,0 1,0
Imports de biens et services 3 313 8,3 0,4 8,7 -6,3
Exports de biens et services 1 614 11,3 0,1 11,3 4,1
Variation de stocks -3 -0,1 /// /// -0,1
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation des ménages accélère

Dans un contexte d’inflation modérée, la consommation des ménages augmente de 4,7 % en volume, après + 3,2 % en 2017 et + 2,7 % en 2016. Favorisée par l’augmentation de 14,4 % des crédits à la consommation, elle contribue à 2,9 points de croissance du PIB et suit un rythme plus élevé que la croissance démographique.

L’augmentation du revenu disponible brut des ménages, qui progresse de 4,1 %, concorde avec l’amélioration du marché de l’emploi. En effet, le taux de chômage, s’il reste structurellement élevé (19 %), recule de trois points en 2018.

La bonne tenue de la consommation profite à l’ensemble des secteurs de l’économie, à l’exception de l’agriculture et de la pêche, dont les ventes au détail baissent respectivement de 1,2 % et 0,8 %. La consommation de biens manufacturés augmente de 8,5 % et le volume des ventes de carburant est en hausse de 6,7 %.

Les ventes de voitures particulières augmentent de 10,0 % et confirment la bonne santé du secteur après la hausse de 4,1 % en 2017.

Figure 2La croissance guyanaise retrouve un niveau supérieur à la dynamique nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

La croissance guyanaise retrouve un niveau supérieur à la dynamique nationale
Guyane France entière
2013 2,1 0,6
2014 2,2 1
2015 0,9 1,1
2016 2,4 1,1
2017 -2 2,3
2018 3,1 1,7
  • Note : les estimations antérieures à 2018 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2La croissance guyanaise retrouve un niveau supérieur à la dynamique nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : les estimations antérieures à 2018 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La consommation publique repart à la hausse

Les dépenses publiques augmentent en volume de 3,1 %, une évolution similaire à celle de 2016 après la légère inflexion de 2017 (– 0,7 %). Leur contribution à la croissance du PIB s’élève à 1,5 point.

La masse salariale des fonctionnaires augmente malgré la stagnation de la valeur du point d’indice.

Les dépenses de fonctionnement du secteur de l’enseignement progressent fortement (+ 8,9 % en volume), tout comme celles des administrations publiques et de la sécurité sociale (+ 7,9 %), en réponse à l’augmentation des besoins du territoire.

L’investissement conserve sa dynamique

L’investissement public et privé (FBCF) progresse en volume de 3,6 % en apportant un point de croissance au PIB, avec une évolution similaire à celle de 2017 (+ 3,3 %). Malgré un ralentissement après la très bonne année 2016 (+ 7,9 %), l’investissement reste donc bien orienté.

De nombreux projets expliquent cette bonne santé de l’investissement. Tandis que les chantiers du Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais et d’Ariane 6 se terminent, le secteur de l’énergie est dynamique, avec la concrétisation de plusieurs projets d'importance comme la centrale électrique hybride à Matoury ou l'usine biomasse de Cacao.

Outre les premiers investissements du Plan d’Urgence pour la Guyane qui démarrent en 2018, le projet de réaménagement de l’aéroport Félix Éboué et le déploiement du nouveau câble internet sous-marin reliant la Guyane à la Martinique participent à la bonne tenue de l’investissement.

Figure 3L'investissement confirme sa bonne santéÉvolution de l’investissement en volume (en %)

L'investissement confirme sa bonne santé
Guyane
2013 3,4
2014 -3,8
2015 -5,1
2016 7,9
2017 3,3
2018 3,6
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3L'investissement confirme sa bonne santéÉvolution de l’investissement en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les échanges commerciaux sont dynamiques

Sous l’effet de la hausse conjointe des importations et des exportations, la balance commerciale de la Guyane, structurellement déficitaire, se creuse de 100 millions d’euros. Cela représente une hausse de son déficit de 5,5 % et contribue à limiter comptablement la croissance de 2,2 points.

La demande de biens et de services est soutenue, et le besoin d’importation d’équipements également. Cette demande ne peut pas être entièrement satisfaite par la production locale : en effet, la taille de la Guyane ne permet pas de rationaliser les coûts de production et de rentabiliser les équipements. La hausse de la consommation des ménages et de l’investissement poussent donc mécaniquement les importations de biens et services vers le haut.

L’essentiel de la hausse des importations porte sur le secteur des biens manufacturés, alors même que la production locale augmente de 4,1 %. C’est également ce secteur qui porte la plus forte contribution à la hausse des exportations en dépassant son niveau de 2016, avant les événements sociaux du printemps 2017.

Les exportations de services de transport, composées en quasi-totalité des ventes de lancements spatiaux et de réexportations, augmentent de 6,4 %. Comme en 2016, 21 satellites sont mis en orbite, soit un de plus qu’en 2017. Le nombre de lancements est stable : 11 par an depuis 2016. Avec une valeur ajoutée en hausse de 5,9 %, le secteur du transport contribue à la croissance à hauteur de 0,3 point, hors effets induits.

Figure 4La balance commerciale est dynamiqueÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

La balance commerciale est dynamique
Imports Exports
2013 7,1 8,6
2014 0,1 8,6
2015 4,0 4,6
2016 0,3 0,1
2017 7,4 -4,3
2018 8,7 11,3
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4La balance commerciale est dynamiqueÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5Le nombre de lancements est stableNombre de lancements de fusées, nombre de satellites ou ATV envoyés dans l'espace, charges utile (en tonne)

Le nombre de lancements est stable
Nom du lanceur Nationalité Nombre de lancements Nombre total de satellites ou ATV lancés Charge utile (tonnes)
2018 2017 2018 2017 2018 2017
Ariane 5 Europe 6 6 13 14 44 51
Soyuz Russe 3 2 6 2 10,4 5,5
Vega Italien 2 3 2 4 2,5 2,9
Total 11 11 21 20 56,9 59,4
  • Source : Arianespace.

Les prix à la consommation restent contenus

L’indice des prix à la consommation augmente de 1,1 % en moyenne annuelle, après + 0,8 % en 2017. L’indice progresse donc moins vite qu’en France métropolitaine (+ 1,9 %) et à un rythme similaire à celui de la Guadeloupe et de la Martinique (respectivement + 1,2 % et + 1,3 %).

La progression globale des prix masque des disparités. Les produits pétroliers, soumis aux fluctuations des cours internationaux, subissent une hausse de 7,0 %, entraînant dans leur sillage les services de transport (+ 3,1 %). Dans le même temps, les prix des services de communications baissent de 1,4 %.

Les prix des produits alimentaires ont peu augmenté (+ 0,5 %), qu’il s’agisse de denrées périssables ou non, tandis que les prix des produits manufacturés baissent en moyenne de 0,8 %.

Figure 6L’inflation reste sageÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

L’inflation reste sage
Guyane France métropolitaine
2013 1,4 0,9
2014 0,5 0,5
2015 -0,1 0,0
2016 -0,1 0,2
2017 0,8 1,0
2018 1,1 1,9
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 6L’inflation reste sageÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Encadré 1 - Une lecture complexe de la balance commerciale

Dans le cadre de la comptabilité nationale, la balance commerciale permet de mesurer la compétitivité d’un pays dans les échanges internationaux de biens et services. À l’échelle de la Guyane, l’interprétation des échanges est soumise à plusieurs limitations.

La structure de l’économie régionale et la taille du territoire rendent impossible la production de certains biens et services. C’est la cas par exemple des voitures ou du matériel informatique. La balance commerciale est ainsi structurellement déficitaire.

De plus, des besoins ponctuels ou des réexpéditions peuvent engendrer des échanges suffisamment importants pour déséquilibrer la mesure des importations ou des exportations.

En 2018, les importations des «instruments et appareils d’optique, de photographie ou de cinématographie, de mesure, de contrôle ou de précision» augmentent ainsi de 48 millions d’euros, tandis que les exportations de ces mêmes produits sont en hausse de 59 millions d’euros.

Encadré 2 - Le Plan d’Urgence pour la Guyane soutient l’économie

Suite aux événements sociaux du printemps 2017, l’État s’est engagé sur un plan de 1,085 milliard d’euros répondant à 75 % des demandes exprimées par le collectif « Pou Lagwiyann dékolé ». Ce plan prévoit la relance de la commande publique dans les secteurs de l’éducation (construction de collèges et de lycées), des équipements et aménagements routiers, de la santé et du social, tandis que les accords thématiques assureront sur le moyen terme un certain volume d’activité aux entreprises guyanaises.

À plus court terme, l’accord thématique sur l’économie prévoit un moratoire des dettes sociales, un étalement du paiement de la dette du Régime Social des Indépendants, la mise en place d’un fonds dédié à la reconstitution de la trésorerie des entreprises sous forme de prêts d’honneur et le triplement des aides aux entreprises pour les contrats en alternance et d’apprentissage en faveur des jeunes guyanais.

En septembre 2018, 83 % des engagements pris dans le plan d’urgence sont réalisés. Les autres sont en cours de réalisation.

Source : Iedom

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produit par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2018 de la Guyane reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision à chaque campagne jusqu’à ce que la totalité des données de l’année soient connues.

Les comptes économiques sont en base 2014

Depuis 2017, les comptes économiques sont réalisés en base 2014. Les changements de base sont opérés régulièrement afin de tenir compte de l’évolution du fonctionnement de l’économie. Le dernier changement intègre les modifications conceptuelles et méthodologiques introduites par la mise à jour du Système Européen des Comptes paru en 2010 (SEC 2010). En particulier, le champ des dépenses comptabilisées en investissements est élargi pour inclure les dépenses en recherche et développement, ainsi que les systèmes d’armes. Le trafic de stupéfiants et la production de la banque centrale sont également pris en compte. Toutes les recommandations du SEC 2010 n’ont néanmoins pas été transcrites dans les comptes des Antilles et de la Guyane, soit qu’ils relèvent de la prérogative nationale, soit qu’ils ne sont pas jugés pertinents au niveau régional.

Les changements introduits par une base sont tels que deux comptes de bases différentes ne sont pas comparables en niveaux. Pour assurer la comparabilité des séries de comptes du passé avec la série de comptes élaborée dans la base actuelle, il est nécessaire de recalculer entièrement les premiers selon les concepts et méthodes retenus dans la base actuelle. Il n’est donc pas pertinent de comparer les chiffres publiés aujourd’hui en base 2014 avec les chiffres publiés précédemment en base 2005 ou 1995. Afin d’effectuer des comparaisons spatiales ou temporelle, il faut disposer de l’ensemble des données rétropolées en base 2014 que l’Insee mettra prochainement à disposition.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie guyanaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évolution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investissement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

La consommation publique est l’ensemble des dépenses consacrées par les unités institutionnelles résidentes à l’acquisition de biens et services qui sont utilisés pour la satisfaction directe des besoins individuels ou collectifs des membres de la communauté. Elle recouvre entre autre les salaires des agents et les consommations intermédiaires.

Pour en savoir plus

« Les comptes économiques de la Guyane » consultables sur les sites du CEROM et de l’Insee.

« Ouvrir dans un nouvel ongletRapport annuel 2018 de l’IEDOM en Guyane », édition 2019.

« Bilan économique 2018 de la Guyane », Insee Conjoncture n°5, juin 2019.

« Les comptes économiques de la Guadeloupe en 2018 », Insee Analyse n° 38, octobre 2019.

« Les comptes économiques de la Martinique en 2018 », Insee Analyse n° 34, octobre 2019.