Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéPortrait des 45-64 ans, maillon fort des solidarités familiales

Madeline Bertrand, Angelina Fournier, Insee

Plus d’un quart des habitants de Bourgogne-Franche-Comté ont entre 45 et 64 ans. Ils appartiennent à cette génération dite « pivot » sollicitée pour apporter de l’aide tant à ses enfants qu’à ses parents. Dans la région, la situation vis-à-vis de l’emploi et le niveau de vie des 45-64 ans sont moins favorables qu’en France métropolitaine. Toutefois, avec moins d’enfants au sein du foyer, leur structure familiale est de nature à faciliter ces solidarités intergénérationnelles.

Dans les bassins de vie de l’ouest et du nord-est de la région, les conditions de vie de ces 45-64 ans sont plus difficiles : plus d’un actif sur dix est au chômage et le niveau de vie figure parmi les plus bas. En revanche, à l’est, la situation est nettement plus favorable.

Madeline Bertrand, Angelina Fournier, Insee
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 19- Juillet 2017

En Bourgogne-Franche-Comté, 760 300 personnes sont âgées de 45 à moins de 65 ans, en 2013. Les trois quarts résident dans une commune de moins de 10 000 habitants, contre la moitié en France métropolitaine (figure 2). Elles appartiennent à cette génération dite « pivot » susceptible d’être sollicitée tant par ses parents que par ses enfants. En effet, le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie mènent les aînés à des âges où les situations de dépendance sont plus fréquentes. Parallèlement avec l’arrivée de plus en plus tardive du premier enfant, l’allongement de la durée des études, mais aussi la crise qui génère des situations de chômage, des difficultés d’insertion sur le marché du travail, des couples aident ou hébergent leurs enfants jusqu’à un âge plus avancé.

Le soutien apporté à ces générations qui les entourent combine aides en nature et aides financières. En nature, il peut prendre la forme d’un hébergement au sein de leur foyer familial, d’une assistance pour les formalités administratives ou pour véhiculer une personne âgée. Financier, il permet à leurs enfants de poursuivre des études ou encore de subvenir à leurs besoins en cas de chômage. Le soutien financier intervient aussi lorsque la dépendance des aînés nécessite un accompagnement quotidien, l’intervention d’une aide à domicile ou encore un placement en établissement spécialisé.

Cette situation de vie peut exposer plus particulièrement la génération des 45-64 ans à des risques sanitaires spécifiques, tels que burn-out, dépression, ou état de santé global détérioré. Elle ampute aussi leur niveau de vie du fait des montants financiers qu’ils versent pour aider parents et enfants.

La composition familiale des ménages, leur situation par rapport à l’emploi et leur niveau de vie constituent les trois principaux déterminants de la nature de l’aide que peut apporter la génération « pivot » à ses proches.

Une structure familiale favorable

La structure du ménage influe sur l’entraide intergénérationnelle. Celle dont on est issu déjà : un enfant unique est seul pour assister ses parents dépendants, ce soutien est partagé lorsqu’il a des frères et sœurs.

La structure du ménage dans laquelle on vit aussi : vivre seul, avoir des enfants, être à la tête d’une famille monoparentale ou nombreuse, autant de situations qui ne permettent pas de développer les mêmes solidarités familiales.

Les ménages relevant de la génération « pivot » se composent pour un tiers de personnes seules, autant d’hommes que de femmes, et pour un tiers de personnes hébergeant des enfants contre 40 % en France métropolitaine (figure 1).

La composition familiale, moins d’enfants au domicile, moins de familles monoparentales et nombreuses, est plutôt favorable à l’entraide intergénérationnelle dans la région. En effet, les familles monoparentales, moins d’une sur dix, souvent moins aisées, comme les familles nombreuses pour lesquelles la charge supportée pour l’éducation des enfants est importante, sont moins présentes. Ces deux types de famille peuvent éprouver des difficultés à aider financièrement, ce qui ne les empêche pas d’aider autrement. Elles rendent volontiers service à leurs aînés, d’autant plus qu’auparavant elles auront bénéficié de l’aide des grands-parents pour la garde des enfants, par exemple.

Figure 1Chiffres clés de la génération des 45-64 ans

Chiffres clés de la génération des 45-64 ans ( ) -
Génération 45-64 ans Bourgogne-Franche-Comté France métropolitaine
Part dans la population totale (%) 27,7 26,6
Population Part avec enfants au domicile (%) 36 41
Logement Part des propriétaires (%) 75 70
Part vivant en HLM (%) 11 13
Formation Part des sans diplôme (%) 32 30
Part des diplômés du supérieur (%) 20 25
Emploi Part des actifs en emploi (%) 63 64
Taux de chômage (%)* 8,6 9,2
Revenu Niveau de vie médian (€)* 20 880 21 140
Rapport entre le revenu des 20% les plus riches et des 20% les plus pauvres 4,0 4,8
Pauvreté Taux de pauvreté (%)* 12 14
Niveau de vie médian des personnes vivant sous le seuil de pauvreté (€)* 9 635 9 410
  • * Voir les définitions.
  • Champ : population des ménages, hors communautés et sans-abris.
  • Sources : Insee, Recensement de la population 2013, Filosofi 2013

Figure 2À l’ouest de la région, plus de 30 % des ménages appartiennent à la génération « pivot »

  • Source : Insee, recensement de la population 2013

Un quart de retraités

Près du quart des 45-64 ans de la région sont retraités. Cette situation leur permet de libérer du temps pour s’occuper de leurs parents, les conduire à des rendez-vous, faire leurs courses, leur ménage, les aider dans les démarches administratives, voire les accueillir de façon pérenne sous leur toit. En revanche, leur revenu en général plus faible que celui des actifs en emploi, limite la solidarité financière vis-à-vis de leurs enfants ou de leurs parents, lorsque ces derniers par exemple doivent être placés dans des structures spécialisées.

Six personnes sur dix âgées de 45 à 64 ans sont en emploi. Elles peuvent développer des solidarités financières intergénérationnelles d’autant que la majorité d’entre elles ont un emploi stable et disposent d’un contrat sans limite de durée et à temps plein. Toutefois, la capacité à aider dépend du type d’emploi. Au sein de la génération « pivot », la part d’ouvriers est plus importante dans la région qu’en France métropolitaine, respectivement 12 % et 9 %. En revanche, les cadres et ingénieurs sont moins présents. Ces derniers résident souvent dans les grands pôles d’emploi et leur périphérie qui offrent des emplois qualifiés et bien rémunérés. Cette situation professionnelle leur permet de participer plus facilement au financement d’une aide à domicile ou d’un placement en structure.

Des revenus plus faibles mais mieux répartis

Le niveau de vie () détermine la capacité d’une personne à venir financièrement en aide à ses proches, enfants qui poursuivent des études ou parents, notamment dépendants. Le niveau de vie médian () de la génération « pivot » s’établit à 20 880 euros par an dans la région. S’il est plus élevé que celui de la population régionale dans son ensemble, il est inférieur à celui de la France métropolitaine (figure 3). Cela résulte en partie du niveau de qualification et de diplôme de cette génération dont les deux tiers sont non diplômés ou diplômés d’un CAP-BEP, contre seulement 60 % au niveau national.

Les inégalités sont toutefois moins marquées dans la région. L’échelle des niveaux de vie est en effet plus resserrée. Ainsi le revenu des 20 % des ménages les plus riches est quatre fois plus élevé que celui des 20 % les plus modestes. Ce rapport entre hauts et bas revenus s’établit à 4,8 en France métropolitaine.

De plus, le taux de pauvreté () de 12 % est inférieur de 2 points à celui du territoire national. Le niveau de vie des personnes vivant sous le seuil de pauvreté () quant à lui est plus élevé dans la région qu’en France métropolitaine.

Les familles monoparentales sont particulièrement touchées par la pauvreté, un quart d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, 30 % en France métropolitaine. Leur niveau de vie médian atteint 16 220 € par an.

La capacité à aider financièrement ses proches est d’autant plus forte que le ménage est propriétaire de son logement. Dépense contrainte, le loyer est en effet un poste majeur du budget des ménages. En Bourgogne-Franche-Comté, les trois quarts des 45-64 ans sont propriétaires contre 70 % en France métropolitaine. Le prix du foncier favorise en effet l’accession à la propriété dans la région. Pour autant, le niveau de vie médian de ces propriétaires est inférieur de 1 000 euros à celui des propriétaires français. A contrario, un ménage sur dix vit en habitation à loyer modéré (HLM), légèrement moins qu’en France métropolitaine.

45-64 ans : des conditions de vie favorables à l’est

À l’est de la région et dans quelques bassins de vie situés à l’ouest comme ceux de Chablis et Alliant-sur-Tholon, la génération « pivot », plus jeune, plus diplômée, plus aisée, plus souvent en emploi et propriétaire de son logement, se trouve dans une situation plutôt favorable pour développer des solidarités familiales (figure 4).

Elle est relativement jeune : la part des moins de 55 ans y est plus élevée et seulement une personne sur cinq est retraitée. La situation familiale des 45-64 ans les expose pourtant à épauler parents et enfants. Dans ces territoires, quatre ménages sur dix vivent avec des enfants. Cette part élevée est en partie liée à la présence de cadres dans ces territoires, ces derniers ayant en général leur premier enfant plus tardivement.

Les diplômés de l’enseignement supérieur, un quart des 45-64 ans, sont surtout implantés dans les bassins de vie situés le long des axes Dijon-Mâcon et Besançon-Lons-le-Saunier. Les non diplômés sont proportionnellement moins présents que dans le reste de la région.

La situation de cette génération face à l’emploi et au revenu est favorable. Dans tous ces bassins de vie, plus des deux tiers des 45-64 ans sont en emploi et leur taux de chômage ne dépasse pas 7,3 %. Il est érieur, de l’ordre de 5 %, dans les bassins de vie de Nuits-Saint-Georges et Givry et plus à l’est, de Saône et Levier. Cette génération peut parfois jouir d’un revenu significativement plus élevé que celui même infde la France métropolitaine : dans les bassins de vie de Saône en périphérie de Besançon, mais aussi de Chablis et Givry qui bénéficient de leur situation viticole ou de Pontarlier dont le niveau de vie est porté par les travailleurs frontaliers.

Dans les bassins de vie favorisés de l’est, le taux de pauvreté ne dépasse pas les 10 %. Pourtant la situation familiale de certains ménages peut s’avérer plus fragile : dans les bassins de vie plus urbains de Dijon et Beaune, un ménage sur dix est une famille monoparentale.

Dans les territoires les plus avantagés, en périphérie de Dijon et de Besançon comme dans ceux situés à l’est de la Saône-et-Loire, les 45-64 ans sont pour 80 % d’entre eux propriétaires de leur logement et la part des personnes occupant un HLM est très faible, de l’ordre de 4 % contre 11 % sur l’ensemble de la région.

En revanche, dans les autres bassins de vie, ils sont moins souvent propriétaires de leur logement, la présence de grandes villes comme Dijon tire le prix de l’immobilier vers le haut mais offre aussi un parc HLM plus fourni : un ménage sur dix vit en HLM, une part proche de la moyenne régionale.

Figure 3Dans une majorité de bassins de vie, le niveau de vie médian des 45-64 ans est inférieur à celui de la France métropolitaine

  • Note de lecture : Dans les bassins de vie de couleur bleu foncé comme celui de Château-Chinon, le niveau de vie des habitants est inférieur de plus de 10 % à celui de la France métropolitaine.
  • Source : Insee, Filosofi 2013

Figure 4Les bassins de vie de l’ouest et de l’extrême nord-est cumulent les facteurs défavorables à la solidarité familiale

  • Note : Neuf variables sont prises en compte dans le scoring des bassins de vie, pour les 45-64 ans : la part dans la population totale du bassin de vie, la part des actifs en emploi, la part des chômeurs, le niveau de vie médian, le taux de pauvreté, l’intensité de la pauvreté, la part de ménages avec enfants au domicile, la part des sans diplôme et la part vivant en HLM.
  • Sources : Insee, recensement de la population 2013, Filosofi 2013

Bassins de vie de l’ouest : des 45-64 ans désavantagés pour soutenir leurs proches

Les conditions de vie des 45-64 ans sont plus difficiles dans les bassins de vie situés à l’ouest de la région et dans la pointe nord-est englobant par exemple les bassins de vie de Montbéliard, Belfort, Saint-Loup-sur-Semouse, Lure ou encore Luxeuil-les-Bains. Dans tous ces territoires, les 45-64 ans, 283 000 habitants, représentent 30 % de la population, contre un quart au niveau régional. Les retraités très présents tirent vers le haut la moyenne d’âge de cette génération.

Plus d’un actif sur dix est au chômage et la part des actifs en emploi est la plus faible de la région. Le niveau de vie médian figure aussi parmi les plus bas, inférieur en moyenne de plus de 5 % à celui de la France métropolitaine. Cet écart atteint 10 % dans les bassins de vie du Morvan, de Digoin et du nord de la Haute-Saône.

Le taux de pauvreté dans ces territoires est élevé pour la région, comparable à celui de la France métropolitaine. Dans certains bassins de vie du centre-ouest comme ceux de Luzy, Corbigny, Moulins-Engilbert ou Château-Chinon, ce taux dépasse même les 20 %.

Dans les bassins de vie de Luzy, Saint-Laurent-en-Grandvaux, Pierre-de-Bresse, Bourbon-Lancy et Les Rousses, la pauvreté est intense (). En effet, les personnes pauvres y vivent avec moins de 8 850 € par an, soit 800 € de moins par an qu’au niveau régional. Cependant la pauvreté n’est pas nécessairement plus intense là où elle est la plus présente. Par exemple, le bassin de vie des Rousses compte peu de personnes pauvres, 7 % contre 14 % au niveau régional, mais la pauvreté y est très intense.

35-54 ans, la génération « pivot » de demain

Dans dix ans, les 35-54 ans d’aujourd’hui constitueront la génération « pivot ». Dans la région, ils sont 729 500, à peine moins nombreux que les 45-64 ans (760 300). Comme eux, ils sont très présents dans les territoires peuplés de l’est de la région et dans les bassins de vie autour de Dijon et Besançon, ainsi que le long de l’axe Dijon-Mâcon et de la frontière suisse.

Composés pour partie d’une population plus jeune, ces ménages ont davantage d’enfants à charge que leurs aînés, dont les enfants ont parfois déjà quitté le domicile familial. Leur niveau d’étude est également plus élevé.

Leur niveau de vie médian, de 19 500 euros par an est inférieur à celui des 45-64 ans, mais l’ancienneté et le départ des enfants de la cellule familiale sont de nature à le faire évoluer. Si le taux de pauvreté qui atteint 15 %, est un peu plus élevé que celui des 45-64 ans, la pauvreté des 35-54 ans est toutefois moins intense et les inégalités moins fortes.

Vu sous l’angle des conditions de vie, la géographie des bassins de vie évolue peu d’une classe d’âge à l’autre. Les territoires dans lesquels les 35-54 ans sont susceptibles de rencontrer des difficultés pour aider leurs proches sont assez similaires à ceux de la génération « pivot ». Toutefois, dans la moitié nord de la région, en particulier dans les bassins de vie de Sens et de Montbéliard, les conditions de vie des 35-54 ans sont moins favorables que celles de leurs aînés pour développer des solidarités familiales. Cela s’explique par une situation plus dégradée vis-à-vis de l’emploi, un revenu médian plus faible et le fait que les familles de ces bassins de vie ont encore souvent des enfants au domicile. En revanche, les conditions de vie des 35-54 ans sont meilleures dans nombre de bassins de vie de la Nièvre.

Définitions

Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage rapporté au nombre d’unités de consommation. Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus du ménage.

Le niveau de vie médian est le niveau de vie au-dessus duquel se situe la moitié de la population, l’autre moitié se situant au-dessous.

Le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes (ou de ménages) dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté.

Le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du niveau de vie médian, selon les conventions européennes. En France métropolitaine, il est estimé à partir de Filosofi à 12 111 euros annuels en 2013.

L’intensité de la pauvreté est un indicateur qui permet d’apprécier à quel point le niveau de vie de la population pauvre est éloigné du seuil de pauvreté. Il représente l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté. Plus cet indicateur est élevé, plus la pauvreté est dite intense au sens où le niveau de vie des plus pauvres est très inférieur au seuil de pauvreté.

La source Filosofi (Fichier Localisé Social et Fiscal) permet de disposer d’indicateurs de niveau de vie, d’inégalité et de pauvreté, à un niveau local infra-départemental. Elle est établie à partir des fichiers de déclaration de revenus fiscaux, de la taxe d’habitation, des personnes physiques et des fichiers des prestations sociales.

Le taux de chômage au niveau local rapporte le nombre de chômeurs à la population active au niveau local (somme des actifs occupés et des chômeurs au lieu de résidence). Il est ici calculé à partir du recensement.

Pour en savoir plus

Portrait de la Bourgogne-Franche-Comté, Insee Dossier Bourgogne-Franche-Comté n°2, avril 2016.