Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéDans les franges de Bourgogne-Franche-Comté, 60 000 habitants travaillent en dehors de la région

Aline Branche-Seigeot, Mélanie Chassard, Insee

Aux franges de la Bourgogne-Franche-Comté, 78 000 actifs franchissent les limites régionales pour se rendre sur leur lieu de travail : 60 000 sortent de la région quand 18 000 s’y rendent. La plupart sont attirés par les opportunités d’emploi fournies par les grandes aires urbaines, Paris et Lyon notamment. Une part importante des navetteurs qui travaillent dans ces deux métropoles ont recours aux transports en commun.

Dans les franges plus rurales, c’est la proximité de petits pôles d’emploi, d’entreprises de grande taille ou la présence de certains secteurs d’activité particulièrement développés qui expliquent les flux transrégionaux.

Enfin, la frange suisse fait figure d’exception : dans un environnement moins dense, de très nombreux salariés travaillent de l’autre côté de la frontière, attirés par des salaires plus élevés et un marché du travail plus dynamique.

Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté
No 40
Paru le :Paru le12/09/2018
Aline Branche-Seigeot, Mélanie Chassard, Insee
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 40- Septembre 2018

Avec la périurbanisation et l’intensification de la mobilité géographique des actifs, l’influence des plus grands pôles d’emploi s’étend de plus en plus loin, et fréquemment jusqu’à des territoires qui n’appartiennent pas à la même région administrative. Ces territoires dits de frange sont bien souvent dans une situation paradoxale : leur développement est étroitement lié à celui du pôle d’attraction, mais ils bénéficient rarement des politiques publiques locales qui y sont mises en place car leur mise en œuvre s’arrête souvent aux limites administratives. C’est le cas par exemple pour la gestion du réseau de transports en commun (compétence des régions), ou bien encore des politiques liées à la petite-enfance (compétence des départements).

La Bourgogne-Franche-Comté est particulièrement concernée par ces problématiques de frange, puisque près de 8 % des actifs y habitant travaillent hors de la région (figure 1). C’est deux fois plus qu’en moyenne dans les autres régions de France métropolitaine, la situation géographique de la région, au carrefour de trois pôles d’emploi majeurs, contribuant largement à ce phénomène. Sur près de 60 000 personnes qui résident en Bourgogne-Franche-Comté mais travaillent ailleurs, près des trois quarts se rendent dans les grands pôles d’emploi qui bordent la région, situés dans les aires urbaines de Paris, de Lyon et en Suisse.

À l’inverse, certains territoires de Bourgogne-Franche-Comté jouent le rôle de pôle d’attraction et captent des salariés d’autres régions. Ainsi, près de 18 000 actifs résidant en France hors de Bourgogne-Franche-Comté y travaillent.

Au final, ce sont dix-huit territoires aux limites administratives de la région qui sont dans une position de frange : dix sont situés à l’intérieur et huit en dehors (source et méthode).

En dehors de la frange suisse, l’intensité et la distance des navettes domicile-travail sont essentiellement déterminées par la taille et la proximité d’un pôle d’emploi extérieur. Les actifs effectuent un arbitrage entre l’opportunité de trouver un travail, à des conditions salariales parfois avantageuses, et le temps nécessaire pour s’y rendre. L’existence et la qualité des axes de transports qui desservent les pôles d’emploi sont ainsi un facteur important de leur attractivité.

Figure 1Des franges définies par une part très importante de navetteurs transrégionaux dans la population active résidentePart de navetteurs transrégionaux dans la population active résidente selon la catégorie de communes de destination

Des franges définies par une part très importante de navetteurs transrégionaux dans la population active résidente
Frange Part de navetteurs transrégionaux (%) Commune de travail des navetteurs transrégionaux (%)
grande aire urbaine moyen ou petit pôle espace multipolarisé commune isolée à l’étranger
Parisienne 24 90 5 3 1 0
Dijonnaise 19 89 4 2 5 0
Neversoise 38 89 8 2 1 0
Lyonnaise 17 85 1 12 1 1
Mâconnaise 29 84 3 10 2 0
Oyonnaxienne 28 82 6 7 2 3
Moulinoise 25 82 3 4 10 0
Mulhousienne 25 54 2 18 2 24
du Brionnais 28 51 31 12 5 1
Haute-Saônoise 13 36 17 5 38 4
Puisaye-Nivernais 18 26 29 18 26 1
Châtillon 22 26 9 14 50 1
Puisaye-Sancerrois 20 17 66 9 8 0
Langres-Vôge 12 15 31 29 25 0
de l’Aube 21 15 60 20 5 0
Charlieu-Haut-Beaujolais 12 7 64 15 14 0
de l’Allier 24 4 81 10 5 0
Suisse 29 5 0 1 0 94
  • Source : Insee – Recensement de la population 2014

Huit franges sont polarisées par une seule ou deux grandes aires urbaines

Les franges urbaines de la région, c’est-à-dire celles qui sont polarisées par de grandes aires urbaines rassemblent 36 000 navetteurs transrégionaux (figure 2). Près des trois quarts des navetteurs des franges parisienne, dijonnaise, neversoise, moulinoise ou mâconnaise travaillent dans une unique aire urbaine. Pour les franges lyonnaise, mulhousienne ou oyonaxienne en revanche, s’il existe un grand pôle en présence, celui-ci partage sa force d’attraction avec un second. Par exemple, près de la moitié des navetteurs de la frange oyonnaxienne travaillent dans l’aire urbaine d’Oyonnax, mais ils sont également un quart à se rendre dans l’aire urbaine de Bourg-en-Bresse.

Les franges neversoise et mâconnaise sont particulières puisque les aires urbaines de Nevers et Mâcon s’étendent de part et d’autre de la frontière régionale. Ainsi, la qualification en frange de ces territoires repose pour partie sur le fonctionnement interne de l’aire urbaine. Au sein de celle de Mâcon par exemple, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes s’échangent respectivement 1 200 et 5 300 actifs résidents.

Figure 2Les navetteurs transrégionaux principalement tournés vers l’extérieur, avec un solde de 42 000 en défaveur de la régionPrésentation des différentes franges avec les flux d’entrées et de sorties

  • Source : Insee – Recensement de la population 2014

Paris et Lyon, des métropoles très influentes malgré l’éloignement

Un navetteur transrégional sur cinq de Bourgogne-Franche-Comté travaille dans les seules aires urbaines de Paris et Lyon.

Dans la frange parisienne, 9 400 résidents occupent un emploi dans l'aire urbaine de Paris. Ils représentent 80 % des navetteurs transrégionaux de la frange mais surtout le quart de la population active résidente et même près des deux tiers dans certaines petites communes.

Les déplacements domicile-travail sont moins nombreux vers l'aire urbaine de Lyon, plus éloignée des limites régionales. Parmi les navetteurs transrégionaux de la frange lyonnaise, moins de la moitié, 2 600, travaillent dans l'aire urbaine de Lyon. Leur poids, dans la population active résidente de la frange est moindre, de l'ordre de 17 % ; il dépasse toutefois le tiers dans certaines communes comme à La Chapelle-de-Guinchay. Pour ces pôles d’emploi très éloignés, les infrastructures de transports sont essentielles aux déplacements domicile-travail (figure 3). 29 % des navetteurs transrégionaux de la frange parisienne et 13 % de ceux de la frange lyonnaise utilisent les transports en commun. Dans les autres franges urbaines, polarisées par des aires urbaines de moindre ampleur mais plus proches, cette part n’excède pas 5 %.

Figure 3Des distances domicile-travail bien plus longues dans les franges urbainesMédiane des déplacements domicile-travail effectués par les navetteurs transrégionaux

Des distances domicile-travail bien plus longues dans les franges urbaines
en km
Parisienne 65,6
Dijonnaise 35,9
Mulhousienne 26,1
Lyonnaise 22,7
Ensemble des franges urbaines 18,8
Ensemble des franges mixtes 17,9
Ensemble des franges rurales 13,7
  • Source : Insee – Recensement de la population 2014

Figure 3Des distances domicile-travail bien plus longues dans les franges urbainesMédiane des déplacements domicile-travail effectués par les navetteurs transrégionaux (en Km)

  • Source : Insee – Recensement de la population 2014

Un rapport différent aux transports en commun dans les franges parisienne et lyonnaise

Dans certaines communes de la frange parisienne, la part de navetteurs transrégionaux utilisant les transports en commun peut atteindre 60 %. Ces communes qui se situent à la limite de l’Île-de-France, sont desservies par une ligne TER à moins de 5 km. Mais surtout, le réseau francilien du Transilien reste relativement proche avec la gare de Monteraut-Fault-Yonne à moins de 15 km. Les navetteurs bénéficient alors d’un cadencement nettement supérieur pour un coût plus faible.

À l’inverse, dans les communes de la frange lyonnaise enregistrant la plus forte part de navetteurs transrégionaux, seuls 5 à 8 % ont recours aux transports en commun, malgré la présence de deux gares TER dans un rayon de deux kilomètres. Les habitants de ces communes privilégient la voiture car leur commune de travail se trouve proche de l’autoroute. En revanche, la moitié des habitants de la frange travaillant dans la commune de Lyon utilisent les transports en commun.

Même éloignées des grands pôles, les franges plus rurales peuvent aussi bénéficier d’externalités

Les sept franges rurales, c’est-à-dire celles qui ne sont pas polarisées par une grande aire urbaine mais qui ont une part importante de navetteurs transrégionaux, rassemblent près de 9 000 actifs navetteurs. Certaines représentent des flux très importants. C’est le cas des franges Puisaye-Sancerrois et Puisaye-Nivernais, autour desquelles Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire échangent 4 600 actifs résidents.

Les navetteurs transrégionaux de la frange Puisaye-Sancerrois viennent majoritairement travailler dans de petits pôles d’emploi de Bourgogne-Franche-Comté, 41 % à Cosne-Cours-sur-Loire et 17 % à la Charité-sur-Loire. Ceux de la frange Puisaye-Nivernais se rendent pour partie dans la commune de Belleville-sur-Loire en région Centre-Val de Loire, où se trouve une centrale nucléaire qui emploie plus de 900 salariés. Pour la frange de Châtillon, les navetteurs transrégionaux travaillent souvent dans des communes isolées de la région Grand Est, au sein desquelles le secteur viticole est très développé.

Deux franges dites mixtes rassemblent enfin 3 600 navetteurs transrégionaux. Elles sont sous influence équivalente de grands et petits pôles, voire de communes isolées. Les flux transrégionaux de la frange brionnaise par exemple sont captés pour partie par la grande aire urbaine de Roanne, mais également par de plus petites aires, comme celle de Charlieu, également située dans le département de la Loire.

Dans les franges mixtes ou rurales, l’usage de la voiture est quasiment systématique, les lieux de travail étant davantage dispersés, reculés et bénéficiant par conséquent plus rarement de services de transports en commun. Le recours à un véhicule personnel s’explique aussi par une distance domicile-travail qui n’est pas forcément supérieure à la moyenne départementale ou régionale. Pour les navetteurs transrégionaux de la frange rurale Charlieu-Haut-Beaujolais par exemple, la distance médiane domicile-travail est d’à peine onze kilomètres.

Un effet frontière fort avec la Suisse

Les effets de frontière sont négligeables entre régions françaises : hormis sa distance au lieu de travail, un actif n’a pas de raison de s’installer plus d’un côté que de l’autre de la limite régionale. L’effet frontière ne vaut que pour la frange suisse, avec un foncier plus accessible côté français, et côté suisse, un marché du travail plus attractif, un taux de chômage plus faible et des salaires plus élevés. La proximité des grands pôles industriels suisses avec la frontière (La Chaux-de-Fonds, Le Locle), la qualification de la main-d’œuvre française et une communauté linguistique de part et d’autre ont également largement contribué à développer le travail frontalier.

Avec 30 000 navetteurs transrégionaux, dont 28 000 vers la Suisse, la frange suisse est la plus importante de Bourgogne-Franche-Comté en nombre de navetteurs. Il s’agit d’ailleurs de celle qui a le plus augmenté en vingt-cinq ans, avec une hausse de plus de 17 000 personnes. C’est trois fois plus que pour la frange parisienne qui est la deuxième plus dynamique en nombre de navetteurs sur la même période (+ 5 000). Aujourd’hui, la part moyenne de navetteurs transrégionaux dans la frange suisse s’élève à 30 % des actifs résidents et approche les deux tiers dans certaines communes.

Moins de 4 % des travailleurs frontaliers de la frange utilisent les transports en commun. Le massif du Jura rend plus complexe et coûteux le développement d’un réseau ferré performant. Les lignes existantes, qui traversent des espaces très peu denses, n’ont pas été calibrées pour drainer autant de passagers et ne constituent que des axes ferroviaires secondaires du côté français, à l’exception de la ligne LGV Paris-Lausanne. À l’inverse, le réseau ferré est plus dense de l’autre côté de la frontière.

Autant de navetteurs transrégionaux à Dijon qu’à Pontarlier

En retenant la part communale de navetteurs transrégionaux, cette étude se focalise sur l’intensité des flux et non sur leur volume afin de situer les territoires les plus concernés par la problématique de frange. Pourtant, de nombreux navetteurs transrégionaux résident au cœur de la région, 2 000 par exemple à Dijon, 1 100 personnes à Besançon. Leur part n’y excède pas 3 %, mais c’est autant que dans certains territoires de franges pris dans leur ensemble. La présence de gares TGV dans ces villes rend accessible plus rapidement des destinations lointaines, ce qui explique ces volumes importants. À l’inverse, dans des communes situées aux franges, la part de navetteurs peut être supérieure à 80 %, et parfois même avoisiner les 100 %, mais ne représenter que peu de personnes. C’est le cas de Broissia dans le Jura et de Rondefontaine dans le Doubs, où la quasi-totalité des actifs travaillent hors de la région, en l’occurrence en Suisse, sans toutefois que cela ne concerne plus d’une vingtaine de personnes. Enfin, des communes ont à la fois un volume et une part élevés de navetteurs. Ainsi, à Pontarlier, 30 % des actifs résidents sont des navetteurs transrégionaux, ce qui représente 2 200 personnes. À Morteau, la moitié des actifs résidents sont des navetteurs transrégionaux, soit 1 700 personnes.

Des navetteurs transrégionaux aussi à l’intérieur des terresNombre et part de navetteurs transrégionaux dans les villes en comptant plus de 300

  • Source : Insee – Recensement de la population 2014

Pour comprendre

Afin de délimiter les territoires de franges, une part « normale » de navetteurs transrégionaux dans la population active résidente a été définie à partir de la moyenne régionale non pondérée et de son écart-type. Le seuil retenu est de 7 %. Toute commune dont la part de navetteurs transrégionaux est inférieure, est considérée comme ayant une part « normale ». Cette règle suppose que la grande majorité des observations se situe sous ce seuil. À l’inverse, si une commune a une part supérieure ou égale, elle est « atypique » parce que particulièrement polarisée par une région limitrophe. Ces communes sont proches de la frontière administrative régionale.

La représentation graphique lissée de la part de navetteurs transrégionaux, avec ce seuil de 7 %, a ensuite permis de sélectionner les communes aux franges de la région (figure 4). La seule contrainte a été d’assurer une continuité spatiale dans cette sélection : les territoires de franges doivent être sans enclave et chacun d’un seul tenant. N’ont ensuite été conservées que les franges dont le nombre de navetteurs transrégionaux était au moins égal à 500.

Les territoires de franges urbaines ont été dissociés des territoires de franges rurales, en fonction de la nature de la commune de travail.

Ainsi, sur une carte lissée, ont été distinguées les parts des navetteurs transrégionaux se rendant dans une grande aire urbaine de travail, des autres. L’analyse des lieux de travail pour les navetteurs des franges rurales a permis de déterminer l’existence de franges mixtes.

Ces territoires ont ensuite été dénommés tantôt en fonction de la principale grande aire urbaine de travail pour les franges urbaines, tantôt en fonction de leur implantation géographique pour les franges rurales et mixtes, les destinations de travail y étant multiples.

Figure 4Une part de navetteurs transrégionaux plus élevée à proximité de la frontièrePart d’actifs résidant dans une région et travaillant dans une autre

  • Source : Insee – Recensement de la population 2014 – zonage en aires urbaines

Sources

Cette étude s’appuie sur les données communales relatives aux déplacements domicile-travail du recensement de la population 2014. Il s’agit d’analyser les navettes effectuées par les actifs résidant dans une région et travaillant dans une autre. D’autres dimensions auraient pu être retenues comme l’équipement des ménages, les infrastructures de transports en commun, l’environnement, mais ces indicateurs ne permettent pas de comprendre aussi bien la structuration économique d’un territoire.

Pour en savoir plus

Ville H., René Y., Brion D., « Dualité de l’Yonne : Influence francilienne au nord, perte d’attractivité partout ailleurs », Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté n° 36, juillet 2018

« Ouvrir dans un nouvel ongletQuatre territoires de coopération au sein de l’Arc jurassien », Ostaj, mars 2018

« Portrait de la Bourgogne-Franche-Comté », Insee Dossier Bourgogne-Franche-Comté n° 2, avril 2016