Economie et Statistique / Economics and Statistics n° 500-501-502 - 2018 L'impact de la hausse des droits de mutation immobiliers de 2014 sur le marché du logement en France

Guillaume Bérard et Alain Trannoy

Economie et Statistique / Economics and Statistics
Paru le :Paru le29/10/2018
Guillaume Bérard et Alain Trannoy
Economie et Statistique / Economics and Statistics- Octobre 2018

L'ARTICLE EN UNE PAGE

Question clé

Quel est l’impact d’une variation des droits de mutation immobiliers sur le marché du logement français ? Ce document estime les effets d’une hausse du taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3.80 % à 4.50 % suite à une réforme optionnelle mise en place en France en mars 2014 par les départements. Les DMTO sont une taxe prélevée sur toutes les transactions de biens immobiliers ou fonciers. Ils représentent une source importante de revenus pour les départements français, environ 10 milliards d’euros par an.

Méthodologie

Le fait que tous les départements n’ont pas mis en œuvre l’augmentation des DMTO, ni au même moment, est utilisé comme point de départ d’une expérience naturelle. Une méthode dite des doubles différences a pu être appliquée pour estimer l’impact sur le volume des transactions. Les estimations utilisent différentes bases de données sur les droits de mutation immobiliers, les impôts locaux (DGFiP, Insee), les constructions nouvelles (Sit@del2) et les budgets régionaux de 2012 à 2015 (DGCL).

Principaux résultats

Les estimations apportent des preuves convaincantes d'un effet à court terme de la hausse des DMTO.

  • Un effet d’anticipation de 26 % le mois précédant immédiatement la mise en œuvre de la réforme afin d’éviter l’augmentation des DMTO (effet temporel).
  • Un effet de rétention au cours de la période postérieure à la réforme – effet dépressif classique d’une taxe sur la quantité d’équilibre (effet de marge extensive), augmenté ici d’un effet de reprogrammation – estimé à 14 % en moyenne par mois sur les trois mois suivantla mise en œuvre.
  • Les deux effets ne s’annulent pas. Au final, l’effet net (marge extensive uniquement) correspond à une baisse mensuelle moyenne des transactions de l’ordre de 6 % sur les trois premiers mois. L’estimation brute la plus basse du nombre de transactions perdues est d’environ 15 000.
  • Il n’est pas observé d’effet à moyen ou long terme de la hausse des droits de mutation immobiliers, ce qui indique une forte résilience du marché du logement.
  • L’élasticité correspondante des assiettes fiscales par rapport à la hausse de l’impôt est de - 0,42, ce qui signifie que la réaction comportementale des acheteurs et vendeurs réduit le gain potentiel des recettes fiscales pour les départements de 42 % au cours du premier trimestre suivant la réforme. Nous en concluons donc que les recettes fiscales des départements sont toujours sur la partie ascendante de la courbe de Laffer (relation entre recettes fiscales et taux d’imposition).

Effet de la réforme sur le volume de transactions, mois par mois, avant et après la date de mise en œuvre

Message principal

Ces résultats peuventêtre utilisés pour discuter de l’impact de futures réformes des DMTO, et de leur effet sur le marché du logement. Même si la hausse des DMTO a été une « bonne opération » pour les départements en termes de recettes fiscales, l’effet de distorsion de la réforme fiscale a été prouvé : certaines personnes qui auraient pu devenir propriétaires ou déménager ne l’ont pas fait à cause de la réforme (effet de « verrouillage »). Nous pouvons donc en conclure que l’augmentation des DMTO a un impact négatif (à court terme) significatif sur la mobilité et le bien-être.

Article en une page (pdf, 190 Ko )