Cadre de vie dans les bassins de vie urbains franciliens : six profils-types de territoires
La qualité de vie comporte une dimension subjective, mais certains de ses aspects, comme les conditions de vie ou de logement, l'accès aux emplois ou aux services collectifs, peuvent s’objectiver pour partie. La spécificité et l’étendue du bassin de vie parisien rendent difficiles des analyses fines en matière de cadre de vie. Une méthodologie a été élaborée afin de le segmenter en 57 zones appelées « bassins de vie urbains ». Dans ces nouveaux territoires, la qualité de vie est approchée selon trois dimensions : la qualité de l'environnement, la dotation en équipements et les transports. À l’aune de cette analyse, six profils de territoires se dégagent.
La « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social » présidée par Joseph Stiglitz préconisait en 2009 de dépasser la seule mesure du Produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de progrès économique et social. Basé sur le volume des échanges de biens et services, le PIB ne peut en effet s’apparenter à une mesure du bien-être collectif. Il ne prend en compte ni le bénévolat ou le travail domestique, ni les inégalités, ni la soutenabilité des modes de vie au regard de l’environnement ou des ressources naturelles non renouvelables.
L’appréciation de la qualité de vie est propre à chaque individu, néanmoins elle peut être objectivée à l’aide de critères portant sur les facilités, opportunités et absences de privations que les territoires procurent à leur population. Ainsi, les conditions de vie, d’emploi, de logement ou les possibilités d’accès aux services peuvent qualifier la qualité de vie collective et constituer des facteurs de développement durable. Ces différents aspects offrent une grille de lecture des territoires à la fois différente et complémentaire de la seule approche par les revenus ou la production.
La nouvelle géographie en « bassins de vie urbains » (Méthodologie du découpage en bassins de vie) qui découpe l’unité urbaine de Paris en 57 bassins de vie urbains permet une analyse du cadre de vie plus pertinente que celle menée à l’échelle des bassins de vie « supracommunaux ». Ces derniers englobent les unités urbaines, même les plus importantes et hétérogènes comme celle de Paris.
L’analyse du cadre de vie dans ces 57 bassins de vie urbains fait apparaître six profils-types de territoires (Méthodologie de la typologie), en fonction de leurs caractéristiques environnementales, de leur niveau d’équipements et de services ainsi que de leur dotation en transports. Ainsi, des zones denses concentriques autour de Paris se distinguent des territoires périphériques formés autour de pôles urbains, situés aux franges de l’agglomération parisienne (figure 1). De même, les territoires aéroportuaires surexposés au bruit se démarquent des autres.
graphiqueCarte 1 – Cadre de vie dans les bassins de vie urbains : six profils-types de territoires
tableauFigure 1 – Cadre de vie dans les bassins de vie urbains : six profils-types de territoires
Profils-types | Population | Surface (en km2) | Densité (en habitants/km2) |
---|---|---|---|
Paris | 2 596 600 | 112 | 23 300 |
La périphérie dense et urbanisée | 3 361 300 | 513 | 6 600 |
Les espaces intermédiaires entre l'urbain et le périurbain | 2 218 200 | 738 | 3 000 |
Les territoires aéroportuaires | 512 100 | 254 | 2 000 |
Les franges d’agglomération relativement bien équipées | 1 670 300 | 1 743 | 1000 |
Les franges d’agglomération moins denses et moins équipées | 344 700 | 606 | 600 |
Ensemble | 10 703 200 | 3 966 | 2 700 |
- Source : Insee, recensement de la population 2012.
Une singularité parisienne
La ville de Paris compte sept bassins de vie urbains qui débordent au-delà de sa frontière administrative. Ces territoires présentent des spécificités telles en matière de densité d’équipements, d’environnement, de desserte en transports collectifs et de taux de motorisation, que l’ensemble des bassins de vie urbains de Paris relèvent d’un seul et même profil-type.
Ces bassins de vie urbains parisiens sont en effet particulièrement bien dotés en équipements et services dans presque tous les domaines (petite enfance, éducation et formation, services commerciaux, sanitaires, culturels et de loisirs ou patrimoniaux), ainsi qu’en transports en commun. De plus, ils offrent la plus grande densité d’aménagements cyclables, ce qui favorise la mobilité à vélo. La marche à pied y occupe une place importante dans les modes de déplacement. Les ménages sans voiture sont majoritaires (six sur dix), tout comme les personnes utilisant les transports en commun pour aller travailler. L’accessibilité aux emplois y est maximale du fait de leur densité sur ce territoire et de la bonne desserte en transports en commun.
En contrepartie, ces territoires, très denses, sont moins pourvus en espaces verts et en jardins collectifs et davantage exposés aux nuisances sonores et aux pollutions. Ils sont très affectés par le bruit (routier et ferré) et la qualité de l’air n’est pas conforme aux valeurs réglementaires dans plus de 90 % des territoires de cette classe. C’est aussi un espace moins bien doté en bibliothèques et en équipements sportifs, notamment en terrains de tennis et terrains de grands jeux et d’athlétisme (figure 2). La densité de population et la rareté du foncier disponible expliquent certainement en partie la faiblesse de la dotation par habitant de ces types d'équipements.
Au sein de cet ensemble parisien, des disparités s’observent toutefois d’un bassin de vie à l’autre. Le centre de Paris s’avère particulièrement bien doté en équipements et services, et le taux de motorisation des ménages n'est que de 30 % contre près de 60 % dans l’ouest parisien, en lien avec la structure urbaine ou la composition sociale de ces bassins de vie. De même, le recours aux transports en commun comme mode de déplacement principal pour se rendre au travail varie de 50 % à plus de 65 % selon que l’on se situe à l’ouest ou à l’est de la capitale.
graphiqueFigure 2 – Un cadre de vie contrasté entre Paris et les espaces plus éloignés
Des caractéristiques atténuées dans la périphérie dense et urbanisée
Constitués de territoires denses et principalement urbanisés, les bassins de vie présentant ce profil-type sont majoritairement situés en petite couronne mais s’étendent aussi sur une partie du Val-d'Oise.
Ces bassins de vie sont dans une situation intermédiaire entre l’hyper-centre parisien et les franges de la métropole. Ils comportent les atouts, mais aussi les facteurs de nuisance de l’hyper-centre, dans des proportions toutefois atténuées. Ils se caractérisent par une dotation élevée en équipements et services (y compris aménagements cyclables), par une desserte fine en transports en commun (la moitié de la population ayant un emploi les utilise pour aller travailler), ainsi que par une bonne accessibilité aux emplois.
Comme au sein de l’ensemble parisien, ces bassins de vie sont relativement exposés aux nuisances environnementales (air et bruit) et sont aussi concernés par la pollution des sols du fait de la présence de nombreux anciens sites industriels.
Néanmoins, ils se distinguent assez nettement des bassins de vie urbains de Paris sur différents points. Tout d’abord, les ménages sont davantage dépendants de leur voiture : le taux de motorisation est proche de 70 %, dans la moyenne régionale. Les équipements structurants (universités, hôpitaux, cinémas par exemple) y sont moins fréquents et les espaces verts plus nombreux.
Enfin, les bassins de vie les plus éloignés de Paris présentent des similitudes avec un troisième profil-type de territoires (cf. paragraphe suivant), notamment en termes de taux de motorisation des ménages, d’accès à l’emploi, de dotation en équipements et services, de pratique du vélo et de la marche à pied, ou encore de qualité environnementale.
Des espaces intermédiaires entre l'urbain et le périurbain
Un troisième ensemble est composé de bassins de vie situés à une vingtaine de kilomètres du centre de Paris, autour de pôles urbanisés tels que Versailles, Créteil et Évry, mais aussi Saint-Quentin-en-Yvelines et Marne-la-Vallée Ouest. La densité de population moyenne (3 000 habitants par km²) y est deux fois moindre que dans les bassins de vie relevant du précédent profil-type.
Les bassins de vie de cet ensemble se définissent comme étant dans une situation intermédiaire entre l’urbain dense et le périurbain ou le rural.
Le niveau de desserte en transports en commun y est relativement fin : 40 % des habitants résident à moins de 800 mètres d’une gare RER ou Transilien. Près de 40 % des actifs de ces bassins de vie utilisent les transports publics pour leurs déplacements domicile-travail, mais la dépendance à l’automobile y est plus forte qu’à Paris ou son pourtour immédiat car la voirie est moins congestionnée, l’offre de stationnement plus importante et l’organisation de la ville globalement plus favorable à l’automobile. Par ailleurs, la configuration radiale des transports ferroviaires en Ile-de-France permet aux habitants de ces bassins de vie de se déplacer vers les grands pôles d’emploi de l’hypercentre francilien, mais plus difficilement d’effectuer des déplacements en rocade ou de proximité. La densité d’aménagements cyclables est très hétérogène d’un bassin à l’autre, très élevée dans les Hauts-de-Seine et dans les Yvelines, beaucoup plus faible ailleurs.
Les dotations en équipements et services sont proches du niveau moyen de l’unité urbaine dans la plupart des domaines, tandis que, sur le plan environnemental, le niveau de nuisances est globalement assez faible et les espaces verts assez présents (Forêt de Verrières, Marly, Sénart, etc.).
Les territoires aéroportuaires
Cet ensemble est composé des bassins de vie urbains contenant ou jouxtant les plates-formes aéroportuaires de Roissy Charles de Gaulle et d’Orly. Il se caractérise donc par une forte surexposition au bruit et en particulier au bruit aérien. Par ailleurs, les territoires agricoles et les jardins collectifs y sont assez bien représentés.
Pour le reste, des similitudes s’observent avec le profil-type précédent en termes d’offre de transports en commun malgré une hétérogénéité de situations entre les bassins de cet ensemble. Ces territoires sont peu peuplés, notamment du fait des contraintes aéroportuaires (plan d’exposition au bruit), et leurs caractéristiques diffèrent sensiblement des autres territoires. Ils se singularisent par de fortes concentrations d’emplois dans les plates-formes aéroportuaires ou aux abords immédiats de ces plates-formes (fret, logistique...), dans des zones généralement bien desservies par les transports collectifs. Ainsi, ces zones d’emploi sont fortement dissociées des zones d’habitation. Le taux de motorisation et l’usage des transports en commun pour aller travailler sont assez hétérogènes au sein de ce groupe. Les aménagements cyclables sont peu développés dans chacun de ces quatre bassins de vie urbains du fait des nombreuses « coupures » urbaines liées aux infrastructures lourdes.
Ces territoires disposent en outre d’une dotation moyenne en termes d’équipements de proximité (médecins de premier recours, commerces, restaurants, bibliothèques, cinémas, sport) mais plus faible s’agissant d’équipements plus structurants (établissements hospitaliers ou universitaires, médecins spécialistes, théâtres ainsi que structures d’accueil régulier pour jeunes enfants).
Les franges d’agglomération relativement bien équipées
Un cinquième ensemble est composé d’une grande partie des bassins de vie urbains situés aux franges de l’agglomération parisienne, où la desserte en transports en commun est moins fine (seulement moins d’un tiers des ménages résident à moins de 800 mètres d’une gare RER ou Transilien) que dans les classes précédentes, et les emplois globalement moins accessibles. Pour autant, l’usage des transports en commun pour aller travailler n’est pas marginal puisqu’il concerne près d’un actif sur trois. Le taux d’équipement des ménages en voitures est élevé : 85 % d’entre eux en possèdent au moins une.
Les dotations en équipements et services sont plus faibles que dans les bassins de vie précédents, sauf pour les bibliothèques/médiathèques et les équipements sportifs de plein air ou les terrains de tennis qui requièrent une plus grande disponibilité foncière. Cependant, les taux d’équipements en offre hospitalière de court séjour, en médecins de premier recours ou en structures d’accueil pour jeunes enfants ne sont que légèrement en deçà de la moyenne de l’unité urbaine.
Ces territoires sont peu exposés aux nuisances et aux pollutions. Ils possèdent également des atouts environnementaux (espaces verts notamment) plus marqués que ceux des précédents ensembles, malgré une diversité de situations.
Les franges d’agglomération moins denses et moins équipées
Un dernier groupe de bassins de vie urbains est composé de territoires localisés à la frontière de l’agglomération parisienne, situés entre différents pôles urbains importants : au nord-ouest, entre Mantes-la-Jolie et les pôles de Meulan-Les Mureaux et de Cergy-Pontoise ; au sud-ouest (autour d’Arpajon), entre Juvisy-sur-Orge et les pôles de Massy, Orsay, Étampes, Dourdan et Évry ; au sud-est, entre Melun, Évry et Fontainebleau ; et enfin, au nord-est, la partie Est de l’ex-ville nouvelle de Marne-la-Vallée.
Cette localisation s’accompagne d’une dotation en équipements et services la plus faible de l’unité urbaine dans tous les domaines, sauf en ce qui concerne les bibliothèques/médiathèques et les cinémas.
Ces territoires sont caractérisés par une plus faible densité de population, un très faible niveau de nuisances (air et bruit) et la présence de nombreux espaces verts. L’offre de transports en commun et l’accessibilité aux emplois y sont plus faibles que dans le reste de l’agglomération.
Sources
Méthodologie du découpage en bassins de vie urbains
En 2002, le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) a confié à l’Insee le pilotage d’un groupe de travail pour qualifier l’espace rural et sa structuration. L’Insee a ainsi construit, en 2004 puis en 2012, un zonage en « bassins de vie » correspondant aux « plus petits territoires sur lesquels les habitants ont accès aux équipements et services courants ». Les contours de ces bassins de vie sont délimités en plusieurs étapes : des communes ou unités urbaines sont définies comme pôles d’équipements et de services autour desquels sont établies, selon des critères de proximité, des zones d’influence. Les unités urbaines, ayant été considérées comme pôles de services, sont posées comme insécables.
Le principal intérêt de ce découpage de 2012 est de décrire les espaces peu densément peuplés, c’est-à-dire les bassins de vie construits autour d’unités urbaines de moins de 50 000 habitants. Pour les zones fortement urbanisées, comme l’unité urbaine de Paris, ce découpage aboutit à des bassins de vie très étendus : ainsi, en Ile-de-France, le bassin de vie parisien s’étend sur 33 % du territoire et abrite 91 % de la population régionale. Il en va de même des autres unités urbaines importantes de France telles que Lyon, Marseille...
Pour distinguer la structuration interne de ces vastes espaces agglomérés, l’Insee a conduit, en 2015, un découpage spécifique sur ces territoires : les « bassins de vie urbains ». Ces derniers sont constitués de la façon suivante : le choix de la maille est le quartier IRIS qui permet de s’affranchir des frontières avec les arrondissements et le périphérique. L’accessibilité aux équipements ne se limite pas à une gamme d’équipements mais à un panier d’usage le plus fréquent. L’accessibilité aux équipements à l’échelle IRIS est rendue possible grâce au distancier METRIC qui permet de calculer des temps et distances théoriques par la route (heures pleines) à l’infracommunal. Les flux ne sont plus à destination unique de l’IRIS le plus proche, mais vers les cinq plus proches (contenant l’ensemble des équipements) avec une pondération dépendant du temps d’accès (plus on s’éloigne et moins les individus ont tendance à s’y rendre). Enfin, la méthodologie retenue pour tenir compte des flux est celle des marches aléatoires. Elle consiste en l’analyse des réseaux en s’appuyant sur la théorie des graphes.
Méthodologie de la typologie
La classification relative au cadre de vie des bassins de vie urbains a été réalisée à partir d’une analyse en composante principale (ACP) selon trois principales dimensions : environnement, équipement, transports. Les indicateurs retenus sont les suivants :
- environnement : les parts des surfaces concernées par la pollution de l’air, la pollution des sols, le bruit, la surface occupée par les espaces verts et boisés ouverts au public, la végétation et la présence de jardins collectifs ;
- équipement : les taux d’équipements en structures de petite enfance, d’enseignement supérieur, commerciales (hypermarchés et commerces de proximité), sportives (piscines et autres équipements sportifs courants), culturelles (théâtres, cinémas), sanitaires (hôpitaux de court séjour, densités médicales - généralistes et médecins de premiers recours, autres spécialistes libéraux) ;
- transport : le taux des ménages non équipés en voiture, la part de la population résidant à moins de 800 mètres d’une gare RER ou Transilien ou à moins de 600 mètres d'une station de métro, la part de la population du bassin de vie urbain ayant une accessibilité aux emplois au moins égale à l’accessibilité médiane pour les Franciliens en 40 minutes, la part d’aménagement cyclable par linéaire de la voirie, la part des actifs se rendant au travail en transports en commun.
Ces variables sont explicitées sur le site insee.fr (données complémentaires).
Cette ACP a permis de repérer les variables qui différencient fortement les territoires. Ensuite, une classification hiérarchique sur les axes retenus à partir de l’ACP a permis de regrouper les territoires en six classes homogènes correspondant à autant de profils-types.
Pour en savoir plus
Drieux S., Martinez C., Roger S., Trigano L., Virot P., « Un nouveau regard sur la métropole parisienne à travers la qualité de vie », Insee Analyses Ile-de-France n° 21, juillet 2015.
Bertrand J., Dugue R., « Ouvrir dans un nouvel ongletLe nouveau découpage morphologique. Note aux utilisateurs », IAU îdF, 2007.