Insee Analyses Grand EstLa crise économique de 2008 a accentué les inégalités de retour à l’emploi

Annie Ébro, Dominique Kelhetter, Philippe Marchet, Insee

En 2012, deux ans après son inscription à Pôle emploi, un demandeur d'emploi sur cinq a déclaré retrouver une activité professionnelle. Des emplois de courte durée ponctuels ou successifs, aux emplois durables, les parcours sont multiples. Les plus jeunes et les plus qualifiés disposent toujours de meilleures chances de retrouver un emploi et la conjoncture défavorable de 2008 a creusé ces inégalités. La crise a généré de nombreuses suppressions d’emplois et le caractère industriel de la région a accentué ce phénomène. Néanmoins, la position géographique du Grand Est permet d’élargir le marché du travail au-delà des frontières. Des zones d’emploi aux caractéristiques économiques et sociodémographiques avantageuses côtoient cependant des territoires plus fragiles.

Annie Ébro, Dominique Kelhetter, Philippe Marchet, Insee
Insee Analyses Grand Est No 60- Novembre 2017

Comme dans toutes les régions, la crise économique de 2008 a pesé sur le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi dans le Grand Est. Pour appréhender leurs parcours, environ 230 000 personnes qui s’étaient inscrites en sur les listes de Pôle Emploi en 2005, 2008 et 2010 ont été suivies chaque mois pendant deux ans. La catégorie A représente 88 % d’entre eux. Au terme de ces 24 mois, en 2007, 2010 et 2012, le retour à l’emploi et ses différentes modalités ont pu être analysés.

En 2012, reprise d'emploi pour un demandeur d'emploi sur cinq

Deux ans après leur inscription sur les listes de Pôle emploi, 20 % des demandeurs d’emploi inscrits en 2010 ont déclaré retrouver un travail (figure 1). Ce dernier est généralement durable, c'est-à-dire de plus de six mois consécutifs.

Près de quatre sur dix sont toujours inscrits à Pôle emploi, dont 15 % le sont restés de façon continue pendant les deux années ; d’autres sont sortis provisoirement des listes, en trouvant un emploi, en suivant une formation ou pour maladie, puis se sont réinscrits.

Plus de 40 % ne figurent plus sur les listes, dont 30 % ont été radiés administrativement ou n’ont pas actualisé leur dossier. Il s'agit le plus souvent de jeunes de 18 à 25 ans. Ces défauts d'actualisation peuvent masquer fréquemment un retour à l'emploi qui n'a pas été signalé à l'agence. Dans les autres cas, l’absence sur les listes fait suite à un arrêt de recherche temporaire pour maladie, maternité, accidents, congé parental ou suivi d’une formation, ou bien à une dispense de recherche d'emploi en raison de l’âge ou parce que ces chômeurs ont fait valoir leurs droits à la retraite.

Figure 1Un demandeur d'emploi sur cinq inscrit en 2010 a un emploi 24 mois après son inscriptionRépartion des demandeurs d'emploi, selon leur situation et la durée d'inscription à Pôle emploi (en %)

Un demandeur d'emploi sur cinq inscrit en 2010 a un emploi 24 mois après son inscription - Lecture : parmi les demandeurs d'emploi inscrits en 2010, 14,6 % étaient toujours demandeurs d'emploi au bout de 24 mois et n’avaient pas quitté Pôle emploi (première demande) ; 22,3 % étaient toujours demandeurs d'emploi, mais avaient quitté puis réintégré Pôle emploi dans la période.
mois Autres cas Reprise d'emploi durable déclarée Reprise d'emploi non durable déclarée Absence au contrôle Radiation administrative Demandeur d'emploi (demandes suivantes) Demandeur d'emploi (première demande)
1 0 0 0 0 0 0 100
2 3,09 2,6 0,85 7,71 1,26 2,06 82,43
3 5,44 5,13 1,46 10,53 2,08 3,4 71,96
4 7,03 7 1,79 12,32 3,1 4,82 63,96
5 8,28 8,61 1,98 13,79 3,62 6,12 57,59
6 9,36 10,01 2,09 15,08 3,86 7,66 51,94
7 10,11 11,13 2,1 16,28 4,06 8,96 47,37
8 10,74 12,12 2,04 17,27 4,19 10,29 43,37
9 11,34 12,95 2,03 18,1 4,29 11,39 39,9
10 11,76 13,58 1,99 18,84 4,39 12,52 36,92
11 12,05 14,14 1,89 19,42 4,47 13,89 34,15
12 12,27 14,32 1,74 19,74 4,51 15,74 31,68
13 12,39 14,48 1,75 20,06 4,53 17,47 29,31
14 12,85 14,96 1,81 20,54 4,59 17,99 27,24
15 13,2 15,58 1,93 20,97 4,68 18,3 25,34
16 13,41 16,12 2 21,42 4,74 18,69 23,61
17 13,6 16,55 2,09 21,81 4,82 19,03 22,1
18 13,8 16,91 2,21 22,24 4,86 19,31 20,66
19 13,94 17,2 2,29 22,57 4,87 19,7 19,43
20 14,09 17,43 2,36 22,84 4,92 20,08 18,29
21 14,3 17,63 2,39 23,1 4,93 20,43 17,22
22 14,38 17,77 2,4 23,31 4,95 20,9 16,28
23 14,52 17,9 2,37 23,47 4,96 21,38 15,39
24 14,64 17,83 2,32 23,46 4,94 22,25 14,57
  • Lecture : parmi les demandeurs d'emploi inscrits en 2010, 14,6 % étaient toujours demandeurs d'emploi au bout de 24 mois et n’avaient pas quitté Pôle emploi (première demande) ; 22,3 % étaient toujours demandeurs d'emploi, mais avaient quitté puis réintégré Pôle emploi dans la période.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Figure 1Un demandeur d'emploi sur cinq inscrit en 2010 a un emploi 24 mois après son inscriptionRépartion des demandeurs d'emploi, selon leur situation et la durée d'inscription à Pôle emploi (en %)

  • Lecture : parmi les demandeurs d'emploi inscrits en 2010, 14,6 % étaient toujours demandeurs d'emploi au bout de 24 mois et n’avaient pas quitté Pôle emploi (première demande) ; 22,3 % étaient toujours demandeurs d'emploi, mais avaient quitté puis réintégré Pôle emploi dans la période.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Avant la crise, le retour à l’emploi était plus rapide

Pour les chômeurs inscrits en 2005, avant la crise, le retour à l'emploi était proche de 20 % au bout de 12 mois et atteignait 25 % au bout de 24 mois (figure 2). Pour ceux inscrits en 2008, au début de la crise, le retour à l’emploi était plus lent : seuls 16 % d’entre eux déclaraient retrouver un travail en un an et 20 % au bout de deux ans, soit respectivement 4 et 5 points de moins.

Concernant les inscrits de 2010, la situation est similaire mais l’emploi à 24 mois est un peu plus souvent durable. En effet, pour ceux de 2005 et de 2008, la part des emplois non durables dans le retour à l’emploi était respectivement de 13 % et 14 % au bout de 12 mois et baissait de deux points pendant la seconde année. Cette tendance s'est modifiée en 2010 : la part d'emplois non durables est passée à 11 % après 12 mois mais est restée stable la seconde année.

Figure 2Un taux de retour à l'emploi plus faible en 2008 et en 2010 qu’en 2005

Taux de reprise d'emploi (en %)
Un taux de retour à l'emploi plus faible en 2008 et en 2010 qu’en 2005 (Taux de reprise d'emploi (en %)) - Lecture : pour la cohorte 1 (2005-2007), le taux de reprise d’emploi déclaré est de 20 % après 12 mois d'inscription et de 25 % après 24 mois.
mois Cohorte 1 : 2005-2007 Cohorte 2 : 2008-2010 Cohorte 3 : 2010-2012
1 0 0 0
2 4,12 3,51 3,45
3 7,91 6,62 6,59
4 10,78 8,81 8,79
5 13,06 10,51 10,59
6 15,1 12 12,1
7 16,59 13,13 13,23
8 17,79 14,01 14,16
9 18,8 14,72 14,98
10 19,54 15,32 15,57
11 20,08 15,82 16,03
12 20,04 15,82 16,06
13 20,16 16,08 16,23
14 20,74 16,74 16,77
15 21,61 17,5 17,51
16 22,3 18,23 18,12
17 22,94 18,82 18,64
18 23,51 19,29 19,12
19 23,94 19,71 19,49
20 24,29 20,04 19,79
21 24,62 20,3 20,02
22 24,82 20,51 20,17
23 24,93 20,63 20,27
24 24,79 20,43 20,15
  • Lecture : pour la cohorte 1 (2005-2007), le taux de reprise d’emploi déclaré est de 20 % après 12 mois d'inscription et de 25 % après 24 mois.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Figure 2Un taux de retour à l'emploi plus faible en 2008 et en 2010 qu’en 2005

  • Lecture : pour la cohorte 1 (2005-2007), le taux de reprise d’emploi déclaré est de 20 % après 12 mois d'inscription et de 25 % après 24 mois.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Des retours rapides et pérennes, mais aussi des parcours chaotiques

La simple mesure du retour à l’emploi au bout de deux ans ne rend pas compte de la multitude des parcours. Sur les 224 600 demandeurs d'emploi qui composent la cohorte de l'année 2010, 64 965 ont déclaré retrouver un emploi, durable ou non, au cours de la période, soit un taux de 29 %. Parmi les demandeurs d'emploi qui ont retrouvé un emploi de plus de six mois, on peut distinguer trois groupes (figure 3).

Le premier, le plus important en effectif, correspond à des retours rapides et pérennes, dès les premiers mois d'inscription. Il s’agit plutôt de jeunes, âgés de 26 à 35 ans, plus souvent diplômés de niveau bac+2 ou bac+3 et ayant occupé des fonctions de techniciens ou de cadres. Ils se sont plus souvent inscrits après un licenciement économique.

Le deuxième rassemble des personnes qui ont retrouvé un emploi après le premier semestre d'inscription. Elles sont âgées de 26 à 45 ans, ont occupé elles aussi plus fréquemment des fonctions de cadres ou de techniciens, ont un niveau d'études supérieures, mais dans une moindre proportion que le groupe précédent. Leur inscription fait souvent suite à un licenciement autre qu’un licenciement économique.

Enfin, le troisième groupe a plutôt retrouvé un emploi au cours du second semestre de la seconde année. La part des demandeurs d'emploi de moins de 26 ans y est faible, et celle des 26-35 ans la plus forte. Ils déclarent plus souvent un diplôme de niveau CAP-BEP et exercent la profession d'employé. Ils se sont aussi plus souvent inscrits à la suite d’un licenciement autre qu'économique.

Parmi les demandeurs qui n’ont retrouvé qu’un emploi de moins de six mois, on peut distinguer deux types de parcours.

Le premier consiste en une succession d'emplois courts. La part des femmes dans ce groupe est importante (11 points de plus que pour l'ensemble des femmes ayant retrouvé un emploi). Elles ont entre 46 et 55 ans, sont souvent peu ou pas diplômées, et ont occupé des postes d'ouvrières non qualifiées ou d'employées. Leur inscription à Pôle emploi fait plus fréquemment suite à une reprise d'activité ou constitue une première entrée sur le marché du travail. Cette situation représente sans doute un virage dans la vie de femmes qui reprennent une activité, soit par choix, soit par nécessité économique.

Le second type de parcours concerne des demandeurs d'emploi pour qui le retour à l'emploi a été éphémère, souvent à l'occasion d'une seule période de travail. Dans ce groupe, la part des diplômés qui ont un CAP ou un BEP est élevée, et l'emploi occupé est plutôt de nature ouvrière, qualifiée ou non. Les autres parcours mettent en évidence de longues périodes d'absence au contrôle, de formation, ou d'arrêt de recherche.

Pour les parcours comportant des absences au contrôle, les jeunes de moins de 25 ans sont surreprésentés (+ 22 points). Il s'agit plutôt d'hommes, exerçant des emplois d'ouvriers, et inscrits pour une première entrée sur le marché du travail ou à la fin d'un contrat d'intérim.

Les demandeurs d’emploi qui partent en formation sont au contraire plus souvent des jeunes femmes, possédant un baccalauréat et ayant occupé un poste d'employée.

Enfin, les arrêts de recherche concernent aussi plus généralement des femmes de moins de 25 ans (+ 17 points), s'étant inscrites à la fin d’un contrat à durée déterminée (CDD).

Figure 3Plus des deux tiers des retours à l'emploi sont durables en 2012Répartition des demandeurs d’emploi ayant retrouvé au moins une fois un emploi, selon leur parcours, la durée du contrat, la période d’embauche

Plus des deux tiers des retours à l'emploi sont durables en 2012 - Lecture : parmi les 64 965 demandeurs d'emploi qui ont déclaré retrouver au moins une fois un emploi, 68,6 % ont retrouvé un emploi durable, dont 32,8 % rapidement et de façon pérenne, 22,4 % ont retrouvé un emploi après le premier semestre et 13,4 % pendant le second semestre de la seconde année.
64 965
demandeurs
d'emploi
ont retrouvé
au moins
une fois
un emploi
(29 % de la
cohorte)
= 68,6 %
retour à l'emploi
durable
= 32,8 %
retour rapide et pérenne
+ 22,4 %
après le premier semestre
+ 13,4 %
second semestre de la seconde année
+
19,2 %
retour à l'emploi non durable
= 5,6 %
succession d'emplois courts
+ 13,6 %
un seul emploi court
+
6,4 %
périodes d'absences au contrôle
+
2,8 %
longues périodes de formation
+
2,0 %
arrêt de recherche
+
0,9 %
autres cas
  • Lecture : parmi les 64 965 demandeurs d'emploi qui ont déclaré retrouver au moins une fois un emploi, 68,6 % ont retrouvé un emploi durable, dont 32,8 % rapidement et de façon pérenne, 22,4 % ont retrouvé un emploi après le premier semestre et 13,4 % pendant le second semestre de la seconde année.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Figure 3Plus des deux tiers des retours à l'emploi sont durables en 2012Répartition des demandeurs d’emploi ayant retrouvé au moins une fois un emploi, selon leur parcours, la durée du contrat, la période d’embauche

  • Lecture : parmi les 64 965 demandeurs d'emploi qui ont déclaré retrouver au moins une fois un emploi, 68,6 % ont retrouvé un emploi durable, dont 32,8 % rapidement et de façon pérenne, 22,4 % ont retrouvé un emploi après le premier semestre et 13,4 % pendant le second semestre de la seconde année.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Avantage aux jeunes diplômés

Pour les demandeurs d’emploi, la jeunesse est un atout : dans la cohorte 2010, les jeunes âgés de 18 à 25 ans ont 20 % de chances de plus que les 26-39 ans de retrouver un emploi (figure 4). En revanche, les plus de 50 ans en ont 20 % de moins. Toutefois, cet écart s'est légèrement réduit quand la situation économique s'est dégradée entre 2007 et 2012, la crise ayant relativement plus touché les 26-39 ans. Par ailleurs, les actifs à la recherche d’un premier emploi ont 26 % de chances de plus d’en trouver un que ceux qui achèvent un CDD.

Quel que soit l’âge et sans surprise, les diplômes favorisent la reprise d'emploi. En 2012, les non-diplômés ont 16 % de chances de moins de trouver un emploi qu’un titulaire d'un diplôme de niveau BEP ou CAP ; parallèlement, les titulaires d'un diplôme bac+3 en ont 67 % de plus, soit 10 points de plus qu’en 2007 : la crise a en effet encore augmenté l'avantage dû au diplôme.

Conséquence du niveau de diplôme mais aussi du secteur d'activité, les cadres, les agents de maîtrise, les techniciens et les ouvriers qualifiés peuvent plus facilement retrouver un travail que les employés. Avec la crise, le taux de retour à l'emploi s'est détérioré pour tous, mais davantage pour les ouvriers qualifiés. L'écart entre les cadres et les ouvriers qualifiés s'est amplifié : en 2007, le taux était supérieur de 15 points pour les premiers, puis de 17 points en 2010. En 2012, la situation de toutes les catégories continue de se dégrader ; seule celle des cadres s'est légèrement améliorée : leur retour à l'emploi est de 37 %, soit + 0,5 point en deux ans.

En 2007, les professions d’études, d'ingénierie, des banques et assurances, de l'informatique et de l'administration se plaçaient en tête des taux de retour à l'emploi des inscrits en 2005. Avec la crise de 2008, le taux de retour à l'emploi se replie pour tous les métiers sauf pour ceux de l'artisanat. La chute est très forte pour les ingénieurs de l'industrie ainsi que pour les professions de l'électricité et de l'électronique (- 9 points entre 2007 et 2010). Néanmoins le taux de retour à l'emploi est encore en 2010 de 27 % pour les premiers alors qu'il tombe à 13 % pour les seconds ; il est de 43 % pour les professions de la recherche. Avec la lente sortie de crise, la variation du taux de retour à l’emploi est hétérogène. Certains métiers comme les ingénieurs et cadres de l’industrie ou de l’informatique présentent des taux très élevés en 2012 (38 %) avec une augmentation par rapport à 2010. En revanche, d’autres professions comme les ouvriers et les techniciens des industries de process ou de mécanique ou les employés des services aux particuliers ont des taux très bas (16 %) et qui ont encore diminué par rapport à 2010.

Un contrat court ou une activité réduite pendant la période de chômage permettent de trouver plus facilement un autre emploi. Avant la crise, par rapport aux inscrits de catégorie A, ceux de la catégorie B avaient 12 % de chances de plus de trouver un emploi et ceux de la catégorie C, 27 %. Cet avantage a disparu en 2012 pour les premiers et s'est réduit pour les seconds pour atteindre + 16 %.

Figure 4La qualification favorise le retour à l'emploi en 2012Pourcentage de chances de retrouver un emploi par rapport à la situation de référence

en %
La qualification favorise le retour à l'emploi en 2012 (en %) - Lecture : en 2012, les cadres inscrits en 2010 ont 24 % plus de chances de retrouver un emploi que les employés (catégorie de référence). Les 50-64 ans ont 19 % de chances de moins de retrouver un emploi que les 26-39 ans.
De 18 à 25 ans 20
De 40 à 49 ans 12
De 50 à 64 ans -19
De 26 à 39 ans (Référence) 0,25
Niveau Bac+3 et plus 67
Niveau Bac+2 43
Niveau Bac 19
Niveau collège et inférieur -16
Niveau CAP/BEP (Référence) 0,3
Cadres 24
Agents de maîtrise et techniciens 14
Ouvriers non qualifiés -16
Employés (Référence) 0,3
Première entrée sur le marché du travail 26
Démission 32
Fin de mission d'intérim -22
Licenciement économique -18
Autre licenciement -28
Reprise d'activité après interruption -12
Fin de convention de conversion -26
Fin de CDD (Référence) 0,3
  • Lecture : en 2012, les cadres inscrits en 2010 ont 24 % plus de chances de retrouver un emploi que les employés (catégorie de référence). Les 50-64 ans ont 19 % de chances de moins de retrouver un emploi que les 26-39 ans.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Figure 4La qualification favorise le retour à l'emploi en 2012Pourcentage de chances de retrouver un emploi par rapport à la situation de référence

  • Lecture : en 2012, les cadres inscrits en 2010 ont 24 % plus de chances de retrouver un emploi que les employés (catégorie de référence). Les 50-64 ans ont 19 % de chances de moins de retrouver un emploi que les 26-39 ans.
  • Source : Pôle Emploi-Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Les salariés éprouvés par les reconversions industrielles

Les demandeurs d'emploi du Grand Est proviennent plus souvent du secteur secondaire qu'en moyenne en France métropolitaine. Ce constat s’explique par le poids plus important des emplois de l'industrie dans la région (17,9 % pour 13,7 % en France métropolitaine en 2010) mais aussi par la crise économique qui a généré la perte de nombreux emplois dans ce secteur.

Les chômeurs du Grand Est sont moins qualifiés et un peu moins diplômés (43 % ont un niveau égal ou supérieur au bac, pour 48 % en France métropolitaine). Ils occupaient plus souvent des emplois d'ouvriers qualifiés et moins souvent des emplois de cadres ou d'employés.

La part de demandeurs d'emploi âgés de 26 à 49 ans est plus faible qu’au niveau national (53 % contre 55,3 %) alors que la proportion des moins de 25 ans et celle des plus de 50 ans sont plus importantes.

Les entrées à Pôle emploi pour fin de mission d'intérim sont plus fréquentes dans la région, mais les fins de CDD sont plus rares (respectivement 6 % et 26 % des motifs).

Entre 2005 et 2012, la croissance de l’emploi tertiaire ne compense pas les pertes dans l’industrie

La crise s'est traduite par une forte hausse du chômage accompagnée par une baisse de l'emploi, et notamment de l'emploi salarié industriel. En 2005, le secteur industriel représentait 20,8 % de l'emploi salarié dans le Grand Est, soit 5 points de plus qu’en France métropolitaine. Sept ans après, en 2012, ce poids a perdu trois points, davantage qu’au niveau national (- 2 points).

La crise a durement touché la région : entre les années 2005 et 2012, 65 200 emplois salariés ont été perdus, 73 900 dans les activités industrielles et 2 100 dans la construction. Le secteur tertiaire (marchand et non marchand), avec 11 100 créations d'emploi, n'a pu compenser cette chute.

L'emploi salarié a reculé de 0,5 % par an en moyenne, principalement dans les anciennes régions Lorraine et Champagne-Ardenne (- 0,7 % et - 0,6 %), mais moins en Alsace (- 0,2 %). La vocation industrielle du Grand Est est relativement homogène : 19,6 % des emplois salariés en Champagne-Ardenne, 21,2 % en Lorraine et 21,9 % en Alsace. Toutes les anciennes régions ont perdu des emplois dans le secteur, mais à des degrés divers : - 14,6 % en Alsace et - 19,5 % dans les deux autres régions. C'est dans les départements de l'Aube et des Vosges que le recul de l'emploi industriel a été le plus fort sur la période, de respectivement 23 % et 26 %.

De ce fait, la tertiarisation de l'économie régionale s'accentue : la part du secteur marchand dans l’emploi progresse de 1,4 point et celle du secteur non marchand de 1,5 sur la période. Cette croissance de l’emploi tertiaire ne rattrape cependant toujours pas le niveau métropolitain, particulièrement dans le secteur marchand (40,7 % contre 47,3 %).

En 2005, le taux de chômage est de 8,3 % dans le Grand Est. Il diminue ensuite comme en France métropolitaine pour atteindre 7,1 % dans la région en 2008, puis il augmente de 2 points en 2009 en raison de la crise. Le Grand Est est l'une des régions où le chômage s’accroît le plus dès le début de la crise : l’évolution n’est que de 1,7 point au niveau national. Le chômage évoluera moins fortement entre 2010 et 2012 pour s’établir à 9,5 % en fin de période.

Davantage d'employés au chômage depuis la crise

La période d'avant-crise est une période favorable pour l'emploi et le taux de chômage baisse. Cette situation facilite le retour à l'emploi pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, quels que soient leur niveau de formation ou leur catégorie professionnelle.

En revanche, la crise qui commence en 2008 amplifie les différences entre les catégories et les niveaux de formation. Le profil des demandeurs d'emploi se modifie : entre la première et la troisième cohorte, de 2005 à 2010, l’âge et la proportion d'hommes augmentent. Les motifs d'inscription changent aussi : moins de fins de CDD et de mission d'intérim et plus d’« autre cas », qui incluent les ruptures conventionnelles créées en 2008. En cinq ans, la part des employés au chômage progresse, en particulier dans le secteur du commerce, alors que celle des cadres et agents de maîtrise se réduit, même si la part des diplômés parmi les demandeurs d'emploi s'accroît.

Les demandeurs d'emploi proches des frontières de l’Allemagne et du Luxembourg sont plutôt avantagés

Quelles que soient les caractéristiques individuelles des chômeurs, les particularités des territoires influent plus ou moins favorablement sur les chances de retrouver un emploi. Les marchés locaux du travail se différencient entre autres par le tissu économique de la zone, son dynamisme et la structure de la population active qui l'habite (figure 5). Cinq classes de zones d’emploi peuvent ainsi être constituées.

Les zones d'emploi de Strasbourg, Nancy et Reims (classe 1) disposent toutes les trois d'une densité économique importante et centralisent les principaux établissements de l’enseignement supérieur. Elles sont au cœur des trois grands systèmes urbains de la région Grand Est et détiennent les plus fortes parts d’emplois et de cadres dans les fonctions métropolitaines de la région. Le revenu fiscal médian y est relativement élevé et la proportion de demandeurs d'emploi de qualification supérieure est importante. Ceux-ci viennent plus souvent des métiers relevant de la recherche, de l'informatique, de la gestion ou de la communication et occupaient aussi des emplois à forte technicité. Ils ne sont pas très âgés en moyenne, et cohabitent avec des demandeurs d’emploi très jeunes, non indemnisés à leur inscription, qui avaient précédemment un emploi dans le secteur des services. Les taux de retour à l'emploi varient de 17,3 % (zone de Reims) à 21,2 % (Nancy). Avec 19,5 %, Strasbourg se situe entre les deux.

Dans les zones d'emploi de Haguenau, Molsheim-Obernai, Saverne, Sélestat, Wissembourg, Colmar et Saint-Louis (classe 2), les activités industrielles sont nombreuses, avec notamment de grandes entreprises du secteur de la mécanique comme Schaeffler, Milipore, Kuhn ou Liebherr, ou de l'électronique comme l’entreprise Hager. À l’exception des zones de Wissembourg et de Saverne qui connaissent un développement de type résidentiel, la fonction productive y est donc importante et permet à ces territoires d’être engagés dans un cercle vertueux de croissance. Les demandeurs d'emploi, plus souvent âgés de plus de 40 ans, s'inscrivent plus fréquemment à la suite d’un licenciement économique et sont en majorité indemnisés. Leur retour à l'emploi est plus couramment durable. C’est dans les zones de Wissembourg et Saint-Louis, dans lesquelles beaucoup de résidents occupent des emplois frontaliers, que les taux de retour à l'emploi déclaré sont les plus élevés (+ 5 points par rapport au niveau régional), suivies par celles de Molsheim-Obernai et de Haguenau.

Les habitants des zones d'emploi de Longwy, Metz, Forbach, Sarreguemines, Thionville et Mulhouse (classe 3) bénéficient également de la possibilité d'exercer un emploi outre frontière. Les zones de Metz et Mulhouse ont perdu de nombreux emplois sur la période 2007-2012, notamment industriels, suite aux chocs économiques ayant affecté la production automobile, ainsi que le secteur de la métallurgie dans la zone de Metz. Les fonctions métropolitaines sont aussi bien présentes et ces zones se distinguent par des chômeurs dont l'emploi perdu était très qualifié. Les zones de Longwy, Forbach, Sarreguemines et Thionville font apparaître des similitudes dans le fonctionnement du marché local du travail. La part du travail frontalier est importante, que ce soit en direction du Luxembourg pour Thionville et Longwy ou de l’Allemagne pour Forbach et Sarreguemines. La proportion des demandeurs d'emploi inscrits pour leur première entrée sur le marché du travail ou après un licenciement est plus élevée. Les métiers occupés précédemment relevaient souvent des domaines de la construction ou de la mécanique. Les taux de retour à l'emploi s'établissent autour de 20 % dans cette classe, Forbach et Thionville se situant aux extrêmes (respectivement 19,0 % et 21,9 %).

Figure 5Les demandeurs d’emploi de l’ancienne région Alsace retrouvent plus souvent un emploi durableClassification des zones d’emploi selon le profil des demandeurs d’emploi et les caractéristiques économiques de la zone

  • Sources : Insee, recensement de la population 2012 ; Pôle emploi - Dares, fichier historique statistique au 30 juin 2013.

Des zones d'emploi plus fragiles dans le sud-ouest de la région

Les zones d'emploi de Troyes, Châlons-en-Champagne, Épernay, Chaumont-Langres, Bar-le-Duc, Sarrebourg, Remiremont et Neufchâteau (classe 4) sont des territoires où l’inscription des demandeurs d'emploi fait souvent suite à la fin d’un CDD ou d’un contrat saisonnier. La part des demandeurs d'emploi à faible niveau de qualification y est relativement élevée. Les emplois occupés relevaient du secteur agricole ou de l'industrie agroalimentaire, mais aussi d'activités de services aux personnes. Les secteurs touristiques et les activités agricoles peuvent recourir plus facilement à des emplois temporaires ou saisonniers, et Remiremont ou Neufchâteau présentent de meilleurs taux de retour à l'emploi (24,0 % et 22,7 %). Malgré de nombreux emplois liés à la production viticole, la zone d'Épernay détient un taux de retour à l’emploi déclaré de près de 5,5 points inférieur à celui de Neufchâteau. Dans ce groupe, les arrêts de recherche et les périodes de formation sont plus souvent relevés.

La cinquième et dernière classe comprend les zones d'emploi de Charleville-Mézières, Verdun, Vitry-le-François, Saint-Dié-des-Vosges, Lunéville, Commercy, et Épinal. Ces territoires ont en commun la forte proportion de demandeurs d'emploi non qualifiés, ou de niveau CAP-BEP, souvent de moins de 25 ans, et qui ne sont pas indemnisés lors de leur inscription au chômage. Les inscrits occupaient plus fréquemment un poste d’employé dans le secteur des services. La zone d'emploi de Lunéville présente un profil particulier du point de vue de l’intensité des échanges avec les territoires extérieurs. En effet, le rapport entre le nombre total de navetteurs entrants et sortants et le nombre d'actifs occupés résidents est le plus élevé de toutes les zones d’emploi, devançant en cela les zones frontalières. Sa population active, comptant beaucoup d’employés, est très attirée vers Nancy et les communes voisines, comme celle de la frange est de la zone d’emploi de Commercy.

C’est dans la zone d'emploi de Charleville-Mézières que le taux de retour à l'emploi est le plus faible de la région, 15 %, soit 10 points de moins que celui de la zone la plus favorable au retour à l’emploi. Dans cette zone, ainsi que celles de Vitry-le-François et Saint-Dié-des-Vosges, le chômage est important, ainsi que la proportion de personnes non diplômées et en situation de précarité. La part des revenus de transfert (minima sociaux, prestations familiales, allocations chômage…) dans le revenu disponible est une des plus fortes de la région. La mobilité sur les listes de Pôle emploi (somme des entrées et des sorties des listes rapportée au nombre de demandeurs en fin de mois) fait partie des plus faibles du Grand Est pour l’année 2012.

L'emploi frontalier, un amortisseur de crise

La région Grand Est dispose d'une longue frontière avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la Suisse. En 2014, 165 400 navetteurs se rendent dans ces pays pour travailler, ce qui représente 7,3 % de la population active en emploi. Le Luxembourg est la première destination en effectifs, attirant 72 900 actifs, venant principalement des zones d'emploi de Thionville, Metz et Longwy. En cinq ans, ce nombre a augmenté de 13 %. Vient ensuite l'Allemagne, avec ses 45 900 navetteurs, provenant en majeure partie des zones d'emploi de Sarreguemines, Forbach, Wissembourg et Haguenau. La Suisse accueille de plus en plus de frontaliers français (37 200 en 2014) qui résident en grande partie dans les zones d'emploi de Saint-Louis et Mulhouse. Enfin, la Belgique, avec 8 300 travailleurs frontaliers habitant surtout les zones d’emploi de Charleville-Mézières et de Longwy, offre moins de perspectives d'emploi, ceci sans doute du fait de l'absence de pôles d'activité suffisamment importants et proches de la France.

Figure 6Part importante de travailleurs frontaliers vers le Luxembourg et la Suisse

  • Lecture : près de 35 000 frontaliers résidant dans la zone d'emploi de Thionville se rendent au Luxembourg.
  • Champ : flux supérieur à 300 frontaliers et distance inférieure à 200 km.
  • Source : Insee, recensement de la population 2014.

Partenariat

L’étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre la Direction régionale de l’Insee du Grand Est, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du Grand Est et de la Direction régionale de Pôle emploi Grand Est.

Définitions

Catégories de demandeurs d'emploi :

  • Catégorie A : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi ;
  • Catégorie B : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, et ayant exercé une activité réduite de moins de 78 heures ;
  • Catégorie C : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, et ayant exercé une activité de plus de 78 heures au cours du mois.

Cohorte :

Afin d’apprécier l’impact potentiel de la conjoncture économique sur le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, trois cohortes ont été retenues. Elles correspondent à des chômeurs inscrits au cours des périodes suivantes à Pôle emploi :

  • entre le 01/07/05 et le 30/06/06, soit avant la crise ;
  • entre le 01/07/08 et le 30/06/09, soit pendant la crise ;
  • entre le 01/01/10 et le 31/12/10, soit dans une période récente de persistance de la crise.

Le choix des périodes couvrant 12 mois permet de s'abstraire des problèmes de saisonnalité des entrées à Pôle emploi.

Les demandeurs d’emploi retenus sont âgés de 18 à 64 ans, se sont inscrits à Pôle emploi en catégories A, B ou C au cours de l’un des trois intervalles considérés, n'ont pas été inscrits dans ces catégories au cours des six mois précédents et sont restés inscrits pendant au moins un mois sur les listes. Chaque demandeur d’emploi d’une cohorte est suivi de façon identique pendant deux ans.

Tous les résultats de cette étude concernent les demandeurs d'emploi de ces cohortes et non pas l'ensemble des chômeurs.

Retour à l’emploi : il est défini à partir du motif d’annulation de la demande, déclaré comme « reprise d'emploi ».

Compte tenu des regroupements réalisés dans le cadre de cette étude, sont donc considérés comme retour à l'emploi :

  • les sorties de listes pour reprise d'emploi déclaré
  • les bascules vers la catégorie E (créations d’entreprise, entrées en contrat aidé marchand ou non marchand).

Les différents motifs de sortie :

  • Reprises d’emploi : explicitement signalées par le demandeur d’emploi à Pôle emploi, en distinguant parmi elles, les sorties de listes pour reprise d'emploi et les différentes bascules en catégorie E
  • Entrées en stage de formation (bascule en catégorie D)
  • Arrêts de recherche liés à une maladie, à un congé de maternité, un accident du travail (bascule en catégorie D)
  • Départs en retraite ou, jusque fin 2011, dispenses de recherche d’emploi
  • Cessations d’inscription pour défaut d’actualisation, ou encore « absences au contrôle », qui correspondent aux cas où le demandeur d’emploi n’a pas actualisé sa situation via la déclaration de situation mensuelle
  • Radiations administratives
  • Autres cas : décès, titres de séjour non valides, changements de région Pôle emploi, déclarations de situation mensuelle illisibles…

Pour en savoir plus

Emorine M., Ramaye C., «  Profil économique et faible dynamisme démographique ont pénalisé l’emploi dans le Grand Est », Insee Analyses Grand Est n° 44, juin 2017.

Cacheux L., Creusat J., Eichwald-Isel A., « Les dynamiques socio-économiques du Grand Est dans son environnement régional et transfrontalier », Insee Dossier Grand Est n° 4, décembre 2016.

Delahaye M., Estragnat C., Lu A-V., « Les marchés locaux du travail organisés selon quatre réseaux d’échanges », Insee Analyses Grand Est n° 24, octobre 2016.

Challand C., Eichwald-Isel A., « Un tissu productif régional toujours spécialisé dans l’industrie », Insee Analyses Grand Est n° 6, mars 2016.

Gonthier P., Vinceneux K., « Ouvrir dans un nouvel ongletDes demandeurs d’emploi qui travaillent ? Les 7 visages de l’activité réduite », Document d’études DARES n° 212, juillet 2017.

« Ouvrir dans un nouvel ongletStatistiques sur les demandeurs d’emploi inscrits et les offres collectées par Pôle emploi », Documentation méthodologique, DARES-Pôle Emploi, août 2016.